06.11.2024 à 17:32
Human Rights Watch
(Washington) – L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis pour un second mandat constitue une grave menace pour les droits humains dans ce pays et dans le monde, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces inquiétudes reflètent le bilan de Trump en matière de violations des droits humains au cours de son premier mandat, son adhésion aux partisans et à l’idéologie de la suprématie blanche, les politiques antidémocratiques et anti-droits extrêmes proposées par des groupes de réflexion dirigés par d’anciens collaborateurs, et ses promesses de campagne, notamment celles d’appréhender et d’expulser des millions d’immigrés, et d’exercer des représailles contre ses opposants politiques.
« Donald Trump n’a jamais caché son intention de violer les droits humains de millions de personnes aux États-Unis », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. « Les institutions indépendantes et les groupes de la société civile, dont Human Rights Watch, devront faire tout ce qui est en leur pouvoir pour le tenir responsable, lui et son administration, des abus commis. »
Au cours du premier mandat de Trump en tant que président, de 2017 à 2021, Human Rights Watch a documenté son bilan en matière de violations des droits humains. Il s’agit notamment des politiques et des efforts visant à expulser les demandeurs d’asile et à séparer les familles à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, à promouvoir des stéréotypes racistes concernant les communautés noires et d’autres personnes de couleur, à adopter des politiques punitives à l’égard de familles à faible revenu, par exemple en les privant de soins de santé, et à attiser l’insurrection violente du 6 janvier 2021, qui a tenté de défaire les résultats de la précédente élection démocratique.
Les promesses de Trump pendant sa campagne de 2024 suscitent davantage d’inquiétudes pour un second mandat, tant au niveau national qu’international. En 2023, il a déclaré qu’il ne serait pas un dictateur « sauf le premier jour » de son mandat. Trump a fait l’éloge à plusieurs reprises d’autocrates tels que Viktor Orban, Vladimir Poutine, et Kim Jong Un. Il a proposé des politiques qui affaibliraient les institutions démocratiques qui protègent les droits humains fondamentaux et réduiraient les contrôles sur l’autorité présidentielle. La menace d’abus de pouvoir est encore plus préoccupante en raison d’une récente décision de la Cour suprême des États-Unis qui accorde aux présidents une large immunité contre les poursuites pénales pour les actes officiels commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Le Projet 2025 (Project 2025), un plan de gouvernance rédigé par des anciens conseillers et alliés politiques de Trump, détaille de nombreuses autres politiques abusives, souvent discriminatoires sur le plan racial, que la nouvelle administration pourrait adopter. Bien que Trump ait nié tout lien avec le projet 2025, nombre de ses déclarations font écho à ses prémisses.
Alors que le cycle de campagne présidentielle a été marqué par des discours hostiles envers les immigrés de la part des deux candidats, Trump a fait de la désignation des immigrés comme boucs émissaires un pilier central de sa campagne. Il a appelé à des politiques extrêmes, notamment la détention massive de migrants et les expulsions massives de millions de personnes, qui déchireraient des familles profondément enracinées aux États-Unis. Un tel programme entraînerait invariablement un profilage racial, conduirait à des abus accrus de la part des forces de l’ordre lors des rafles de masse et inciterait à des actions plus xénophobes dans le grand public. Pendant la campagne, Trump et son colistier, JD Vance, ont répandu des mensonges racistes sur les migrants haïtiens en particulier et fomenté la désinformation selon laquelle l’immigration entraîne une augmentation de la criminalité aux États-Unis.
Le droit à l’avortement sera de plus en plus menacé au cours du second mandat de Trump. Son insistance à ce que les États aient le pouvoir de bloquer l’accès aux soins de santé de base autorise des politiques qui violent les droits, mettent en danger la santé, entraînent des décès évitables et criminalisent les décisions privées en matière de soins de santé.
Trump a promis de riposter à ses ennemis politiques. Tout au long de ses discours et de ses interviews de campagne, il a utilisé une rhétorique de plus en plus dangereuse, qualifiant ses détracteurs d’« ennemi de l’intérieur » (« enemy from within » ). Trump a menacé d’ordonner au ministère américain de la Justice d’engager des poursuites contre le président Joe Biden et d’autres personnes qui, selon lui, s’opposent à son programme, notamment des responsables électoraux et des électeurs. Trump a également suggéré qu’il invoquerait la loi sur l’insurrection (« Insurrection Act ») pour déployer l’armée et la garde nationale américaines contre des personnes aux États-Unis exerçant leur droit de manifester.
En ce qui concerne la politique étrangère, au cours de son premier mandat, Trump a montré peu de respect pour les traités, les institutions multilatérales ou les efforts visant à protéger les droits humains des personnes vivant sous des gouvernements répressifs. Son administration s’est régulièrement opposée aux mesures favorables aux droits des femmes et aux progrès environnementaux dans le cadre des Nations Unies et a tenté de redéfinir et de limiter la définition des droits que le Département d’État américain devrait aider à protéger, dans le monde.
Trump a manifesté son opposition au financement de programmes d’aide humanitaire et d’efforts visant à protéger les civils dans les conflits internationaux et les crises majeures. Les partenariats probables avec des gouvernements qui violent les droits de l’homme au cours d’une nouvelle administration Trump risquent d’encourager ces gouvernements à nuire davantage aux personnes relevant de leur compétence et à perpétuer des cycles d’abus et d’immunité contre toute responsabilité dans le monde entier.
« Les institutions et les responsables respectueux des droits devront tenir bon pendant la deuxième administration Trump », a conclu Tirana Hassan. « Les dirigeants mondiaux, les fonctionnaires américains au niveau fédéral et étatique, les activistes et les citoyens ordinaires auront tous un rôle à jouer pour protéger les droits humains, et empêcher Trump de commettre les abus qu’il a promis de perpétrer. »
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06.11.2024 à 17:10
Human Rights Watch
(Nairobi) – Les forces de sécurité kenyanes ont enlevé, arrêté arbitrairement, torturé et tué des personnes considérées comme les leaders des manifestations contre le projet de loi de finances entre juin et août 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les agents de sécurité ont détenu les personnes enlevées sans respecter leurs droits légaux, dans des centres de détention illégaux situés dans divers lieux dont des bâtiments abandonnés et des forêts, et leur ont refusé l’accès à leurs familles ni à leurs avocats.
Les manifestations, organisées en grande partie par des personnes âgées de 18 à 35 ans, ont commencé des semaines plus tôt mais ont pris de l’ampleur après l’introduction du projet de loi de finances 202 au Parlement le 18 juin. Les manifestants ont exprimé leur indignation face aux dispositions qui augmenteraient les taxes sur les biens et services essentiels pour atteindre les objectifs de recettes du Fonds monétaire international. Le 25 juin vers 14 h 30, une foule estimée à 3 000 - 4 000 personnes par l’équipe de sécurité du Parlement a franchi la clôture du Parlement ; des agents de la police antiémeute ont alors tiré directement sur la foule, tuant plusieurs personnes. Certains manifestants ont forcé des barrages de police et ont pénétré dans le Parlement par l’entrée arrière, détruisant des meubles et d’autres objets.
« La répression meurtrière en cours contre les manifestants ternit encore davantage le bilan déjà lamentable du Kenya en matière de droits humains », a déclaré Otsieno Namwaya, directeur adjoint de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités devraient mettre un terme aux enlèvements, dénoncer publiquement les discours qui tentent de criminaliser les manifestations pacifiques et garantir une enquête rapide et des poursuites équitables contre les agents de sécurité impliqués de manière crédible dans les abus. »
Le président William Ruto a qualifié l’action des manifestants d’« invasion » et de trahison. Le 26 juin, le président a retiré le projet de loi, mais la police continue de traquer et d’enlever des activistes utilisateurs de médias sociaux qui sont soupçonnés d’être des leaders du mouvement, ainsi que des manifestants dont les visages ont été filmés par des caméras de vidéosurveillance au Parlement.
Entre août et septembre, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 75 personnes dans les quartiers de Mathare, Kibera, Rongai, Mukuru Kwa Njenga et Githurai à Nairobi, la capitale kenyane. Parmi ces personnes figuraient d’anciennes personnes enlevées, des témoins, des journalistes, des membres du personnel parlementaire, des proches de personnes enlevées ou disparues, d’autres manifestants, des militants des droits de l’homme et des policiers.
Ces personnes ont décrit comment, plusieurs semaines après les manifestations, des agents de sécurité en civil, le visage dissimulé, pourchassaient encore les personnes considérées comme des leaders des manifestations, les faisaient disparaître de force et les tuaient. Des témoins et des survivants d’enlèvements ont déclaré que les ravisseurs conduisaient des voitures banalisées dont les plaques d’immatriculation étaient changées à plusieurs reprises, ce qui rendait difficile la recherche des propriétaires.
Les recherches de Human Rights Watch montrent que les agents étaient en grande partie issus de la Direction des enquêtes criminelles, avec le soutien de l’Unité de déploiement rapide, des services de renseignements militaires, de l’Unité de police antiterroriste et du Service national de renseignement.
Les personnes enlevées ont déclaré avoir été arrêtées à leur domicile, à leur travail et dans la rue, et détenues pendant de longues périodes sans inculpation, alors que la loi kenyane exige que les suspects soient traduits en justice dans les 24 heures.
Un manifestant de 28 ans a déclaré avoir été interpellé lors des manifestations du 27 juin par des hommes en civil au visage couvert. Il a été brièvement détenu au commissariat central de Nairobi, puis emmené avec d’autres personnes dans un bâtiment abandonné à un endroit qu’il n’a pas reconnu. « L’endroit semblait avoir été utilisé pour la torture, avec des taches de sang sur le sol », a-t-il déclaré. « Environ huit policiers armés m’ont jeté par terre et m’ont frappé à coups de crosse sur les côtes et m’ont donné des coups de pied pendant environ deux heures jusqu’à ce que je saigne. Ils ont menacé de me tuer en me demandant : "Qui finance cette affaire ? Qui vous soutient, vous les manifestants ? " »
En août, la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, financée par l’État, a déclaré avoir documenté au moins 73 enlèvements. Mais trois hauts responsables ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils avaient cessé de publier des informations à cause des menaces et des pressions exercées par de hauts responsables du gouvernement. Si certaines des personnes enlevées ont été libérées, des proches inquiets d’autres personnes disparues, qu’ils soupçonnent d’avoir été enlevées par les forces de sécurité, continuent de les rechercher. Les corps de certaines des personnes portées disparues ont été retrouvés dans des rivières, des forêts, des carrières abandonnées et des morgues ; ils présentaient des signes de torture, certains étant mutilés et démembrés. Plusieurs personnes interrogées par Human Rights Watch, dont d’anciens détenus, ont déclaré que la police les avait " de tenter de renverser le gouvernement et menacé de les tuer s’ils ne révélaient pas l’identité des dirigeants et des bailleurs de fonds des manifestations.
Plusieurs victimes ont déclaré que les policiers les avaient frappées, giflées, frappées à coups de pied et battues à coups de fouet en caoutchouc, de bâton, de tuyaux en plastique et, dans certains cas, à coups de crosse d’armes à feu. Au moins deux personnes ont déclaré que les policiers avaient utilisé des pinces pour leur arracher les poils pubiens et les ongles pendant les interrogatoires. Presque toutes les personnes précédemment détenues ont déclaré que la police leur avait refusé de l’eau et de la nourriture et avait demandé aux familles de payer entre 3 000 et 10 000 shillings kenyans (entre 23 et 77 dollars US) de pots-de-vin pour leur libération.
Certains membres de familles qui ont été témoins d’enlèvements ont déclaré qu’ils n’avaient pas pu localiser leurs proches enlevés par des personnes qu’ils pensaient être des policiers en civil. D’autres ont déclaré avoir vu des policiers qui ont abattu leurs proches et emporté les corps.
Un homme de 25 ans a déclaré avoir vu des hommes en civil, qu’il croyait être des policiers, alors qu’ils communiquaient par radio, enlever son frère de 28 ans, Brian Kamau, dans le quartier de Githurai : « Il s’agissait de trois hommes en civil, portant des cagoules. Ils ont donné des coups de pied, des coups de poing et marché sur Brian avant de le pousser de force dans une voiture Subaru et de s’enfuir à toute vitesse. C’est la dernière fois que je l’ai vu. »
Les autorités devraient fournir des informations aux familles sur le lieu où se trouvent leurs proches disparus, a déclaré Human Rights Watch. En vertu de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, nul ne devrait être soumis à une disparition forcée et aucune circonstance exceptionnelle, même un état ou une menace de guerre, ne peut être invoquée comme justification. Une disparition forcée est définie comme l’arrestation, la détention ou l’enlèvement de personnes par les forces de l’État, ou avec l’autorisation ou le soutien de l’État, suivi du refus de reconnaître la détention ou de donner des informations sur le sort ou le lieu où se trouve la personne lorsqu’on le lui demande.
Les autorités kenyanes devraient immédiatement mettre un terme à ces abus et faciliter les enquêtes sur les enlèvements et les meurtres de manifestants par un tribunal indépendant composé de Kenyans et de non-Kenyans, y compris des avocats, des juges et des enquêteurs. Les partenaires internationaux du Kenya devraient faire pression sur les autorités pour qu’elles respectent le droit de manifester pacifiquement et créent un environnement propice à des enquêtes indépendantes.
En vertu des Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, la police et les autres responsables de l’application des lois doivent toujours s’identifier et éviter de recourir à la force contre des manifestants pacifiques ou limiter cette force au minimum nécessaire. La force létale ne doit être utilisée que lorsque cela est strictement nécessaire pour prévenir une menace imminente pour la vie. La police ne doit pas non plus faire un usage excessif de la force contre les détenus qu’elle garde.
« Le gouvernement kenyan devrait mettre fin à la récurrence de l’application abusive de la loi qui caractérise la réponse aux manifestations au Kenya depuis deux décennies », a conclu Otsieno Namwaya. « Le président Ruto devrait publiquement désavouer les abus de la police et garantir des enquêtes et des poursuites indépendantes pour ces abus. »
Suite du communiqué en anglais, comprenant des informations et recommandations plus détaillées.
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04.11.2024 à 07:00
Human Rights Watch
Lors d'un discours prononcé à Kisangani le 23 octobre, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a proposé des mesures visant à modifier la constitution du pays, laissant planner la possibilité d’une modification de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Félix Tshisekedi s'était auparavant engagé à « respecter scrupuleusement [s]es obligations constitutionnelles ».
À Kisangani, Félix Tshisekedi a qualifié la constitution actuelle de « dépassé[e] » et « pas adaptée aux réalités du pays ». Il a annoncé son intention de mettre en place une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution en 2025, tout en précisant qu'il appartiendrait au peuple de décider de l’éventuelle suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Des représentants du gouvernement, dont le ministre de la Communication et des Médias, ont publiquement exprimé leur soutien à une telle révision. Le 10 octobre, le Secrétaire général de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti au pouvoir, a demandé à ses membres de promouvoir la révision de la constitution auprès des sympathisants du parti.
La question de la limitation des mandats présidentiels a une résonance historique particulière pour les Congolais. L’article 220 de la constitution de 2006, qui avait été révisée sous le défunt président Joseph Kabila, interdit toute modification du « nombre et [de] la durée des mandats du Président de la République ». Joseph Kabila avait néanmoins réussi à se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat prévu par la constitution en décembre 2016 à travers la répression et la violence. À l'époque, Félix Tshisekedi faisait partie de l'opposition politique qui exhortait Joseph Kabila à respecter la constitution, y compris en ce qui concernait les mandats présidentiels.
De nombreux groupes de défense des droits et autres organisations de la société civile, ainsi que l'opposition politique, ont critiqué cette annonce, craignant que le président Tshisekedi ne cherche à contourner la limite constitutionnelle de deux mandats. Il a été réélu pour un second mandat en décembre 2023, à l'issue d'une élection entachée de violences.
Depuis lors, le gouvernement a réprimé ses détracteurs et a de plus en plus restreint les libertés fondamentales, dont la liberté d'expression, et a réprimé des manifestations pacifiques. Au moins trois opposants politiques et deux défenseurs des droits humains sont actuellement détenus arbitrairement.
Toutes les constitutions peuvent être sujettes à des amendements. Mais toute modification de la constitution congolaise doit respecter les obligations du pays en vertu du droit international des droits humains, notamment en garantissant le droit de chaque citoyen à choisir ses dirigeants dans le cadre d'élections périodiques et équitables.