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25.11.2025 à 14:43
Ce n'est qu'en 2017, lorsque Rachel Parker a eu 25 ans, qu'elle a finalement reçu un diagnostic d'autisme. Bien qu'elle ait réussi à obtenir un diplôme de premier ordre en Sciences de l'environnement, elle a eu du mal à trouver un emploi stable, et tous les postes qu'elle a réussi à décrocher étaient de premier échelon et mal rémunérés.
Comme elle a toujours aimé la pâtisserie et qu'elle avait vraiment besoin de trouver un emploi stable, Mme Parker a finalement décidé, en 2022, de créer sa (…)
Ce n'est qu'en 2017, lorsque Rachel Parker a eu 25 ans, qu'elle a finalement reçu un diagnostic d'autisme. Bien qu'elle ait réussi à obtenir un diplôme de premier ordre en Sciences de l'environnement, elle a eu du mal à trouver un emploi stable, et tous les postes qu'elle a réussi à décrocher étaient de premier échelon et mal rémunérés.
Comme elle a toujours aimé la pâtisserie et qu'elle avait vraiment besoin de trouver un emploi stable, Mme Parker a finalement décidé, en 2022, de créer sa propre boulangerie « sans gluten », dans le comté des Scottish Borders, par l'intermédiaire d'une entreprise sociale qui aide les personnes neurodivergentes à trouver un emploi valorisant.
Cette décision a marqué une étape importante pour Rachel. Cependant, après avoir lu des articles sur l'écart de rémunération lié à l'autisme, elle s'est rendu compte que, même en étant la fondatrice et la directrice générale de la boulangerie, elle gagnait toujours moins que ses collègues. Bien que ses bailleurs de fonds se soient montrés compréhensifs et que ses horaires aient été réduits pour aligner son taux horaire sur celui des autres travailleurs, cette expérience lui a permis de prendre conscience des inégalités auxquelles se heurtent les personnes en situation de handicap, alors même que, comble de l'ironie, elle avait créé son entreprise pour justement contribuer à les éliminer.
« Une grande partie de la solution réside dans la sensibilisation à l'écart de rémunération des personnes en situation de handicap », explique-t-elle à Equal Times.
Elle fait partie des 16,1 millions de personnes vivant avec un handicap au Royaume-Uni, et son histoire personnelle reflète un problème plus large. Comme le montre la dernière enquête du Trades Union Congress (TUC) au Royaume-Uni, les travailleurs en situation de handicap restent en marge de l'économie, l'écart de rémunération entre eux et les travailleurs non handicapés s'élevant à 2,24 livres sterling de l'heure (2,54 euros), soit 15,5 %. Cela signifie que les personnes handicapées gagnent chaque année, en moyenne, près de 4.000 livres sterling (4.549 euros) de moins que les travailleurs non handicapés.
Le TUC, qui documente dans un rapport annuel publié depuis 2018 les disparités en matière de rémunération et d'emploi auxquelles les personnes handicapées sont confrontées, a en outre révélé un écart de rémunération encore plus important chez les femmes. Le rapport montre, en effet, que les hommes non handicapés gagnent en moyenne plus d'un quart (27,3 %) de plus que les femmes handicapées.
Des études antérieures menées par le TUC montrent également que le niveau de désavantage sur le lieu de travail subi par les personnes en situation de handicap varie en fonction du type ou de la gravité du handicap. Dans l'ensemble, toutefois, les travailleurs handicapés connaissent des taux de chômage plus élevés et sont plus susceptibles de se retrouver dans des emplois précaires avec des contrats zéro heure.
Cela fait 30 ans que la discrimination à l'encontre d'une personne pour cause de handicap est illégale au Royaume-Uni, depuis l'adoption de la loi sur la discrimination à l'égard des personnes handicapées (Disability Discrimination Act – DDA) en 1995, remplacée, en 2010, par la loi sur l'égalité (Equality Act). Les réalités vécues par la plupart des personnes handicapées sont, toutefois, loin d'être égales.
« Le fossé est énorme », explique à Equal Times le responsable politique du TUC, Quinn Roache. « Il s'est en fait creusé depuis que nous avons commencé à collecter des données en 2013, ce qui montre que les gouvernements précédents n'ont pas réussi à mettre en œuvre des changements significatifs. »
Il a rappelé que l'une des principales revendications a été d'inscrire dans la législation la communication d'informations sur les écarts salariaux liés au handicap, et que l'actuel gouvernement travailliste prend actuellement des mesures en ce sens.
« Cette année, l'écart de rémunération que connaissent les travailleurs handicapés équivaut à 49 jours de travail gratuit. Ce que nous disons [au gouvernement], c'est que “nous sommes très heureux que vous ayez légiféré sur la communication d'informations sur les écarts salariaux liés au handicap et mis en place des plans d'action significatifs, mais il est impératif que vous mettiez en œuvre cette législation et que vous le fassiez rapidement” », a ajouté M. Roache.
« De fait, la communication sur les salaires ne suffira pas, à elle seule, à combler l'écart ; pour en venir à bout, il faudra que la communication s'accompagne de plans d'action. »
Le rapport souligne en outre que le projet de loi phare du gouvernement sur les droits en matière d'emploi (Employment Rights Bill) interdira les contrats zéro heure. Il s'agit d'une mesure importante pour améliorer la vie de nombreux travailleurs en situation de handicap, dont on estime qu'ils doivent dépenser 1.095 livres sterling (1.245 euros) de plus par mois pour avoir le même niveau de vie que les ménages non handicapés (en raison de factures de gaz et d'électricité plus élevées et de frais d'adaptation de leur logement, entre autres coûts), selon une étude menée par l'organisation caritative britannique Scope, spécialisée dans le handicap. Le Premier ministre britannique Keir Starmer a présenté ce projet de loi comme « la plus grande amélioration des droits des travailleurs depuis une génération ».
Le nouveau rapport du TUC insiste également sur l'urgence pour le gouvernement de procéder à une réforme du programme Access to Work (une subvention gouvernementale destinée à aider les personnes en situation de handicap ou souffrant de problèmes de santé à commencer ou à conserver un emploi rémunéré), afin que les employeurs puissent procéder à des ajustements raisonnables dans les meilleurs délais. Les travailleurs handicapés peuvent être contraints de quitter leur emploi parce que leur employeur n'a pas reçu les subventions nécessaires pour procéder aux ajustements requis sur leur lieu de travail. Des retards records font que des personnes attendent depuis des mois une aide qui leur permettrait de conserver ou de commencer un emploi, certaines se voyant même retirer leur offre d'emploi.
Le 15 octobre 2025, le collectif Access to Work s'est associé au député libéral démocrate Steve Darling et à la députée du Green Party Carla Denyer pour remettre une lettre ouverte portant plus de 17.000 signatures au bureau du Premier ministre, exhortant le gouvernement à procéder à une réforme du programme Access to Work afin d'éviter que les personnes handicapées ne soient forcées de quitter leur emploi en raison de délais trop longs et de coupes budgétaires.
« Le programme pour l'accès à l'emploi devrait être l'expérience de tous, et non l'exception », a déclaré Shani Dhanda, spécialiste de l'accessibilité et de l'inclusion, fondatrice du collectif Access to Work.
Lorsqu'elle avait une vingtaine d'années, Mme Dhanda, qui vit avec une ostéogenèse imparfaite (aussi appelée « maladie des os de verre »), a évité de demander des adaptations à son premier employeur, parce qu'elle avait eu beaucoup de mal à trouver un emploi. Elle craignait que toute demande, aussi raisonnable soit-elle, ne « fasse des vagues ». Grâce au programme Access to Work, elle a pu obtenir une chaise de bureau, un repose-pieds et un clavier adaptés. Aujourd'hui, elle consacre une grande partie de son énergie à aider d'autres personnes handicapées confrontées à des difficultés, telles que des retards de paiement ou la suppression soudaine de leurs aides.
« L'écart de rémunération lié au handicap n'est pas qu'une question de salaire », explique Mme Dhanda à Equal Times. « Il reflète les obstacles plus larges auxquels se heurtent les personnes handicapées tout au long de leur vie professionnelle. Si vous ne pouvez pas obtenir les ajustements ou l'aide dont vous avez besoin, vous êtes plus susceptible de vous retrouver à des postes moins bien rémunérés, de manquer des possibilités de promotion ou de vous voir complètement exclu du marché du travail. »
Le mouvement syndical base son travail dans ce domaine sur le modèle social du handicap, qui pose comme principe que ce sont les lieux de travail et les sociétés qui doivent être modifiés et adaptés, et non les personnes. Comme le premier rapport du TUC sur le handicap et l'emploi l'indiquait en 2018 : « Un travailleur ayant une déficience ne devient handicapé que sous le coup de barrières sociétales artificielles créées par l'environnement, l'attitude des gens et les lieux de travail. »
Or, les personnes en situation de handicap continuent d'être exclues du marché du travail. En 2024, l'Organisation internationale du travail (OIT) a publié un document de travail qui soulignait le fait que les personnes handicapées ont moins de chances de faire partie du marché du travail et elles ont tendance à gagner moins lorsqu'elles en font partie. Selon le même rapport, les personnes handicapées peuvent s'orienter vers le travail indépendant en raison de la plus grande flexibilité potentielle qu'il offre en termes d'horaires de travail, d'accès aux équipements de travail et d'évitement de la discrimination.
« Les personnes handicapées sont souvent surqualifiées pour les emplois qu'elles occupent et ont tendance à entrer sur le marché du travail au bas de la pyramide, où elles peuvent rester indéfiniment », explique Stefan Trömel, spécialiste principal des questions de handicap à l'OIT. « Les attitudes négatives et l'absence d'aménagements raisonnables constituent des obstacles majeurs. » Alors qu'un peu moins de 30 % des personnes handicapées sont actives sur le marché du travail au niveau mondial, M. Trömel souligne qu'il est important de communiquer des informations sur les écarts salariaux liés au handicap, pour mettre en évidence les préjugés et déclencher des plans d'action visant à réduire cette iniquité.
Sevane Ananian, économiste principal auprès de l'OIT et co-auteur du document de travail susmentionné, A study on the employment and wage outcomes of people with disabilities, (Étude sur les résultats en matière d'emploi et de salaire des personnes handicapées) explique : « L'analyse portant sur 30 pays a révélé que les employés handicapés gagnent 12 % de moins par heure en moyenne que leurs homologues non handicapés. Si des facteurs tels que l'âge, la catégorie professionnelle et la formation peuvent expliquer environ un quart de l'écart de rémunération, trois quarts restent inexpliqués. »
Cet écart inexpliqué met en évidence des problèmes systémiques, notamment la discrimination et les obstacles structurels, selon M. Ananian, qui souligne que « le décalage entre les capacités des travailleurs handicapés et les exigences de l'emploi se traduit souvent par un salaire inférieur ou par le sous-emploi ».
En juillet, le parlement britannique a fait progresser de justesse un projet de loi controversé qui, s'il est adopté, limitera l'accès à certaines prestations sociales. Cette mesure augmenterait les conditions d'accès aux prestations de handicap. Liz Kendall, ministre du Travail et des Pensions jusqu'en septembre 2025, a déclaré dans son discours aux députés lors de la discussion des réformes en mars dernier, que « des millions de personnes qui pourraient travailler sont piégées par les allocations – privées du revenu, de l'espoir, de la dignité et du respect que l'on sait qu'un bon travail apporte ».
Cependant, les groupes de défense des droits des personnes handicapées avertissent que le projet de loi pourrait entraîner de graves difficultés pour les personnes concernées, allant jusqu'au sans-abrisme.
« Si certaines personnes handicapées qui travaillent ont toujours accès aux prestations, la majorité d'entre elles n'en reçoivent aucune ou vivent dans des pays où les prestations sont jugées incompatibles avec l'emploi. Les personnes handicapées doivent faire face à des coûts supplémentaires liés à leur condition, et ces coûts devraient être couverts par le gouvernement, que la personne soit ou non employée », insiste M. Trömel.
Dans le monde entier, les personnes en situation de handicap sont protégées par la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en décembre 2006 et largement reconnue comme « le premier traité mondial en matière de droits humains du 21e siècle ». Cependant, de nombreux pays ne parviennent pas à mettre pleinement en œuvre les obligations qui y sont énoncées.
Carlos Ríos Espinosa, directeur adjoint de la division droits des personnes handicapées chez Human Rights Watch, a écrit un article en avril 2025 dans lequel il dénonce « l'échec systémique » du Brésil à soutenir les personnes handicapées, en particulier lorsqu'il s'agit de leur droit à vivre de manière indépendante. Il a évoqué la mort tragique de Leonardo Barcello, défenseur des droits des personnes handicapées atteint de dystrophie musculaire et décédé en février dernier, à l'âge de 32 ans, des suites d'une asphyxie consécutive à une panne d'électricité qui a mis hors service son appareil respiratoire.
« Le Brésil a besoin de toute urgence d'un plan de désinstitutionnalisation et d'un soutien communautaire pour garantir que les personnes handicapées vivent dans la dignité et la sécurité », écrit M. Ríos Espinosa.
Au Brésil, où plus de 18 millions de personnes, soit 9 % de la population, sont en situation de handicap, les revenus de ces personnes sont inférieurs de 30 % à ceux des personnes sans handicap. Selon les données les plus récentes de l'Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), le taux d'activité des personnes handicapées en 2019 était de 28,3 %, contre 66,3 % pour les personnes non handicapées. En d'autres termes, sept personnes handicapées sur dix à la recherche d'un emploi sont exclues du marché du travail. Le salaire mensuel moyen des travailleurs en situation de handicap s'élevait à 1.639 R$ (environ 305 USD), tandis que les travailleurs non handicapés gagnaient en moyenne 2.619 R$ (environ 490 USD).
Au Canada, des statistiques récentes montrent qu'environ 1,5 million de personnes vivant avec un handicap se trouvent en dessous du seuil de pauvreté, et les chiffres sont pires pour les femmes. Bilan Arte, conseillère nationale en droits de la personne au Congrès du travail du Canada (CTC), la principale centrale syndicale du pays, a expliqué lors d'un entretien avec Equal Times que la Prestation canadienne pour les personnes handicapées (PCPH), introduite cet été, représente « une étape cruciale », car elle fournit une aide financière directe à 1,6 million de personnes handicapées vivant actuellement dans la pauvreté.
Elle relève toutefois que le CTC est préoccupé par le paiement de base mensuel de 200 dollars canadiens (environ 142 USD) et qu'il s'est joint aux défenseurs de la justice pour les personnes handicapées à travers le pays pour réclamer une augmentation de ce montant. Ils demandent également que les personnes déjà éligibles à d'autres prestations de handicap soient automatiquement inscrites et que le PCPH soit un complément à d'autres programmes d'aide au revenu et aux personnes handicapées.
« La PCPH représente une opportunité vitale de réduire la pauvreté, de faire progresser l'équité et de défendre la dignité de millions de personnes handicapées au Canada. Cependant, elle n'est pas encore en mesure d'apporter des changements réels pour les personnes handicapées au Canada », a confié Mme Arte à Equal Times.
Au Royaume-Uni, Quinn Roache, du TUC, espère que la nouvelle législation du gouvernement permettra de combler progressivement l'écart de rémunération et d'éviter que les personnes handicapées ne sombrent dans la pauvreté.
« Cela fait trente ans que la législation sur les ajustements raisonnables est en place, mais force est de constater que les employeurs tardent à procéder aux ajustements nécessaires. Cela fait longtemps qu'il y a très peu de progrès, cependant une lueur d'espoir apparaît avec les engagements actuels du gouvernement », conclut M. Roache.
Rachel Parker, qui apporte aujourd'hui son soutien aux personnes neurodiverses par l'intermédiaire de sa boulangerie sans gluten, a souligné l'importance d'une mise en œuvre efficace du programme Access to Work.
« Si le programme d'accès à l'emploi était mis en œuvre et subventionné correctement, il permettrait également de réduire durablement le fossé de l'emploi des personnes handicapées, tant salariées qu'indépendantes », a-t-elle déclaré. « Pour atténuer les effets du handicap d'un employé sur le lieu de travail, nous avons besoin d'un soutien significatif et concret. »