08.11.2024 à 13:48
Clément Gibon
07.11.2024 à 22:36
Donald J. Trump a non seulement remporté l'élection pour devenir le 47e président des États-Unis, mais il l'a fait avec une marge encore plus importante que la première fois, celles et ceux qui s'intéressent au sort des travailleurs américains tournent désormais leur attention vers les implications possibles de la victoire de Trump pour les syndicats et les travailleurs.
D'aucuns voient dans cette victoire une nouvelle catastrophique pour les droits reproductifs des femmes, les droits des (…)
Donald J. Trump a non seulement remporté l'élection pour devenir le 47e président des États-Unis, mais il l'a fait avec une marge encore plus importante que la première fois, celles et ceux qui s'intéressent au sort des travailleurs américains tournent désormais leur attention vers les implications possibles de la victoire de Trump pour les syndicats et les travailleurs.
D'aucuns voient dans cette victoire une nouvelle catastrophique pour les droits reproductifs des femmes, les droits des migrants et les droits des personnes LGBTQ+, pour la quête permanente de justice raciale et l'absolue nécessité de prendre des mesures climatiques urgentes et audacieuses pour enrayer l'accélération du réchauffement de la planète, ainsi que pour tout espoir d'une paix juste en Palestine et en Ukraine et pour la démocratie dans le monde entier.
M. Trump ne s'est guère étendu sur les politiques du travail qu'il serait susceptible de mettre en œuvre en cas d'élection ; il a surtout insisté sur sa promesse d'augmenter les tarifs douaniers pour protéger les emplois américains et de mener, selon ses termes, « la plus grande opération de déportation de l'histoire de notre pays », laquelle toucherait des millions de travailleurs sans papiers. Toutefois, selon une analyse détaillée du Washington Post basée sur des entretiens avec huit anciens fonctionnaires de l'administration Trump et sept experts conservateurs du monde du travail, les politiques de l'emploi de M. Trump devraient se concentrer sur les points suivants : le limogeage de membres du National Labor Relations Board, nommés par Biden (qui ont préparé le terrain pour un certain nombre de campagnes syndicales importantes, notamment chez Amazon et Starbucks) ; la révision des règles fédérales en matière d'heures supplémentaires afin que moins de travailleurs soient éligibles au paiement des heures supplémentaires ; la limitation de l'accès aux droits et aux prestations pour les travailleurs à bas salaires, en particulier ceux de l'économie des petits boulots ou « gig economy » ; et l'assouplissement des protections en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, entre autres mesures.
Il a aussi été question de mettre fin aux taxes fédérales sur les pourboires et aux taxes sur la rémunération des heures supplémentaires, bien que certains économistes aient suggéré qu'une telle mesure entraînerait un coût économique important tout en creusant les inégalités.
Trump est anti-réglementation, anti-syndicat et farouchement pro-entreprise – son principal soutien lors de cette campagne électorale n'est autre que le patron ultra-conservateur et antisyndical de Tesla, Elon Musk – et les politiques qu'il a menées au cours de son premier mandat en attestent.
Selon la fédération syndicale AFL-CIO : « Au cours de ses quatre précédentes années de mandat, le président Trump a affaibli les syndicats et les travailleurs tout en favorisant les concessions fiscales aux plus riches. Il a rempli les tribunaux de juges qui veulent faire reculer nos droits en tant que travailleurs. Il a réduit notre sécurité au travail. Il a donné carte blanche aux grandes entreprises pour baisser les salaires et rendre plus difficile pour les travailleurs de se regrouper au sein d'un syndicat ». Il a, notamment, promulgué plusieurs décrets exécutifs visant à réduire le pouvoir des syndicats, en particulier ceux qui représentent les travailleurs fédéraux. Il a noyauté le National Labor Relations Board en nommant des personnes qui avaient tendance à voter en faveur des employeurs plutôt que des travailleurs. Il a failli à sa promesse de faire revenir les emplois manufacturiers bien rémunérés dans des États comme la Pennsylvanie, le Michigan et l'Ohio. Il a réduit de 21 % le budget du Département du Travail et n'a pas soutenu les appels en faveur d'une augmentation du salaire minimum fédéral, qui a été maintenu à 7,25 USD de l'heure depuis 2009 (bien que le salaire minimum n'ait pas changé non plus sous l'administration Biden-Harris).
Project 2025 est un document politique de 922 pages préparé par le think tank conservateur Heritage Foundation, qui propose une stratégie de refonte totale du gouvernement américain. S'agissant du monde du travail à proprement parler, le rapport présente, entre autres mesures, des propositions visant à limiter le droit d'organisation, à autoriser les États à interdire les syndicats, à abroger les lois sur le paiement des heures supplémentaires, à intensifier les descentes des services d'immigration sur le lieu de travail et à supprimer les protections en matière de santé et de sécurité ainsi que les protections contre le travail des enfants, le tout dans le but de « stimuler la création d'emplois et l'investissement, les salaires plus élevés et la productivité ». Bien que Trump ait cherché à prendre ses distances avec ce document, celui-ci a été rédigé par un réseau d'une centaine de personnes associées à son équipe gouvernementale.
La plupart des grands syndicats américains ont apporté leur soutien à la campagne de Kamala Harris, et certains, comme l'AFL-CIO et le syndicat des travailleurs de l'automobile UAW, figuraient au nombre des intervenants lors de la convention nationale démocrate de 2024. Il convient de noter que le syndicat Teamsters a choisi de ne soutenir aucun des deux candidats (bien que le président du syndicat, Sean O'Brien, soit devenu le premier membre des Teamsters, en 121 ans d'existence, à prendre la parole lors de la convention nationale républicaine). M. Trump a également obtenu le soutien de l'International Union of Police Association.
De multiples facteurs expliquent le soutien populaire à Donald Trump. Beaucoup de gens se souviennent de la période qui a précédé la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine comme d'une époque où ils avaient plus d'argent en poche, et ils attribuent cela à la gestion économique de Donald Trump plutôt qu'aux événements mondiaux plus larges. Ils se rallient par ailleurs à son discours lorsqu'il se présente comme une alternative au statu quo – une alternative à ce qu'il nomme le « marécage » de Washington – qui a fait fi de la voix des « gens ordinaires ». On ne peut pas ignorer non plus l'attrait qu'exerce sa position agressivement nativiste, xénophobe et anti-immigration sur une frange de l'électorat qui cherche la cause de son mécontentement économique au bas de l'échelle plutôt qu'au sommet.
Pour aller plus loin :
« Les travailleurs syndiqués, un électorat indispensable pour Kamala Harris, mais pas acquis d'avance » – The Conversation
« Le retour du travailleur sur la scène politique américaine » – Le Monde Diplomatique (Novembre 2024)
« États-Unis. Le bilan de la présidence Trump en matière d'emploi : quels défis pour les organisations syndicales ? » Par Donna Kesselman, dans Chronique Internationale de l'IRES (2021)
« Projet 2025 présente un plan anti syndical » Par Jenny Brown (Labor Notes), traduction d'un article paru dans Jacobin.
05.11.2024 à 14:07