Même s'il est consultatif et non contraignant, l'avis de la Cour internationale de justice (CIJ), plus haute juridiction de l'ONU, n'est pas sans pouvoir, bien au contraire.
La Cour a conclu que le droit international, tel qu'il se déduit des traités en vigueur, des jurisprudences et de la coutume, lie tous les pays à une série d'obligations de protection du climat. Et de nombreux experts concordent à dire que cette analyse va influencer les tribunaux de la planète, les négociations sur le climat et les délibérations politiques à travers le globe.
"Les juges sont unanimes pour conclure que le droit international impose aux États des obligations claires et contraignantes de ne pas causer de dommages massifs à l'environnement en général, et de ne pas nuire au système climatique en particulier", estime Cesar Rodriguez-Garavito, directeur du Climate Law Accelerator à l'université de New York, joint par l'AFP.
Selon la CIJ, les plans nationaux de réduction des gaz à effet de serre doivent par exemple refléter l'ambition la plus élevée de l'accord de Paris, soit l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Un niveau que le monde pourrait atteindre dès cette décennie, selon les climatologues.
La Cour affirme aussi que les États, s'ils ne respectent pas ces obligations, pourraient être tenus de réparer les infrastructures ou les écosystèmes endommagés et, à défaut, de faire l'objet de demandes d'indemnisation.
Certes, "nous sommes loin d'un litige entre deux pays où l'un réclame à l'autre d'assumer sa responsabilité et payer des dommages climatiques passés et présents, mais en théorie, la Cour crée une ouverture pour de telles demandes", analyse Markus Gehring, professeur de droit international à l'université de Cambridge.
"Acte illicite"
Les grands États pétroliers comme les États-Unis peuvent tout à fait méconnaître l'avertissement de la Cour, selon laquelle le soutien d'un pays à la production de pétrole, de gaz et de charbon est susceptible de constituer un "acte illicite".
Mais cette ignorance se fera "à leurs risques et périls", estime-t-il, citant le destin d'un avis rendu en 2019 par la CIJ.
Celui-ci concluait que le Royaume-Uni devrait mettre fin à son occupation des îles Chagos. L'avis avait été balayé par Londres, mais avait conduit à une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies exigeant que le Royaume-Uni cède l'archipel à l'Île Maurice, ce qu'il a fait en 2024.
Sans être directement contraignant, l'avis de la CIJ le sera à travers les actions judiciaires ultérieures qui s'appuieront sur lui et via les institutions des Nations unies.
Le retrait des États-Unis de l'Accord de Paris, ordonné par Donald Trump, ne dispensera par Washington de ses engagements, ajoute M. Gehring: la CIJ analyse très clairement que le droit international existant impose une obligation générale de lutter contre le changement climatique.
Une des 15 juges de la CIJ, Sarah Cleveland, a déclaré que les "responsabilités éminentes" des pays en matière de protection du système climatique peuvent également influer l'interprétation du droit international des affaires.
"Bouclier et épée"
Pour le Vanuatu, archipel du Pacifique qui a été le fer de lance de la procédure devant la CIJ, cet avis constitue "une victoire juridique décisive".
Cet Etat, menacé avec d'autres nations insulaires par la montée des eaux, a déclaré que les conclusions de la Cour renforceraient sa position dans les négociations mondiales sur le climat, pour exiger des ambitions climatiques plus fortes et faire pression pour le versement de dons au fonds mondial de soutien aux pays subissant des pertes et dommages climatiques.
L'avis pourrait également ouvrir la voie à des poursuites judiciaires contre les pays et éventuellement les entreprises qui, par action ou omission, ont causé des dommages climatiques, souligne le Vanuatu dans un communiqué.
"Pour Vanuatu, cet avis est à la fois un bouclier et une épée : un bouclier qui affirme son droit à la survie et une épée qui oblige les principaux émetteurs mondiaux à agir conformément à la science et à la justice", ajoute le texte.
Manuel Pulgar-Vidal, ancien président de la COP20 au Pérou et responsable mondial du programme Climat et Énergie du WWF, s'attend à ce que la décision de la CIJ "fasse fortement bouger les lignes".
"Le moment est particulièrement bien choisi, car nous traversons une période difficile dans le débat sur le climat", a-t-il déclaré à l'AFP.
Texte intégral (747 mots)
Même s'il est consultatif et non contraignant, l'avis de la Cour internationale de justice (CIJ), plus haute juridiction de l'ONU, n'est pas sans pouvoir, bien au contraire.
La Cour a conclu que le droit international, tel qu'il se déduit des traités en vigueur, des jurisprudences et de la coutume, lie tous les pays à une série d'obligations de protection du climat. Et de nombreux experts concordent à dire que cette analyse va influencer les tribunaux de la planète, les négociations sur le climat et les délibérations politiques à travers le globe.
"Les juges sont unanimes pour conclure que le droit international impose aux États des obligations claires et contraignantes de ne pas causer de dommages massifs à l'environnement en général, et de ne pas nuire au système climatique en particulier", estime Cesar Rodriguez-Garavito, directeur du Climate Law Accelerator à l'université de New York, joint par l'AFP.
Selon la CIJ, les plans nationaux de réduction des gaz à effet de serre doivent par exemple refléter l'ambition la plus élevée de l'accord de Paris, soit l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Un niveau que le monde pourrait atteindre dès cette décennie, selon les climatologues.
La Cour affirme aussi que les États, s'ils ne respectent pas ces obligations, pourraient être tenus de réparer les infrastructures ou les écosystèmes endommagés et, à défaut, de faire l'objet de demandes d'indemnisation.
Certes, "nous sommes loin d'un litige entre deux pays où l'un réclame à l'autre d'assumer sa responsabilité et payer des dommages climatiques passés et présents, mais en théorie, la Cour crée une ouverture pour de telles demandes", analyse Markus Gehring, professeur de droit international à l'université de Cambridge.
"Acte illicite"
Les grands États pétroliers comme les États-Unis peuvent tout à fait méconnaître l'avertissement de la Cour, selon laquelle le soutien d'un pays à la production de pétrole, de gaz et de charbon est susceptible de constituer un "acte illicite".
Mais cette ignorance se fera "à leurs risques et périls", estime-t-il, citant le destin d'un avis rendu en 2019 par la CIJ.
Celui-ci concluait que le Royaume-Uni devrait mettre fin à son occupation des îles Chagos. L'avis avait été balayé par Londres, mais avait conduit à une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies exigeant que le Royaume-Uni cède l'archipel à l'Île Maurice, ce qu'il a fait en 2024.
Sans être directement contraignant, l'avis de la CIJ le sera à travers les actions judiciaires ultérieures qui s'appuieront sur lui et via les institutions des Nations unies.
Le retrait des États-Unis de l'Accord de Paris, ordonné par Donald Trump, ne dispensera par Washington de ses engagements, ajoute M. Gehring: la CIJ analyse très clairement que le droit international existant impose une obligation générale de lutter contre le changement climatique.
Une des 15 juges de la CIJ, Sarah Cleveland, a déclaré que les "responsabilités éminentes" des pays en matière de protection du système climatique peuvent également influer l'interprétation du droit international des affaires.
"Bouclier et épée"
Pour le Vanuatu, archipel du Pacifique qui a été le fer de lance de la procédure devant la CIJ, cet avis constitue "une victoire juridique décisive".
Cet Etat, menacé avec d'autres nations insulaires par la montée des eaux, a déclaré que les conclusions de la Cour renforceraient sa position dans les négociations mondiales sur le climat, pour exiger des ambitions climatiques plus fortes et faire pression pour le versement de dons au fonds mondial de soutien aux pays subissant des pertes et dommages climatiques.
L'avis pourrait également ouvrir la voie à des poursuites judiciaires contre les pays et éventuellement les entreprises qui, par action ou omission, ont causé des dommages climatiques, souligne le Vanuatu dans un communiqué.
"Pour Vanuatu, cet avis est à la fois un bouclier et une épée : un bouclier qui affirme son droit à la survie et une épée qui oblige les principaux émetteurs mondiaux à agir conformément à la science et à la justice", ajoute le texte.
Manuel Pulgar-Vidal, ancien président de la COP20 au Pérou et responsable mondial du programme Climat et Énergie du WWF, s'attend à ce que la décision de la CIJ "fasse fortement bouger les lignes".
"Le moment est particulièrement bien choisi, car nous traversons une période difficile dans le débat sur le climat", a-t-il déclaré à l'AFP.