24.10.2025 à 13:45
Dans un rapport accablant publié la semaine dernière, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a conclu que la France était responsable de violations graves et systématiques des droits des enfants migrants non accompagnés. Le comité a conclu qu'en raison de procédures d'évaluation de l'âge défaillantes et arbitraires, de nombreux enfants non accompagnés se retrouvent sans abri, privés de soins de santé et contraints de vivre dans des conditions dégradantes et indignes, au lieu d'être protégés, pris en charge et soutenus.
Les conclusions du Comité concordent à bien des égards avec celles des enquêtes menées ces dernières années par Human Rights Watch à Paris, Calais, Marseille, à la frontière franco-italienne et dans les Hautes-Alpes.
Ces enfants se retrouvent souvent à la rue, sans accès à l'éducation ni aux soins médicaux, pendant qu'ils font appel d’évaluations défectueuses de leur âge, ce qui peut durer des mois, voire des années, les plaçant dans une situation d'extrême précarité et les privant de leurs droits fondamentaux. Entre 50 et 80 % de ces appels invalident les évaluations, mais les décisions peuvent parfois être rendues après que l'enfant a atteint l'âge de la majorité, le privant définitivement des droits qui auraient dû lui être accordés.
En outre, nombre de ces enfants peuvent également être soumis à des traitements dégradants de la part des forces de l’ordre, privés de leur liberté et arbitrairement détenus. Ce problème est particulièrement répandu à la frontière franco-italienne entre Menton et Vintimille, où des enfants migrants sont sommairement expulsés vers l'Italie, en violation du droit européen et international.
Les alertes de Human Rights Watch et de nombreuses organisations non gouvernementales et institutions se sont multipliées ces dernières années, et la France a été condamnée, en janvier 2025, par la Cour européenne des droits de l'homme pour « défaut de protection » d'un enfant guinéen.
Le Comité est clair dans ses recommandations à la France : tout enfant – ou personne se déclarant comme telle – doit bénéficier de la présomption de minorité tout au long du processus d'évaluation et d'appel et se voir garantir ses droits fondamentaux, notamment au logement, à la nourriture, à l’eau et à l’éducation. Les autorités françaises devraient prendre en compte ces alertes et veiller de toute urgence à ce que ces enfants vulnérables bénéficient de la protection et des soins auxquels ils ont droit.
23.10.2025 à 18:36
(Chicago, 23 octobre 2025) – Depuis la mi-septembre 2025, des agents fédéraux des États-Unis ont fait usage d'une force excessive contre des manifestants pacifiques, des observateurs juridiques, des secouristes bénévoles et des journalistes lors de manifestations devant un centre de détention géré par le Service d’immigration et de douane (Immigration and Customs Enforcement, ICE) dans la banlieue de Chicago, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les manifestations devant le centre de l’ICE à Broadview, dans l'Illinois, se sont intensifiées après le lancement de l'opération « Midway Blitz » de l'ICE le 8 septembre, et suite aux nombreuses descentes visant à appréhender des migrants dans toute la région de Chicago.
D'après les témoignages recueillis par Human Rights Watch et l’analyse de plusieurs vidéos, des agents du département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security, DHS) – parfois en présence de la police locale et de l'État d’Illinois, ainsi que d'autres agents fédéraux – ont à plusieurs reprises fait usage d'une force excessive contre de petits groupes de manifestants qui ne semblaient présenter aucune menace pour les agents ou la sécurité publique, ainsi que contre des journalistes, des observateurs juridiques et des secouristes bénévoles clairement identifiables. Ces agents ont arrêté des dizaines de manifestant-e-s, ainsi qu'au moins un journaliste et un secouriste bénévole. Cette réponse violente est comparable à un précédent usage excessif de la force contre des manifestants qui s'opposaient à des descentes visant des personnes migrantes à Los Angeles, en juin dernier.
« Il ne s'agit pas d’opérations de maintien de l’ordre mais d'une campagne d'intimidation », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Les agents fédéraux utilisent des irritants chimiques et tirent des projectiles sur des manifestants pacifiques, des secouristes bénévoles et des journalistes en plein jour. Le message est clair : la dissidence sera punie. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 17 personnes qui étaient présentes lors des manifestations de Broadview : 7 manifestant-e-s, 4 journalistes, 3 secouristes, 2 défenseurs des droits des immigrants et un pasteur. Les chercheurs ont également analysé 17 vidéos enregistrées pendant les manifestations qui ont été publiées sur les réseaux sociaux, ou fournies directement aux chercheurs. Le 17 octobre, Human Rights Watch a transmis à la Ssecrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, un courrier résumant les conclusions de son enquête et sollicitant ses commentaires , mais n'a pas reçu de réponse.
Les témoignages et les vidéos ont confirmé que les agents du DHS ont utilisé des gaz lacrymogènes et tiré des projectiles directement sur des groupes de manifestants, y compris depuis le toit du centre de détention de l’ICE, souvent sans avertissement et sans que les manifestants ne semblent présenter de danger pour les agents. Selon les témoignages et l’analyse de photos et vidéos vérifiées, le nombre de manifestant-e-s a varié entre une dizaine de personnes et pas plus de 250, lors des divers incidents.
Suite du communiqué en anglais.
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23.10.2025 à 06:00
(New York) – Les talibans ont fortement affaibli les médias afghans depuis qu’ils ont pris le contrôle du pays en août 2021, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ils ont soumis les organes de presse encore opérationnels à la surveillance et à la censure, et ont sanctionné les journalistes ainsi que d’autres professionnels des médias pour tout commentaire perçu comme critique. Les journalistes afghans en exil qui ont fui la persécution de la part des talibans sont désormais confrontés à des menaces croissantes de retour forcé en Afghanistan, où ils craignent des représailles.
La liberté des médias a décliné dans tout l’Afghanistan au cours des quatre dernières années, sous le régime des talibans. Des sources médiatiques ont indiqué que l’agence de renseignement des talibans surveille tous les contenus, et que la « police des mœurs » veille à ce que le personnel des organes de presse respecte les codes vestimentaires prescrits et autres réglementations. Les autorités locales appliquent les règles officielles de manière arbitraire, ce qui entraîne des degrés de censure variables selon les provinces. Les restrictions sévères imposées aux femmes par les talibans ont entraîné une forte baisse du nombre de femmes journalistes dans le pays.
« Les autorités talibanes obligent de plus en plus les journalistes en Afghanistan à rédiger des articles “sûrs” et préapprouvés, et punissent celles et ceux qui ne respectent pas les règles par des arrestations arbitraires et des actes de torture », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l'Afghanistan auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Tous les journalistes afghans ont été touchés et beaucoup ont fui le pays, mais ce sont les femmes journalistes qui ont été parmi les plus durement affectées. »
Human Rights Watch a mené 18 entretiens à distance avec des journalistes afghan-e-s en Afghanistan et 13 entretiens en personne avec des journalistes en exil vivant en Turquie, ainsi qu'avec des organisations afghanes d'aide aux réfugiés. Ces entretiens ont été menés principalement en août 2025. Les journalistes ont décrit les situations difficiles en Afghanistan et les défis croissants auxquels sont confrontées les personnes exilées dans les pays de l'Union européenne, en Turquie et aux États-Unis.
Les journalistes accusés par les talibans de travailler avec des médias en exil ou d’avoir des contacts avec des groupes d’opposition sont exposés au risque de détention, de violents passages à tabac et de menaces de mort. Un journaliste ayant été détenu a indiqué que des responsables talibans lui avaient déclaré : « Nous pouvons vous tuer, et personne ne peut même nous demander pourquoi. »
Le ministère taliban de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice (PVPV) inspecte régulièrement les bureaux des médias. Des agents ont arrêté des professionnels des médias pour violation de la loi du ministère sur la séparation des espaces de travail entre hommes et femmes, l'interdiction de diffuser des voix de femmes ainsi que la diffusion de musique à la télévision et à la radio.
Peu après août 2021, le Centre d'information et de médias des talibans a annoncé « 11 règles » pour les médias, notamment l'interdiction de diffuser ou de publier tout contenu « contraire à l'islam », « insultant à l’égard de personnalités nationales » ou « portant atteinte à la vie privée ». Les journalistes sont tenus de fournir des informations « équilibrées » et de « ne publier que la vérité », mais ces règles ne prévoient aucun critère d'interprétation de ces termes. La formulation vague permet des interventions arbitraires de la part des autorités à tous les niveaux.
Les autorités talibanes examinent les rapports avant publication et censurent tout ce qu'elles jugent avoir « un impact négatif sur l'attitude ou… le moral du public ». « Ils nous disent : “Faites attention à ne pas nous nuire avec vos reportages” », a déclaré un journaliste. « Si vous le faites, vous aurez des ennuis. »
Les talibans ont fortement restreint la représentation des femmes dans les programmes diffusés, interdisant aux médias de diffuser des feuilletons et des séries mettant en scène des femmes. Ils ont également exigé le port du hijab pour les femmes employées par des médias.
En vertu de la Loi sur la propagation de la vertu et la prévention du vice, promulguée en août 2024, des inspecteurs vérifient que le contenu des médias est conforme à la charia (loi islamique) et ne contient pas d'images d'êtres vivants.
En raison de ces restrictions, les journalistes s'autocensurent régulièrement et limitent souvent leurs reportages aux événements officiels, tels que les cérémonies de remise de prix, les visites diplomatiques et les projets de développement. Le fait de ne pas couvrir les événements officiels peut entraîner des réprimandes, des menaces et, dans certains cas, la détention. Un journaliste basé à Kaboul a déclaré avoir été arrêté à deux reprises pour ne pas avoir couvert de tels événements.
Un autre journaliste a indiqué que le porte-parole des autorités provinciales l'avait appelé pour lui demander d'assister à une journée de remise des diplômes de la police. « Je n'y suis pas allé, car ce n'était pas digne d'intérêt médiatique », a-t-il expliqué. « Le lendemain, ils m'ont déclaré : “ Vous n’avez plus le droit de faire des reportages”. »
Les professionnels des médias qui ont fui l'Afghanistan vers d'autres pays vivent dans la précarité en exil, dans la crainte d'être renvoyés de force en Afghanistan et d'y être persécutés.
Les pays qui accueillent des réfugiés afghans devraient maintenir leur position selon laquelle l'Afghanistan est un pays dangereux pour les retours et garantir le respect absolu du principe de non-refoulement, qui interdit de renvoyer des personnes vers des situations dangereuses. La situation des droits humains en Afghanistan n'a cessé de se détériorer depuis le retour au pouvoir par les talibans.
« L'oppression des médias par les talibans s'est intensifiée, alors même que le besoin de médias indépendants en Afghanistan ne fait que croître », a conclu Fereshta Abbasi. « Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les autres pays qui s’étaient engagés à faciliter la réinstallation d’Afghans devraient renforcer leur soutien aux journalistes afghans en danger, et cesser toutes les expulsions vers ce pays. »
Suite détaillée en anglais, comprenant des témoignages de journalistes afghan-e-s menacé-e-s.
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