QUESTION: Avec ce drame, le maire de Marseille a parlé d'un "changement de dimension", qu'en pensez-vous ?
REPONSE: "Si le meurtre a été commis pour intimider Amine Kessaci, ce que l'enquête dira, il est évident qu'on a franchi un cap. On avait évidemment des règlements de compte, il y en a eu beaucoup en 2023, mais sur affrontements de bandes rivales. La personne qui était la victime du règlement de compte n'était pas nécessairement la personne qu'on était venu chercher. Parfois, ils se déplacent, ils cherchent une personne, ils trouvent un jeune, un guetteur... Donc les règlements de compte avaient aussi une dimension visant à impressionner les autres participants au trafic. (...) Là, la personne intimidée ne participe pas au trafic. Au contraire, Amine Kessaci a fait de la lutte contre le trafic un sujet, en lien avec son histoire personnelle, avec son association Conscience. Donc c'est vraiment nouveau, même si ce n'est pas unique: il faut toujours garder raison dans les comparaisons, mais il y a eu l'assassinat du juge Michel (en 1981 à Marseille, NDLR)."
Q: S'il est avéré que le meurtre de Mehdi Kessaci était destiné à intimider, qu'est-ce que cela révèle de l'évolution de la criminalité à Marseille ?
R: "Ça révèle, à mon avis, deux choses. D'abord que les groupes criminels sont de plus en plus dangereux et de plus en plus violents. La dangerosité liée à la criminalité organisée est plus importante qu'il y a 10 ou 15 ans (...) Ça traduit aussi un changement même de fonctionnement: les groupes criminels aujourd'hui liés au trafic de stupéfiants ne sont pas des mafias, ce ne sont pas non plus des cartels, en revanche, ils utilisent les codes de la violence des cartels.
Il y a un risque de glissement. Il faut aussi le remettre dans le contexte des menaces qui ont pesé sur les directeurs d'établissement pénitentiaires, des magistrats... Au-delà du trafic de drogue, on voit que les groupes criminels marseillais ont commencé aussi à reprendre certaines activités qui n'étaient pas auparavant les leurs, le racket en particulier. Avec le racket, il y a la menace de la violence, donc forcément, ça devient aussi un mode opératoire. Alors l'enquête dira si Amine Kessaci et son frère ont été menacés, si c'est un acte isolé, si c'est lié à cette démarche. Mais en tout cas, si tel est le cas, c'est un glissement qui n'est pas nouveau, mais qui s'accélère quand même de façon inquiétante."
Q: Après cet assassinat, on se dit que les proches de victimes et les associations ne vont plus oser parler, dénoncer, que la loi du silence va s'imposer...
R: "Il y avait justement une forme de relais dans ces quartiers qui sont des quartiers défavorisés où peut proliférer le trafic. Les relais familiaux de ces associations faisaient un travail de terrain pour faire parler les mères qui voient leur fils entrer dans le trafic de drogue et leur dire: +Mais il va mourir votre fils !+. Est-ce que ces femmes-là, ces mères, souvent à la tête de familles monoparentales, vont continuer à témoigner ? Donc je crains que là, on ne se prive malheureusement de ces personnes qui voulaient aider, qui voulaient faire en sorte que les choses s'améliorent."
Texte intégral (565 mots)
QUESTION: Avec ce drame, le maire de Marseille a parlé d'un "changement de dimension", qu'en pensez-vous ?
REPONSE: "Si le meurtre a été commis pour intimider Amine Kessaci, ce que l'enquête dira, il est évident qu'on a franchi un cap. On avait évidemment des règlements de compte, il y en a eu beaucoup en 2023, mais sur affrontements de bandes rivales. La personne qui était la victime du règlement de compte n'était pas nécessairement la personne qu'on était venu chercher. Parfois, ils se déplacent, ils cherchent une personne, ils trouvent un jeune, un guetteur... Donc les règlements de compte avaient aussi une dimension visant à impressionner les autres participants au trafic. (...) Là, la personne intimidée ne participe pas au trafic. Au contraire, Amine Kessaci a fait de la lutte contre le trafic un sujet, en lien avec son histoire personnelle, avec son association Conscience. Donc c'est vraiment nouveau, même si ce n'est pas unique: il faut toujours garder raison dans les comparaisons, mais il y a eu l'assassinat du juge Michel (en 1981 à Marseille, NDLR)."
Q: S'il est avéré que le meurtre de Mehdi Kessaci était destiné à intimider, qu'est-ce que cela révèle de l'évolution de la criminalité à Marseille ?
R: "Ça révèle, à mon avis, deux choses. D'abord que les groupes criminels sont de plus en plus dangereux et de plus en plus violents. La dangerosité liée à la criminalité organisée est plus importante qu'il y a 10 ou 15 ans (...) Ça traduit aussi un changement même de fonctionnement: les groupes criminels aujourd'hui liés au trafic de stupéfiants ne sont pas des mafias, ce ne sont pas non plus des cartels, en revanche, ils utilisent les codes de la violence des cartels.
Il y a un risque de glissement. Il faut aussi le remettre dans le contexte des menaces qui ont pesé sur les directeurs d'établissement pénitentiaires, des magistrats... Au-delà du trafic de drogue, on voit que les groupes criminels marseillais ont commencé aussi à reprendre certaines activités qui n'étaient pas auparavant les leurs, le racket en particulier. Avec le racket, il y a la menace de la violence, donc forcément, ça devient aussi un mode opératoire. Alors l'enquête dira si Amine Kessaci et son frère ont été menacés, si c'est un acte isolé, si c'est lié à cette démarche. Mais en tout cas, si tel est le cas, c'est un glissement qui n'est pas nouveau, mais qui s'accélère quand même de façon inquiétante."
Q: Après cet assassinat, on se dit que les proches de victimes et les associations ne vont plus oser parler, dénoncer, que la loi du silence va s'imposer...
R: "Il y avait justement une forme de relais dans ces quartiers qui sont des quartiers défavorisés où peut proliférer le trafic. Les relais familiaux de ces associations faisaient un travail de terrain pour faire parler les mères qui voient leur fils entrer dans le trafic de drogue et leur dire: +Mais il va mourir votre fils !+. Est-ce que ces femmes-là, ces mères, souvent à la tête de familles monoparentales, vont continuer à témoigner ? Donc je crains que là, on ne se prive malheureusement de ces personnes qui voulaient aider, qui voulaient faire en sorte que les choses s'améliorent."