05.11.2024 à 09:08
Olivier Petitjean
Le « Project 2025 », un document de 900 pages porté par la Heritage Foundation, se veut un programme clé en main pour un éventuel second mandat de Donald Trump. Les propositions extrémistes en matière de migration, de climat ou de droits sexuels y côtoient des mesures taillées pour les intérêts de certaines industries. Devenu un épouvantail brandi par les démocrates durant la campagne, le document n'en révèle pas moins ce que pense et ce que veut une grande partie de la droite américaine (…)
- Actualités / États-Unis, normes et régulationsLe « Project 2025 », un document de 900 pages porté par la Heritage Foundation, se veut un programme clé en main pour un éventuel second mandat de Donald Trump. Les propositions extrémistes en matière de migration, de climat ou de droits sexuels y côtoient des mesures taillées pour les intérêts de certaines industries. Devenu un épouvantail brandi par les démocrates durant la campagne, le document n'en révèle pas moins ce que pense et ce que veut une grande partie de la droite américaine aujourd'hui.
Si, au soir du mardi 5 novembre 2024, Donald Trump était élu pour un nouveau mandat à la tête des États-Unis, à quoi ressemblerait concrètement sa seconde présidence ? Un document cristallise depuis plusieurs mois l'attention des médias et est devenu une cible de choix pour Kamala Harris et les démocrates : le « Project 2025 », aussi intitulé Mandate for Leadership (« Mandat de direction »), censé offrir une feuille de route au candidat républicain en cas de succès électoral.
Concocté par des dizaines d'organisations conservatrices coordonnées par la Heritage Foundation [1], un partenaire historique du réseau Atlas dont nous avons révélé les activités et les relais en France et en Europe dans notre enquête de mai dernier, ce document de plus de 900 pages est directement inspiré par une autre publication portant le même titre, publié début 1981 après l'élection de Ronald Reagan. Plusieurs des mesures qui y étaient proposées avaient été mises en œuvre au cours des deux mandats de ce dernier, contribuant à engager les États-Unis et le monde dans la révolution néolibérale.
Dans son nouvel avatar, le Mandate for Leadership se donne pour objectif, selon les termes de Kevin Roberts, le dirigeant de Heritage, d'« institutionnaliser le trumpisme » – autrement dit de proposer un programme cohérent derrière lequel pourrait se ranger toutes les nuances de la droite ultraconservatrice américaine, et une méthode pour mettre en œuvre rapidement et efficacement ce programme, par contraste avec le chaos qui a présidé au premier mandat de Donald Trump. « Project 2025 », florilège de propositions politiques extrémistes dans le domaine des migrations, des droits sexuels ou encore du climat, se distingue aussi par son caractère extrêmement détaillé et par la connaissance intime qu'il reflète des rouages de l'administration. L'un des aspects qui a le plus retenu l'attention est sa suggestion de démanteler une grande partie des ministères et des agences publiques existantes, à commencer par celles qui sont chargées de l'environnement et du climat, et de licencier en masse les fonctionnaires fédéraux pour les remplacer par des loyalistes formés et triés sur le volet. Le média américain Propublica a divulgué des enregistrements vidéo de ces sessions de formation. On y entend par exemple quelqu'un suggérer d'éradiquer toute mention du changement climatique dans les documents officiels.
C'est en avril 2023 que le « Project 2025 » a été rendu public. Dans un premier temps, l'opération a été un succès, Heritage réunissant à rallier derrière elle plusieurs dizaines de groupes de la droite et de l'extrême-droite américaine, depuis des libertariens jusqu'à des populistes trumpiens en passant par des groupes religieux ultraconservateurs. Le stratégiste Steve Bannon a proposé le nom de Kevin Roberts pour être le chef de cabinet de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le même Kevin Roberts a promis solennellement une « deuxième révolution américaine » qui se déroulerait « sans effusion de sang, si la gauche le permet ».
Peut-être la Heritage Foundation aurait-elle mieux fait d'adopter la même stratégie qu'en 1981, en attendant après l'élection pour dévoiler les mesures souvent impopulaires qu'elle proposait de mettre en œuvre. Avec ses excès et ses propositions extrémistes, le Project 2025 s'est transformé en pain bénit pour les démocrates, qui n'ont pas manqué une occasion de le mettre en avant dans leurs discours et dans leurs spots télévisés de campagne. Donald Trump et les autres dirigeants républicains se sont publiquement distancés de ce qui était devenu un fardeau dans l'opinion, affirmant n'avoir aucun lien avec Heritage et avec Project 2025. Ce qui est faux : de nombreux anciens cadres de l'administration Trump (140 selon un décompte de CNN) et des conseillers proches de l'ancien président comme John McEntee ont directement participé à son élaboration. L'un des auteurs clés du Project 2025 a été filmé en train de confirmer le soutien de Trump à l'entreprise.
L'attention portée au « Project 2025 » et à la Heritage Foundation a suscité une floraison d'investigations de la part de médias et d'organisations de la société civile américaines, qui permettent de lever en partie le voile sur leurs soutiens et leurs alliés dans le monde économique. Le budget de l'opération – y compris la formation de loyalistes pour prendre les rênes de l'administration – a été estimé à 22 millions de dollars. Impossible de savoir exactement d'où vient cet argent faute de transparence. Une partie semble avoir été apportée par des grandes fortunes à travers des structures de financement coordonné dont certaines sont liées à l'activiste conservateur Leonard Leo. Parmi les entreprises qui ont contribué à ces fonds ou bien ont financé des groupes directement impliqués dans le « Project 2025 », on trouve les frères Koch, des acteurs financiers comme Fidelity ou Vanguard, ou encore des compagnies pétrolières comme Pioneer ou Shell [2].
Les liens avec les grandes entreprises ne sont pas seulement financiers. De nombreux lobbyistes attitrés de multinationales américaines comme Meta (Facebook), Verizon, Amazon, Ford ou General Motors sont cités parmi les rédacteurs du projet, selon l'analyse d'Accountable.us. Dans quelle mesure ont-ils défendu des positions personnelles ou fait valoir celles de leurs éminents clients, la question reste ouverte.
L'attitude du secteur pharmaceutique illustre ces ambiguïtés. Le rédacteur officiel du chapitre santé de « Project 2025 » est Roger Severino, issu de la droite religieuse, qui a été à la tête du Département pour les services de santé et humains (HHS) sous Trump. Parmi les autres contributeurs, on trouve aussi divers représentants de petites entreprises spécialisées dans l'assurance maladie ou les technologies médicales – mais pas de grande multinationale du secteur. PhRMA, le lobby regroupant tous les géants du secteur, aujourd'hui dirigé par un triumvirat regroupant Daniel O'Day de Gilead, Albert Bourla de Pfizer et Paul Hudson de Sanofi, a néanmoins financé Heritage Foundation et plusieurs des autres groupes et think tanks derrière le « Project 2025 » à hauteur de 530 000 dollars, selon le décompte de l'ONG Accountable.us. Un soutien qui pourrait expliquer que le Project 2025 prévoit d'annuler la réforme introduite en 2022 qui autorise enfin le programme fédéral Medicare à négocier le prix des médicaments avec les laboratoires au lieu de les accepter passivement comme elle y était obligée auparavant – ce qui explique que ledit prix des médicaments soit considérablement plus élevé aux États-Unis que dans le reste du monde. Presque personne, même parmi les républicains, ne souhaite revenir sur cette décision. Cette mesure qui ne plaît qu'à l'industrie pharmaceutique se trouve mêlée dans le chapitre « Santé » à des propositions comme l'interdiction de toute forme d'avortement et l'abandon de toute mesure de protection vis-à-vis des personnes LGBTQ+.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donLes républicains ont tout fait pour minimiser l'importance du « Project 2025 » et s'en distancer. Mais il n'en reflète pas moins ce que pense et ce que veut aujourd'hui une bonne partie de la droite américaine. En cas de victoire de Donald Trump, ou bien même seulement si les républicains préservent leur majorité à la Chambre des représentants ou conquièrent le Sénat, ses propositions seront bien à l'ordre du jour. Et une partie du monde des affaires applaudira plus ou moins discrètement.
La Heritage Foundation n'était au reste pas la seule à préparer à second mandat Trump. Elon Musk, qui s'est illustré ces dernières semaines par son soutien de plus en plus actif à l'ancien président, est pressenti pour prendre la tête d'une commission chargée de rendre le gouvernement fédéral plus « efficient » en réduisant drastiquement la taille de l'administration fédérale et en procédant à des coupes claires dans les régulations. Un programme qui correspond avec ses intérêts personnels – ses entreprises sont sous le coup de plusieurs procédures initiées par des agences fédérales – mais qui est aussi parfaitement aligné avec la vision du monde d'une droite américaine bien décidée à en finir avec « l'Etat administratif ».
Plus discrètement, mais de manière sans doute plus influente, un autre think tank créé au lendemain de la défaite de Trump en 2020 par des proches, l'American First Policy Institute, semble destiné à jouer un rôle de premier plan dans l'éventuelle future administration du milliardaire. Sa présidente Linda McMahon a d'ailleurs été désignée co-leader de l'équipe qui serait chargée de mener la transition. L'American First Policy Institute, qui affichait en 2022 un budget de 23,6 millions de dollars mais ne divulgue pas le nom de ses donateurs, a lui aussi élaboré une feuille de route, sur laquelle il est beaucoup plus avare de détails que Heritage. Mais les grandes lignes – le démantèlement de l'administration fédérale, l'abandon des politiques climatiques, le soutien aux revendications des groupes religieux – restent les mêmes.
Olivier Petitjean
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Image de une : DonkeyHotey cc by-sa
04.11.2024 à 13:51
C'est le montant total des amendes infligées depuis 2010 à des multinationales par les autorités de 45 pays pour des infractions sociales, environnementales ou économiques, selon une nouvelle base de données.
- Chiffres / BNP Paribas, Volkswagen, BPCE, Veolia, TotalEnergies, JP Morgan Chase, Bank of America, normes et régulations, crimes et délits économiques700 milliards de dollars. C'est le montant total des amendes infligées depuis 2010 à des multinationales par les autorités de 45 pays pour des infractions sociales, environnementales ou économiques, selon une nouvelle base de données mise en ligne par l'ONG américaine Good Jobs First.
« Violation Tracker Global » est l'extension d'une base de données qui existe depuis plus de dix ans aux États-Unis (où ces informations sont plus facilement disponibles). Elle regroupe les informations divulguées par les autorités en charge du recouvrement des impôts, de la protection des consommateurs, de la police environnementale, des droits des travailleurs, de la concurrence ou encore de la lutte contre la corruption. Dans beaucoup de pays, ces données ne sont que partiellement publiques. Pour la France, par exemple, sont seulement prises en compte à ce stade, faute d'accès, les chiffres émanant de l'Autorité de la concurrence, de l'Autorité des marchés financiers, de l'ACPR, de la DGCCRF, de la CNIL et du Parquet national financier. Les délits environnementaux et sociaux sont donc hors absents.
Même avec ces limites, la base de données est riche en enseignements. Conséquence de la crise financière de 2008, les grandes banques occupent les toutes premières places du classement des amendes totales acquittées. Bank of America a ainsi payé 64 milliards de dollars d'amendes depuis 2010 pour 189 infractions, suivie par JP Morgan Chase avec 33 milliards de dollars d'amendes pour 179 infractions. Elles sont suivies par Volkswagen (à cause du Dieselgate) et BP (pour la catastrophe de Deepwater Horizon). La première entreprise française est BNP Paribas, en seizième position, avec plus de 10 milliards d'euros d'amendes payées. La toute récente amende de 30 milliards de dollars infligée par le Brésil à Vale et BHP pour la catastrophe minière de Samarco est également incluse.
Concernant les amendes acquittées en France, la première place revient à Alphabet, la maison mère de Google, principalement pour des infractions en matière de concurrence. Airbus est deuxième avec l'amende de plus de 2 milliards de dollars payée en 2020 pour solder une enquête pour corruption. Suivent UBS et McDonald's (pour leurs affaires fiscales) et Apple (pour des infractions fiscales et de concurrence).
Les données de Violation Tracker Global confirment la faiblesse relative des amendes infligées en matière environnementale ou pour des infractions au droit du travail par comparaison avec les amendes dans le domaine de la concurrence, de la fiscalité ou de la corruption. Parmi les groupes français, les industriels comme Air Liquide, Arkema, Saint-Gobain, TotalEnergies ou Veolia se distinguent par le nombre élevé de violations répertoriées (107 et 139 respectivement pour les deux derniers), mais les amendes totales acquittées se chiffrent seulement en dizaines de millions de dollars, très loin derrière les banques.
31.10.2024 à 15:54
Bienvenue dans la lettre d'information de l'Observatoire des multinationales.
N'hésitez pas à la faire circuler, et à nous envoyer des réactions, commentaires et informations.
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Bonne lecture
Les troublantes contributions financières de groupes français à la campagne électorale américaine
Le 5 novembre prochain a lieu aux États-Unis un scrutin qui décidera non seulement du (…)
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Bonne lecture
Le 5 novembre prochain a lieu aux États-Unis un scrutin qui décidera non seulement du nom du prochain locataire de la Maison Blanche, mais également de la majorité au Sénat et à la Chambre des Représentants.
Comme l'Observatoire des multinationales l'avait fait lors de scrutins précédents (voir Élections américaines : l'argent des entreprises françaises), nous nous sommes penchés sur les contributions financières à la campagne électorale émanant de filiales de groupes français aux États-Unis. Et l'exercice révèle quelques surprises.
Cette année encore, plusieurs groupes du CAC40 ont versé via leurs « political action committees » (ou « PACs) » de l'argent à des candidats au Sénat et à la Chambre. Beaucoup tendent à privilégier les républicains, et ils ont tous financé des candidats représentant l'aile la plus dure du parti, celle qui refuse toujours de reconnaître le résultat de l'élection présidentielle précédente, en 2020. Un déni qui avait mené à l'invasion du Capitole par une foule de supporters de Donald Trump.
C'est le cas notamment de Sanofi, ce qui n'est pas très étonnant tant les dirigeants de ce groupe le considèrent désormais comme américain plutôt que français (voir notre lettre précédente). Son PAC a déclaré à ce jour pour 409 000 dollars de contributions à des campagnes, en majorité pour des républicains. Il a par exemple donné 30 000 dollars chacun aux comités nationaux républicains pour le Sénat et le Congrès, et financé les campagnes de multiples candidats qui ont refusé de valider le résultat des élections de 2020.
D'autres noms sont plus inattendus. Plusieurs entreprises contrôlées totalement ou partiellement par l'État français – Airbus, Thales, Engie, Orano et EDF – ont ainsi contribué via leurs PACs aux campagnes de plusieurs candidats trumpistes.
Est-ce que les financements accordés par les PACs de groupes français comme Sanofi, Airbus ou EDF à des candidats républicains extrémistes vaut approbation de toutes leurs positions en matière de climat, de droits sexuels, de migration ou de recours à la violence politique ? Dans la plupart des cas, non. Le choix des bénéficiaires reflète surtout une bonne dose d'opportunisme et d'intérêts bien compris. Si Airbus se montre si généreux avec les candidats de l'Alabama et du Mississippi, deux États dominés par les républicains, cela tient évidemment à la localisation de sa seule usine aux États-Unis.
Mais ces contributions montrent précisément aussi que pour les industriels, quand il s'agit de faire des affaires, la frontière entre ce qui est démocratiquement acceptable et ce qui ne l'est pas n'existe pas.
Lire le détail de notre analyse : Campagne électorale américaine : les troublants financements d'Airbus, EDF et Sanofi.
700 milliards de dollars. C'est le montant total des amendes infligées depuis 2010 à des multinationales par les autorités de 45 pays pour des infractions sociales, environnementales ou économiques, selon une nouvelle base de données mise en ligne par l'ONG américaine Good Jobs First.
« Violation Tracker Global » est l'extension d'une base de données qui existe depuis plus de dix ans aux États-Unis (où ces informations sont plus facilement disponibles). Elle regroupe les informations divulguées par les autorités en charge du recouvrement des impôts, de la protection des consommateurs, de la police environnementale, des droits des travailleurs, de la concurrence ou encore de la lutte contre la corruption. Dans beaucoup de pays, ces données ne sont que partiellement publiques. Pour la France, par exemple, sont seulement prises en compte à ce stade, faute d'accès, les chiffres émanant de l'Autorité de la concurrence, de l'Autorité des marchés financiers, de l'ACPR, de la DGCCRF, de la CNIL et du Parquet national financier. Les délits environnementaux et sociaux sont donc hors absents.
Même avec ces limites, la base de données est riche en enseignements. Conséquence de la crise financière de 2008, les grandes banques occupent les toutes premières places du classement des amendes totales acquittées. Bank of America a ainsi payé 64 milliards de dollars d'amendes depuis 2010 pour 189 infractions, suivie par JP Morgan Chase avec 33 milliards de dollars d'amendes pour 179 infractions. Elles sont suivies par Volkswagen (à cause du Dieselgate) et BP (pour la catastrophe de Deepwater Horizon). La première entreprise française est BNP Paribas, en seizième position, avec plus de 10 milliards d'euros d'amendes payées. La toute récente amende de 30 milliards de dollars infligée par le Brésil à Vale et BHP pour la catastrophe minière de Samarco est également incluse.
Concernant les amendes acquittées en France, la première place revient à Alphabet, la maison mère de Google, principalement pour des infractions en matière de concurrence. Airbus est deuxième avec l'amende de plus de 2 milliards de dollars payée en 2020 pour solder une enquête pour corruption. Suivent UBS et McDonald's (pour leurs affaires fiscales) et Apple (pour des infractions fiscales et de concurrence).
Les données de Violation Tracker Global confirment la faiblesse relative des amendes infligées en matière environnementale ou pour des infractions au droit du travail par comparaison avec les amendes dans le domaine de la concurrence, de la fiscalité ou de la corruption. Parmi les groupes français, les industriels comme Air Liquide, Arkema, Saint-Gobain, TotalEnergies ou Veolia se distinguent par le nombre élevé de violations répertoriées (107 et 139 respectivement pour les deux derniers), mais les amendes totales acquittées se chiffrent seulement en dizaines de millions de dollars, très loin derrière les banques.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donDiplomatie économique. Emmanuel Macron était en visite officielle au Maroc pour sceller la réconciliation de la France avec le royaume chérifien. Une réconciliation placée sous le signe des espèces sonnantes et trébuchantes. Plusieurs contrats de grande envergure ont été signés à cette occasion, comme celui obtenu par Veolia pour construire une usine de dessalement de l'eau de mer, ou divers projets développés par EDF, Engie et TotalEnergies en partenariat avec des entreprises marocaines (dont plusieurs appartenant à la famille royale) pour des projets dans les énergies dites « bas carbone ». D'autres contrats ont été signés dans les secteurs ferroviaire (Engis et Alstom) et portuaire (CMA-CGM). Les PDG de toutes ces entreprises ont été conviés à faire partie de la délégation présidentielle. Cette pléthore de deals est la récompense accordée par le Maroc en échange de la reconnaissance surprise par Emmanuel Macron de la souveraineté du pays sur le Sahara occidental. Plusieurs entreprises françaises sont déjà actives dans ce territoire classé « non autonome » (autrement dit non décolonisé) par l'ONU et riche en ressources naturelles. Emmanuel Macron n'a pas caché son intention de pousser pour de nouveaux investissements français au Sahara occidental, en faisant fi du droit international.
Axa et BNP Paribas rattrapés par leurs financements israéliens. Depuis le début de l'offensive à Gaza, et désormais au Liban, tous les regards se tournent vers les liens qu'entretiennent des groupes français avec le complexe militaro-industriel israélien (lire l'article que nous avions consacré à cette question il y a quelques mois). Une autre forme de soutien attire désormais l'attention : celui apporté par des acteurs financiers à des entreprises israéliennes impliquées dans la guerre et dans les actes présumés de génocide auxquels elle donne lieu. L'ONG Eko a ainsi pointé du doigt Axa pour ses investissements substantiels de 150 millions de dollars dans plusieurs groupes d'armement du pays (lire leur rapport). De son côté, Action Justice Climat (ex Alternatiba Paris) a ciblé BNP Paribas pour son rôle dans l'émission d'obligations souveraines de l'Etat hébreu et ses liens avec l'entreprise de défense Elbit.
Esclavage moderne. Après le Qatar, l'Arabie saoudite. Après avoir contribué à mettre en lumière l'exploitation de la main d'oeuvre immigrée sur les chantiers de la Coupe du monde 2022, l'ONG Amnesty international se penche désormais vers les conditions de travail qui règnent chez le puissant voisin et y découvre des abus similaires en matière de droit humains au travail : recours à des travailleurs migrants recrutés par des agences de placement aux pratiques peu scrupuleuses, logement dans des conditions indécentes, journées à rallonge pour des salaires de misère, intimidation permanente. Comme au Qatar, les entreprises occidentales sont directement concernées. Après un précédent rapport sur les entrepôts Amazon, Amnesty pointe du doigt le groupe français Carrefour, très présent en Arabie saoudite à travers son accord de franchise avec le groupe émirati Majid Al Futtaim.
Formations ! Les formations de l'Observatoire des multinationales reprennent avec une session « Comment enquêter sur le lobbying à Paris et à Bruxelles » les 13 et 14 novembre à Paris (plus d'infos et inscription ici. Surtout, nous avons le plaisir d'organiser pour la première fois un stage à l'École des Vivants, qui aura lieu à La Zeste, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à proximité de Sisteron du 11 au 15 décembre. Programme, informations utile et inscription sur le site de l'École des Vivants.
Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.