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27.10.2025 à 12:43

Bunker ou bien : l’indestructible maison individuelle, durable pour le siècle qui vient

L'Autre Quotidien
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L’aspiration à la maison individuelle des Français est bien légitime, surtout quand on est propriétaire du terrain. Oui mais voilà, elles sont désormais la proie des éléments, tant les maisons traditionnelles, c’est-à-dire construites quand prévalait le bons sens des anciens qui n’avaient jamais vu de tornade mais qui savaient épeler glacier, que les maisons de constructeurs qui sont à l’habitat ce que le sucre hyper raffiné est à la poire Comice. Que faire par exemple quand sa maison a été inondée trois fois dans l’année là où il n’y avait jamais d’inondations ?
Texte intégral (1595 mots)

L’aspiration à la maison individuelle des Français est bien légitime, surtout quand on est propriétaire du terrain. Oui mais voilà, elles sont désormais la proie des éléments, tant les maisons traditionnelles, c’est-à-dire construites quand prévalait le bons sens des anciens qui n’avaient jamais vu de tornade mais qui savaient épeler glacier, que les maisons de constructeurs qui sont à l’habitat ce que le sucre hyper raffiné est à la poire Comice. Que faire par exemple quand sa maison a été inondée trois fois dans l’année là où il n’y avait jamais d’inondations ?

Reconstruire à l’identique ne sert à rien – les inondations, si elles sont venues reviendront – mais c’est évidemment un crève-cœur de rendre la parcelle à la nature et d’aller loger en appartement en ville, sur les hauteurs. Il serait certes imaginable de reconstruire son habitat sur pilotis et de regarder passer les inondations en buvant un jus de fruit sur sa terrasse surélevée mais cette nouvelle maison se révèle d’un pauvre secours face à la puissance des tempêtes à venir. Reconstruire sa maison en bois biosourcé – à grands frais car les assurances se fatiguent déjà de rembourser les dégâts liés au réchauffement climatique – pour voir son toit arraché par une tornade a de quoi désespérer de l’adaptation les meilleures volontés.

Heureusement, Chroniques d’architecture, s’appuyant sur des usages du passé, propose aux propriétaires désemparés et aux nouveaux acheteurs de maisons individuelles une solution parfaitement protectrice, peu onéreuse et durable, c’est-à-dire destinée à durer, laquelle s’inscrit parfaitement dans le futur prévisible : mieux que la taupinière, l’adobe en dôme de béton armé.

Voyons, imaginez une maison en forme d’igloo, un dôme constitué d’un mur de béton de 30 cm d’épaisseur. L’entrée se fait par le haut, via une écoutille semblable et aussi hermétique que celle d’un sous-marin (on sait les construire à Saint-Nazaire). Quelques fenêtres en hauteur, avec du vitrage pare-balles et dotées de volets étanches et voilà le travail : un sam’suffit qui résistera aux inondations et aux coulées de boue et qui, sans prise au vent, résistera également aux tempêtes extraordinaires et autres tornades – aucun risque de toit arraché et pas besoin de remplacer tuiles ou ardoises après chaque coup de vent. Un bâtiment qui résistera même aussi bien aux UV et au soleil incandescent qu’aux éclats d’obus ou aux tirs de kalachnikov ou à l’effondrement d’une grue ou la chute d’un arbre. Question sécurité, pour une famille, c’est encore mieux qu’une ‘panic room’. Et pour protéger ses bijoux de famille, c’est un intérieur inviolable, même avec une disqueuse ! La demeure pourra même à l’occasion restée submergée quelques jours pourquoi pas : il faut juste prévoir le périscope et des réserves de nourriture. Une terrasse sur le toit pour les beaux jours et en cas d’ouragan – on a généralement le temps de les voir venir – il suffit de ranger le mobilier de jardin pour ne pas le retrouver chez des voisins à dix kilomètres de là.

En plus, une fois l’inondation partie, il suffit d’un coup de Karcher pour nettoyer la façade et il n’y a aucune perte intérieure à déplorer, l’électroménager n’est pas à jeter et à remplacer, ce qui ne peut que faire plaisir aux assurances justement quand il s’agit de les convaincre de financer la reconstruction de son pavillon désormais moisi.

Vu l’état du monde et les dérèglements climatiques, personne ne sait à ce jour à quelle météo et à quels aléas l’homme devra faire face d’ici 20 ou 40 ans ou en 2100. Une certitude cependant, le dôme de béton a plus de chance de résister dans le temps que n’importe quelle maison de constructeur ou d’architecte. Voyez les bunkers allemands de la côte atlantique, toujours là 80 ans plus tard, sans aucun entretien ! Pour résister aux séismes, le béton est par ailleurs le meilleur des matériaux. Et si l’argile se rétracte à cause de la sécheresse, la maison sera peut-être provisoirement, en attendant la pluie, un peu penchée mais elle ne sera pas fissurée au point de la rendre inhabitable.

Quand à l’aspect énergétique, il suffit de quelques personnes vivantes pour réchauffer l’intérieur d’un dôme parfaitement étanche, là encore la preuve par l’igloo, plus sûrement la yourte d’ailleurs puisque pour l’igloo il faut de la neige et que de neige, il n’y en aura plus. De fait, les bureaux d’études devraient pouvoir calculer l’épaisseur du mur pour, comme dans un parking enterré, assurer une température à peu près constante toute l’année. D’ailleurs les Indiens Pueblo vivaient – vivent encore pour certains – dans des kiva leur permettant d’affronter des chaleurs torrides l’été et de très grands froids l’hiver. Et ils pénètrent dans leur kiva par le haut. Notons encore les Ksars du sud tunisien aux toits arrondis. Un tel habitat en adobe ne serait donc pas si nouveau pour les Français et sans doute une preuve d’adaptation efficace.

Ce d’autant plus qu’il suffisait d’un soldat sur un vélo pour fournir de l’électricité à 40 bonshommes dans un bunker. Un simple vélo d’appartement ultramoderne ferait donc l’affaire et permettrait, en attendant des jours meilleurs et que le réseau soit rétabli, de maintenir au frais denrées alimentaires et précieux appareils électroniques. Sur le temps long, une maison parfaitement écologique et économe en somme. Et à un coût de production industrialisé bien moindre que n’importe quelle maison de constructeur. Pour se différencier entre les anciens et les modernes, d’aucuns pourront peindre le béton de la couleur de leur choix, les autres privilégieront le béton brut. Enfin pour être tout à fait écolo, pour ceux qui tiennent aux signes extérieurs de richesses, il y a bien sûr le dôme en pierre de taille ou en basalte, mais c’est plus cher.

De fait, il serait ensuite possible d’imaginer des villages de ces maisons, comme les villages Pueblo par exemple, voire des quartiers entiers à l’architecture proliférante telle Habitat 67 de Moshe Safdie, mais avec des courbes qui font moins mal aux yeux que l’angle droit.

Sinon l’alternative est de se réfugier dans des habitats troglodytes, qu’il faudra creuser de plus en plus profondément pour garantir une température suffisamment confortable au fur et à mesure que la moitié de la planète deviendra un désert, soit à cause de la chaleur insoutenable, soit trempé de pluies diluviennes soit les deux en même temps avec un taux d’humidité de 80 %. En l’occurrence, il s’agirait toutefois pour l’humanité d’une marche inversée : au lieu de sortir de la caverne, nous y entrerions de plus en plus profondément et, dans 1 000 ans, d’espérer une nouvelle civilisation des taupes.

Christophe Leray, le 28/10/2025
L’ indestructible maison individuelle, durable pour le siècle qui vient

27.10.2025 à 12:07

Suivre assidûment le flow de la persévérance et y retrouver le Velvet et Spaceman Three

L'Autre Quotidien
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“Perseverance Flow, c'est sauter à la corde au ralenti. Une danse de coopération pour rassembler le courage et l'humour et continuer à avancer à travers les larmes qui coulent “ Joshua Abrams. Intriguant non ? et de la douceur comme une certaine violence contenue de surgir, pour rappeler l’état du monde. Now listen !
Texte intégral (1102 mots)

“Perseverance Flow, c'est sauter à la corde au ralenti. Une danse de coopération pour rassembler le courage et l'humour et continuer à avancer à travers les larmes qui coulent “ Joshua Abrams. Intriguant non ? et de la douceur comme une certaine violence contenue de surgir, pour rappeler l’état du monde. Now listen !

Perseverance Flow est le dixième album de l’ensemble Natural Information Society (NIS) basé à Chicago. Après une trilogie de doubles albums vinyle enregistrés par une formation élargie du groupe, qui a débuté en 2018 avec Mandatory Reality et s'est poursuivie avec Since Time Is Gravity (sélectionné parmi les meilleurs albums jazz et expérimentaux de l'année par Pitchfork et classé n° 1 des albums underground de 2023 par Mojo), NIS revient à sa formation initiale composée de Lisa Alvarado à l'harmonium, Mikel Patrick Avery à la batterie, Jason Stein à la clarinette basse et le compositeur/multi-instrumentiste Joshua Abrams au guimbri pour une composition continue de 37 minutes sur un seul album.

L'une des réflexions profondes de cette “information naturelle (merci Bill Callahan)” est la grande diversité des sources d'inspiration dont s'inspire Abrams au cours des plus de 15 ans d'histoire du groupe : les idées issues du minimalisme, du jazz modal et des musiques traditionnelles sont régulièrement réinventées dans ces compositions. Le double album descension (Out of Our Constrictions) sorti en 2021, avec le soliste invité Evan Parker, reflète l'amour d'Abrams pour la musique festive, la house de Chicago et John Coltrane. Mais même les voyageurs chevronnés du NIS doivent se préparer au Perseverance Flow qui taquine les codes et s’amuse à les réverbérer sans sourciller jusqu’à l’hypnose du derviche tourneur , façon Terry Riley.

À propos de l'histoire et des inspirations derrière l'album, Abrams explique : « Nous avons joué ce morceau pendant un an en concert avant l'enregistrement. À Electrical (Audio Studios, Chicago), nous sommes arrivés à 11 heures et avons terminé à temps pour aller chercher nos enfants à l'école. » Abrams poursuit : « Dans un monde de référence, j'imagine Perseverance Flow comme une réalisation live prolongée d'un instrumental perdu de Jaylib remixé par Kevin Shields. Ou vice versa. Je pense également qu'il s'apparente à certaines musiques de danse plus complexes sur le plan rythmique, issues de Chicago et de Lisbonne. »

Le noyau de l'ensemble NIS que l'on entend sur Perseverance Flow aborde toujours les compositions d'Abrams avec la discipline des musiciens d'orchestre et la créativité des improvisateurs. Mais cette fois-ci, au lieu d'inviter des musiciens légendaires tels qu'Evan, William Parker ou Ari Brown à improviser librement sur les compositions, Abrams a invité le studio d'enregistrement lui-même à collaborer. Assis à la console avec l'ingénieur Greg Norman, Abrams a poussé les techniques de post-production, que l'on ne trouvait que sporadiquement sur les précédents albums de NIS, au cœur même de la musique, déformant et remodelant les instruments pour modifier subtilement, et parfois agressivement, le timbre, la texture, la couleur et le tempo.

En réfractant les enchaînements rythmiques hypnotiques caractéristiques du groupe à travers le prisme sonore du dub, Perseverance Flow est l'album le plus expérimental de NIS à ce jour - et un bonheur. Désormais, un univers sonore unique en son genre s'écoute lui-même, se console et s'amuse, et vous console et vous amuse. Un mythe de destruction et un mythe de création d'un univers sonore à la fois — « énergétiquement nutritif » (octobre 2025, numéro 500, The Wire) société de l'information surnaturelle.

Et, pour conchier les anti-woke qui croient que la culture n’est que celle des gagnants dont les vagues souvenirs s’étalent - avec grandiloquence, de Lagarde et Michard au Top 50 -, on pense )à la famille narkozy, sous sédatifs, et vous conseiile d’écouter en boucle le titre générique de l’album et toutes ses variantes studio. Croyez-moi, ça décalamine furieux les esgourdes. Les plus bouchées… Go for it ! D’autant que cela évoquera chez certains les drones du Velvet et les boucles des Spacemen Three.

Jean-Pierre Simard, le 28/10/2025
Natural Information Society - Perseverance Flow - Eremite

27.10.2025 à 11:29

Faire valser tous les clichés grivois / graveleux pour affirmer le Dirty South aux USA

L'Autre Quotidien
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Le dirty south est un sous-genre de hip-hop américain apparu dans le Sud des États-Unis, en particulier à Atlanta, La Nouvelle-Orléans, Houston, Memphis et Miami. La musique est lancée en réaction au flot de la culture du hip-hop dans les années 1980 à New York et Los Angeles, et peut être considéré comme la troisième scène majeure après le rap East Coast et le rap West Coast. Mais là n’est le seul propos. Merci Wiki. Saluons plutôt le boulot de bénédictin de Ludovic Villard qui a recensé et expliqué le pourquoi du comment de ce son et des ses évolutions. Play me dirty !
Texte intégral (822 mots)

Le dirty south est un sous-genre de hip-hop américain apparu dans le Sud des États-Unis, en particulier à Atlanta, La Nouvelle-Orléans, Houston, Memphis et Miami. La musique est lancée en réaction au flot de la culture du hip-hop dans les années 1980 à New York et Los Angeles, et peut être considéré comme la troisième scène majeure après le rap East Coast et le rap West Coast. Mais là n’est le seul propos. Merci Wiki. Saluons plutôt le boulot de bénédictin de Ludovic Villard qui a recensé et expliqué le pourquoi du comment de ce son et des ses évolutions. Play me dirty !

Entre 1986 et 2025, il aura fallu quatre décennies pour que le rap du sud des États-Unis ne s’impose, prospère et devienne incontournable pour beaucoup d’auditeurs. De  ces racines ancrées au coeur des traumatismes historiques de l’Amérique et de ces traditions culturelles et musicales atypiques, une nuée d’artistes a su s’élever et jouer des coudes face aux côtes Est et Ouest, par le truchement de labels locaux indépendants, de créateurs singuliers et d’innovations musicales remarquables. Dans cet ouvrage, le lecteur traversera ainsi le Miami de la bass music du milieu des années quatre-vingt, le Texas de Rap-A-Lot Records, de DJ Screw et d’UGK, mais aussi le Memphis de la révolution crunk, La Nouvelle-Orléans et ses grands empires bâtis sur le terreau fertile de la bounce music, de même que l’Atlanta de Laface Records jusqu’à l’avènement de la trap. Sexe, drogue, violence et matérialisme extrême s’inscrivent ici dans des contextes sociaux et culturels tout aussi radicaux, les textes et les productions déversés par milliers pendant quarante ans constituant dès lors un corpus musical foisonnant et sans équivalent dans l’histoire de la musique.



Alors, même si c’est lassant d’ingurgiter autant de références, de sons et d’aventures, il faut s’y référer. C’est un peu comme une bible sur le sujet. A piocher au hasard des nuits sans sommeil, le doigt sur Toi Tuyau pour écouter et se laisser surpendre. Chaudement recommandé aux professionnels de la profession, comme à l’illustre néophyte qui saura amuser ses amis avec beaucoup de trucs insensés. What else ?

Jean-Pierre Simard, le 28/10/2025
Ludovic Villard - Dirty South, une histoire du rap dans le. Sud des Etats Unis, THREE 6 MAFIA, UGK, OUTKAST, LIL WAYNE, GUCCI MANE & LES AUTRES… Le Mot et le Reste

24.10.2025 à 19:36

Avec Drome, Jesse Lonergan donne corps à l’épopée du dessin

L'Autre Quotidien
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Avec sa narration explosive qui nous embarque au cœur de ces 300 pages qui se lisent d’une traite, Jesse Lonergan propose une réflexion sur la création artistique sous couvert de mythologie. Une réécriture des mythes fondateurs rythmé & épique dans un livre qui joue avec les possibilités techniques de la bande dessinée.
Texte intégral (3289 mots)

Avec sa narration explosive qui nous embarque au cœur de ces 300 pages qui se lisent d’une traite, Jesse Lonergan propose une réflexion sur la création artistique sous couvert de mythologie. Une réécriture des mythes fondateurs rythmé & épique dans un livre qui joue avec les possibilités techniques de la bande dessinée.

Avec cette science du découpage qui interpelle et qui marque, Jesse Lonergan s’est forgé une réputation internationale depuis sa révélation en 2020 avec son court récit Hedra nominé aux Eisner, après une première vie en auto-édition. Avec des gaufriers pouvant aller jusqu’à 35 cases par planches et une réflexion sur les codes, le sens de lecture et l’espace de la planche, Hedra puis Drome qui sort aujourd’hui offrent un plaisir de lecture à plusieurs dimensions. 

Face aux âges sombres, la révolte des couleurs 

Dans Drome, on assiste aux premiers temps du monde, à la naissance des humains et des héros & héroïnes envoyées par les êtres cosmiques qui président à la création. Ces créatures hors du commun vont s’affranchir des codes graphiques de la planche comme ils défient les lois de la nature. Des êtres célestes, des créatures mythiques et des demi-dieux qui rejouent un drame universel, symbolique et fondateur, nouant des alliances, nourrissant des vengeances ou jurant un amour éternel. Les célestes —qui contastrent en blanc et noir—plantent les graines de l’humanité, imposent leurs champion.ne.s —nomé.e.s Bleu, Rouge & Jaune—puis offrent au monde, le temps, le langage, les arts, la mort… Et au milieu, les humains, les monstres géants et les premières civilisations.

Pour son récit, le dessinateur à choisi d’utiliser peu de dialogues, de passer par des formes ou couleurs symboliques et d’offrir plusieurs sens à certains passages laissant aux lecteurices le soin d’interpréter l’œuvre. Des propositions ludiques qui rappellent les grands textes fondateurs —de l’épopée de Gilgamesh aux récits grecs des dieux de l’Olympe contre les Titans de Cronos— dont s’est inspiré Jesse Lonergan pour ce livre ; qui eux aussi, sont libres d’interprétation et évoluent fatalement selon leurs commentateurs —ne voyez dans ce coup de cœur que la mienne et reportez-vous au livre en cas de doute. 

Il joue également avec le paratexte —pages de garde ou couvertures intégrées dans l’album— la quadrichromie où les couleurs d’imprimerie (CMJN : Cyan-Magenta-Jaune-Noir) sont des éléments essentiels de la personnalité des personnages principaux : les personnages de Bleu, de Rouge et de Jaune qui sont les demi-dieux des premiers temps sont aussi les couleurs qui mélangées deviennent toutes les couleurs pour fabriquer l’album. 

Le blanc et le noir sont les êtres célestes qui leur donnent vie, en imprimerie le blanc du papier et le noir du trait. Le livre —l’objet et le propos— sont construit autour de ces éléments fondamentaux. La couleur participe ainsi de la narration et permet au dessinateur de nous offrir des planches incroyables dans la dernière partie de l’album où la quadrichromie irradie face au noir et blanc avant de revenir aux palettes de couleurs des planches. 

« La plume est plus forte que l’épée »

En nous laissant ces zones d’interprétation, Jesse Lonergan laisse planer un méta-récit, une histoire à lire en creux : celle de la création artistique. Le dessinateur s’attaque aussi bien à la forme qu’au fond et lance des passerelles entre elles. Ces entités, noir & blanc ou ces personnages, couleurs primordiales, vont expérimenter toutes les combinaisons possibles de la planche. Et derrière les combats, les quêtes & l’épopée se cache une réflexion sur le travail d’auteur de bande dessinée. 

Jesse Lonergan pense ses planches comme comme des surfaces où les protagonistes peuvent en briser le cadre, naviguer entre les cases les transformant en cartes ou en obstacles. Une narration atypique qui s’amuse des codes de la bande dessinée occidentale où habituellement la temporalité est définie par les inter-cases —les gouttières— et où le sens de lecture de haut en bas et de gauche à droite fait loi.

En utilisant l’espace ainsi, en retirant parfois les ellipses entre les cases, il redéfinit la temporalité de la planche et modifie notre perception et notre rythme de lecture. On ralentit, on accélère selon les choix de mise en page, et l’artiste pense ses pages en termes d’espaces et pas seulement de temps. Ici la narration est plurielle, elle use de ces habitudes comme elle s’en affranchit pour nous surprendre et offrir une expérience de lecture immersive. 

Dans une interview sur Comicsblog, Jesse Lonergan expliquait justement que « La narration n’a pas à être simplement séquentielle, elle peut par exemple se jouer de l’ordre chronologique. J’aime à penser qu’il s’agit d’une sorte de dialogue avec le lecteur où ce dernier doit également fournir un petit effort pour remettre les pièces dans l’ordre et ainsi, j’espère, tirer une plus grande satisfaction de sa lecture. Ce n’est pas une lecture passive, en tout cas je l’espère ! »

Ces réflexions sur le découpage, la temporalité et les sens de lecture rappellent celles de Chris Ware dans ces albums et en particulier de Building Stories qui se présente sous forme d’une boîte contenant 14 petits livres illustrés aux formats différents sans mode d’emploi ou ordre de lecture particulier, chaque lecteur composant son « livre » idéal ou accidentel. Et qui sera différent à chaque relecture pour découvrir la vie de cette femme qui passe à côté de sa vie et présente pas mal de points communs avec Jimmy Corrigan. Mais aussi celles de Pascal Jousselin avec Imbattable où le héros à conscience de l’espace de la page et peut naviguer entre les cases et défier la temporalité. Ou encore le travail de Jens Harder et ses volumes imposants de son Grand récit qui joue des juxtapositions & ressemblances entre l’environnement et l’art, entre les créations de l’humanité et celle de la nature. 

Géométrie, mouvement & contemplation 

Le dessinateur américain travaille ses planches impressionnantes au crayon et pinceaux, stylo-brosse et stylo tubulaires pour l’encrage, tout à la main & à la règle comme son confrère Chris Ware. Vous pouvez jeter un œil sur son compte instagram pour voir des planches étape par étape et de courtes vidéos sur sa manière d’encrer. Chaque planche de Drome a été pensée pour tirer le meilleur parti graphique et narratif de la planche à partir de ce gaufrier de 35 cases par planches qu’il tord, déforme, utilise pour mettre en image cette épopée primordiale. 

Jesse Lonergan publie ses premiers projets en 2007 Flower and Fade, Joe and Azat, All Star (inédits en français) dans un style épuré, proche de la vague des blog et des webcomics avec des décors fonctionnels et un découpage centré sur les personnages pour laisser la place aux dialogues. Puis il travaille par morceau à un projet plus ambitieux  graphiquement, Hedra, à partir de 2016 en autoédition puis repris chez Image en 2020. Il s’empare des planches comme on la vu plus haut pour expérimenter, les protagonistes servant à explorer le champ des possibles. Le titre vient du mot polyhedra —polyèdre en français— qui désigne un groupe de formes géométriques et donne des pistes de réflexion sur l’évolution de son travail. Il prolongera ses expérimentations avec une histoire plus complexe avec Drome —où le titre vient cette fois du suffixe grec -drome qui donne le sens du mouvement. 

Depuis Hedra, il multiplie les collaborations, Miss Truesdale avec Mike Mignola dans l’univers d’Hellboy, Man’s Best avec Pornsak Pichetshote avec ses couvertures (inédits en français) ou encore le très bon one-shot Arca avec Van Jensen, un huis-clos dans un vaisseau spatial. On a hâte de voir le reste de sa bibliographie arriver en France, mais avec Drome on a un univers total qui donne toute la mesure de son talent et s’impose comme l’une des meilleures lectures de l’année. 

Thomas Mourier, le 28/10/2025
Jesse Lonergan - Drome - ©
Traduction de Virgile Iscan
Tous les visuels sont © Jesse Lonergan / 404 Graphic

-> les liens renvoient sur le site Bubble où vous pouvez vous procurer les ouvrages évoqués

24.10.2025 à 19:14

Monteverdi et Du Bellay, un voyage au cimetière avec Gabriel Josipovici

L'Autre Quotidien
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Machiavélique et poétique, une ritournelle pour célébrer l’amour et tromper la douleur, sous le  double signe de l’Orphée de Monteverdi et des Regrets de Du Bellay. Un somptueux roman court.
Texte intégral (4899 mots)

Machiavélique et poétique, une ritournelle pour célébrer l’amour et tromper la douleur, sous le  double signe de l’Orphée de Monteverdi et des Regrets de Du Bellay. Un somptueux roman court.

Il vivait à Paris depuis longtemps. Trop longtemps pour s’en souvenir, disait-il.
Après la mort de ma première femme, expliquait-il, je n’avais plus aucune raison de rester en Angleterre. Il décida alors de s’installer à Paris et de gagner sa vie comme traducteur.
La beauté du métier de traducteur, disait-il, c’est que vous pouvez le faire n’importe où et vous n’avez jamais besoin de rencontrer votre employeur. Lorsque la traduction est terminée, vous l’envoyez et, au moment venu, vous touchez le reste de vos honoraires. Entre-temps, vous avez commencé à traduire le prochain livre.
Il était de la vieille école et mettait toujours une veste et une cravate avant de s’installer à son bureau, et un manteau et un chapeau pour sortir. Même au plus fort de l’été parisien, il ne sortait jamais sans son chapeau. À mon âge, disait-il, il est trop tard pour changer. Et puis, j’ai mes petites habitudes, j’ai toujours été comme ça.
Il vivait dans un petit appartement au dernier étage d’un immeuble décrépi de la rue Lucrèce, derrière le Panthéon. Pour y accéder, il fallait emprunter la rue Saint-Julien, étroite et sombre, et gravir les escaliers raides qui débouchent juste en face de l’immeuble. Bien sûr, on pouvait l’atteindre par d’autres chemins, mais c’est celui qu’il avait l’habitude de prendre. Dans son esprit, c’était par là que son petit appartement était relié au monde extérieur.
Depuis son bureau, s’il tendait le cou, il pouvait apercevoir le bord du grand dôme du Panthéon à travers la lucarne. Tous les matins, été comme hiver, il se levait à six heures, jetait un rapide coup d’œil pour s’assurer que le monstre était toujours là, se rasait, s’habillait, préparait un petit déjeuner léger et se mettait au travail à sept heures quinze. Il travaillait jusqu’à onze heures, après quoi il mettait son chapeau et son manteau et descendait dans le monde d’en bas. Il s’arrêtait au coin de la rue pour prendre un café, faisait les quelques courses dont il avait besoin, achetait son journal, puis mangeait un sandwich et buvait une bière dans un café voisin. À treize heures trente, il était de retour à son bureau où il travaillait jusqu’à seize heures, après quoi il avait terminé sa journée.
C’était le moment qu’il attendait avec le plus d’impatience. Il prenait la petite boîte en bois estampillée d’un dragon rouge où il conservait son stock de thé à longues feuilles Ceylan Orange Pekoe spécialement importé et suivait un rituel très précis : il chauffait la théière, y plaçait les feuilles de thé pour qu’elles se déploient dans la chaleur de son ventre et après avoir versé l’eau bouillante, il laissait infuser le thé le temps qu’il fallait. Après avoir bu son thé, au printemps et en été, il partait se promener dans la ville. Parfois, cela le menait jusqu’à la Seine, à d’autres moments jusqu’au jardin du Luxembourg ou même jusqu’au cimetière du Montparnasse, autrefois connu sous le nom de Cimetière du sud, où Baudelaire est enterré. S’il se sentait particulièrement en forme ou aventureux, il traversait le  fleuve, remontait la rue du Temple et déambulait dans le quartier juif, ou bien il prenait un bus jusqu’à Pigalle puis descendait la rue des Martyrs et le boulevard Montmartre, empruntait les passages couverts et débouchait dans les jardins du Palais Royal, avant de se retrouver au Louvre et de nouveau près de la Seine. De temps en temps, le dimanche, il prenait le métro jusqu’au marché aux puces de la porte de Clignancourt et se promenait dans ce bidonville étrange et irréel où l’on pouvait acheter de tout : vestes en cuir, abat-jour art déco, énormes tables de cuisine qui avaient trôné pendant des siècles dans des fermes de la campagne normande, robes de cérémonie d’anciens rois africains. C’est aussi là qu’un jour, il avait aperçu Benjamin Britten et Peter Pears en train d’examiner un grand lingam en pierre calcaire verte.

Il est traducteur du français vers l’anglais, traducteur littéraire de préférence, mais acceptant parfois des travaux un peu plus « alimentaires » lorsque nécessaire. Veuf de sa première épouse (dont on n’apprendra les circonstances de la disparition que loin, déjà, dans le parcours mémoriel subtil, en boucles sérielles et faussement répétitives, que constitue le roman), il vit avec la deuxième dans une ferme rénovée, proposant une vue superbe, au milieu des collines du Pays de Galles. Les remémorations qui parsèment volontiers les dîners amicaux que le couple propose fréquemment à ses amis se concentrent d’abord et longtemps, dans ce qui nous en est livré ici, sur le séjour solitaire effectué à Paris, durant plusieurs années, après la mort de sa première femme et avant la rencontre avec la deuxième.

Il faudra apprivoiser ces boucles de souvenirs aux éventuelles trompeuses apparences infra-ordinaires pour discerner ce qui se joue dans l’usage presque ritualisé de certains leitmotivs et dans la trame distraitement étrange de certaines obsessions, celles de la noyade et de la submersion, ou de la pérégrination et de la musique classique et baroque, mais aussi celles, beaucoup plus spécifiques (et se révélant infiniment rusées à l’issue de la lecture), attachées aux « Regrets » de Joachim du Bellay et à l’« Orfeo » de Claudio Monteverdi, pour pénétrer la confusion et l’ambiguïté dissimulées en pleine vue par la répétition, pour saisir pleinement ce dont il retourne ici, ce que peut signifier un certain cimetière, si modeste, et comment Gabriel Josipovici, une fois de plus, est parvenu à transformer le faussement anodin en épopée intime et artistique, au premier rang de laquelle triomphent, à leur manière bien particulière, l’amour – en ses différentes traductions -, et une version hautement travaillée d’un possible et quasiment secret sens de la vie.

Parfois, tu allais aussi au concert l’interrompait sa femme – sa seconde femme. Et il semblait avoir besoin de ces interruptions qu’il intégrait habilement à son discours, s’en servant comme de tremplins pour développer son thème.
En effet, poursuivait-il, mais pas souvent ; les concerts étaient onéreux et après Londres, ceux de Paris étaient presque toujours décevants.
Nous écoutons beaucoup de musique ici aussi, disait sa femme, pointant du doigt la collection de vinyles sur les étagères. Quand des amis venaient chez eux pour le week-end ou quand des voisins passaient les voir dans leur ferme aménagée des Black Mountains, sur les hauteurs d’Abergavenny, le soir, ils leur faisaient écouter de la musique baroque sur leur chaîne hi-fi d’excellente qualité. Son épouse, une belle femme dont l’imposante chevelure rousse était remontée sur le haut de la tête, lui tendait les disques respectueusement, les époussetant au passage avec un chiffon spécial, mais elle lui laissait faire les derniers gestes : poser le vinyle sur la platine, mettre en route le mécanisme, abaisser l’aiguille en douceur, fermer le couvercle.
Je suis tellement inculte, disait-elle. Quand je l’ai rencontré, je pensais qu’une sarabande était quelque chose que l’on porte autour de la taille.
Tu avais d’autres qualités, disait-il en souriant.
Mais pas celle d’apprécier la musique classique, disait-elle.
Entre deux vinyles, il parlait souvent de ses années parisiennes. Après la mort de sa première femme, disait-il, il avait surtout eu besoin de solitude. Non pas qu’il voulait ressasser ce qui s’était passé, il voulait juste être seul. J’ai sans doute accepté plus de travail que le strict nécessaire, disait-il, mais je pense que j’avais besoin de savoir que lorsqu’un livre était fini, un autre m’attendait, puis encore un autre.
Parfois, au printemps et en été, quand la lumière du petit matin touchait de sa douceur extrême le ventre arrondi de la théière en terre cuite vernissée, il était envahi par une sensation extraordinaire de paix et de bien-être.
Je n’aurais jamais connu de tels moments si je n’avais pas été seul, disait-il. Et, en fin de compte, voyez-vous, ce sont ces moments que l’on chérit et dont on se souvient.

Publié en 2018, traduit en français en 2025 chez Quidam Éditeur par Vanessa Guignery, le dix-neuvième roman (si l’on compte pour deux la double novella « After & Making Mistakes », non traduite en français, et si l’on ignore bien sûr dans ce décompte les cinq recueils de nouvelles publiés depuis « Mobius the Stripper » en 1974) de Gabriel Josipovici poursuit le cheminement inspiré qui est le sien, créant à chaque occurrence l’exacte écriture nécessaire à son propos subtil, de la musique éminemment classique de « Goldberg : Variations » (2002) à celle plus nettement contemporaine de « Infini – L’histoire d’un moment » (2012), du bourdonnement de la conversation de « Moo Pak » (1994) au presque silence de « Tout passe » (2006), pour ne citer que quelques-unes de ces mélodies, chaque fois ad hoc et pourtant chaque fois magnifiquement reconnaissables.

Tout en scansions et en rituels dont on découvrira le moment venu la part profondément conjuratoire (à l’écart de tout mysticisme, il y a pourtant une nette part de sorcellerie athée, qui passe d’abord par la musique et par la langue, à l’œuvre chez les narrateurs toujours aussi peu fiables de Gabriel Josipovici), « Le cimetière à Barnes » préserve longtemps (à l’échelle de ses 110 pages) son mystère et son brouillard fumigène d’autant plus efficace qu’il affecte – après tout – une transparence fort bonhomme. Comme il nous l’avait montré dès 1993 avec « Dans le jardin d’un hôtel » (et « Contre-Jour », en 1984, n’en contenait-il pas déjà bien des traces ?), l’auteur excelle à cacher l’ombre redoutable de l’Histoire (qui peut prendre la forme plus délicate de l’Art) dans le secret du faussement anodin : ce n’est qu’au détour d’une répétition tranquille qu’un détail, par ci par là, semblera, peu à peu, échapper à la maîtrise langoureuse et au contrôle tatillon développés par le protagoniste principal – avec la complicité enjouée (et n’en pensant peut-être pas moins) de sa deuxième épouse. Il faut une mécanique complexe de la mémoire et de la conversation, lorsqu’on ne dispose pas des boîtes extraordinaires de Joseph Cornell dans « Hotel Andromeda » (2014), pour tenir à distance, juste ce qu’il faut, la douleur et l’horreur. « Le cimetière à Barnes » nous en concocte une méthode unique, malicieuse et mélancolique, joueuse et cruelle.

Quand il se promenait dans la ville en fin d’après-midi, sa journée de travail terminée, il lui arrivait d’avoir des fantasmes de noyade. Il avait une vision très nette de visages interloqués sur la rive ou sur le pont au-dessus de lui, ou peut-être sur le pont d’un bateau qui passait par là, et puis les eaux se refermaient sur lui et il sombrait doucement, perdant peu à peu la jointure d’un doigt peut-être ou une âme toute recroquevillée, qui gisait alors sur le fond sablonneux, se balançant paisiblement au gré du courant.
Il savait que de telles pensées étaient névrotiques, dangereuses même, mais il n’était pas plus inquiet que cela, estimant qu’il valait mieux les laisser s’exprimer plutôt que d’essayer de les éliminer complètement. Après tout, tout le monde a des fantasmes. La vie est faite d’une multitude de vies. Des vies alternatives. Certaines sont vécues et d’autres imaginées. C’est là toute l’absurdité des biographies, disait-il, des romans. Ils ne prennent jamais en compte les vies alternatives qui projettent leur ombre sur nous tandis que nous cheminons lentement, comme dans un rêve, de la naissance à la maturité et à la mort.
Dans leur ferme aménagée des Black Mountains, sur les hauteurs d’Abergavenny, sa femme – sa seconde femme – servait du vin blanc bien frais aux amis et aux voisins qui passaient les voir, et veillait à ce qu’aucun verre ne reste vide trop longtemps.
Tu pensais à des vies alternatives quand tu montais les escaliers depuis la rue Saint-Julien, disait-elle. Tu y pensais aussi quand tu les descendais.
Les escaliers sont propices aux fantasmes, disait-il. Monter et descendre permet à l’esprit de flotter librement. Nous montons et descendons si souvent les escaliers de notre propre vie, disait-il. Comme nous montons et descendons les gammes sur un piano.
Et toujours avec son chapeau sur la tête, disait sa femme.
Oui, toujours avec mon chapeau sur la tête.
Vous comprenez, disait-il, j’ai mes petites habitudes. Je suis de la vieille génération. Je me serais senti tout nu sans mon chapeau et ma cravate.
Il a dû m’expliquer qu’une suite baroque n’était pas une chambre spacieuse dans un hôtel de luxe, disait-elle, riant à gorge déployée.
Tu avais d’autres qualités, disait-il.
Il ne fait aucun doute qu’elle lui rendait la vie agréable, s’assurant qu’il avait tout ce qu’il voulait et n’était dérangé par aucun des détails de la vie quotidienne. De son côté, il l’admirait, ne faisait rien sans son accord, voulait qu’elle lui dise quand il était fatigué et devait aller se coucher, quand il avait faim et devait manger. Tous leurs amis parlaient du sentiment d’harmonie et de bien-être qui émanait de leur maison dans les collines sur les hauteurs d’Abergavenny.
D’une certaine manière, il avait été heureux, seul dans son petit appartement parisien. Son bureau se trouvait sous la lucarne et quand il travaillait, il sentait le soleil lui réchauffer le haut du crâne et la nuque. Quand il se versait une tasse de thé dans le silence du petit matin, il lui semblait parfois que toute son existence était concentrée dans ce seul événement. Pouvait-on souhaiter plus grand bonheur ?
Et pourtant, disait-il, debout au milieu du grand salon, un verre de vin blanc frais à la main, savons-nous toujours ce que nous ressentons vraiment ?

Il serait injuste de ne pas mentionner, à propos de ce « Cimetière à Barnes », l’exergue bref et sensible, « En souvenir de Bernard Hoepffner, ami cher, traducteur incomparable », qui n’est pas uniquement un hommage sincère à l’interprète français historique, disparu en 2017, des partitions rusées de Gabriel Josipovici. Si la traduction tient presque toujours un rôle au moins métaphorique dans l’œuvre de l’auteur, elle joue ici un rôle direct et absolument central, qui ne tient pas uniquement à la profession du narrateur. Car si c’est « Orfeo » qui est (de loin) le plus cité au fil des pages, c’est pourtant dans le vers en ancien français de Joachim Du Bellay que s’incarnent peut-être le plus profondément, dans cette traduction qui se dérobe, les non-dits qui ont autant, si ce n’est plus, d’importance que les paroles exprimées. Il y a ici comme ailleurs toujours à deviner ce qui est tapi dans le creux de bosses absentes : La Muse ainsi me fait sur ce rivage, / Où je languis banny de ma maison, / Passer l’ennuy de la triste saison / Seule compagne à mon si long voyage.

Lorsqu’il arriva enfin chez lui d’un pas titubant, il était si fatigué qu’il eut du mal à introduire la clé dans la serrure. Il s’affala sur le lit tout habillé et s’endormit immédiatement.
À son réveil, il faisait nuit. Il ne savait pas s’il avait dormi six ou soixante heures. À en juger par sa faim dévorante, c’était probablement soixante. Il trouva de la nourriture dans le frigo et l’engloutit. Puis il enfila péniblement son pyjama et se glissa dans le lit.
Il se réveilla de nouveau au petit matin. Il sortit du lit à tâtons et se dirigea vers la fenêtre pour jeter un coup d’œil au dôme du Panthéon, comme tous les matins. Ce faisant, tendant légèrement le cou vers la gauche comme à son habitude, il se souvint que tout n’avait pas été tout à fait normal au cours des deux derniers jours. Des vies alternatives, se dit-il, puis il prépara son petit déjeuner et s’attela à la traduction du roman qui se trouvait sur son bureau.
Ce ne fut que le soir, alors qu’il prenait son bain, qu’il vit la blessure. C’était une longue incision droite, comme une griffure de chat, qui courait du haut de la cuisse droite jusqu’au genou. Il la toucha délicatement, mais elle n’était pas douloureuse. Il la sécha soigneusement, l’examina de nouveau et décida qu’il n’y avait rien d’autre à faire que de la laisser cicatriser et disparaître. Même si, en réalité, elle ne disparut jamais complètement. Des années plus tard, au Pays de Galles, chaque fois qu’il parlait de ses années parisiennes, il montrait sa jambe et disait en riant : elle n’a jamais guéri.
Tu ne voulais pas qu’elle guérisse, disait sa femme.
Les amis qui le connaissaient de longue date parlaient de la ressemblance entre ses deux épouses. Surtout lorsque sa seconde femme se tenait ainsi au milieu de la pièce et époussetait un disque avant de le lui tendre en disant : en réalité, tu voulais qu’elle ne guérisse pas, non ?
Oui, disait-il en la regardant, accroupi à côté de la platine et attendant qu’elle lui tende le vinyl. C’est ce que je voulais, non ?
Il est tellement superstitieux, disait-elle. Il n’a jamais consulté de médecin à ce sujet.
Qu’est-ce qu’un médecin aurait bien pu faire ?
Peut-être te donner quelque chose pour t’en débarrasser.
Nous avons tous quelque chose comme ça quelque part sur le corps, disait-il. Peut-être que si nous nous en débarrassions, nous ne serions plus nous-mêmes. Qui sait ?

Hugues Charybde, le 28/10/2025
Gabriel Josipovici - Le cimetière à Barnes - Quidam éditions

l’acheter chez Charybde, ici

22.10.2025 à 11:59

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21.10.2025 à 11:31

Faut-il brûler le Louvre ?

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Les cinq lauréats du concours pour une nouvelle entrée au Louvre ont été dévoilés le 10 octobre 2025 par le ministère de la Culture. Une compétition qui ne manque pas d’incongruités et qui, pour les architectes français, renvoie une image désespérante. Quelques remarques donc.
Texte intégral (2487 mots)

Les cinq lauréats du concours pour une nouvelle entrée du Louvre ont été dévoilés le 10 octobre 2025 par le ministère de la Culture. Une compétition qui ne manque pas d’incongruités et qui, pour les architectes français, renvoie une image désespérante. Quelques remarques donc.

Préambule

L’annonce triomphale est en réalité une comédie à grand budget, ou plutôt à budget fantôme. Car enfin, 135 millions d’euros pour de nouveaux accès et quelques rampes ? En France, cela veut dire le double à la réception. Et comme l’État n’a plus un sou, on fait appel aux mécènes, façon Notre-Dame.

Passons à la distribution : cinq lauréats, zéro Français. Deux agences américaines, une anglaise, deux japonaises — dont SANAA, déjà à l’origine du Louvre-Lens et de la Samaritaine. Coïncidence heureuse, cette dernière appartient à LVMH, grand ami du patrimoine rentable. Pendant ce temps, Ricciotti, Wilmotte et compagnie peuvent retourner dessiner des parkings : les concours internationaux servent désormais à importer du génie étranger sous blister.

Cerise sur le dôme : l’architecte en chef des Monuments historiques chargé du Louvre siégeait dans le jury qu’il avait lui-même préparé. Juge, partie, et sans doute décorateur en chef du fiasco annoncé.

Quant aux jeunes architectes français, on leur enseigne la frugalité, la récup’ et les potagers sur les toits pendant que les opérations de prestige s’envolent vers Tokyo ou New York. On finira par leur confier les cabanes de chantier, en matériaux biosourcés, bien sûr.

Faut-il brûler Le Louvre ?

Lorsque le 27 juin 2025 fut lancé, pour l’histoire, le concours international d’architecture pour la création de nouveaux accès et espaces au sein du musée du Louvre et l’aménagement de ses abords, la part de l’enveloppe financière prévisionnelle de l’appel d’offres indiquait que ces travaux étaient estimés précisément à « 135 685 000,00 €HT, valeur avril 2025 décomposée en 132 000 000,00 €HT pour le périmètre Louvre et 3 685 000,00 € HT pour le périmètre ville de Paris ».* Ce qui signifie, puisque nous sommes en France, qu’il faut compter au moins le double à la réception.

Cependant, nous sommes tous bien placés pour le savoir, l’État n’a plus un sou vaillant et, trois Premiers ministres plus tard, il cherche des économies de bout de chandelle à tout bout de champ ! Alors pour l’initiative d’un président cramé, les parlementaires risquent de ne pas se montrer complaisants ! D’où l’idée chez la maîtrise d’ouvrage, qui se réfère au succès de la levée de fonds pour Notre-Dame, de faire appel aux mécènes. En somme, la nouvelle entrée du Louvre, un grand chantier public mais financé par le privé, forcément désintéressé ! Misère ! Ce d’autant plus que les mêmes ont déjà donné pour Notre-Dame et que les bondieuseries ont aujourd’hui meilleure presse que l’intelligence et la culture. De plus Notre-Dame, sans l’incendie spectaculaire, n’aurait certainement pas reçu autant de dons venus du monde entier. Du coup, pour le président, la victoire était facile, l’argent venait d’ailleurs et reproduire à l’identique ne faisait pas mal à la tête. La solution pour l’État français de faire faire des économies au contribuable s’impose donc : il suffit de d’incendier juste ce qu’il faut du Louvre, la colonnade de Perrault par exemple, dans un bel exercice de pyrotechnie puis de passer la sébile comme à la messe. Après tout, pour mettre le feu au pays Vulcain ex-Jupiter s’y entend.

SANAA rien à voir ?

Parmi les lauréats,** deux agences américaines, une anglaise et deux japonaises, dont SANAA. Chacun comprend bien que parmi les grosses pointures françaises, Rudy Ricciotti et Jean-Michel Wilmotte notamment, dont le savoir-faire n’est plus à démontrer, furent logiquement recalés puisqu’ayant déjà travaillé au Louvre, les arts islamiques pour le premier, le Carrousel pour le second. Mais SANAA est déjà l’auteure du Louvre-Lens et aurait dû, en toute logique, ne pas être retenue non plus. Comment dit-on second effet kiss cool en japonais ? Toutefois, l’agence japonaise est également l’auteure de la façade de la Samaritaine toute proche, propriété de LVMH, qui ne saurait pâtir de l’afflux de touristes espéré. Horrible soupçon évidemment mais, tout à leur volonté de trouver des mécènes, des membres du jury se seraient-ils laissés emporter, par un biais cognitif insoupçonné, à flatter un bon samaritain ? Et comment imaginer qu’un président de la République et une directrice de musée puissent se laisser influencer par l’un des hommes les plus riches du monde ?

Un ACMH, ça va. Deux, bonjour les dégâts ?

Autre incongruité, parmi les membres du jury, en tant que personnalité qualifiée, il y a François Chatillon, l’architecte en chef des monuments historiques (ACMH) territorialement compétent, qui supervisera les travaux sur le monument lui-même. Or Chatillon François est en charge du Louvre depuis 2024 et, surtout, il est celui qui a préparé le cahier des charges du concours. Juge et partie, il est donc curieux de le retrouver dans le jury dans une position influente. De fait, vous imaginez l’imbroglio pour les équipes, étrangères notamment, qui se sont offert le concours d’un ACMH afin de ne pas faire d’erreur dans la préparation de leur dossier… Deux ACMH dans le même panier, surtout au Louvre, est une source certifiée d’aigreur d’estomac. Il n’y aura donc qu’une tête et voilà les équipes lauréates prévenues.

Cherchez la femme…

Sou Fujimoto, né en 1971, dont il est permis de se demander ce qu’il fait là, est le plus tendre du lot – il n’est d’ailleurs accompagné que de lui-même – et semble apparemment peu armé face à quatre femmes qui ne s’en laisseront pas conter : l’Américaine Annabelle Selldorf, née en 1960 ; l’Anglaise Amanda Jane Levete, née en 1955 ; la Japonaise Kazuyo Sejima, née en 1956 ; l’américaine Elizabeth Diller, née en 1954. Puisque depuis la création en 1975 de son Grand Prix National d’Architecture, la France ne l’a jamais décerné à une femme,*** il semble donc tout à fait approprié qu’une architecte étrangère emporte à Paris le concours de l’entrée est du Louvre. Logique !

Ma petite sœur contre Mike Tyson

Ils sont venus, ils étaient tous là les cadors mondiaux, dont nombre de Pritzker, un véritable who’s who de l’architecture mondiale. Riccotti et Wilmotte déjà out, Perrault, l’homme de Mitterrand ne pouvait pas être celui de Macron, Nouvel a trop de casseroles, ajouter Christian de Portzamparc et, de toute façon, aucun ne pouvait incarner un quelconque renouvellement. Alors, dans le coin opposé, face à Foster, Piano, Koolhass, Kengo Kuma, BIG, KAAN, Studio Gang et consorts, qui envoyer dans l’arène ? LAN, Chartier/Dalix, Jakob MacFarlane, Edouard François, Franklin Azzi ou Chartier-Corbasson ne jouent pas dans la même catégorie de poids, ils ne sont même pas dans le même stade.

Non qu’ils soient de mauvais architectes mais de quelles références internationales disposent ces agences ? Les grands travaux de Mitterrand ont permis à une génération d’émerger et de s’imposer sur la scène mondiale. Aujourd’hui, depuis 30 ans et plus que les projets prestigieux échoient à des agences étrangères à la mode, les agences françaises de la génération des quatre amazones retenues n’ont pas eu la possibilité de se bâtir une stature internationale. Sans même parler des jeunes architectes français coincés dans des concours à critères imbéciles. Pourtant, quand Renzo Piano et Richard Rogers ont gagné Beaubourg, ils venaient à peine de s’acheter leur premier rasoir. Sans doute que j’exagère puisque, le 13 octobre 2025, hier donc, c’est l’agence danoise BIG (Bjarke Ingels Group) qui a emporté le concours d’un nouveau centre des Congrès pour la ville de Rouen (Seine-Maritime), face à ZHA (Zaha Hadid) et Renzo Piano, une appétence des élus français pour des architectes étrangers, quelles que soient les circonstances, qui confine à l’absurde mais qui aura réduit le potentiel des agences hexagonales à peau de chagrin. La preuve, elles ne sont même plus appelées à concourir. À Rouen comme ailleurs, les fossoyeurs de la culture française !

De plus, pour les agences françaises, le combat est particulièrement inégal. Elles ont au mieux de trente à cinquante employé(e)s, leurs concurrentes exogènes en ont 2 000 ou plus. Et il ne s’agit pas là de 2 000 bricoleurs qui font du copié-collé. Qui, ici, peut lutter ? Je sais que nombre d’agences peuvent fonctionner, et réaliser de beaux projets, avec une petite équipe et ne sont pas animées par une volonté sans faille de se développer, encore moins à l’international, mais la quantité tend à impressionner les maîtres d’ouvrage français plus que la qualité.

Difficile toutefois d’imaginer qu’il n’y a pas en France de (un peu plus) jeunes architectes plein d’idées et d’audace. Il devait même y en avoir quelques-uns parmi la centaine de prétendants. Mais n’est pas Mitterrand, qui s’en remettait à de véritables concours d’idées, qui veut.****

Mariage d’affaires plutôt que mariage d’amour ?

De toute façon, c’était écrit, les pouvoirs en place ayant eu cette idée formidable d’associer en Duo agences étrangères et agences françaises, en l’occurrence ces dernières seules habilitées à déposer un permis de construire. D’où l’œcuménisme de cette sélection qui tente – avec Architecturestudio et Dubuisson Architecture  – de ménager les sensibilités. Or chacun sait que les mariages arrangés, voire forcés, deviennent vite coûteux en acrimonie, y compris sans doute pour un projet d’escalators et de rampes, similaire à celui d’un aéroport, ce qui correspond tout à fait à l’intérêt surtouristique de l’affaire.

Les architectes français coincés

Enfin, un mot sur le symbole que représente cette sélection. Nombre d’architectes en France, et nombre d’enseignants des écoles d’architecture, se sont enfermés dans des discours réducteurs autour des matériaux de récup, de la frugalité ou de l’aromathérapie qui se révèlent particulièrement pauvres quand il s’agit d’évoquer le faste et le prestige d’un palais ayant abrité tant de souverains et leur cour. Nous verrons bien ce que proposent les cinq équipes retenues au sujet des papillons et de l’agriculture urbaine – des poireaux dans les douves ? – mais il est permis de penser que le discours de durabilité sera un peu mieux tenu. Sans doute que dans leurs écoles, on enseigne aux étudiants en architecture à construire, pas l’inverse.

Grand travail vs Grands Travaux

Lors de l’annonce, le 28 janvier 2025, d’un concours international d’architecture pour la nouvelle entrée du Louvre, Emmanuel Macron a relevé durant son discours que le musée du Louvre est « de nos romans à notre cinéma, le lieu de toutes les rencontres, de toutes les illusions. Et il y a 40 ans, le Louvre a franchi une étape historique dans l’élan du Grand Louvre, porté par le Président Mitterrand ». Pour lui donc de se mettre, sans gêne, dans les pas de Mitterrand. Mais à quelles illusions fait-il référence ?

Bref, en attendant la lauréate, ne manque plus que le budget. Brûlons le Louvre !

Christophe Leray, le 21/10/2025

* Lire notre édito Le Louvre, concours international : à 135 boules, c’est cadeau !
** Lire Concours « Louvre – Nouvelle Renaissance » : les agences internationales retenues
*** Elles ne sont que deux – Anne Lacaton (2008) et Myrto Vitart (2016) – à voir leur nom gravé au fronton du Hall of Fame de l’architecture française, mais dûment accompagnées…
**** Lire l’édito La Grande Arche de La Défense trop haute pour le CNOA ?

21.10.2025 à 10:51

Björk débarque dans l'ére écolo-féministe avec Cornucopia

L'Autre Quotidien
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Björk est l’une des artistes les plus novatrices et influentes de sa génération, réputée pour sa musique révolutionnaire, son art visuel et ses performances. Sa carrière a puissamment repoussé les frontières de la musique, de la technologie et de l’activisme, avec plus de 20 millions d’albums vendus. Elle continue d’inspirer le public grâce à ses visions créatives : de son album-app Biophilia à l’immersion offerte par Vulnicura VR, elle a intégré les nouvelles technologies. Avec Cornucopia, elle a redéfini la performance au XXIe siècle, fusionnant musique, théâtre et arts visuels pour délivrer espoir et résilience écologique.
Texte intégral (1435 mots)

Björk est l’une des artistes les plus novatrices et influentes de sa génération, réputée pour sa musique révolutionnaire, son art visuel et ses performances. Sa carrière a puissamment repoussé les frontières de la musique, de la technologie et de l’activisme, avec plus de 20 millions d’albums vendus. Elle continue d’inspirer le public grâce à ses visions créatives : de son album-app Biophilia à l’immersion offerte par Vulnicura VR, elle a intégré les nouvelles technologies. Avec Cornucopia, elle a redéfini la performance au XXIe siècle, fusionnant musique, théâtre et arts visuels pour délivrer espoir et résilience écologique.

Pour qui n’a pas vécu les années musicales 90 et 2000, le nom de Björk est un vague écho. Pour les autres, c’était à la fois le cauchemar de masculinistes - une femme qui sait se défendre - et une artiste qui propose à chaque nouvel envoi, un remaniement du son et de la production de ses albums et maxi, bien sûr remixés par l’avant-garde électronique. Émérite clubbeuse - et djette qui bastonne, Björk a toujours eu du flair pour s’entourer et dénicher le son d’après, avant les autres. Chaque tournée montrant les collaborateurs du moment en action. Et à l’heure de MTV (RIP!) toujours aussi trouvé les bons clippeurs à succès de Michel Gondry à Chris Cunningham ou Jean-Baptiste Mondino, voire Lynn Fox.

Son propos se radicalisant, et se recentrant autour du féminisme, de l’écologie et de l’Islande, elle y a perdu le succès planétaire qui la caractérisait jusqu’au début du XXIe siècle pour évoluer, plus mature vers un discours engagé qui colle toujours à l’époque cf. Greta Tunberg. Après la révolution techno de l’intérieur, l’écologie féministe pour signifier à un monde qui s’affiche d’extrême-droite dans le discours qu’elle a encore des choses à dire et partager, sans se réfugier dans l’entropie de façade qui sert les ultra-riches et leurs valets.

La représentation de la corne d’abondance- la cornucopia.

À la suite de la sortie mondiale en salles de Björk: Cornucopia, l’expérience live visionnaire s’apprête désormais à connaître sa toute première sortie physique. La version intégrale du film-concert de Björk sera disponible en plusieurs formats : 3LP / 2CD+DVD / 2CD / DVD / / BLU RAY / UHD 4K + ATMOST BLU RAY/ DIGITAL.

À propos du film, Björk a déclaré :
« Je suis tellement heureuse de pouvoir partager avec vous le film de mon concert Cornucopia. Cela a été un long voyage auquel des centaines de personnes ont contribué. Je suis infiniment reconnaissante envers chacune d’entre elles. Je crois que le film-concert moderne est une construction accueillante et bienveillante au féminin, adaptée au climat actuel — où les musiciennes peuvent partager leur univers sans être corrompues. » Réalisé par Ísold Uggadóttir, Cornucopia est à ce jour la production scénique la plus ambitieuse de Björk — une fusion puissante de nature, de technologie et de son. Le film reflète sa vision singulière à travers la direction artistique, les arrangements musicaux, la production et la performance, assurés par Björk elle-même.

La co-direction visuelle est confiée à James Merry, avec les contributions d’un ensemble d’artistes de renom : Andrew Thomas Huang, Gabríela Friðriksdóttir, Pierre-Alain Giraud, Nick Knight, Tobias Gremmler, ainsi que Warren Du Preez & Nick Thornton-Jones. Leurs créations visuelles novatrices s’entrelacent parfaitement avec les paysages sonores avant-gardistes de Björk. La production fait également appel aux talents des productrices Sara Nassim et Kat Mansoor, tandis que Bergur Þórisson assure la direction musicale et le mixage. La superbe photographie du film est signée Artur Tort, et le montage par Walter Mauriot.

La simple écoute de l’album live déroute au premier abord, puisque conçue pour servir de support au film et avoue un un petit manque part rapport aux précédents albums qui en faisaient des objets entiers et singuliers. Mais on se rattrape avec le film qui en refait la synthèse attendue. Bel objet, beau projet, banco, on adhère !

Jean-Pierre Simard, le 21/10/2025
Björk - Cornucopia -
 ONE LITTLE INDEPENDENT RECORDS

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