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17.11.2025 à 12:24

Mauvaises vibrations : la nouvelle norme sur les vibrations mécaniques est-elle à la hauteur ?

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Principale cause de blessure au travail en Suède, les lésions dues à l'exposition régulière aux vibrations mécaniques toucheraient des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs dans le monde, alors que personne ou presque n'en parle.
Ces lésions dues aux vibrations transmises aux mains et aux bras (également connues comme syndrome vibratoire mains-bras ou HAVS, selon l'acronyme anglais) résultent généralement d'une exposition prolongée aux vibrations produites par le type (…)

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Texte intégral (2284 mots)

Principale cause de blessure au travail en Suède, les lésions dues à l'exposition régulière aux vibrations mécaniques toucheraient des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs dans le monde, alors que personne ou presque n'en parle.

Ces lésions dues aux vibrations transmises aux mains et aux bras (également connues comme syndrome vibratoire mains-bras ou HAVS, selon l'acronyme anglais) résultent généralement d'une exposition prolongée aux vibrations produites par le type de machines-outils portatives (meuleuses, pilonneuses, scies rotatives, clés à chocs et perforateurs, pour n'en citer que quelques-unes) utilisées par les travailleurs dans des secteurs tels que la construction, l'industrie manufacturière, l'industrie de la pierre et la sylviculture.

« On voit des jeunes d'à peine 19 ans qui souffrent de séquelles à vie en raison de l'utilisation de ces machines », déplore Johan Torstensson Aas, coordinateur santé et sécurité pour Byggnads, un syndicat suédois représentant plus de 100.000 travailleurs de la construction.

Les types de lésions et de maladies causées par le syndrome HAVS affectent les mains, les poignets et les bras, ce qui a un impact à la fois sur la capacité d'une personne à accomplir son travail et à effectuer des tâches quotidiennes simples.

La lésion professionnelle la plus courante est un trouble communément désigné comme « doigt blanc dû aux vibrations ». Il s'agit d'une variante du phénomène de Raynaud dans lequel l'utilisation d'outils à main vibrants endommage de manière permanente les vaisseaux sanguins, les nerfs et les muscles, entraînant un blanchiment des doigts, ainsi qu'une diminution de la force de préhension et de la dextérité des doigts. D'autres symptômes incluent le syndrome du canal carpien et le syndrome de Dupuytren, également appelé « maladie des Vikings », qui se caractérise par la formation de bosses dans la paume de la main, entraînant une déformation progressive d'un ou plusieurs doigts vers la paume.

Après des années de discussions et des décennies de recherche et de sensibilisation sur ce sujet, qui ont abouti, en 2023, à la 15e Conférence internationale sur les vibrations main-bras à Nancy, en France, où les participants ont discuté de la manière d'évaluer les chocs mécaniques transmis à la main (en anglais « hand transmitted mechanical shock » ou HTS) et les vibrations à haute fréquence (également appelées « ultra-vibrations » ou UV), une nouvelle norme visant à protéger les travailleurs contre ces traumatismes fait actuellement l'objet d'un vote final. La norme qui en résultera devrait être rendue publique d'ici janvier 2026.

La norme ISO 5349-3, parfois désignée sous la référence 5349 Partie 3 ou sous son titre complet Vibrations mécaniques – Mesurage et évaluation de l'exposition des individus aux vibrations transmises à la main – Partie 3 : Évaluation de chocs isolés ou répétés en utilisant la gamme de fréquences couverte par l'ISO 5349-1, est un addendum à l'ISO 5349-1, qui a été publiée pour la première fois en 1986 avant d'être mise à jour en 2001. La norme ISO 5349-1 décrit les critères généraux pour mesurer les vibrations en vue de l'évaluation du risque de HAVS, mais elle n'inclut pas les chocs. La norme ISO 5349-3 prévoit pour la première fois de mesurer les fréquences de vibration jusqu'à 1250 Hz ainsi que les HTS (il convient toutefois de noter qu'il n'existe aucune recommandation sur ce qui constitue un niveau de choc sûr, dans la mesure où ce niveau n'a jamais été mesuré auparavant).

Le chercheur suédois Hans Lindell est une éminence mondiale en matière d'impact de l'exposition humaine aux vibrations et aux chocs transmis par la main, ayant travaillé sur cette question pendant plus de 35 ans. Entre 2014 et 2024, il a dirigé le projet de recherche pionnier « Zero-Vibrations Related Injuries », qui visait à éliminer toutes les blessures liées aux vibrations sur le lieu de travail. Aujourd'hui, il poursuit ses recherches dans le cadre du Research Institute of Sweden (RISE), tout en animant le Comité technique de l'ISO (ISO/TC 108/SC 4/WG 3) chargé d'élaborer cette nouvelle norme. Selon lui, le nouveau Réglement européen sur les machines, qui remplacera la directive européenne existante sur les machines et deviendra une loi nationale dans les 27 États membres de l'UE le 20 janvier 2027, a donné l'impulsion nécessaire à l'élaboration de la norme ISO 5349-3.

« La norme actuelle, ISO 5349 Partie 1, ne prend pas en compte les risques liés aux pics d'accélération », explique M. Lindell. Ces risques sont toutefois pris en compte dans le nouveau Règlement sur les machines, qui impose aux fabricants et aux fournisseurs de machines de déclarer l'amplitude maximale de l'accélération résultant de vibrations répétitives. La norme ISO 5349-1 est une norme harmonisée, ce qui signifie qu'elle soutient le Règlement sur les machines en établissant une présomption de conformité. La norme a toutefois dû être mise à jour afin d'être conforme au nouveau Règlement.

Mais voilà où les choses se compliquent. « D'une part, cette nouvelle norme est une excellente initiative », signale M. Lindell. « Il est enfin reconnu que les accélérations maximales, les chocs et les vibrations impulsives ont un impact sur la santé des opérateurs de machines. »

Cependant, la nouvelle norme ne tient pas compte des chocs à haute fréquence supérieurs à 1.250 Hz, qui, selon M. Lindell, constituent la grande majorité des chocs et sont de loin les plus dangereux. Il explique qu'étant donné le délai de 42 mois accordé entre l'adoption du nouveau Règlement sur les machines en 2023 et son entrée en vigueur en 2027, l'industrie des outils électriques ne considérait pas être en mesure de mettre à jour ses produits ou ses équipements de mesure suffisamment rapidement si des valeurs plus basses étaient fixées. Un compromis a donc été trouvé. « Par conséquent, cette nouvelle norme [Partie 3] ne couvrira qu'environ 5 % des vibrations [de choc] qu'elle visait à prévenir. Ce qui est évidemment problématique. »

En réponse à cela, M. Lindell et son Comité technique ISO planchent actuellement sur une nouvelle norme, ISO 5349 Partie 4, qui vise à mesurer les ultra-vibrations jusqu'à 10.000 Hz, couvrant ainsi la majeure partie des vibrations de choc. « La norme ISO 5349-4 présente l'avantage d'être très moderne, car nous ne devrons plus nous appuyer sur une norme de mesure/équipement [ISO 8041 sur la réponse humaine aux vibrations] qui remonte à près de 40 ans et qui est vraiment obsolète. » Cependant, « cela nécessitera la mise à niveau de tous les systèmes de mesure actuellement présents sur le marché », explique Torstensson Aas. « C'est ce qui fait actuellement l'objet de discussions et c'est à ce niveau que nous devons exercer une pression [sur l'industrie] ».

Un problème subsiste toutefois, voire plusieurs. « Alors que les fabricants doivent désormais indiquer la valeur moyenne de l'amplitude maximale dans le mode d'emploi de leurs produits, aucune limite n'est encore fixée quant à l'intensité des vibrations d'une machine », explique Torstensson Aas, qui note qu'il existe :

« des machines si puissantes qu'une personne ne peut les manipuler que pendant 30 secondes, sans que cela ne pose de problème en termes de leur commercialisation. Comment est-ce possible ? Même si on respecte les règles, des travailleurs continueront à se blesser. »

Il y a également la question de l'accès des travailleurs et des employeurs aux règles mêmes qui sont censées garantir la santé et la sécurité des opérateurs de machines. « On ne peut pas s'assurer que les normes sont respectées si les gens n'y ont pas accès », explique le syndicaliste suédois, faisant référence au fait que les normes sont des documents élaborés en privé et protégés par le droit d'auteur, et qui doivent être achetés. Bien qu'un récent arrêt de la Cour européenne de justice ait statué que le grand public devait avoir librement accès aux normes harmonisées, « cela reste compliqué. Il faut déposer une demande, et même dans ce cas, l'accès est limité à la lecture seule. Il est essentiel que l'accès aux normes soit libre et ouvert », affirme Torstensson Aas.

Tout ceci soulève la question : pourquoi les fabricants sont-ils autorisés à lancer des produits aussi dangereux sur le marché ? Bien que le guide officiel pour l'application de la directive machines stipule que les fabricants doivent « concevoir et mettre en œuvre des mesures visant à réduire la génération de vibrations à la source », les mesures prises sont loin d'être suffisantes, selon les défenseurs de la santé et de la sécurité au travail. Et ce, malgré le fait que le projet Zero Vibration ait développé plusieurs prototypes d'outils à faibles vibrations et d'accessoires anti-vibrations pour les machines existantes. Parmi les exemples, on peut citer un amortisseur de vibrations à calibrage automatique (ATVA) pour les marteaux pneumatiques, l'insertion d'une bague d'équilibrage à roulement à billes pour réduire les vibrations sur les machines rotatives, ou encore l'application d'une fine couche de mousse polymère sur les machines existantes.

Toutes ces solutions sont peu coûteuses – l'option à roulement à billes revient à environ 1 € par unité une fois produite à grande échelle – et ont eu un impact considérable sur les vibrations : il a été démontré que le revêtement en polymère réduisait jusqu'à 80 % les pics d'accélération des vibrations à haute fréquence. Pourtant, dans l'ensemble, les fabricants n'utilisent toujours pas ces options.

« Les effets néfastes des vibrations sont largement connus, mais même lorsque les coûts sont faibles, le fait est que les personnes qui achètent ces outils ne sont pas celles qui les utilisent, de sorte que très souvent, elles optent simplement pour le prix le plus bas », explique M. Lindell. Ce qui a pour conséquence, toujours selon M. Lindell, que le marché des machines à faibles vibrations est peu développé et que les incitations pour les fabricants à réduire les vibrations sont limitées. M. Torstensson Aas partage cet avis : «

Les fabricants de ces machines répondent à la demande des clients. Si personne ne demande des machines à faibles vibrations ou des mesures de réduction des vibrations et qu'aucune réglementation ne les y oblige, les fabricants ne se donneront pas la peine de le faire. »

Cela revient en somme à transférer « la responsabilité de protéger les travailleurs aux travailleurs et aux employeurs, ce qui est une tâche impossible dans la plupart des lieux de travail », explique M. Lindell.

Il évoque aussi un autre obstacle : « Ces blessures touchent une catégorie de travailleurs dont la voix n'est peut-être pas très entendue. Si ce type de blessures touchait des cols blancs, nous ne serions certainement pas dans cette situation », affirme-t-il, établissant un parallèle avec les efforts considérables déployés en Suède il y a quelques années pour protéger les travailleurs sensibles aux champs électromagnétiques émis par les appareils électroniques.

« Bien qu'il n'existe aucune preuve médicale réelle à ce sujet, par pure précaution, les employeurs et l'industrie ont déployé des efforts considérables pour réduire ces émissions électriques provenant des écrans d'ordinateur. Si l'on compare cela à ce qui est fait aujourd'hui pour les lésions dues aux vibrations, le contraste est frappant. En effet, malgré des preuves médicales abondantes depuis plus de 100 ans, très peu de mesures ont été prises. »

Pour Torstensson Aas, il est urgent et essentiel d'introduire des limites strictes sur les vibrations des machines, mais aussi sur le niveau d'UV. « Ce que je ne comprends vraiment pas, et c'est peut-être la plus grande faille des normes et des règles, c'est comment est-il possible de commercialiser un produit dangereux, susceptible de rendre les gens malades et de les blesser à vie, alors qu'il existe d'autres options ? Nous avons des limites sur le bruit, la vitesse, les émissions dans l'atmosphère, alors pourquoi n'y a-t-il pas de limites concernant les vibrations de ce type d'outils ? Pourquoi existe-t-il deux produits qui font exactement la même chose, mais dont l'un peut être utilisé pendant huit heures sans causer de blessures et l'autre seulement pendant 15 minutes en raison de la puissance de ses vibrations ? Les fabricants devraient être tenus de respecter des limites claires afin de garantir la santé et la sécurité des travailleurs », insiste le syndicaliste suédois.

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