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01.10.2023 à 19:23

Jérôme Latta : « Il n’y a pas de débat politique sur les évolutions du foot »

Nicolas Guillermin

Cofondateur et rédacteur en chef des Cahiers du football, un site Internet devenu aussi un mensuel et une revue, Jérôme Latta a assisté à la brutale transformation économique du ballon rond. Dans Ce que le football est devenu – Trois décennies de révolution libérale (Éditions Divergences, 200 pages, 15 euros), un ouvrage très rigoureux et documenté, … Continued
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Texte intégral (2265 mots)

Cofondateur et rédacteur en chef des Cahiers du football, un site Internet devenu aussi un mensuel et une revue, Jérôme Latta a assisté à la brutale transformation économique du ballon rond. Dans Ce que le football est devenu – Trois décennies de révolution libérale (Éditions Divergences, 200 pages, 15 euros), un ouvrage très rigoureux et documenté, il décrypte les mécanismes inégalitaires qui ont permis cette métamorphose.

Le péché originel, c’est la télévision ?

Au tournant des années 1990, le football professionnel a connu une croissance économique phénoménale avec les droits télé. Avant, les clubs tiraient leurs revenus de la billetterie et d’un sponsoring encore embryonnaire, il y avait peu de possibilités de fabriquer des inégalités. Le football n’était pas un produit télévisuel, les clubs avaient peur que la télé vide les stades. Quand les droits télé sont devenus substantiels, ils ont compris que non seulement ça ne les vidait pas, mais que cela créait un intérêt médiatique servant le développement du football. Il s’est alors posé la question de la redistribution de ressources générées collectivement…

La première étape a été de redistribuer selon le mérite sportif, calculé sur le classement de la saison précédente, ce qui, déjà, favorisait les gros clubs, qui avaient plus de chances de figurer en tête. Et donc l’écart ne pouvait que s’agrandir… Mais c’est surtout l’adoption du système de répartition des joueurs, délibérément inégalitaire et particulièrement perfectionné par la Ligue des champions, qui a généré ensuite une formidable machine à produire des inégalités.

On évoque toujours l’arrêt Bosman en 1995 comme le basculement du football dans le néolibéralisme. Pour vous, cela se situe trois ans plus tôt…

Sous l’effet de la création d’un marché des droits télé considérable, l’année 1992 voit la création de deux nouvelles compétitions : la Ligue des champions et la Premier League, créée par une élite autoproclamée de clubs qui fait sécession de la pyramide du foot anglais en se détachant de la tutelle de la Fédération.

En créant une société commerciale, qui gère l’élite professionnelle anglaise et « markète » un produit très séduisant, avec le soutien du milliardaire Rupert Murdoch, qui va le diffuser sur sa chaîne Sky TV, tout est réuni pour donner une impulsion considérable au foot anglais, qui va servir de modèle et exercer une suprématie économique jusqu’à aujourd’hui.

En France, Jean-Michel Aulas, propriétaire de l’Olympique Lyonnais, a beaucoup agi aussi pour instituer une élite…

C’est un militant important de la libéralisation du football. Il a beaucoup proclamé son mantra : « Les clubs sont des entreprises comme les autres. » Et en adoptant des statuts juridiques d’entreprises comme les autres, des barrières sont tombées et ont permis la financiarisation du foot et le contrôle, aujourd’hui, de clubs par des fonds d’investissement ou des fonds souverains, qui poursuivent des buts géopolitiques étrangers au football.

Le paradoxe, c’est que Jean-Michel Aulas a été débordé par l’idéologie qu’il a défendue : à l’arrivée de ces fonds, son Olympique Lyonnais, qu’il voyait intégrer l’élite européenne, a été complètement dépassé et relégué dans cette 2e division européenne qui condamne les clubs notamment à être des fournisseurs de joueurs et à rester à l’étage inférieur…

La Ligue des champions, formatée pour l’élite, a encore un peu plus aggravé l’écart …

Un club issu d’un gros marché de droits télé – les pays avec une population importante et une concurrence entre diffuseurs payants – recevait ainsi, à performance égale (une demi-finale par exemple), deux à trois fois plus que les clubs de pays plus petits (Pays-Bas, Portugal…). C’est scandaleux et antisportif. Et plus les années ont passé, plus les parcours sportifs se sont alignés sur la hiérarchie du Market Pool…

Les grands clubs ont cherché à réduire l’aléa sportif ?

Un investisseur, c’est inévitable, cherche toujours à réduire le risque économique. Or, c’est totalement contradictoire avec le principe de la compétition sportive, qui doit ménager de l’incertitude à la base pour être intéressante. Des mécanismes artificiels ont accentué les écarts de richesse jusqu’à ce qu’ils deviennent rédhibitoires et qu’on constate une corrélation étroite entre puissance financière et résultats sportifs. En quart ou en demi-finale de Ligue des champions, on retrouve pratiquement tout le temps les quatre pays européens les plus puissants (Angleterre, Allemagne, Espagne et Italie), qui ont trusté la compétition.

Aucun de ces bouleversements n’a provoqué une résistance de la part des médias sportifs ou des pouvoirs publics…

Normalement, en premier lieu, l’UEFA et la Fifa auraient dû intervenir mais, comme les médias sportifs, les confédérations et organisations sportives ont trouvé un intérêt économique dans la croissance du football. Elles se sont enrichies et n’ont pas voulu voir au-delà. Il y a eu aussi une passivité des pouvoirs publics. C’est le problème : on n’arrive pas à politiser les évolutions du sport et en particulier du football alors que c’est une question de nature politique.

Le combat a été perdu, parce qu’il n’a pas été mené ou très peu, sinon par Marie-George Buffet (ministre des Sports de 1997 à 2002) et son homologue italienne à l’époque, c’est le combat pour une spécificité des activités sportives, calquée sur celle des activités culturelles.

Un autre football est-il possible ?

Une contre-révolution libérale semble assez improbable… Mais si on voulait réformer le football, on pourrait réintroduire des régulations efficaces pour rétablir l’équité et l’incertitude entre les clubs, fixer un salary cap, rétablir des quotas de joueurs non formés au club, rendre les systèmes de compétition plus ouverts, adopter le modèle allemand (50+1), qui interdit à un actionnaire privé de prendre la majorité des parts d’un club pour préserver son enracinement local… La difficulté, c’est qu’il n’y a pas les conditions politiques car il n’y a pas de débat sur les évolutions du football. On déplore entre guillemets ces dérives, mais on ne les analyse pas et donc on ne se met pas en mesure d’y remédier.

01.10.2023 à 19:08

Comment créer des voies légales d’immigration ?

Scarlett Bain

Les États du Nord doivent considérer les voies légales de migration déjà existantes pour arrêter cette spirale infernale de morts.Par Sylvie Bukhari de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaireQui, aujourd’hui, ne peut partager le triste constat de la violence, et parfois de la mort, qui règne aux frontières que tentent de rejoindre ou de franchir des … Continued
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Texte intégral (1936 mots)

Les États du Nord doivent considérer les voies légales de migration déjà existantes pour arrêter cette spirale infernale de morts.

Par Sylvie Bukhari de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaire

Qui, aujourd’hui, ne peut partager le triste constat de la violence, et parfois de la mort, qui règne aux frontières que tentent de rejoindre ou de franchir des enfants, des femmes et des hommes en exil ?
Qui, aujourd’hui, ne peut dans le même temps que constater que le monde actuel est définitivement un monde de mobilités soumises à des causes multiples et entremêlées : étude, travail, famille, inégalités sociales et économiques, dérèglements environnementaux, persécutions, etc.

Face à ce double constat, un troisième s’impose. L’incapacité des États européens, et plus largement ceux du Nord, à concevoir une politique migratoire effective et adaptée à cette réalité. C’est-à-dire une politique pensée au regard des faits objectifs présents, plutôt qu’au travers d’un prisme national restreint et de court terme.

Le recours à des voies régulières de migration est essentiel à double titre : d’une part, celles-ci offrent un cadre sécurisé pour les personnes migrantes ; d’autre part, elles répondent à un objectif d’accompagnement des migrations de la part des États. Cette question n’est pas nouvelle. Des voies régulières existent déjà mais sont sous-utilisées, au point d’en devenir anecdotiques. En 2022, près de 1,5 million de personnes réfugiées étaient en besoin de réinstallation dans un autre pay,s selon les Nations unies. La France n’en a accueilli que 3 136, loin derrière le Canada (11 041) ou les États-Unis (21 915).

Ces voies régulières sont par ailleurs de plus en plus contrôlées ou restreintes par les États. Par exemple, le regroupement familial, qui permet à une personne d’origine étrangère installée dans un État d’être rejointe par sa famille, a connu un recul phénoménal de 10 % depuis 2005, en France. Il en va de même pour les demandes de visas français depuis l’étranger, qui connaissent un taux de refus exceptionnel de 21 % en 2022, alors qu’il n’était encore que de 10 % en 2015.

Associations, recherches académiques et personnes exilées elles-mêmes n’ont de cesse de démontrer que ces politiques restrictives ne découragent pas la migration. Comment le pourraient-elles face à la nécessité de rejoindre ses proches, de fuir des persécutions ou de tenter de faire vivre sa famille ? Le seul résultat tangible est l’accélération de la spirale du nombre de morts et des violences au cours de l’exil. En matière migratoire, le réalisme doit primer. Un réalisme éclairé par les faits et les résultats des orientations prises jusqu’à présent.

La conclusion qui s’impose n’est pas insurmontable car nos législations – et parfois même des expériences récentes – portent en elles des solutions d’accompagnement des migrations. Elles impliquent en premier lieu l’État et les responsables politiques, mais gagneraient à s’inspirer d’initiatives portées par des associations et des collectivités locales engagées dans l’accueil. Mais, au-delà de questions techniques, c’est bien une vision politique qu’il s’agit de reconstruire, autour des interdépendances que révèlent les migrations et de la place accordée à la solidarité et au respect de la dignité humaine.

Il faut engager une réflexion sur les moyens de contraindre les États à respecter les obligations du droit international. Des solutions existent.

Par François Héran, professeur au Collège de France, chaire « Migrations et sociétés »

On compte aujourd’hui dans le monde, selon les décomptes du HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés, 35 millions de personnes déplacées hors de leur pays par les conflits, les guerres civiles ou les interventions militaires. L’idée d’ouvrir pour elles des « voies d’entrées légales » vers des pays d’accueil est née d’un constat d’échec : les États censés appliquer la convention de Genève de 1951 s’emploient de plus en plus à contourner leurs obligations.

Tout demandeur d’asile, même dépourvu de visa, devrait pouvoir déposer sa demande sur place. Or les États multiplient les obstacles pour empêcher l’accès à leur territoire, soit qu’ils s’opposent au principe même de l’accueil, soit qu’ils redoutent que la présence des demandeurs ne devienne un fait accompli, y compris en cas de décision négative.

Cette politique de non-entrée n’a cessé de s’étendre. Il y eut d’abord les « zones d’attente » aux postes frontières, puis la décision de repousser le filtrage des demandeurs aux frontières de l’Union européenne dans des hot spots et, désormais, la recherche de pays placés très en amont qui acceptent, moyennant finance, de retenir chez eux les postulants durant le traitement des dossiers. Le Royaume-Uni, par exemple, s’est accordé avec le Rwanda, distant de 7 000 kilomètres, pour retenir les demandeurs d’asile ‒ un projet jugé illégal par la cour d’appel britannique, en juillet 2023.

Dès lors on est face à un dilemme. Puisque les États contournent les obligations du droit international, faut-il engager contre eux des poursuites ou chercher à contourner leurs stratégies de contournement ? Certaines voies d’accès alternatives existent déjà : le HCR tente chaque année de convaincre les États de se porter volontaires pour « réinstaller » des demandeurs d’asile bloqués dans des camps. La « relocalisation » est une procédure analogue, mais interne à l’Union européenne.

Le « couloir humanitaire » pour exfiltrer des réfugiés est devenu une spécialité de la Fraternité Sant’Egidio, organisation italienne liée au Vatican. Le « visa humanitaire » est pratiqué par certains pays. D’autres, comme l’Allemagne, encouragés par l’OCDE, accordent des visas de travail ou d’études qui court-circuitent la procédure d’asile. On peut citer aussi le rôle des universités, qui disposent d’un certain pouvoir de sélection et de décision.

Soutenues par les Nations unies, ces voies d’accès restent problématiques. Elles reposent sur des critères de sélection très variables d’un pays à l’autre, comme la vulnérabilité ou le potentiel d’intégration, qui limitent le nombre d’élus : au mieux, quelques milliers de personnes par an et par pays, sur des centaines de milliers de candidats potentiels. Mais ces critères ne peuvent s’inscrire dans la durée. Et, surtout, ils ne remettent pas en cause les stratégies d’esquive ou de tire-au-flanc adoptées par les États, contribuant ainsi à saper l’universalité du droit d’asile consacré par la convention de Genève. Le débat reste ouvert.

01.10.2023 à 18:57

Bertrand Badie : « Il est impossible de faire correspondre territoire et ethnie »

Vadim Kamenka

Première chose, il ne s’agit pas d’un conflit à l’ancienne. Cette guerre illustre toutes les contradictions de notre ordre mondial tel que nous le connaissons après l’avènement de la post-bipolarité et de la mondialisation. On présente à tort ce conflit entre deux États avec un vaincu, l’Arménie, et un vainqueur, l’Azerbaïdjan.La réalité est plus complexe. Le Haut-Karabakh est une … Continued
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Texte intégral (2169 mots)

Quel est votre regard sur ce conflit au Haut-Karabakh et la dissolution de l’entité politique ?

Première chose, il ne s’agit pas d’un conflit à l’ancienne. Cette guerre illustre toutes les contradictions de notre ordre mondial tel que nous le connaissons après l’avènement de la post-bipolarité et de la mondialisation. On présente à tort ce conflit entre deux États avec un vaincu, l’Arménie, et un vainqueur, l’Azerbaïdjan.

La réalité est plus complexe. Le Haut-Karabakh est une république autonome qui n’a jamais été reconnue internationalement, y compris par Erevan. Donc, je suis toujours un peu agacé d’entendre que l’Arménie a été battue. Elle l’a été d’un point de vue moral, diplomatiquement mais pas militairement. C’est une idée simple qu’il faut rappeler pour bien comprendre l’effondrement rapide du Haut-Karabakh.

Un deuxième élément apparaît pertinent. Dès qu’il existe une enclave, il y a une menace. Car cela symbolise une transgression dans le droit territorial international. La situation se termine généralement mal ou l’enclave se trouve perpétuellement fragilisée. Troisième élément, ce conflit n’est pas tant international qu’inter-identitaire : une vieille histoire de coexistence difficile entre des populations arméniennes, chrétiennes, et des populations azéries, musulmanes.

Chacune ayant eu son moment réciproque. À la création de cette république autonome du Haut-Karabakh, les populations azéries ont également été menacées. Il faut donc comprendre que les groupes ethniques ne sont pas « territorialisables ». Il est impossible de faire correspondre territoire et ethnie. Et dans un contexte de réveil identitaire, cela aboutit nécessairement à des drames, tant les identités veulent correspondre à des territoires qui en excluent les autres. On a déjà connu ce type de conflit dans les Balkans, lors de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. On le constate dans les situations postcoloniales en Afrique. C’est le nœud du drame au Haut-Karabakh.

Dernière remarque, cette enclave et sa nature transgressive d’un point de vue territorial international ont toujours été vécues à Bakou comme un inachèvement. Le pouvoir autoritaire azerbaïdjanais, peu enclin à respecter ou à octroyer des autonomies, a profité d’un rapport de force qui lui était favorable, la quasi-totalité du monde étant implicitement ou explicitement derrière lui.

Cela explique-t-il la passivité de la communauté internationale ?

Il est rare d’observer un tel alignement. De façon intéressée ou pour des raisons historiques de solidarité, le monde entier avait intérêt à garder le silence et laisser les choses se faire. L’Azerbaïdjan a eu le soutien naturel de la Turquie, en raison du néo-ottomanisme dont se réclame Recep Tayyip Erdogan.

L’Union européenne avait, au début de la guerre russo-ukrainienne, passé des accords avec l’Azerbaïdjan pour compenser les sanctions contre les hydrocarbures russes. Cela lui lie les mains. Ilham Aliyev a profité de cet effet d’aubaine et du rapprochement aussi des États-Unis. Israël applique une politique de forte implantation en Azerbaïdjan, le Pakistan également.

Le plus surprenant vient de la Russie, consciente de sa faiblesse croissante, qui a considéré plus rémunérateur d’être du côté des plus forts. Au moment de la dissolution de l’URSS, Moscou avait gardé des vertus médiatrices entre les anciennes républiques soviétiques. Désormais, faute de ressources et d’influence, ce rôle lui échappe. Il ne restait à l’Arménie que l’Iran pour la soutenir, État paria lui-même dans le système international actuel.

Si l’Arménie n’a pas perdu militairement, l’impact de ce conflit (humanitaire, politique…) et la menace territoriale paraissent considérables…

Bien évidemment, l’Arménie a souffert d’une défaite morale, d’un manque de solidarité, et a vécu la révélation de son isolement et de son impuissance. Malgré ce passif, l’État arménien n’a pas fait la guerre. Et en droit international, Erevan peut faire valoir ne pas être juridiquement concerné par le sort d’un État non reconnu. Autre chose, l’acharnement envers le premier ministre Nikol Pachinian est excessif.

Le sort du Haut-Karabakh dépendait essentiellement de Bakou. Si l’Arménie souffre d’isolement, son dirigeant a pu, dans cette tempête, insister sur la souveraineté absolue du pays. Il a réussi à replacer l’Arménie sur l’échiquier international, mais il lui faudra gérer le flux de réfugiés et défendre l’intégrité territoriale.

Avec ce conflit, l’utilisation de la force s’impose-t-elle à nouveau comme un moyen de règlement des crises ?

Il faut éviter cette erreur. Les tenants du vieux monde veulent à tout prix réhabiliter l’usage de la force. Mais c’est faux. Depuis quatre-vingts ans et la fin de la dernière guerre mondiale, la force n’a jamais gagné. C’est important de le répéter, notamment aujourd’hui. La force a été mise en échec à travers les nombreuses guerres de décolonisation, au Vietnam, lors des deux guerres d’Afghanistan par l’URSS et les États-Unis. Elle a été mise en échec dans le conflit irakien.

La force saoudienne n’a pas fonctionné au Yémen. La France a essuyé une débâcle dans les guerres postcoloniales, notamment au Sahel, tout comme la force russe poutinienne en Ukraine. Dans le conflit au Haut-Karabakh, la disproportion est éclatante : en vingt-quatre heures, Bakou, soutenu par le monde entier, a repris le pays.

Parler de « moyen de règlement » m’apparaît aberrant. Cet épisode renforce un ressentiment des minorités arméniennes d’Azerbaïdjan et ce dernier rejaillira d’une manière ou d’une autre. La réappropriation ou l’occupation du Haut-Karabakh ne résout en rien le problème.

01.10.2023 à 18:26

La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés entre enfin en vigueur

Alexandre Fache

Le prix du gaz augmente, les soins dentaires seront moins bien remboursés… Mais dans le triste concert des changements de ce 1er octobre, il y en a au moins un qui a de quoi réjouir : l’entrée en vigueur de la « déconjugalisation » de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), une mesure réclamée de longue date par les associations. … Continued
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Le prix du gaz augmente, les soins dentaires seront moins bien remboursés… Mais dans le triste concert des changements de ce 1er octobre, il y en a au moins un qui a de quoi réjouir : l’entrée en vigueur de la « déconjugalisation » de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), une mesure réclamée de longue date par les associations. Cela signifie que les revenus du conjoint ne sont désormais plus pris en compte dans le calcul de cette allocation, mettant fin à des situations où la personne handicapée pouvait voir son allocation réduite, voire supprimée, à cause de la situation de son conjoint.

Quelque 40 000 personnes devraient voir leur allocation augmenter grâce à cette adaptation qui devrait créer 80 000 nouveaux bénéficiaires. Selon les associations, la situation précédente créait une dépendance vis-à-vis du conjoint, et pouvait même décourager certains de vivre en couple. « Les personnes handicapées n’auront plus à choisir entre l’amour et l’AAH », s’est ainsi félicitée la ministre Fadila Khattabi, dont le gouvernement a pourtant beaucoup tardé à mettre en place cette mesure.

01.10.2023 à 18:25

Haut-Karabakh : l’aide militaire déterminante de Tel-Aviv à Bakou

Christophe Deroubaix

L’avion-cargo Iliouchine 76 en provenance de Bakou (Azerbaïdjan) entame sa descente vers Eilat, dans le sud d’Israël. Quelques minutes plus tard, ce mercredi 13 septembre 2023, le lourd appareil se pose sans encombre sur la piste de la base aérienne israélienne d’Ovda, la seule du pays autorisée à recevoir ou à envoyer des matières explosives.Après deux … Continued
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L’avion-cargo Iliouchine 76 en provenance de Bakou (Azerbaïdjan) entame sa descente vers Eilat, dans le sud d’Israël. Quelques minutes plus tard, ce mercredi 13 septembre 2023, le lourd appareil se pose sans encombre sur la piste de la base aérienne israélienne d’Ovda, la seule du pays autorisée à recevoir ou à envoyer des matières explosives.

Après deux heures passées sur le tarmac, le zinc repart vers la capitale azérie chargé de sa cargaison. Rien d’exceptionnel. Les rotations entre l’Azerbaïdjan et Israël sont nombreuses, comme l’a détecté Flightradar24, un site spécialisé de traçage de vols du trafic aérien dont les données sont tout à fait fiables.

Le 6 mars, Haaretz rapportait que, durant les sept dernières années, 92 avions-cargos azéris affrétés par la compagnie azérie Silk Way West Airlines (SW) avaient atterri sur cette base d’Ovda. Un nombre de vols qui, selon l’enquête du quotidien israélien, a considérablement augmenté en 2020, pendant la guerre menée par Bakou contre la république de l’Artsakh, au Haut-Karabakh. Au milieu, on trouve toujours Silk Way West Airlines. Celle-ci est « l’une des plus importantes sociétés de fret aérien en Asie et, selon des documents officiels, elle travaillerait pour différents ministères de la Défense étrangers », explique le site raids.fr.

Des relations avec Israël héritée des accords d’Abraham

L’ombre de la Turquie, qui plane sur l’Azerbaïdjan – les liens entre Ankara et Bakou ne constituent un secret pour personne –, masque la présence bien réelle d’Israël et les relations qui se renforcent d’année en année, au détriment des populations arméniennes du Haut-Karabakh.

Si Israël a ouvert une ambassade à Bakou dès 1993, l’Azerbaïdjan a inauguré la sienne à Tel-Aviv en mars dernier seulement, ne voulant pas, jusque-là, se mettre à dos les autres pays musulmans et l’Iran voisin. Mais le président azéri, Ilham Aliyev, a certainement été décidé par les accords d’Abraham de normalisation des relations diplomatiques approuvés par le Bahreïn, le Maroc, le Soudan, les Émirats arabes unis et bientôt sans doute l’Arabie saoudite. Car, Bakou et Tel-Aviv ont un ennemi commun : Téhéran.

Le budget de la défense azérie est passé de 2,46 milliards d’euros en 2022 à 2,93 milliards d’euros en 2023 ; 30 % de ces dépenses sont consacrées à l’armement. En février dernier, après une rencontre avec Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense d’alors, Ilham Aliyev s’est publiquement félicité des progrès accomplis dans la coopération entre leurs deux pays, en particulier dans le domaine de la défense et des techniques militaires. Rien de bien surprenant. Le soutien militaire d’Israël à l’Azerbaïdjan a été vital ces dernières années, y compris lorsque le grand frère turc s’est montré incapable de fournir des armements avancés.

Israël, un partenaire militaire de premier plan

Certains analystes affirment que les munitions et les armes fournies par Israël ont constitué une composante importante de la supériorité militaire de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie pendant la guerre de 2020. Le Middle East Institute (MEI) assure que Elta Systems, une filiale d’Israel Aerospace Industries (IAI), a effectué une cartographie du Karabakh « qui a aidé les forces azéries à mener leurs opérations sur le champ de bataille pendant la guerre de 44 jours qui s’est déroulée du 27 septembre au 10 novembre 2020 ».

Quelques mois avant la guerre du Haut-Karabakh de 2020, on estimait que l’Azerbaïdjan disposait de près de 120 drones tactiques et de 500 drones kamikazes, « la grande majorité d’entre eux étant israéliens », écrit le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Selon le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), entre 2013 et 2016, 30 % des armes majeures importées par Bakou provenaient d’Israël. Entre 2016 et 2020, cette proportion est montée à 69 %. Une manne pour l’industrie d’armement israélienne, pour qui ces ventes représentaient 17 % de ses exportations.

Parallèlement, le 17 novembre 2022, le site azéri News. Az annonçait l’ouverture d’un centre de cybersécurité avec Israël. Des systèmes de guerre électronique et des technologies d’espionnage avancées, y compris le logiciel Pegasus du groupe NSO, ont été mis à disposition de Bakou.

Certains médias rapportent que le Mossad (les services de renseignements extérieurs israéliens) posséderait une base en Azerbaïdjan. « Un accord conclu par les deux pays permettrait à Israël d’utiliser les aéroports azéris en cas du déclenchement de frappes aériennes sur le complexe militaro-industriel iranien », souligne raids.fr.

Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas de constater, comme le fait le chercheur Émile Bouvier, dans les Clés du Moyen-Orient, que « les exportations de pétrole azerbaïdjanais n’ont fait que croître au fil des années pour représenter aujourd’hui plus de 40 % des importations israéliennes en or noir grâce au pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui, depuis la Turquie, dessert ensuite le territoire israélien ».

Des coopérations qui vont se renforcer. « Ayant acquis une expérience considérable dans le domaine des énergies renouvelables, Israël a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de participer à la mise en œuvre de projets d’énergie verte au Karabakh ou dans d’autres parties de l’Azerbaïdjan », révélait, le 18 avril, le site News Agency.

01.10.2023 à 18:10

La France insoumise accuse Fabien Roussel d’avoir « quitté la Nupes »

Marceau Taburet

Énième remous au sein de la Nupes, qui traverse décidément une rentrée agitée. Cette fois, la secousse vient d’un courrier envoyé vendredi après-midi. À la plume, le coordinateur national de la France insoumise, Manuel Bompard. Le bras droit de Jean-Luc Mélenchon écrit, à destination des « représentants d’EELV, du Parti socialiste et de Génération.s » : « Nous regrettons … Continued
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Énième remous au sein de la Nupes, qui traverse décidément une rentrée agitée. Cette fois, la secousse vient d’un courrier envoyé vendredi après-midi. À la plume, le coordinateur national de la France insoumise, Manuel Bompard. Le bras droit de Jean-Luc Mélenchon écrit, à destination des « représentants d’EELV, du Parti socialiste et de Génération.s » : « Nous regrettons la décision de Fabien Roussel de quitter la Nupes en annonçant des listes séparées à toutes les élections jusqu’à 2027. »

Il accuse également le secrétaire national du PCF de « renier le programme partagé de 640 mesures qui (les) a rassemblé » et demande à ses « camarades » socialistes et écologistes « de passer des paroles aux actes » en discutant des modalités d’une liste commune aux élections européennes. Une hypothèse rejetée de longue date par EELV, alors que le PCF doit trancher, le 14 octobre, sur une liste autonome qui pourrait être portée par Léon Deffontaines.

Pour la première fois depuis la création de la coalition pour les législatives 2022, est posée une éventuelle exclusion de Fabien Roussel de l’alliance de gauche, donc de la formation politique qui l’a réélu à 80 % en avril lors du congrès. Des parlementaires insoumis ont beau rappeler que « Fabien Roussel s’est exclu tout seul de la Nupes en affirmant qu’il y aurait, quoi qu’il arrive, une candidature communiste en 2027 », la méthode unilatérale a de quoi interroger.

Sur Europe 1, ce dimanche matin, le député insoumis de Marseille est revenu sur sa missive tout en en renvoyant la responsabilité au communiste : « Je prends acte du fait que Fabien Roussel a décidé de quitter la Nupes, mais si j’ai mal compris, peut-être qu’il précisera ses propos. » Ajoutant ne pas se retrouver « dans un certain nombre de prises de position, de propos qui sont problématiques ».

« On ferait mieux de concentrer nos efforts à lutter contre le gouvernement et se battre pour augmenter les salaires, plutôt qu’à se chercher des poux dans la tête, répond Ian Brossat, porte-parole du PCF. Ce n’est pas Manuel Bompard qui décide qui est membre ou non de la Nupes. C’est une démarche lunaire. »

« Homme de convictions »

Invité de l’émission Quelle époque !, samedi soir sur France 2, le secrétaire national du PCF a indirectement répondu aux assauts de la FI. « C’est sur les idées que je veux me battre, a exprimé Fabien Roussel. Les insultes, il faut qu’on arrête. Et qu’on puisse se permettre d’avoir une gauche différente de celle que défend la France insoumise. Je souhaite que la gauche gagne et elle ne gagnera pas avec Jean-Luc Mélenchon. » Il assure aussi être « un homme de convictions » et défendre, à ce titre, « des idées qui ne sont pas reprises dans l’accord de la Nupes ».

Du côté des socialistes et des écologistes, on assiste un peu affligés à ces passes d’armes par médias interposés. « Je n’ai pas de commentaire à faire à ce stade. Nous aurons l’occasion d’en parler entre nous », nous répond-on en haut lieu. Un cadre des Verts, proche de la secrétaire nationale Marine Tondelier, rétorque tout de même qu’« il n’y a aucune exclusion du PCF de la Nupes, les députés PCF font toujours partie de l’intergroupe à l’Assemblée. Nos adversaires, c’est la droite et l’extrême droite. Les partis de gauche sont nos alliés et nos partenaires ».

01.10.2023 à 18:04

Violée par le président de son pays, Toufah Jallow a lancé le #MeToo gambien

Kareen Janselme

« Je me sens en sécurité maintenant : physiquement, mentalement, spirituellement. Je sais qui je suis. Mon travail a du sens. Je ne porte plus de secret, je peux enfin parler ouvertement à toute ma famille. » Toufah Jallow est calme, un peu usée par le décalage horaire. La matinée commence en France, mais il est 3 heures du … Continued
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« Je me sens en sécurité maintenant : physiquement, mentalement, spirituellement. Je sais qui je suis. Mon travail a du sens. Je ne porte plus de secret, je peux enfin parler ouvertement à toute ma famille. » Toufah Jallow est calme, un peu usée par le décalage horaire. La matinée commence en France, mais il est 3 heures du matin à Toronto et la jeune femme en rigole tranquillement en présentant son livre.1

Elles paraissent si loin, ces heures de panique extrême où elle a dû fuir son pays. Revêtir un large niqab pour cacher sous sa robe ses papiers d’identité, tout en simulant d’aller au marché. La peur ne l’a pas arrêtée quand elle a essayé d’afficher un air détaché en réalisant ses emplettes.

Comme par habitude, elle a pénétré sans se presser dans l’épicerie. Là, elle était sûre que le marchand reconnaîtrait sa sœur et lui rendrait le panier qu’elle allait abandonner. Trompant la surveillance des « hommes en noir » du président gambien, Toufah Jallow n’a réfléchi qu’au taxi qu’elle a hélé pour l’amener au port.

À 19 ans, la jeune fille avait d’autres projets qu’épouser le président gambien, ce quinquagénaire déjà marié

Puis il y a eu la pirogue, la folle fuite au Sénégal, la nuit collée au téléphone, la police, les interrogatoires, les ambassades et le visa tant espéré pour disparaître loin de l’emprise de son violeur. De l’autre côté de l’Atlantique, bien loin de l’Afrique, dans la froidure canadienne.

Cette Toufah-là, transie, paumée, n’est plus. Aujourd’hui, huit ans plus tard, elle se sent mieux, « bien mieux », « reconnaissante de pouvoir travailler à ma fondation, voyager, étudier… ». En 2015, tout semblait pourtant lui sourire. Toufah venait d’être élue à un concours créé pour « l’autonomie des femmes ».

« Jamais on ne m’a proposé un soutien psychologique. Pourtant j’étais suicidaire. Ce n’est jamais une priorité pour les associations d’aide aux réfugiés.»

Toufah Jallow

Son rêve ? Étudier à l’étranger comme la bourse promise devait le lui permettre. En attendant, elle devait suivre le président Yahya Jammeh dans ses déplacements officiels, arborant sa couronne avec fierté. Pour la remercier, le dictateur raccorda gratuitement le réseau d’eau à la maison familiale. Puis offrit un ordinateur. Mais c’est sa main qu’il voulait obtenir.

À 19 ans, la jeune fille avait d’autres projets qu’épouser ce quinquagénaire déjà marié. Yahya Jammeh ne s’est jamais soucié de consentement. Brutalement, grâce à l’entremise de ses proches et de ses subordonnés, il a tendu un piège à l’étudiante, l’a agressée, violée, dans l’unique but de la posséder.

Seule, sans oser parler du viol à quiconque, Toufah Jallow a improvisé sa fuite. Réfugiée au Canada, elle a dû à nouveau se débrouiller sans l’aide de personne. Trouver un emploi, un logement, quand les précieuses aides disparaissent. Trouver une raison de continuer. « Jamais on ne m’a proposé un soutien psychologique. Pourtant j’étais suicidaire. Ce n’est jamais une priorité pour les associations d’aide aux réfugiés. On règle les problèmes administratifs, pas psy. Et après on se plaint que ces migrants ne veulent pas s’assimiler, s’investir dans la société. Mais la souffrance est un tel poids. »

Parler pour ne pas reléguer au second plan les violences sexuelles du dictateur Jammeh

Elle entend pour la première fois parler de thérapie lorsqu’elle reprend ses études de travail social. Le sac de boxe sera aussi un précieux allié. « Quand on est une survivante, on ne se sent pas en sécurité dans son propre corps. Vous n’êtes pas ancré au sol, vous n’avez pas de fondation, parce que quelqu’un a pris votre corps. Vous ne le supportez plus. »

Sa lente reconstruction a été possible à la chute du dictateur, en 2017. Toufah décide alors de parler pour ne pas reléguer au second plan les violences sexuelles de Jammeh, comme on a pu le faire lors du procès contre le dictateur tchadien Hissène Habré. « En Gambie, Jammeh a été accusé de meurtres, de vols, d’arrestation d’hommes politiques, de torture, de chasse aux sorciers, de mensonge quand il prétendait guérir du sida par les plantes. Jamais on n’a parlé de viols présumés. Pour parler d’agression sexuelle, il faut utiliser le conditionnel. Je m’y refuse. Je sais ce qui m’est arrivé. Je crois fortement que le combat contre les violences de genre commence par le langage. »

En peul, le mot « viol » n’existe même pas. Grâce à Toufah, et à son mouvement #IamToufah sur les réseaux sociaux, les crimes sexuels ont été pris en compte dans les poursuites demandées par la commission Vérité, Réconciliation et Réparations pour un procès contre l’ex-dictateur devant un tribunal international.

En attendant son extradition de Guinée équatoriale, où l’homme s’est exilé, Toufah Jallow a créé en Gambie sa fondation contre les violences faites aux femmes, formant des thérapeutes spécialisées, inexistantes dans le pays, et des refuges pour les victimes. « Ce procès contre Jammeh aura lieu, assure-t-elle. Ça prendra du temps. Mais je suis jeune, je suis là, j’ai l’énergie. »

  1. Toufah, la femme qui inspira un #MeToo africain, de Toufah Jallow avec Kim Pittaway, Éditions des femmes Antoinette Fouque, 224 pages, 18 euros. ↩︎

01.10.2023 à 18:01

Antoine Flahault : « On n’éradiquera pas le Covid, mais on peut limiter son impact »

Alexandre Fache

Prévue pour débuter le 17 octobre, la nouvelle campagne de vaccination contre le Covid, accessible à tous mais dirigée en priorité vers les personnes fragiles, va démarrer dès ce lundi. « Le virus circule, chacun de nous peut voir des cas autour de lui. L’épidémie, elle est là », avait justifié le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, … Continued
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Prévue pour débuter le 17 octobre, la nouvelle campagne de vaccination contre le Covid, accessible à tous mais dirigée en priorité vers les personnes fragiles, va démarrer dès ce lundi. « Le virus circule, chacun de nous peut voir des cas autour de lui. L’épidémie, elle est là », avait justifié le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, à la mi-septembre. L’épidémiologiste Antoine Flahault analyse l’ampleur de cette nouvelle vague.

L’incidence du Covid ne cesse de croître. Jusqu’où cela peut-il aller ?

C’est très difficile à dire. La pratique de tests PCR s’est effondrée, on réalise environ 1 % du séquençage des souches, comparé aux chiffres d’il y a deux ans. On ne dispose que d’indicateurs indirects comme les consultations pour suspicion de Covid auprès des généralistes du réseau Sentinelles, de SOS Médecins, ou le nombre de passages aux urgences. Ces indicateurs, sans validation virologique, observent une forte vague, d’intensité proche de celle des premières vagues d’Omicron.

Pour l’instant, l’impact sur les hospitalisations et les décès reste faible, sans commune mesure avec celui observé au début de la pandémie. L’immunité de la population semble donc bien continuer à la protéger des formes graves. Seules les personnes très âgées et les personnes immunodéprimées risquent de payer un tribut assez lourd à cette vague précoce de début d’automne.

L’arrêt du suivi est-il pertinent ?

La population n’allait pas continuer à se faire tester au moindre symptôme. Cela coûtait très cher et comme on a arrêté les mesures de distanciation sociale, cela n’aurait plus beaucoup de sens de les réinstaurer. En revanche, la France a été pionnière dans l’analyse de ses eaux usées, notamment grâce au réseau Obépine, conduit par des chercheurs universitaires.

On a du mal à comprendre pourquoi, depuis le printemps 2022, cette initiative n’est plus financée par les pouvoirs publics, ce qui a arrêté de facto les activités de ce réseau. C’était pourtant un système performant de veille sanitaire, peu coûteux, et qui permettait de suivre la circulation du coronavirus et l’émergence de nouveaux variants, sans exiger de tests PCR nasopharyngés pour toute la population. En Suisse, comme dans de nombreux pays, nous avons adopté cette méthode et elle nous sert systématiquement désormais.

Que sait-on des variants qui ont émergé récemment ?

Comme on teste et séquence très peu le coronavirus, il est difficile de se faire une idée précise de la circulation de ses variants. À partir des données produites en France, on observe toutefois une « soupe » de plusieurs sous-variants d’Omicron, de la lignée XBB – dont le dernier-né, l’EG.5.1, surnommé Eris –, qui dominent actuellement le paysage épidémiologique. Un autre sous-variant, BA.2.86, surnommé Pirola, a fait son apparition dans le monde et a été observé en France chez quelques personnes. Il est loin de s’imposer aujourd’hui mais cela pourrait être le cas cet hiver.

Pourquoi est-il important de se faire vacciner ?

La formulation du rappel vaccinal 2023 a été conçue pour cibler les variants de la lignée XBB qui circulent actuellement dans le monde, notamment en France. On peut donc espérer, pour toutes les personnes invitées à le recevoir, qu’elles contracteront moins souvent le Covid, cet automne et cet hiver. Elles devraient aussi moins souvent développer des Covid longs. Mais ce rappel vaccinal est recommandé en priorité aux personnes à risque de forme grave (plus de 65 ans, immunodéprimées, femmes enceintes…).

Les vaccins sont-ils adaptés aux nouveaux variants ?

Les fabricants font une course permanente aux nouveaux variants, un peu comme pour la grippe. Si les autorités exigent d’eux des essais cliniques rigoureux pour tester la sécurité des vaccins, c’est-à-dire leur bonne tolérance en termes d’effets indésirables, en revanche elles ne leur demandent pas d’essais cliniques évaluant leur efficacité, on doit donc se fonder sur des études vérifiant la production d’anticorps neutralisants chez les personnes vaccinées.

Ce sont des critères de substitution certes prometteurs et convaincants, mais qui laissent une part de pari en termes d’efficacité face aux variants qui circulent. Là où on n’a pas fait de pari, et c’est heureux, c’est sur leur sécurité.

Ces vaccins protègent-ils toujours des formes les plus graves ?

Nulle part dans le monde on ne rapporte de défaut de protection du vaccin contre les formes graves, depuis le début de la vaccination et quels que soient les variants circulants. Cependant, les personnes âgées, en raison d’une perte de leur immunité liée à leur âge, et les personnes immunodéprimées voient leur immunité rapidement décliner avec le temps. Ces personnes ont plus besoin que les autres de relancer leur immunité par les rappels vaccinaux.

Pourra-t-on un jour éradiquer le Covid ?

On n’éradiquera probablement pas de la planète les virus respiratoires comme ceux du Covid, de la grippe ou de la bronchiolite. Mais on pourrait chercher à se débarrasser de leur impact en améliorant la qualité de l’air dans les locaux fermés qui reçoivent du public. Une meilleure ventilation, une filtration et une purification de l’air, en priorité dans les écoles, les hôpitaux et les Ehpad, permettraient d’espérer y parvenir.

01.10.2023 à 17:50

Arrêts maladie : le syndicat de médecin MG France refuse de fliquer les salariés

Cecile Rousseau

Une mesure dangereuse. Alors que le gouvernement a annoncé, lors de la présentation du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le renforcement des contrôles des arrêts maladie, en ouvrant la possibilité pour l’employeur de mandater un médecin agréé afin de contrôler ses salariés, les médecins s’insurgent face à cette dérive. MG … Continued
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Une mesure dangereuse. Alors que le gouvernement a annoncé, lors de la présentation du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le renforcement des contrôles des arrêts maladie, en ouvrant la possibilité pour l’employeur de mandater un médecin agréé afin de contrôler ses salariés, les médecins s’insurgent face à cette dérive.

MG France, premier syndicat de généralistes, « refuse que le médecin de l’employeur censure la prescription du médecin traitant ». Rémunéré par le patron, ce médecin contrôleur aura, comme le souligne MG France dans un communiqué, le pouvoir d’interrompre l’arrêt de travail « séance tenante ».

En revanche, les droits de recours du malade auprès de l’assurance-maladie, eux, ne seront pas immédiats. « Les délais administratifs et les difficultés de certains de nos patients à mobiliser (ces services) priveront d’indemnités journalières les plus fragiles d’entre eux », souligne le syndicat, ajoutant que : « Si la lutte contre la fraude est indispensable, la casse sociale n’est pas une option. »

Une entrave à l’accès aux soins pour de nombreux malades

Dans sa croisade contre la hausse des arrêts maladie, liée entre autres au vieillissement de la population en emploi et à la dégradation des conditions de travail, le gouvernement a également prévu d’interdire de prescrire des arrêts de plus de trois jours en téléconsultation (sauf si c’est par le médecin traitant) et de lancer une réforme plus « structurelle » des indemnités journalières d’ici quelques mois. Des mesures qui promettent d’entraver encore l’accès aux soins pour de nombreux malades et d’accentuer la pression sur les praticiens.

Six mille généralistes ont ainsi été récemment ciblés par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), considérés comme des prescripteurs excessifs d’arrêts de travail. Alors que MG France appelle les parlementaires à supprimer cette disposition de contrôle du PLFSS, il martèle que : « Les médecins généralistes traitants continueront demain de soigner les patients, même si cela suppose de les arrêter. Si ce texte vient à être appliqué, chaque généraliste tiendra à disposition de ses patients le courrier de contestation auprès des caisses et la procédure à suivre. »

01.10.2023 à 17:42

Mort de Pablo Neruda : « Il n’y a plus l’ombre d’un doute, il s’agit d’un assassinat politique »

Juan Casado

Voilà plus de douze ans que le Parti communiste chilien a saisi la justice pour clarifier la mort de Pablo Neruda, à la suite des révélations de son assistant et chauffeur, Manuel Araya, aux côtés du poète durant ses derniers jours, en septembre 1973. S’appuyant sur les résultats d’études indépendantes, Rodolfo Reyes, avocat de la … Continued
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Voilà plus de douze ans que le Parti communiste chilien a saisi la justice pour clarifier la mort de Pablo Neruda, à la suite des révélations de son assistant et chauffeur, Manuel Araya, aux côtés du poète durant ses derniers jours, en septembre 1973. S’appuyant sur les résultats d’études indépendantes, Rodolfo Reyes, avocat de la famille et neveu du Nobel de littérature, affirme que la version d’une mort due au cancer, avancée par le régime militaire et maintenue jusqu’à aujourd’hui, est montée de toutes pièces.

Nombreuses furent les voix qui dénoncèrent, dès le lendemain de la mort de Pablo Neruda, un coup ourdi par les sbires du général Pinochet. Peu ont cru à la thèse de la mort des suites du cancer de la prostate dont souffrait l’auteur du Chant général et pourtant, il a fallu attendre 2011 et le témoignage de son chauffeur, Manuel Araya, pour relancer cette affaire qui hante la mémoire du Chili. Pourquoi ?

Trop de temps est passé depuis la mort de mon oncle, le 23 septembre 1973, dans la chambre 406 de la Clinique Santa Maria, à Santiago du Chili. Les circonstances qui entourent son décès sont plus que troublantes, et il est primordial de prendre en compte le volet politique de cette affaire. C’est pourquoi nous sommes de passage en France aujourd’hui : en tant que famille et membres de l’équipe d’avocats, il est très important pour nous que la véritable cause de la mort de Pablo Neruda soit connue et portée à la connaissance du monde.

Ce n’est pas un cancer qui l’a tué, mais bien la souche Alaska E43 de la bactérie Clostridium botulinum qui lui a été injectée pendant son sommeil, quelques heures avant son dernier soupir. Pour être clairs : il a été assassiné par la junte. Pendant plusieurs années la presse chilienne n’a pas tenu compte du témoignage de Manuel Araya. Il y avait une chape de plomb autour de cette histoire, comme autour de beaucoup d’autres autour des crimes commis sous la dictature du général Pinochet.

Pouvez-vous nous rappeler les circonstances de la mort de Neruda et les éléments dénoncés par Manuel Araya ?

Cet homme courageux, aujourd’hui décédé, a raconté avec force détails ce qui s’est passé ces jours-là. S’il est vrai que Pablo Neruda était atteint d’un cancer, il ne faut pas oublier que sa maladie était contrôlée et que sa présence dans la clinique de Santa Maria faisait partie d’un plan, organisé par l’ambassadeur du Mexique, pour le sortir du pays. Le 22 septembre, c’est-à-dire la veille de sa mort, Neruda se portait très bien et recevait de grandes personnalités nationales et internationales, des hommes politiques et des ambassadeurs, dans la clinique. Tous l’ont vu en bonne santé.

La suite est plus que troublante. Le lendemain matin, Neruda envoie sa femme et Araya chez lui, à Isla Negra, pour récupérer des affaires personnelles, car l’ambassade de Mexico avait prévenu que l’avion affrété par son gouvernement partirait le lendemain, avec l’autorisation des militaires chiliens.

« Il ne faut pas oublier que Neruda était membre du Parti communiste, une organisation largement décapitée et blessée dans toute sa structure par la répression. »

À quatre heures de l’après-midi, Neruda les a appelés, expliquant qu’on lui avait fait une injection pendant qu’il dormait, alors que son traitement ne prévoyait aucun type d’injection. Lorsqu’Araya le retrouve, en fin d’après-midi, Neruda est très fiévreux, rougeâtre, et il a une tache rouge sur l’estomac. Il meurt quelques heures plus tard, entre 22 heures et 22 h 30.

C’est peu de dire que les éléments troublants s’accumulent…

Il y a la présence inexpliquée d’un médecin, un certain docteur Price, sorti de nulle part et que personne n’a pu retrouver. Il a également été prouvé que le certificat de décès qui a été délivré à l’époque est frauduleux.

Il a été rédigé par trois personnes différentes et ne correspond pas à ce qui a été prouvé scientifiquement plus tard, lors de l’enquête. Et surtout une question : pourquoi cette injection, alors que nous savons aujourd’hui que la DINA – la police secrète du régime militaire – a utilisé ce type de poison pour éliminer ses ennemis politiques.

Pablo Neruda s’apprêtait donc à quitter le pays vers le Mexique. Il était impensable pour la junte de le laisser partir ?

Il était clair que la dictature ne pouvait pas le permettre. Tout comme Victor Jara, il avait une stature internationale et c’était impensable pour Pinochet de le laisser aller de par le monde en dénonçant le coup d’État et son régime criminel.

Il projetait de s’installer au Mexique et, de là, solliciter intellectuels et gouvernements du monde entier pour renverser la tyrannie et ramener la démocratie au Chili. Et il ne faut pas oublier que Neruda était membre du Parti communiste, une organisation largement décapitée et blessée dans toute sa structure par la répression.

À cette époque, être communiste était presque l’équivalent d’une peine de mort pour les citoyens chiliens. Les communistes étaient emprisonnés, torturés, on les faisait disparaître… Mais les militaires ne pouvaient pas s’en prendre directement de la sorte avec Neruda car c’était une trop grande figure, ils ont donc agi avec plus de perfidie.

Ancien sénateur, candidat à la présidence, diplomate…

Et surtout un intellectuel, un prix Nobel de littérature et donc une figure très importante au niveau international dans le monde de la culture. À l’étranger, il aurait représenté un véritable caillou dans la botte de Pinochet. La dictature ne pouvait pas se permettre de le laisser partir vivant. Il aurait pu rassembler beaucoup de monde autour d’un mouvement de solidarité internationale pour dénoncer le régime.

C’est pourquoi toute la lumière doit être faite aujourd’hui, alors que les preuves scientifiques ne laissent plus l’ombre d’un doute : la mort de Neruda est le fruit d’un assassinat politique.

Quels sont les éléments scientifiques qui confirment la thèse de l’empoisonnement ?

Les restes de Neruda ont été exhumés en 2013, et nous avons la certitude scientifique, depuis 2017, qu’il n’est pas mort des suites de son cancer. Un groupe d’experts médico-légaux internationaux, qui a affirmé qu’il n’était pas en danger vital lorsqu’il a été admis à la clinique de Santiago, n’a pas exclu l’intervention possible de tiers dans son décès en signalant la découverte de la bactérie Clostridium botulinum dans l’une des molaires du poète. Au total, nous avons deux équipes étrangères et indépendantes – du Canada et du Danemark – composées de 17 experts qui ont écarté la théorie officielle selon laquelle sa mort serait due à une cachexie cancéreuse.

Leur dernier rapport, datant de février dernier, confirme que la bactérie Clostridium botulinum se trouvait dans son corps au moment de sa mort. Pourtant, la justice chilienne a ignoré ces résultats scientifiques qui confirment les témoignages des proches de Neruda.

Voilà maintenant plus de douze ans que le Parti communiste chilien a saisi la justice pour clarifier la mort du Prix Nobel. Où en est l’enquête aujourd’hui ?

Il faut d’abord rappeler que, dans ce dossier, le système judiciaire chilien ainsi que le ministère de l’intérieur ont vraiment fait le strict minimum : ils ont toujours été peu enclins à participer à un quelconque processus visant à éclaircir les conditions de la mort de Neruda, bien au contraire. On peut même dire que le service médico-légal a fait de l’obstruction dans cette affaire.

Par ailleurs, nous avons récemment eu la surprise d’écouter le ministre de la Justice déclarer qu’il n’y avait pas de preuves scientifiques qui valideraient la thèse selon laquelle Neruda ne serait pas mort des suites de son cancer, ce qui est totalement faux. Au contraire : nous pouvons maintenant certifier, preuves scientifiques à l’appui, que la version présentée à l’époque par le régime militaire était montée de toutes pièces, et que Neruda a été empoisonné quelques jours après le coup d’État de Pinochet en 1973.

Aujourd’hui, l’enquête est menée par la Juge spéciale chargée des questions des droits de l’homme Paola Plaza González. Elle vient d’ailleurs de clôturer l’instruction, la semaine dernière. Nous l’avons appris par voie de presse, ce qui est très grave. Nous allons nous y opposer car il est impensable de clore la procédure alors que de nombreuses mesures doivent encore être prises pour faire toute la lumière.

À cinquante ans de la mort de Neruda, qui a intérêt à ce que la vérité ne soit jamais connue ?

C’est une vérité qui dérange encore la droite chilienne, celle-là même qui a toujours voulu enterrer l’homme de culture mais aussi l’homme politique, le militant, le poète et l’idéaliste. De la même façon qu’elle a voulu enterrer le coup d’État de 1973, les disparus, les torturés, les jetées à la mer, les exilés, les horreurs de la répression. Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui encore une grande partie de la droite réfute l’utilisation du terme « coup d’État ».

Ils veulent occulter aux jeunes générations l’histoire de notre pays, comme si en Europe on racontait aux élèves que le nazi n’a commis aucun crime, en réduisant toutes les atrocités de la Seconde guerre mondiale à un simple différent politique. Aujourd’hui le gouvernement Boric tente de faire ressurgir la vérité des faits, mais il a face à lui des forces très puissantes, soutenues par les pouvoirs économiques et médiatiques.

Mais avec les résultats scientifiques présentés par les laboratoires du Canada et du Danemark, c’est une nouvelle page de l’histoire qui est en train de s’écrire. À travers la science, c’est le corps de Neruda qui s’exprime : il nous dit que c’est cette piqûre qui lui a ôté la vie. Cinquante ans après, le doute n’est plus permis.

Il s’agit d’un assassinat politique. Les preuves scientifiques sont dans le dossier et ça, ils ne pourront pas l’effacer. Le mensonge ne peut prévaloir et nous sommes convaincus que tôt ou tard, le monde entier reconnaîtra la vérité. Nous demandons aux Français, qui ont déjà fait preuve de tellement de solidarité avec le Chili, de nous aider dans ce combat pour la justice.

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