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07.11.2025 à 08:19
Le mercredi 29 octobre dernier, la nouvelle édition du Lancet Countdown, publiée en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dresse un bilan une fois encore alarmant : 12 des 20 indicateurs de suivi des menaces sanitaires liées au climat ont atteint des niveaux records. Ce constat illustre le coût humain grandissant de l’inaction climatique. Les santés humaine, animale et environnementale sont étroitement interdépendantes – c’est tout le sens du concept One Health, né au début des années 2000 – et les réponses à la crise environnementale doivent s’inscrire dans cette logique d’intersectionnalité des risques et des pathogènes. Le changement climatique est-il encore une crise environnementale, ou constitue-t-il d’ores et déjà un dérèglement du vivant ? Le changement climatique n’est plus seulement une affaire de degré : il s’incarne désormais dans les corps, dans les esprits et dans les systèmes de santé. Le rapport Lancet Countdown 2025 marque un tournant, non parce qu’il révèle ce lien déjà établi depuis plusieurs années, mais parce qu’il le mesure dans toute sa transversalité. Les vagues de chaleur, les feux de forêt, les sécheresses ou les maladies vectorielles ne sont plus des crises parallèles : elles dessinent un continuum d’altérations biologiques, sociales et psychiques qui fait du climat un déterminant central de santé mondiale. La mortalité liée à la chaleur a progressé d’environ 23 % depuis les années 1990, atteignant près de 550 000 décès par an sur la décennie écoulée. Les pertes de productivité liées au stress thermique représentent l’équivalent de 1 % du PIB mondial, soit plus de 1000 milliards de dollars par an. Dans le même temps, les incendies provoquent chaque année des dizaines de milliers de morts attribués aux particules fines, les moustiques vecteurs de dengue gagnent des latitudes autrefois tempérées, et 124 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans l’insécurité […]
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Le mercredi 29 octobre dernier, la nouvelle édition du Lancet Countdown, publiée en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dresse un bilan une fois encore alarmant : 12 des 20 indicateurs de suivi des menaces sanitaires liées au climat ont atteint des niveaux records. Ce constat illustre le coût humain grandissant de l’inaction climatique. Les santés humaine, animale et environnementale sont étroitement interdépendantes – c’est tout le sens du concept One Health, né au début des années 2000 – et les réponses à la crise environnementale doivent s’inscrire dans cette logique d’intersectionnalité des risques et des pathogènes.
Le changement climatique n’est plus seulement une affaire de degré : il s’incarne désormais dans les corps, dans les esprits et dans les systèmes de santé. Le rapport Lancet Countdown 2025 marque un tournant, non parce qu’il révèle ce lien déjà établi depuis plusieurs années, mais parce qu’il le mesure dans toute sa transversalité. Les vagues de chaleur, les feux de forêt, les sécheresses ou les maladies vectorielles ne sont plus des crises parallèles : elles dessinent un continuum d’altérations biologiques, sociales et psychiques qui fait du climat un déterminant central de santé mondiale.
La mortalité liée à la chaleur a progressé d’environ 23 % depuis les années 1990, atteignant près de 550 000 décès par an sur la décennie écoulée. Les pertes de productivité liées au stress thermique représentent l’équivalent de 1 % du PIB mondial, soit plus de 1000 milliards de dollars par an. Dans le même temps, les incendies provoquent chaque année des dizaines de milliers de morts attribués aux particules fines, les moustiques vecteurs de dengue gagnent des latitudes autrefois tempérées, et 124 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans l’insécurité alimentaire en 2023. Ces chiffres ne relèvent plus de la prospective : ils décrivent déjà un monde physiologiquement déstabilisé. Ce dérèglement n’est pas seulement climatique : il est devenu un dérèglement du vivant.
Il désorganise les rythmes biologiques et les infrastructures vitales. L’air, l’eau, les sols, les espèces, les écosystèmes, et jusqu’à nos organismes, qui réagissent comme un seul système en déséquilibre. La hausse des températures agit sur le sommeil, la fertilité, la santé mentale, l’appareil cardiorespiratoire, la concentration ou la cohésion sociale… Ce constat rejoint la grille des limites planétaires : franchir la barrière du climat, c’est fragiliser toutes les autres, biodiversité, cycles de l’eau, sols, polluants, azote, phosphore. Cela revient à fragiliser nos conditions de survie.
C’est dans ce sens que je propose le concept de « limite sanitaire », non pas une dixième frontière biophysique, mais un indicateur transversal de la stabilité du système Terre. La santé humaine devient la boussole qui mesure, en temps réel, la compatibilité entre nos modes de vie et les équilibres planétaires. Lorsque la mortalité liée à la chaleur, les troubles psychiatriques post-catastrophes ou la baisse de productivité atteignent de tels niveaux, ils ne traduisent pas seulement une crise médicale : ils signalent que l’ensemble du vivant, humain et non humain, sort de sa zone de stabilité.
Le Lancet Countdown 2025 ne se contente donc plus de décrire : il propose un changement d’échelle. Loin d’opposer planète et humanité, il invite à penser la santé comme une mesure intégrée de nos interdépendances. Sauver la planète n’a plus de sens abstrait ; il s’agit de préserver les conditions physiologiques et psychiques d’une vie humaine stable dans un monde dont les équilibres naturels s’effondrent. Le climat n’est plus seulement une variable environnementale : il est devenu un indicateur vital.
Le même jour de la publication du Lancet Countdown 2025, Bill Gates publiait un mémo d’un ton différent. Il y décrit le changement climatique comme un défi majeur, mais non existentiel : l’humanité, écrit-il, continuera à « vivre et prospérer » sur la majeure partie de la planète. La question ne serait pas celle de la survie, mais de la répartition équitable du bien-être.
Son raisonnement s’appuie sur une logique d’efficacité : les ressources mondiales étant limitées, elles doivent être orientées là où elles améliorent le plus la vie humaine. Plutôt que de viser une cible climatique abstraite, il propose d’investir dans les leviers qui renforcent directement la résilience des plus vulnérables, vaccination, nutrition, agriculture adaptée, énergie accessible. Cette approche replace utilement la lutte climatique dans le champ plus large du développement humain et de la santé mondiale.
Mais cette vision, fondée sur la capacité d’adaptation, repose sur des hypothèses contestables. Elle suppose que les sociétés peuvent toujours s’ajuster à des environnements changeants, alors que certaines régions atteignent déjà leurs limites biophysiques. Dans le golfe Persique, en Inde ou dans la Corne de l’Afrique, les vagues de chaleur dépassant les 35 °C de température humide menacent directement la viabilité humaine sans climatisation ni migration.
Elle tend aussi à minimiser l’ampleur des pertes et dommages irréversibles. L’Adaptation Gap Report 2023 du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime que le déficit de financement de l’adaptation dans les pays en développement se situe entre 194 et 366 milliards de dollars par an, sans compter les pertes sanitaires, culturelles et écologiques impossibles à monétiser. Ces chiffres rappellent que l’adaptation, loin d’être illimitée, a un coût et des contraintes physiques.
Enfin, cette approche technocentrée, qui valorise les innovations de marché, pose la question de la justice climatique. L’investissement privé se concentre sur des solutions brevetables, semences, technologies, infrastructures, que seuls les pays solvables peuvent acquérir. L’adaptation devient alors un indicateur de puissance autant qu’un impératif de survie.
Le Lancet Countdown adopte une lecture complémentaire, mais davantage systémique : il montre que la santé ne se résume pas à la résilience individuelle, mais à la stabilité des équilibres écologiques et sociaux.
Ces deux visions ne s’opposent donc pas totalement. Elles traduisent deux hiérarchies de valeurs : l’une croit à la capacité humaine d’innover dans un monde plus chaud ; l’autre rappelle que, sans limites physiques et sociales reconnues, l’innovation risque d’aggraver les inégalités qu’elle prétend résoudre.
Entre l’alerte sanitaire du Lancet Countdown 2025 et le pragmatisme du mémo Gates, une évidence s’impose : la santé doit devenir la mesure intégrée du climat. Mais pour y parvenir, il faut transformer la manière dont le monde gouverne cette crise.
L’action climatique continue d’être évaluée à travers des mesures physiques, tonnes de CO₂ évitées, degrés contenus, parts d’énergies renouvelables. Ces indicateurs restent indispensables, mais ils ne capturent qu’une partie du réel : celle des flux et des bilans énergétiques.
Pour comprendre les effets concrets du dérèglement, il faut leur adjoindre des indicateurs humains : mortalité évitée, journées de travail préservées, rendements agricoles maintenus, qualité de l’air, santé mentale, espérance de vie. Cette traduction biologique du climat permet de repérer les effets dits « pathogènes » des solutions purement technologiques, qui réduisent le carbone mais aggravent d’autres déséquilibres : déforestation pour les biocarburants, extraction minière non régulée, etc. Passer du bilan carbone au bilan humain, c’est reconnaître la transversalité de nos équilibres.
L’enjeu n’est pas seulement d’ajouter des objectifs sanitaires aux politiques climatiques, mais de concevoir des politiques dont la finalité relie explicitement santé humaine, santé animale et intégrité des écosystèmes. C’est l’esprit du « One Health » : prévenir les crises sanitaires en agissant sur les causes environnementales et sociales avant qu’elles ne deviennent irréversibles.
Concrètement, une stratégie de vaccination, une politique de lutte contre la malnutrition, une réforme agroalimentaire ou un accès élargi à une énergie propre ne sont pas des co-bénéfices climatiques accessoires. Ce sont des instruments d’adaptation et de prévention primaire. Ils réduisent l’exposition aux vagues de chaleur, limitent les zoonoses et les maladies vectorielles, stabilisent les rendements sans déforestation, améliorent la qualité de l’air et la santé respiratoire, tout en renforçant la résilience des systèmes de santé.
Cette approche impose également d’intégrer des risques encore peu présents dans les plans climatiques classiques : l’antibiorésistance amplifiée par le stress environnemental et les pratiques d’élevage intensif, ou les transmissions inter-espèces liées à la déforestation et aux changements d’utilisation des sols. Elle suppose enfin une gouvernance véritablement intersectorielle ; santé, agriculture, environnement, économie ; et des dispositifs d’évaluation indépendants pour éviter les solutions pathogènes qui déplacent les risques sans les résoudre.
Il faut toutefois reconnaître les limites actuelles de One Health : les chaînes causales entre variables climatiques, pathologies et écosystèmes restent complexes, les données vétérinaires et environnementales incomplètes, et les bénéfices se déploient souvent sur des horizons plus longs que les cycles politiques ou budgétaires. D’où la nécessité d’un pilotage scientifique stable et inscrit dans le temps long.
Selon le Lancet Countdown 2025, les subventions aux énergies fossiles ont atteint près de 956 milliards de dollars en 2023, soit davantage que le total des financements mondiaux consacrés à la santé publique. Si l’on y ajoute les coûts cachés que ces énergies font peser sur la société – pollution de l’air, maladies, mortalité prématurée, émissions non taxées – le Fonds monétaire international estime que le soutien global implicite aux énergies fossiles atteint plus de 7 000 milliards de dollars par an. Ce déséquilibre illustre la persistance d’une économie fondée sur la rente énergétique plutôt que sur la prévention des risques systémiques.
L’aide au développement doit être repensée, non comme une « charité verte », mais comme une coproduction de stabilité planétaire. Les financements climatiques devraient intégrer le coût réel des pertes et dommages, les annulations ou restructurations de dette pour les pays vulnérables, et la valorisation des co-bénéfices sanitaires des politiques d’atténuation.
Sous la présidence brésilienne du G20 en 2024, puis à la veille de l’accueil de la COP30 à Belém en 2025, le Brésil se trouve au centre du jeu climatique mondial.
À la fois pays mégadivers (abritant une part exceptionnelle de la biodiversité mondiale) et profondément inégal sur le plan social, il incarne la tension entre urgence écologique et exigence de développement. Lula a fait de la lutte contre la faim, de la transition énergétique juste et de la réforme de la gouvernance mondiale les axes centraux de sa diplomatie, cherchant à positionner le Brésil comme médiateur entre les attentes du Sud et les engagements du Nord. Si la santé devient le langage commun de cette gouvernance ; celui de la vie plutôt que des seuls flux économiques ; alors la coopération internationale pourra enfin dépasser la logique de compensation pour s’engager dans celle des capacités humaines partagées.
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06.11.2025 à 15:16
« Il n’y a jamais eu de décision officielle pour renommer la Ville « Istanbul ». Certains citent une circulaire du service postal turc en mars 1930 stipulant que le courrier adressé à « Constantinople » ne serait pas distribué. Cependant, il s’agissait davantage d’un acte faisant suite à l’adoption de l’alphabet latin en Turquie en 1928 et à l’exigence de l’usage du turc dans les actes publics. Il n’y a jamais eu de loi ou de décret du gouvernement visant à inventer un nouveau nom à ce moment-là. Le nom Istanbul était déjà là ».
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« Il n’y a jamais eu de décision officielle pour renommer la Ville « Istanbul ». Certains citent une circulaire du service postal turc en mars 1930 stipulant que le courrier adressé à « Constantinople » ne serait pas distribué. Cependant, il s’agissait davantage d’un acte faisant suite à l’adoption de l’alphabet latin en Turquie en 1928 et à l’exigence de l’usage du turc dans les actes publics. Il n’y a jamais eu de loi ou de décret du gouvernement visant à inventer un nouveau nom à ce moment-là. Le nom Istanbul était déjà là ».
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06.11.2025 à 13:38
La Corée du Sud a accueilli le Forum de coopération économique Asie-Pacifique, APEC, dans la ville de Gyeongju, du 29 octobre au 1er novembre 2025. Test diplomatique majeur pour le président sud-coréen Lee Jae -myung, qui a pris ses fonctions en juin dernier, le sommet et son organisation ont été marqués par d’importantes rencontres bilatérales avec ses homologues américains et chinois, la rencontre entre les présidents Donald Trump et Xi Jinping mais aussi par la présence de la nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi. Confrontée à des partenaires et proches voisins, américains, chinois et japonais, avec lesquels les relations demeurent délicates, la Corée du Sud s’est efforcée de conduire l’évènement en ménageant intérêts globaux et agenda plus national. Ces ambitions ont été contrariées par l’attention suscitée par la longue tournée asiatique entreprise en parallèle par le président Trump (du 26 au 30 octobre 2025). C’était en effet le premier déplacement dans la région de ce dernier avec le Sommet de l’ASEAN en Malaisie, des visites officielles au Japon et en Corée du Sud et une participation minime au sommet de l’APEC, largement éclipsée par la rencontre avec le président chinois le 30 octobre à l’issue de laquelle Donald Trump est retourné à Washington. Le sommet de l’APEC a donc fourni au président sud-coréen l’occasion de mettre en œuvre la difficile politique d’équilibre vis-à-vis de la Chine et des États-Unis qui est au cœur de la politique étrangère de Séoul. En effet, depuis la fin de la guerre de Corée en 1953, la diplomatie sud-coréenne se caractérise par la recherche d’un moyen terme entre désir d’autonomie et besoin de maintenir l’alliance de sécurité avec les États-Unis et de bonnes relations commerciales avec la Chine, pour assurer sa défense et sa prospérité. C’est ainsi que les choix stratégiques de Séoul restent contraints […]
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La Corée du Sud a accueilli le Forum de coopération économique Asie-Pacifique, APEC, dans la ville de Gyeongju, du 29 octobre au 1er novembre 2025. Test diplomatique majeur pour le président sud-coréen Lee Jae -myung, qui a pris ses fonctions en juin dernier, le sommet et son organisation ont été marqués par d’importantes rencontres bilatérales avec ses homologues américains et chinois, la rencontre entre les présidents Donald Trump et Xi Jinping mais aussi par la présence de la nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi.
Confrontée à des partenaires et proches voisins, américains, chinois et japonais, avec lesquels les relations demeurent délicates, la Corée du Sud s’est efforcée de conduire l’évènement en ménageant intérêts globaux et agenda plus national. Ces ambitions ont été contrariées par l’attention suscitée par la longue tournée asiatique entreprise en parallèle par le président Trump (du 26 au 30 octobre 2025). C’était en effet le premier déplacement dans la région de ce dernier avec le Sommet de l’ASEAN en Malaisie, des visites officielles au Japon et en Corée du Sud et une participation minime au sommet de l’APEC, largement éclipsée par la rencontre avec le président chinois le 30 octobre à l’issue de laquelle Donald Trump est retourné à Washington. Le sommet de l’APEC a donc fourni au président sud-coréen l’occasion de mettre en œuvre la difficile politique d’équilibre vis-à-vis de la Chine et des États-Unis qui est au cœur de la politique étrangère de Séoul.
En effet, depuis la fin de la guerre de Corée en 1953, la diplomatie sud-coréenne se caractérise par la recherche d’un moyen terme entre désir d’autonomie et besoin de maintenir l’alliance de sécurité avec les États-Unis et de bonnes relations commerciales avec la Chine, pour assurer sa défense et sa prospérité. C’est ainsi que les choix stratégiques de Séoul restent contraints par la faiblesse relative d’un pays entouré de puissants voisins, Chine, États-Unis, Japon et Russie. Une situation largement illustrée par les discussions du président Lee avec ses homologues américains et chinois à l’occasion de l’APEC.
La partie sud-coréenne n’a pas échappé à la poursuite de dures négociations tarifaires avec les États-Unis afin de réduire les droits de douane américains et apaiser l’incertitude qui pèse sur l’économie de Séoul, très dépendante du commerce international. On se souvient que le président Lee s’était rendu à Washington en juillet 2025 et qu’un accord avait été annoncé selon lequel Washington réduirait ses droits de douane de 25 % à 15 % en échange d’un investissement de 350 milliards de dollars de Séoul aux États-Unis. Mais cette annonce n’avait pas été formalisée et avait de surcroit donné lieu à des déclarations divergentes entre les deux protagonistes sur la question, Lee Jae-myung affirmant que des points de désaccord importants subsistaient tandis que Donald Trump décrivait l’accord comme quasiment finalisé. Les constructeurs automobiles sud-coréens, l’automobile constituant un produit d’exportation clé vers les États-Unis, sont actuellement soumis à des droits de douane de 25 %, ce qui incite Lee à conclure l’accord. Cependant, il souhaitait également éviter de s’engager précipitamment avant d’essayer de réduire l’investissement attendu par les États-Unis. À première vue, il semblerait que les discussions américano-sud-coréennes se soient déroulées dans un climat moins bénéfique que celles intervenues entre le président Trump et la Première ministre japonaise . De grandes entreprises nippones devraient ainsi investir dans 21 grands projets avec les Américains dans le nucléaire, la logistique, l’intelligence artificielle ou encore les minéraux critiques, un engagement pris dans le cadre d’un accord commercial bilatéral de 550 milliards de dollars. Toutefois, l’autorisation de construire des sous-marins à propulsion nucléaire, donnée par Donald Trump à la Corée du Sud, intervenue après la clôture de l’APEC, indique que les négociations se passaient davantage sur le terrain stratégique plutôt que commercial.
La question nord-coréenne a partiellement émergé durant le bref séjour de Donald Trump à Séoul, ce dernier ayant exprimé à plusieurs reprises son souhait de renouer avec Kim Jong-un. Toutefois l’environnement géopolitique de la péninsule coréenne est très différent de celui qu’avait connu Donald Trump durant son premier mandat lorsqu’il avait pu rencontrer le dirigeant nord-coréen à deux reprises. Depuis, la Corée du Nord a largement renforcé ses liens avec la Chine et la Russie et peut à ce titre n’avoir aucun intérêt direct pour un engagement avec les États-Unis. L’ouverture exprimée par Donald Trump n’a guère de chance de trouver d’écho du côté de Pyongyang à court ou moyen terme. Si des avancées ont semblé possibles en 2018 et 2019, Kim Jong-un, qui espérait une levée partielle des sanctions américaines, a été déçu par ses premières rencontres avec Trump et estime désormais qu’il ne peut pas faire confiance aux États-Unis.
La rencontre entre le président Lee et son homologue chinois était également importante si l’on réalise qu’il s’agissait de la première visite de Xi Jinping dans le pays depuis 2014. Les deux voisins entretiennent des relations commerciales fructueuses, mais leurs liens politiques sont mis à mal par la rivalité stratégique croissante entre la Chine et les États-Unis. Rappelant les liens historiques et culturels anciens entre les deux pays, Xi Jinping a pu les décrire comme « des partenaires qui ne peuvent pas être séparés » mais la réalité est que Séoul se retrouve pris entre deux feux dans la guerre commerciale et technologique qui oppose les superpuissances. La Chine a récemment imposé des sanctions à cinq filiales américaines du constructeur naval sud-coréen Hanwha Ocean, qu’elle accuse d’aider les États-Unis. Par ailleurs, de nombreux acteurs des industries clés de la Corée du Sud, telles que les semi-conducteurs, l’électronique et l’acier, s’inquiètent de l’avancée de leurs rivaux chinois.
Les difficultés économiques auxquelles se trouve confrontée la population sud-coréenne, notamment la jeunesse, fait que le sentiment antichinois se renforce dans le pays sous l’influence de mouvements populistes et complotistes de type MAGA. Les sondages montrant une détérioration de l’opinion publique à l’égard de son grand voisin et les médias locaux font état de violentes manifestations visant les quartiers à forte population chinoise. L’introduction récente de l’exemption de visa pour les touristes chinois, destiné à stimuler l’économie – comme l’a d’ailleurs fait le Japon – a renforcé les protestations. Les investissements immobiliers chinois sont particulièrement visés.
Dans ce contexte, l’objectif du président Lee, qui est de chercher à apaiser ses relations commerciales avec Washington, tout en évitant de s’aliéner Pékin, n’a été que partiellement atteint. De fait, Séoul comme Pékin se sont davantage concentrés sur leurs discussions plus urgentes avec les États-Unis.
Une embellie s’est toutefois manifestée dans l’amélioration continue des relations entre la Corée du Sud et le Japon, largement orchestrée durant la présidence de Joe Biden. La nouvelle Première ministre japonaise, Sanae Takaichi, a visiblement cherché à tirer parti de cette dynamique positive lors de ses discussions avec Lee Jae-myung. Leur rencontre s’est clairement inscrite dans le cadre des efforts déployés en parallèle par Tokyo pour faire face à une Chine plus agressive en renforçant ses partenariats avec certains pays partageant la même vision de l’ordre international dans l’Indo-Pacifique.
Malgré ses propos virulents à l’égard du Japon par le passé, le président sud-coréen s’est montré ouvert à un rapprochement comme il avait été amorcé avec Shigeru Ishiba, le prédécesseur de Sanae Takaichi. De son côté, la nouvelle Première ministre japonaise, connue pour sa vision conservatrice du monde, a jusqu’à présent pris soin d’éviter tout propos ou geste susceptibles de rappeler les épisodes le plus sombres de l’histoire des deux pays pendant la colonisation japonaise de 1910 à 1945. Dans son discours de politique générale prononcé devant le Parlement japonais le 25 octobre dernier, elle avait clairement indiqué son intention d’engager un dialogue au plus haut niveau avec Séoul afin de renforcer les relations bilatérales. Elle avait également déclaré qu’elle développerait des partenariats de sécurité minilatéraux centrés sur la Corée du Sud, les Philippines et l’Australie.
Dans le même discours, Sanae Takaichi n’avait pas hésité à qualifier les activités militaires de la Chine, de la Corée du Nord et de la Russie de « préoccupation grave », suscitant une protestation de Pékin. Si par ailleurs, elle a appelé à un dialogue franc avec les dirigeants chinois, elle n’a pas hésité à braver une nouvelle fois la colère de Pékin en rencontrant les représentants de Taiwan invités au Sommet de l’APEC.
Le communiqué final adopté au terme du Sommet de l’APEC n’a pas permis de masquer la dégradation des règles du commerce international, victimes de la politique mercantiliste de Donald Trump. Pris, une nouvelle fois, entre les divergences opposant la Chine et les États-Unis, le président Lee Jae-myung a renoncé à mentionner le rôle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour un texte plus pragmatique évoquant les problèmes concrets qui se posent aux grandes économies asiatiques, entre avancées de l’intelligence artificielle (IA) et déclin démographique.
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05.11.2025 à 18:15
Pascal Boniface · La géopolitique au lycée. Avec Rodolphe Pourrade et Arnaud Taurines | Entretiens géopo Avec l’essor d’internet et des réseaux sociaux, la géopolitique s’est invitée dans le quotidien des jeunes. L’accès facilité à l’information et la multiplication des contenus d’actualité ont éveillé une sensibilité nouvelle aux grands enjeux mondiaux. Cet intérêt se reflète notamment dans le succès rencontré par la spécialité du nouveau baccalauréat : l’HGGSP – Histoire, Géographie, Géopolitique et Sciences politiques. Entre actualité, réflexion et décryptage des dynamiques internationales, l’HGGSP apparaît comme bien plus qu’une matière scolaire : un outil pour apprendre à lire le monde et à y trouver sa place.À travers le regard de deux professeurs en la matière, comment se traduit cet intérêt chez les lycéens ? Quel est leur rapport à la géopolitique, et comment cette discipline s’articule-t-elle avec cette démocratisation sociale de la géopolitique sur internet ? Quelles limites cette approche peut-elle rencontrer dans le cadre du programme éducatif français ?
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Avec l’essor d’internet et des réseaux sociaux, la géopolitique s’est invitée dans le quotidien des jeunes. L’accès facilité à l’information et la multiplication des contenus d’actualité ont éveillé une sensibilité nouvelle aux grands enjeux mondiaux. Cet intérêt se reflète notamment dans le succès rencontré par la spécialité du nouveau baccalauréat : l’HGGSP – Histoire, Géographie, Géopolitique et Sciences politiques. Entre actualité, réflexion et décryptage des dynamiques internationales, l’HGGSP apparaît comme bien plus qu’une matière scolaire : un outil pour apprendre à lire le monde et à y trouver sa place.
À travers le regard de deux professeurs en la matière, comment se traduit cet intérêt chez les lycéens ? Quel est leur rapport à la géopolitique, et comment cette discipline s’articule-t-elle avec cette démocratisation sociale de la géopolitique sur internet ? Quelles limites cette approche peut-elle rencontrer dans le cadre du programme éducatif français ?
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05.11.2025 à 14:54
Un séisme politique : ainsi peut-on décrire la victoire de Zohran Mamdani à l’élection municipale de New York. Jeune musulman de 34 ans, Mamdani aborde les questions sociales, défend des idées progressistes et appelle à la mobilisation citoyenne en se montrant attentif aux préoccupations quotidiennes des électeurs. Il n’hésite pas non plus à dénoncer le génocide à Gaza, dans l’une des villes à la plus importante communauté juive au monde. Aussi sa victoire remet en cause la ligne traditionnelle du parti démocrate en bousculant les codes politiques, en nourrissant un espoir d’égalité et de justice sociale. Elle illustre la fracture grandissante entre la population et l’establishment aux États-Unis.
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Un séisme politique : ainsi peut-on décrire la victoire de Zohran Mamdani à l’élection municipale de New York. Jeune musulman de 34 ans, Mamdani aborde les questions sociales, défend des idées progressistes et appelle à la mobilisation citoyenne en se montrant attentif aux préoccupations quotidiennes des électeurs.
Il n’hésite pas non plus à dénoncer le génocide à Gaza, dans l’une des villes à la plus importante communauté juive au monde. Aussi sa victoire remet en cause la ligne traditionnelle du parti démocrate en bousculant les codes politiques, en nourrissant un espoir d’égalité et de justice sociale. Elle illustre la fracture grandissante entre la population et l’establishment aux États-Unis.
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05.11.2025 à 14:30
Alors que la perspective d’un sommet à Budapest a tourné court et que les lignes de front demeurent inchangées, le conflit russo-ukrainien s’enlise dans une guerre d’usure autant militaire que politique. Si Vladimir Poutine semble toujours convaincu que le temps joue en sa faveur, Volodymyr Zelensky peine à maintenir l’effort de guerre. Du côté européen, la question de la confiscation des avoirs russes, ou d’un éventuel endettement européen, cristallise les divisions d’un continent entre intérêts économiques et réputation politique, alors que le jeu de Donald Trump paraît de plus en plus individuel. Comment interpréter les équilibres actuels et rapports de force, et quelles dynamiques pourraient redéfinir la suite du conflit ? Le point avec Igor Delanoë, chercheur associé à l’IRIS, spécialisé sur la géopolitique de la Russie. Entre gesticulations diplomatiques et rencontres annulées, au vu des développements récents, le règlement du conflit semble toujours dans l’impasse. Comment analyser les stratégies et buts des différents acteurs principaux du conflit, à savoir Volodymyr Zelensky, Vladimir Poutine et Donald Trump ? Cette annulation n’est pas si surprenante car les positions de la Russie n’ont pas varié depuis le sommet d’Anchorage. Même si l’économie russe est rentrée dans une phase de refroidissement, Vladimir Poutine continue certainement d’estimer que le temps joue plus en sa faveur que dans celle de l’Ukraine. Bruxelles cherche des fonds pour financer le budget ukrainien en 2026 – et pourrait être tenté de confisquer 140 milliards d’euros d’avoirs russes gelés en Belgique à cette fin – et Kiev rencontre toujours autant de difficultés à renouveler ses effectifs militaires. Il s’agit là de défis que Moscou ne connaît pas dans les mêmes proportions. Donald Trump est quant à lui revenu sur les positions qui étaient les siennes jusqu’au sommet en Alaska, à savoir exiger l’instauration d’un cessez-le-feu préalablement à l’ouverture de […]
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Alors que la perspective d’un sommet à Budapest a tourné court et que les lignes de front demeurent inchangées, le conflit russo-ukrainien s’enlise dans une guerre d’usure autant militaire que politique. Si Vladimir Poutine semble toujours convaincu que le temps joue en sa faveur, Volodymyr Zelensky peine à maintenir l’effort de guerre. Du côté européen, la question de la confiscation des avoirs russes, ou d’un éventuel endettement européen, cristallise les divisions d’un continent entre intérêts économiques et réputation politique, alors que le jeu de Donald Trump paraît de plus en plus individuel. Comment interpréter les équilibres actuels et rapports de force, et quelles dynamiques pourraient redéfinir la suite du conflit ? Le point avec Igor Delanoë, chercheur associé à l’IRIS, spécialisé sur la géopolitique de la Russie.
Entre gesticulations diplomatiques et rencontres annulées, au vu des développements récents, le règlement du conflit semble toujours dans l’impasse. Comment analyser les stratégies et buts des différents acteurs principaux du conflit, à savoir Volodymyr Zelensky, Vladimir Poutine et Donald Trump ?
Cette annulation n’est pas si surprenante car les positions de la Russie n’ont pas varié depuis le sommet d’Anchorage. Même si l’économie russe est rentrée dans une phase de refroidissement, Vladimir Poutine continue certainement d’estimer que le temps joue plus en sa faveur que dans celle de l’Ukraine. Bruxelles cherche des fonds pour financer le budget ukrainien en 2026 – et pourrait être tenté de confisquer 140 milliards d’euros d’avoirs russes gelés en Belgique à cette fin – et Kiev rencontre toujours autant de difficultés à renouveler ses effectifs militaires. Il s’agit là de défis que Moscou ne connaît pas dans les mêmes proportions. Donald Trump est quant à lui revenu sur les positions qui étaient les siennes jusqu’au sommet en Alaska, à savoir exiger l’instauration d’un cessez-le-feu préalablement à l’ouverture de négociations de paix. Cette exigence est celle des Ukrainiens et des Européens. Étant donné qu’ils détiennent l’initiative stratégique et que la dynamique du champ de bataille leur est favorable, les Russes ne sont pas intéressés par un cessez-le-feu et affirment vouloir s’engager d’emblée dans les discussions de fond pendant que les combats font rage. Cette approche a déjà existé lors de conflits au XXe siècle (guerres de Corée, du Viêtnam…). C’était aussi celle du président américain à Anchorage.
Vladimir Poutine exige que l’Ukraine évacue ses forces des 25 % du Donbass qu’elles contrôlent pour que les opérations de l’armée russe soient suspendues. II semblerait que ce soit cette exigence qui ait fait capoter le sommet de Budapest. On parle essentiellement de la conurbation Kramatorsk-Slaviansk, fortifiée par les Ukrainiens depuis 2014. Il y a donc pour le Kremlin un enjeu militaire – éviter une bataille qui s’annonce plus féroce que celle de Bakhmout –, et politique. Moscou ne peut décemment pas proclamer une victoire si les forces ukrainiennes restent présentes dans le Donbass. En outre, les Russes savent qu’un tel retrait pourrait causer sa perte politique à Volodymyr Zelensky. Aussi, le gel des hostilités le long de l’actuelle ligne de contact n’intéresse pas le Kremlin. Une éventuelle porte de sortie serait de démilitariser et de placer ces 25 % sous administration internationale. Les Russes comme les Ukrainiens sont, me semble-t-il, accessibles à cette option…
Quant au nouveau retournement de Donald Trump, il ne faut pas le surinterpréter. Le président américain cherche à tordre le bras des Russes, après avoir essayé de tordre celui des Ukrainiens, pour obtenir un arrêt des combats. Il estime certainement déjà être rentré dans ses frais puisque le matériel militaire américain à destination de l’Ukraine est désormais financé par les Européens qui ont par ailleurs consenti à réaliser des investissements mirobolants dans l’économie américaine et dans leur défense afin que les États-Unis ne leur tournent pas le dos. La seule ligne rouge de Trump sur le dossier ukrainien est celle de l’effondrement du pouvoir à Kiev. Le président américain ne souhaite pas que l’Ukraine devienne pour lui ce que le retrait d’Afghanistan a été pour Joe Biden : un fiasco. Il laissera donc certainement a minima se poursuivre le partage de renseignement américain avec Kiev et l’appui qui permettent aux Ukrainiens de frapper des cibles en Russie.
Alors qu’ils étaient partagés sur les perspectives d’une rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine, un plan européen semble se préparer. Quelles sont les marges de manœuvre et le poids des Européens dans ce bourbier diplomatique ?
Elles sont limitées par les ressources financières et le matériel militaire disponibles pour l’Ukraine, sur fond de désengagement américain. Politiquement, les marges de manœuvre de l’Union européenne sont très faibles car les Européens ont rompu les canaux de discussion avec le Kremlin. Ils se sont mis dans la posture de devoir réagir face aux errements trumpiens et aux développements qui interviennent entre Moscou et Washington. La réouverture de contacts directs avec la Russie leur permettrait de gagner en marge de manœuvre – sans garantie qu’un dialogue se noue avec les Russes –, mais cette volonté ne semble pas exister à Bruxelles… Quant au plan en 12 points, il vise à coordonner et clarifier les positions de l’Union européenne (UE) et de l’Ukraine, dans cette logique réactive, alors que l’on constate des flottements et des retournements à Washington sur le dossier ukrainien.
Mais le principal sujet, c’est celui du financement de l’effort de guerre de l’Ukraine par Bruxelles. L’option la plus tentante, mais politiquement et économiquement la plus risquée, est celle de la confiscation de 140 milliards d’euros d’avoirs de la Banque centrale de Russie gelés en Belgique chez Euroclear. Le gouvernement belge y est hostile en raison de ses très probables retombées négatives : dommages réputationnels quasi irrémédiables auprès des investisseurs étrangers hors UE, et actions en justice qu’intenteraient les entreprises européennes disposant encore d’actifs en Russie, actifs que ne manquerait pas de confisquer en représailles le gouvernement russe. Il se pose aussi la question des conséquences d’une telle confiscation des avoirs russes pour la stabilité de l’euro. Comme couper les vivres à l’Ukraine n’est pas envisageable pour les Européens, il reste la piste de l’endettement. Et là aussi, il s’agit d’un scénario qui ne fait pas l’unanimité au sein des États membres…
Alors que l’UE a adopté de nouvelles sanctions contre la Russie, tout comme Washington va renforcer les siennes, la gouvernance de Vladimir Poutine et de ses affidés sur leur pays semble immuable et solide. Qu’en est-il réellement ? La Russie a-t-elle toujours les moyens de poursuivre sa guerre ?
La comparaison des différentes études d’opinion réalisées par les instituts de sondages en Russie, qu’ils soient loyaux à l’égard des autorités ou étiquetés comme « agents étrangers », montre que Vladimir Poutine et son action disposent d’une solide confiance de la part de la population. La popularité du gouvernement russe commence en revanche à pâtir du refroidissement de l’économie, mais il n’y a clairement rien de critique à ce stade. Économiquement, la Russie devrait connaître une croissance relativement atone cette année – entre 0,5 % et 1 %, donc bien en dessous des 4 % – 4,5 % des deux dernières années. L’inflation – évaluée à environ 8-9 % – reste élevée, et le taux directeur de la Banque centrale de Russie – 16,5 % après la révision intervenue ces derniers jours – paralyse l’investissement et le crédit. Les Russes renoncent ou ajournent des projets immobiliers en raison des taux d’intérêt prohibitifs (au-delà de 20 %…). Le prix bas du pétrole russe – la valeur de l’Urals a été en recul quasi constant cette année – coté sous la barre des $60 ces derniers jours, et un rouble trop fort face au dollar, diminuent les rentrées de numéraires dans le budget fédéral qui a dû être corrigé en automne dernier pour tenir compte de cette réalité. Enfin, les « primes d’embauche » payées par les régions pour tout contrat d’engagement signé avec le ministère russe de la Défense ont été considérablement rabotées depuis la rentrée : selon les sujets de la Fédération considérés, leur montant a été divisé par 2, 3 voire 4…
Ceci étant dit, cette situation ne paraît pas inquiéter Moscou qui, en dépit de ces difficultés bien réelles, maintient son effort de guerre, et semble en mesure de pouvoir le maintenir au niveau actuel pour les deux prochaines années. La dette du pays demeure maîtrisée avec un taux d’endettement qui pourrait représenter environ 20 % du PIB à la fin de l’année, tandis que le déficit budgétaire devrait tourner autour de 3 % du PIB en 2025. Le Kremlin considère que le coût des sacrifices économiques – pour ne parler que d’eux – reste inférieur aux enjeux politico-sécuritaires qu’il perçoit dans ce conflit.
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05.11.2025 à 12:37
C’est fait. Mardi soir, à rebours des espoirs de l’establishment mais conformément aux sondages, Zohran Mamdani a remporté l’élection municipale de New York, devançant nettement Andrew Cuomo et Curtis Sliwa. À 34 ans, ce membre des Democratic Socialists of America qui promet de geler les loyers et de taxer les riches devient le maire le plus à gauche de l’histoire de la ville – et peut-être des États-Unis. Toute la soirée se sont affichés sur les écrans de télévision les visages décomposés des commentateurs de CNN et MSNBC. Leur stupéfaction n’était pas feinte : pour l’establishment médiatique comme pour l’élite politique, cette victoire reste incompréhensible. Comment la capitale économique du monde, Wall Street, le temple du capitalisme américain, a-t-elle pu élire un socialiste avoué ? La réponse tient en un mot : effondrement. Effondrement du Parti démocrate old school, incapable de présenter autre chose qu’un recyclage pathétique d’ambitions personnelles et de magouilles de coulisses. L’affaire Eric Adams restera dans les annales comme un cas d’école de trahison politique. Le maire sortant, empêtré dans ses scandales de corruption, avait d’abord tenté sa chance comme candidat indépendant après avoir renoncé à affronter Mamdani dans la primaire démocrate qu’il savait perdue d’avance. Pendant des mois, il avait vilipendé Andrew Cuomo avec une violence inouïe – « serpent », « menteur pathologique », « homme fini » –, avant de se retirer jeudi dernier pour le soutenir. Le deal était limpide : Donald Trump lui aurait promis un poste en échange de son ralliement à Cuomo pour faire barrage au « communiste ». Adams, qui doit répondre de plusieurs accusations de corruption devant la justice fédérale, a sauté sur l’opportunité. Quant à Cuomo, l’ancien gouverneur contraint à la démission après des accusations de harcèlement sexuel, il incarne à la perfection cette génération de politiciens pour qui les règles démocratiques ne valent que […]
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C’est fait. Mardi soir, à rebours des espoirs de l’establishment mais conformément aux sondages, Zohran Mamdani a remporté l’élection municipale de New York, devançant nettement Andrew Cuomo et Curtis Sliwa.
À 34 ans, ce membre des Democratic Socialists of America qui promet de geler les loyers et de taxer les riches devient le maire le plus à gauche de l’histoire de la ville – et peut-être des États-Unis.
Toute la soirée se sont affichés sur les écrans de télévision les visages décomposés des commentateurs de CNN et MSNBC. Leur stupéfaction n’était pas feinte : pour l’establishment médiatique comme pour l’élite politique, cette victoire reste incompréhensible. Comment la capitale économique du monde, Wall Street, le temple du capitalisme américain, a-t-elle pu élire un socialiste avoué ?
La réponse tient en un mot : effondrement. Effondrement du Parti démocrate old school, incapable de présenter autre chose qu’un recyclage pathétique d’ambitions personnelles et de magouilles de coulisses.
L’affaire Eric Adams restera dans les annales comme un cas d’école de trahison politique. Le maire sortant, empêtré dans ses scandales de corruption, avait d’abord tenté sa chance comme candidat indépendant après avoir renoncé à affronter Mamdani dans la primaire démocrate qu’il savait perdue d’avance.
Pendant des mois, il avait vilipendé Andrew Cuomo avec une violence inouïe – « serpent », « menteur pathologique », « homme fini » –, avant de se retirer jeudi dernier pour le soutenir. Le deal était limpide : Donald Trump lui aurait promis un poste en échange de son ralliement à Cuomo pour faire barrage au « communiste ». Adams, qui doit répondre de plusieurs accusations de corruption devant la justice fédérale, a sauté sur l’opportunité.
Quant à Cuomo, l’ancien gouverneur contraint à la démission après des accusations de harcèlement sexuel, il incarne à la perfection cette génération de politiciens pour qui les règles démocratiques ne valent que lorsqu’elles servent leurs intérêts. Après avoir juré de soutenir le vainqueur de la primaire démocrate « quel qu’il soit », il s’est empressé de se présenter comme indépendant dès sa défaite face à Mamdani (56% contre 44%). Sa campagne, financée en partie par des donateurs républicains, aura échoué à mobiliser au-delà d’un électorat conservateur vieillissant.
Du côté républicain, la candidature de Curtis Sliwa – déjà battu en 2021 – relevait de la farce pure. Son refus obstiné de se retirer malgré les suppliques de son propre parti a divisé le vote anti-Mamdani et garanti mathématiquement la victoire du « socialiste ».
Cette victoire s’explique par un rejet massif de l’establishment. Zohran Mamdani a gagné non seulement grâce aux « bobos de Brooklyn », comme le disent ses détracteurs, mais aussi grâce aux électeurs issus des classes populaires du Queens, du Bronx et de Harlem.
Ces New-Yorkais en ont eu assez du cynisme, des promesses non tenues, des scandales à répétition. Face à cette faillite morale de l’establishment, le vote Mamdani est apparu comme un vote de rupture démocratique.
Moins d’une heure après l’annonce des résultats, un proche de Donald Trump déclarait : « New York a choisi le chaos communiste. Ils l’auront. Mais ils ne l’imposeront pas au reste du pays. »
Plus tard dans la soirée, le ton aurait encore monté d’un cran. Des propos attribués au 47e président des États-Unis ont laissé entendre que, selon lui, le recours à la Garde nationale devenait quasi inévitable « pour empêcher New York de devenir un nouveau Venezuela ».
La menace n’est pas rhétorique. Trump a déjà déployé des militaires à Los Angeles, Washington, Portland et Chicago au cours de l’été. À chaque fois, le prétexte invoqué était la « sécurité nationale » ou le « maintien de l’ordre ». À chaque fois, il s’agissait en réalité d’intimider des métropoles démocrates jugées trop progressistes.
De son côté, le maire élu ne cède rien. Il vient de réaffirmer ses positions les plus controversées. Il honorera le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre Benyamin Nétanyahou si celui-ci venait à New York. Il fera de la ville « une zone de non-coopération totale » avec l’ICE, la police de l’immigration trumpienne. New York deviendra une « ville sanctuaire absolue » pour les sans-papiers.
« Donald Trump peut menacer tant qu’il veut, a-t-il lancé. New York ne se soumettra pas. Cette ville a été bâtie par des immigrants, par des travailleurs, par des gens ordinaires. Nous ne laisserons personne – pas même le président – nous dicter qui nous devons être. »
La rhétorique est forte. La réalité sera brutale. Car Zohran Mamdani devra gouverner une ville dont le budget dépend en partie de subventions fédérales que Trump peut couper du jour au lendemain. Il devra composer avec un appareil administratif municipal où subsistent de nombreux loyalistes d’Adams. Il devra affronter une presse nationale largement hostile et un establishment économique new-yorkais qui le regarde avec méfiance, voire effroi.
Cette élection municipale dépasse largement les frontières de New York. Elle cristallise l’affrontement entre deux visions irréconciliables de l’Amérique. D’un côté, des métropoles progressistes qui veulent tenter de s’engager sur la voie d’une social-démocratie à l’européenne, avec davantage de redistribution, de services publics, de protection sociale. De l’autre, un pouvoir fédéral autoritaire qui voit dans ces aspirations une menace existentielle à combattre par tous les moyens – y compris militaires.
Donald Trump mettra-t-il ses menaces à exécution et déploiera-t-il la Garde nationale à New York une fois Mamdani en fonction — ou même avant ? Ce dernier parviendra-t-il à gouverner face à un pouvoir fédéral hostile qui contrôle en partie les cordons de la bourse ?
New York vient d’élire son maire le plus à gauche. Les États-Unis entrent dans une nouvelle phase de cette guerre civile froide, qui désormais se joue à découvert, sur leur propre territoire.
Romuald Sciora dirige l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS, où il est chercheur associé. Essayiste et politologue franco-américain, il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et documentaires et intervient régulièrement dans les médias internationaux afin de commenter l’actualité. Il vit à New York.
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