03.12.2025 à 06:01
(New York) – L’arrestation aux États-Unis et le renvoi vers son pays d’un demandeur d'asile qui avait emmené ses enfants voir la finale de la Coupe du monde des clubs de football le 13 juillet suscite de profondes inquiétudes quant à la sécurité des personnes non américaines qui assisteront à la Coupe du monde dans ce pays en 2026, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
En mai, Human Rights Watch a écrit à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), organisatrice de la Coupe du monde, pour exprimer ses préoccupations concernant les risques et l’impact de la politique américaine en matière d’immigration sur la Coupe du monde 2026 et la Coupe du monde des clubs de 2025, recommandant une « action immédiate » face à l’approche du problème migratoire choisie par le gouvernement américain, qui crée des risques et menace de compromettre la capacité de la FIFA d’honorer les valeurs qu’elle revendique comme siennes en matière de droits humains, d’inclusion et de participation mondiale.
La FIFA a répondu le 3 juin, affirmant qu’elle « attend … des pays hôtes qu’ils prennent les mesures nécessaires pour assurer que toute personne qualifiée qui est impliquée dans la Compétition puisse entrer sur le territoire de ces pays » et qu’elle « travaille activement sur cette question avec les autorités compétentes. » La FIFA a également affirmé qu’elle s’adresserait aux autorités compétentes si elle était saisie de préoccupations concernant les droits humains.
Mais l’incident survenu lors de la finale de la Coupe du monde des clubs, révélé par Human Rights Watch, illustre bien les limites des efforts de la FIFA pour faire face aux graves risques de violation de leurs droits humains auxquels sont exposés les non-citoyens lors d’événements organisés par la FIFA aux États-Unis.
« Un père qui aime le football et avait prévu une journée spéciale avec ses enfants à l’occasion d’un tournoi de la FIFA s’est retrouvé en détention pendant trois mois, puis a été renvoyé vers un pays où il affirme que sa vie est en danger », a déclaré Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales à Human Rights Watch. « Dans le cadre de la politique de l'administration Trump, la répression de l’immigration lors de grands événements sportifs peut déchirer des familles et exposer des personnes qui ont fui des persécutions à des dangers mortels. »
Cet homme, dont le nom et le pays d’origine sont tenus confidentiels à sa demande, a été arrêté dans le New Jersey juste avant la finale de la Coupe du monde des clubs entre Chelsea (Angleterre) et Paris Saint-Germain (France). Il était sur l’aire de stationnement du complexe commercial American Dream, à proximité du stade MetLife, avec deux de ses enfants âgés de 10 et 14 ans, attendant le début du match.
L'homme et les membres de sa famille ont affirmé à Human Rights Watch que la police l’a interrogé, puis arrêté, après qu’il eut tenté de faire voler un petit drone pour prendre une photo de sa famille. Le drone fonctionnant mal, il l’a remis dans sa voiture et a été arrêté à ce moment-là.
Une ordonnance locale interdit l’utilisation de drones au-dessus du complexe de MetLife, en application d’une directive de l’Administration fédérale de l’aviation (Federal Aviation Administration, FAA) qui proscrit l’usage de drones dans et aux alentours des stades pendant des événements sportifs. Une violation non intentionnelle de l’interdiction de la FAA est une infraction civile qui occasionne habituellement une simple amende, selon un avocat spécialisé dans les questions d’aviation consulté par Human Rights Watch.
L'homme a affirmé que l’agent qui l’a interrogé lui a d’abord dit qu’on lui dresserait un procès-verbal et qu’on le remettrait rapidement en liberté. Mais au contraire, les policiers l’ont questionné sur son statut migratoire, puis l’ont remis aux agents de l’Autorité de l’immigration et des douanes (Immigration and Customs Enforcement, ICE). Le même jour, ceux-ci l’ont placé en détention et ont entamé une procédure d’expulsion.
Interrogé sur son lieu de détention, il a déclaré à Human Rights Watch que son dernier souvenir du jour de son arrestation était d’avoir « vu mes enfants pleurer parce que j’étais capturé ». Ses enfants pensaient que leur père serait libéré à temps pour assister au match. Mais quand un de ses enfants a voulu localiser son téléphone, il a constaté que son père était à 40 minutes de distance, a indiqué l’épouse de cet homme à Human Rights Watch.
Les personnes qui risquent l’expulsion ont le droit de faire une demande d’asile. La famille a affirmé avoir fui son pays d’origine en 2022 après qu’un groupe armé eut menacé de les tuer.
Mais l’administration du président Donald Trump n’autorise généralement pas de remises en liberté après une détention pour immigration illégale, même si les demandeurs d’asile peuvent verser une caution, une somme d’argent garantissant qu’ils continueront de comparaître aux audiences d’expulsion potentielle.
Au bout de trois mois de détention d’immigration, cet homme a décidé de ne pas faire appel lorsque le juge d’immigration a rejeté sa demande d’asile. Il a déclaré à Human Rights Watch que la perspective de rester enfermé encore plus longtemps le désespérait. « C’est très psychologique ce qu’ils vous font subir là-bas.… Vous voulez vraiment en sortir au plus tôt. »
L'administration Trump a fréquemment déclaré que les agents de l’immigration visaient à appréhender « les pires parmi les pires » (« the worst of the worst »). Mais des recherches effectuées par Human Rights Watch et d’autres organisations ont montré que les personnes prises lors de raids ou appréhendées lors d’opérations ciblées n’ont souvent pas de casier judiciaire.
À l’approche du coup d’envoi de la Coupe du monde des clubs, et en réponse à la question de savoir s’il avait des préoccupations au sujet de la présence éventuelle d’agents de l’ICE lors des matches, le président de la FIFA, Gianni Infantino, a déclaré : « Je n’ai pas de préoccupations … nous voulons que toutes les personnes qui viendront aux matches passent un bon moment…. Je suis sûr que cela va être une grande, grande fête. »
En particulier à la lumière des coups de filet policiers abusifs de l’administration Trump, les forces de l’ordre des états et des municipalités qui n’ont pas d’accords avec l’ICE pour effectuer des contrôles d’immigration ne devraient généralement pas poser de questions sur le statut d'immigration ou garder à vue des personnes pour que les agents de l’ICE puissent enquêter sur leur statut, a affirmé Human Rights Watch. Et les entités qui ont de tels accords, connus sous le nom d’accords 287(g), devraient prendre note des abus inhérents et les abandonner. L’ICE devrait s’abstenir de mettre en détention des demandeurs d’asile pour les durées maximales autorisées par la loi.
La FIFA devrait appeler les autorités américaines à ne pas cibler les événements de la prochaine Coupe du monde pour appliquer leur politique d’immigration, y compris par des accords 287(g), a déclaré Human Rights Watch.
« La Coupe du monde 2026 devrait être une fête du football, et non pas une opération d’application d’une politique migratoire qui détruit des familles et met des vies en danger », a affirmé Minky Worden. « Ce cas d’école met en lumière les contradictions flagrantes des États-Unis qui se préparent à accueillir le plus important événement sportif du monde, tout en mettant en œuvre des politiques qui aboutissent à la séparation de familles et à l’expulsion de demandeurs d'asile. »
Informations complémentairesDepuis l’arrivée au pouvoir du président Trump en janvier 2025, le gouvernement américain a pris des mesures afin de limiter l’accès aux voies légales de la demande d’asile. Human Rights Watch a documenté comment la politique d’expulsion des États-Unis a exposé des immigrants refoulés aux risques de mort et de violation de leurs droits humains.
Les agents de l’immigration et d’autres autorités chargées de l’application des lois ont accru de manière drastique le nombre des arrestations et des mises en détention depuis le début de l’administration Trump, effectuant notamment de vastes coups de filet dans de grandes villes comme Los Angeles, New York, Washington et Chicago. Les agents fédéraux de l’immigration ont pris particulièrement pour cible les communautés latino-américaines, effectuant des raids et des arrestations basées sur la perception de leur race, de leur ethnicité ou de leur origine nationale.
La Coupe du monde de football 2026 doit se tenir dans 11 villes et régions des États-Unis : Atlanta, Boston, Dallas, Houston, Kansas City, Los Angeles, Miami, New York/New Jersey, Philadelphie, Seattle et la région de la baie de San Francisco. La finale se jouera au stade MetLife à East Rutherford, dans le New Jersey, où s’est également déroulée la finale de la Coupe du monde des clubs en 2025.
Du 20 janvier au 15 octobre, l’ICE a arrêté au moins 92 392 personnes dans et aux alentours des villes où se joueront des matches de la Coupe du monde, selon des données du gouvernement fournies par l’ICE en réponse à une demande déposée, au nom de la liberté de l’information, auprès du Deportation Data Project et analysées par Human Rights Watch. Ces chiffres n’incluent pas les arrestations effectuées par les services américains des Douanes et de la Protection des frontières (Customs and Border Protection) ou par d’autres agences d’application des lois. Parmi toutes ces arrestations, 65,1 % ont visé des immigrants qui n’avaient pas de casier judiciaire aux États-Unis, ce qui correspond d’assez près aux tendances nationales.
Dans le New Jersey, 73,8 % des 5 331 arrestations effectuées par l’ICE ont concerné des non-citoyens n’ayant pas de casier judiciaire aux États-Unis. Des raids de l’ICE ont eu lieu dans le New Jersey, conduisant à l’arrestation de nombreuses personnes sur leur lieu de travail, y compris des non-citoyens et des citoyens américains.
Nombre d'arrestations par l'ICE (au 3 décembre 2025)
Lieu des matchs de la Coupe du monde de la FIFALieu d'arrestation par zone de responsabilité de l’ICE (Area of Responsibility = AOR)ÉtatNombre d'arrestations par l'ICE en 2025 (au 3 décembre 2025)Pourcentage d’arrestations non liées a une condamnation pénale aux États-UnisAtlantaAtlanta AORGéorgie8 00767,6 %BostonBoston AORMassachusetts4 68281,1 %DallasDallas AORTexas10 76466,8 %HoustonHouston AORTexas14 71258,1 %Los AngelesLos Angeles AORCalifornie9 62454,5 %San Francisco / Région de la baie San Francisco AORCalifornie3 79851,2 %Kansas CityChicago AOR, Detroit AOR, New Orleans AORKansas et Missouri3 30158,3 %MiamiMiami AORFloride20 55267,9 %New York CityNew York City AORNew York4 97473,8 %East Rutherford, New JerseyNewark AORNew Jersey5 33173,8 %PhiladelphiePhiladelphia AORPennsylvanie4 72768,9 %SeattleSeattle AORWashington1 92063,7 %Total--92 39265,1 %Dans des États comme le New Jersey, où se jouera la finale de la Coupe du monde 2026 et où des zones pour supporters seront installées, des agents de l’ICE ont fait incursion sur des sites où des travailleurs journaliers cherchent de l’emploi, ont suivi des travailleurs après qu’ils eurent quitté leur lieu de travail, et ont stoppé des véhicules pour vérifier leur identité et leur statut d'immigration, selon des membres d’Estamos Unidos (Nous sommes unis), une organisation de soutien opérant dans le nord du New Jersey. Dans un cas, un conducteur employé par une compagnie d’autobus privée a été stoppé par des agents de l’immigration qui lui ont demandé son identité. L’organisation affirme que lors des 15 arrestations confirmées effectuées par l’ICE entre septembre et novembre 2025, tous les hommes arrêtés étaient des Latino-américains.
Les médias ont signalé que certains supporters qui avaient acheté des tickets pour la Coupe du monde des clubs les avaient revendus, de crainte d’être arrêtés dans un stade et ensuite expulsés. Des membres du personnel de Telemundo (une chaîne d’information américaine en espagnol), le maire de Miami et des responsables de la FIFA étaient parmi les invités d’une réception relative à la Coupe du monde organisée sur un bateau à Miami et qui a été annulée quand le navire a été abordé par des agents du Département de la sécurité intérieure (Homeland Security, DHS) et par des Garde-côtes et certains participants se sont vu demander de produire des documents concernant leur statut légal.
Selon des affichages en ligne, des agents du DHS étaient présents lors de matches de la Coupe du monde des clubs aux abords du stade Mercedes Benz à Atlanta, du stade du Rose Bowl à Los Angeles et du stade du Hard Rock à Miami, et des agents de l’ICE prévoyaient d’être présents au Lumen Field à Seattle.
L'impact de ces arrestations et de ces raids sur les communautés vivant près des sites des futurs matches de la Coupe du monde est considérable. Dans le New Jersey, des gens ont peur de sortir, des familles ont perdu leur gagne-pain et les affaires s’en ressentent, selon des membres d'Estamos Unidos. « Personne ne se sent en sécurité », a déclaré un de ces membres. La présence de la police locale lors de certaines arrestations documentées amène souvent les membres de la communauté à se sentir moins en sécurité et, par conséquent, à être moins susceptibles de signaler un crime s’ils craignent d’être livrés aux services de l’immigration à l’occasion de n’importe quel contact avec la police.
De nombreux immigrants, craignant une mise en détention suivie d’une expulsion, ont opté pour un « départ volontaire », en partie pour éviter de se heurter ultérieurement aux obstacles juridiques à un retour aux États-Unis qui découlent automatiquement d’une expulsion. Le nombre d’immigrants qui ont choisi cette option au lieu de contester leur expulsion devant les tribunaux de New York et du New Jersey de juillet à octobre 2025 a augmenté de 1 373 % par rapport à la même période de l’année précédente, selon une analyse effectuée par Documented New York, un site d’information spécialisé dans les questions d’immigration. Cette augmentation est consécutive à l’adoption d’une directive de l’ICE du 8 juillet qui limitait la possibilité d’être entendu par un juge de l’immigration pour les immigrants en détention.
L'homme arrêté à proximité d’un événement de la Coupe du monde des clubs a été placé en détention à Delaney Hall, un site de détention d’immigrants situé à Newark, où, selon les médias, les détenus subissent de mauvais traitements, notamment une insuffisance de nourriture, et les conditions dans lesquelles les visiteurs sont admis sont dangereuses.
Un juge d’immigration a rejeté la demande d’asile du père en septembre. Celui-ci a déclaré que, traumatisé par trois mois de détention et souhaitant désespérément parler plus souvent à ses enfants, il a décidé de ne pas poursuivre ses démarches judiciaires, malgré sa crainte de devoir retourner dans son pays d’origine. La famille a dû acheter les billets d’avion pour son « départ volontaire. »
L'article 4 de la Politique de la FIFA en matière de droits de l’homme affirme que « la FIFA s’efforcera d’aller au-delà de sa responsabilité qui est de respecter les droits de l’homme ancrés dans les principes directeurs des Nations Unies, et ce en prenant des mesures pour promouvoir la défense des droits de l’homme et favoriser l’exercice de ces droits, notamment là où elle est en mesure d’exercer efficacement son influence sur cet exercice des droits ou lorsqu’il s’agit de renforcer les droits de l’homme dans le football ou par le biais de celui-ci. »
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02.12.2025 à 19:00
Il y a quelques mois, Norbert Amoya, 29 ans, est allé chercher de l'eau dans une rivière du nord de la Zambie. Il y a découvert de nombreux poissons morts, et l'eau avait une odeur étrange. Une catastrophe minière majeure en était la cause. Le 18 février, un barrage d'une mine de cuivre chinoise avait cédé, déversant des déchets toxiques dans un affluent du plus grand fleuve de Zambie. Cette catastrophe menace l'écosystème, les moyens de subsistance de millions de personnes et expose les communautés à un risque élevé de cancer et d'autres maladies.
De telles catastrophes peuvent être évitées.
Durant la semaine du 8 décembre, les États réunis à l’occasion de la septième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement (UNEA), principal organe mondial d’élaboration des politiques environnementales, délibéreront sur les mesures à prendre en ce sens. Le gouvernement colombien a pris l'initiative de proposer un nouveau traité international visant à gérer les risques environnementaux liés à l'exploitation minière, notamment en matière de diligence raisonnable et de traçabilité des chaînes d'approvisionnement en minéraux. Plusieurs autres pays, dont l'Arménie, l'Équateur, Oman et la Zambie, touchée par la pollution, ont rejoint cette initiative qui préconise une « gestion écologiquement rationnelle des minéraux et des métaux ».
Alors que les protections environnementales aux États-Unis et la législation européenne sur les chaînes d'approvisionnement s'affaiblissent, cette initiative constitue une mesure audacieuse saluée par les organisations de la société civile, dont Human Rights Watch.
Dans un premier temps, la Colombie et ses alliés proposent la création d'un groupe de travail de l’ONU chargé d'étudier les options de mesures contraignantes et non contraignantes. De tels groupes de travail ont déjà réussi à lancer des processus de traités.
Cependant, cette proposition rencontre des résistances et les négociations lors de la session de l’UNEA s'annoncent difficiles car certains pays, dont l'Arabie saoudite, l'Iran et la Russie, s'opposent à toute mesure contraignante à l’égard des activités minières.
Les mesures volontaires prises par les entreprises ne suffisent pas à protéger les droits humains et l'environnement, comme l'ont démontré à maintes reprises les enquêtes de Human Rights Watch et d'autres organisations. En Zambie, bien que l'entreprise chinoise ait versé certaines indemnités aux membres de la communauté, elle aurait également étouffé une étude sur l'ampleur réelle de la catastrophe.
Face à la demande croissante de minéraux pour la transition énergétique, la défense et d'autres technologies, il est essentiel que les gouvernements du monde entier œuvrent pour la protection de l'environnement ainsi que le respect des droits humains dans les chaînes d'approvisionnement mondiales en minéraux. Tous les gouvernements participant à la session de l’UNEA devraient soutenir l'initiative de la Colombie en faveur d'un traité contraignant sur les minéraux.
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02.12.2025 à 11:00
(Washington) – Les mesures prises par l'administration Trump en matière d'immigration aux États-Unis compromettent la protection des personnes sans papiers ayant été victimes de crimes, en entravant la capacité des forces de l'ordre à enquêter sur ces crimes en vue de poursuivre leurs auteurs, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.
2 décembre 2025 “We Need U”Le rapport de 50 pages, intitulé « “We Need U”: How the U Visa Builds Trust, Counters Fear, and Promotes Community Safety » (« “On a besoin du visa U” : Comment le visa U renforce la confiance des victimes, atténue la peur et favorise la sécurité communautaire »), constate que la politique d'expulsion de migrants menée par l'administration Trump sape les programmes fédéraux de visas qui offrent aux victimes de crimes la possibilité d'obtenir un statut de résident légal lorsqu'elles coopèrent avec les forces de l'ordre. Les nouvelles directives en matière d'application de la loi, qui permettent notamment aux agents du Service américain de l'immigration et des douanes (Immigration Customs Enforcement, ICE) d'appréhender des personnes dans des lieux auparavant sûrs tels que les tribunaux et les centres de santé, ont un effet fortement dissuasif sur des personnes migrantes qui souhaiteraient signaler des crimes à la police, ou demander une ordonnance de protection.
« Malgré les discours musclés de l'administration Trump sur la répression de la criminalité, ses politiques et mesures en matière d’immigration profitent à des auteurs de violences, désormais moins exposés au risque d'être arrêtés et poursuivis », a déclaré Sara Darehshori, consultante auprès de Human Rights Watch et auteure du rapport. « Si l'administration Trump souhaite sérieusement lutter contre la criminalité, elle devrait étendre et améliorer les programmes de visas qui permettent aux victimes de signaler les crimes, sans crainte d'être elles-mêmes expulsées. »
Le Congrès a créé le visa U en 2000 pour aider à lutter contre la violence sexiste, reconnaissant que les femmes et les enfants sans papiers sont particulièrement vulnérables aux abus et peu susceptibles de signaler les crimes par crainte d'être expulsés. Dans le cadre du programme de visas U, les victimes de viol, de violence domestique, de traite et de 25 autres types de crimes peuvent obtenir un statut de résident-e légal-e si elles coopèrent avec les forces de l'ordre ou un autre organisme de certification, s’il est avéré qu’elles ont subi d’importants abus physiques ou mentaux importants, et si elles sont par ailleurs admissibles aux États-Unis.
Ce programme vise à empêcher les agresseurs d'utiliser la menace d'expulsion comme moyen de dissuasion pour empêcher les victimes de contacter la police, et à renforcer la capacité des forces de l'ordre à enquêter sur ces crimes, en vue de poursuivre leurs auteurs.
Entre mai et octobre 2025, les chercheuses ont mené 43 entretiens dans diverses villes des États-Unis, avec des agents des forces de l'ordre, des avocats spécialisés en droit de l'immigration, des victimes de crimes et des activistes, afin de mieux comprendre l'impact du programme de visas U.
Dans un cas, par exemple, le compagnon d'une femme l'a brutalement battue en juin 2023. Il l'a frappée à coups de poing, lui a coupé la main et le visage avec un couteau, l'a frappée avec une bouteille et l'a étranglée jusqu'à ce qu'elle perde connaissance. Il a menacé de la tuer, lui disant qu'elle finirait dans un « sac mortuaire ». Elle a été transportée aux services d’urgences d'un hôpital, où elle a été soignée pour de graves lacérations et une fracture de l'épaule. Pendant son séjour à l'hôpital, elle a trouvé le courage de signaler les violences au département de police de New York, une décision qui, selon elle, lui a sauvé la vie. Elle attend désormais son visa U.
« Les agresseurs recourent régulièrement à des menaces pour empêcher leurs victimes de contacter la police, soulignant qu’elles risquent d’être expulsées du pays, et/ou séparées de leurs enfants », a expliqué Sara Darehshori. « Les tactiques agressives utilisées par l'agence ICE sous l'administration Trump risquent de rendre les survivantes plus réticentes que jamais à demander l'aide dont elles ont besoin. »
Une enquête menée par l'ONG Alliance for Immigrant Survivors renforce les craintes que les pratiques répressives de l'administration Trump aient donné aux agresseurs un outil puissant pour contrôler leurs victimes. Sur les 170 activistes et avocats interrogés à l'échelle nationale au printemps 2025, plus de 75 % ont déclaré que leurs client-e-s avaient peur de contacter la police et plus de 70 % ont déclaré que leurs client-e-s hésitaient à se rendre au tribunal pour y livrer leur témoignage.
Les avantages du programme de visas U vont au-delà des cas de violence conjugale et des communautés immigrées. Des études établissent un lien entre les auteurs de violences domestiques et un large éventail d'autres crimes commis en dehors du domicile. Les personnes interrogées ont décrit des cas où des victimes immigrées ont apporté une aide essentielle dans des affaires de vol de salaire, de meurtres, de vols, de crimes haineux et de viols ou d'agressions sexuelles commis par des inconnus. Elles ont également décrit les nombreux dispositifs prévus dans le cadre du programme de visas U, pour détecter les fausses déclarations.
Le programme de visas U est loin d'être parfait, a observé Human Rights Watch. Le nombre de visas disponibles est trop limité, et les victimes doivent parfois attendre des années avant l’obtention d’un visa. La procédure peut aussi parfois sembler arbitraire, car les forces de l'ordre disposent d'un large pouvoir discrétionnaire pour décider de délivrer ou non l'attestation requise pour qu’une demande soit acceptée.
Néanmoins, ce programme est un outil essentiel pour assurer la sécurité de nombreuses personnes aux États-Unis, et pour permettre au gouvernement de respecter ses obligations en matière de droits humains, notamment en matière de lutte contre la violence sexiste et de protection des victimes. Le Congrès devrait adopter des mesures visant à renforcer et à étendre ce programme, a déclaré Human Rights Watch.
« L’obtention d’un visa U aide à surmonter la peur qui réduit souvent les survivantes au silence, et leur fournit la sécurité nécessaire pour demander de l'aide et soutenir les enquêtes sans mettre en danger le bien-être de leur famille », a déclaré Saloni Sethi, commissaire du Bureau du maire de New York chargée des questions de violences domestiques et sexistes. « Renforcer et rationaliser le processus d'obtention du visa U permettrait à davantage de survivantes signaler les abus et de recevoir le soutien qu'elles méritent ; cela aiderait à poursuivre les auteurs de ces crimes, et contribuerait à renforcer la sécurité à New York. »
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