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23.10.2025 à 15:59
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Le « greenwashing » de TotalEnergies sanctionné par la justice
C'est une décision (…)
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C'est une décision judiciaire inédite. Suite à une plainte déposée par un groupe d'ONG écologistes (Amis de la Terre, Greenpeace et Notre affaire à tous) contre TotalEnergies, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné le groupe pétro-gazier pour une campagne de communication de 2021 lancée à l'occasion de son changement de nom de Total à TotalEnergies. Elle vantait, sur fond d'éoliennes arc-en-ciel, sa contribution majeure à la transition énergétique et promettait d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
Les juges ont considéré que cette promesse n'avait pas de base concrète et que la communication de TotalEnergies visait à cacher à ses clients et aux citoyens la poursuite de ses investissements dans les énergies fossiles, en minimisant l'impact climatique réel de sa stratégie de développement du gaz.
Il est rare que les campagnes de communication des multinationales, aussi éhontées soient-elles, soient ainsi condamnées à titre de « pratique commerciale trompeuse ». Les associations Sherpa et ActionAid avaient déposé plainte contre Auchan et Samsung France pour la manière dont ils faisaient la promotion de leurs codes de conduite et leurs engagements éthiques, alors que plusieurs enquêtes avaient constaté des abus chez leurs fournisseurs. Les procédures n'ont pas abouti.
Il est arrivé dans d'autres pays que des autorités de régulations de la publicité censurent ainsi les campagnes de certaines multinationales pétrolières pour excès de « greenwashing ». Mais pas en France, vu qu'il n'existe pas dans notre pays de véritable autorité de régulation, seulement une association contrôlée par les industriels qui se régulent eux-mêmes.
L'une des premières mesures annoncées par la Commission européenne dans le cadre de sa politique de « simplification » (aka destruction des protections sociales et environnementales) a été le démantèlement programmé de la directive sur le devoir de vigilances des multinationales récemment adoptée, et de sa directive sœur sur la transparence des entreprises (lire notre article). Pas suffisamment pour beaucoup de lobbys et de dirigeants politiques (dont Emmanuel Macron), qui ont demandé leur suppression pure et simple. Depuis, le sort de ces deux directives ne tient qu'à un fil.
Une nouvelle péripétie a eu lieu ce mercredi 22 octobre. La droite du Parlement européen avait forcé la main aux libéraux et aux sociaux-démocrates en les menaçant, s'ils ne votaient pas avec eux une version largement amoindrie de la directive, de s'allier avec les groupes d'extrême droite pour la réduire totalement à néant. Les défections et abstentions parmi les rangs des eurodéputés mécontents de ce compromis bas de gamme ont fait échouer l'opération. L'issue se décidera finalement lors du débat en plénière au Parlement, où le groupe conservateur pourrait décider de franchir le pas et de joindre une nouvelle fois ses voix à celles de l'extrême droite pour balayer les politiques mises en place par l'Europe ces dernières années en matière de climat et de droits humains.
On relira à ce sujet notre enquête : Au centre du jeu bruxellois, l'extrême droite sonne la charge contre l'écologie et le climat.
Pendant ce temps, la coalition des opposants à la directive sur le devoir de vigilance – qui regroupe la droite et l'extrême droite européennes, mais aussi les grandes multinationales, les gouvernements français et allemands et l'administration Trump, entre autres – continuent à faire entendre sa voix.
Les ministres de l'Énergie des États-Unis et du Qatar ont signé une déclaration commune contre la législation en estimant que celle-ci créait des risques juridiques pour l'approvisionnement en gaz de l'Europe, et représentait donc une « menace existentielle » pour le vieux continent.
Une menace à peine voilée de la part de pays qui sont deux des principaux producteurs de gaz naturel liquéfié (GNL) au niveau mondial. Ils représentent actuellement 20% du gaz arrivant en Europe, mais cette proportion est appelée à croître significativement en remplacement du gaz russe. Suite à la guerre en Ukraine, l'Union européenne a misé massivement sur les importations de GNL pour dénouer ses liens avec Moscou, mais n'aura fait au final que troquer une dépendance contre une autre.
À lire aussi : Comment ExxonMobil et Trump ont fait démanteler une législation européenne sur le climat et les droits humains
Il y a quelques jours, c'est une lettre ouverte signée par un groupe de multinationales françaises et allemandes emmenées par TotalEnergies et Siemens qui faisait événement. Publiée à l'issue d'une rencontre à huis clos entre les chefs de gouvernements français et allemand et des patrons de grandes entreprises des deux pays, la missive exigeait une accélération du processus de dérégulation en Europe et l'abandon pur et simple de la directive devoir de vigilance, en guise de « signal » adressé aux investisseurs. Elle demandait également un assouplissement des règles de concurrence pour permettre le développement de « champions européens ».
Depuis, certaines entreprises qui avaient été citées comme signataires de la lettre ont quelque peu nuancé leur position, certaines expliquant qu'ils n'étaient pas forcément en accord avec le ton virulent, quand bien même ils étaient alignés sur le fond, et d'autres continuant à soutenir le principe d'une directive sur le devoir de vigilance. Il semble que la lettre ait été publiée par TotalEnergies et Siemens sans que le texte en ait été vraiment présenté et discuté avec les autres participants.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donNous poursuivons notre plongée dans les recompositions politiques, économiques et idéologiques qui se sont faites jour aux États-Unis – et bien au-delà – avec la deuxième victoire électorale de Donald Trump, à travers deux entretiens et un article d'analyse.
Olivier Tesquet, co-auteur avec Nastasia Hadjadji et du récent Apocalyspe Nerds, a discuté avec nous de l'émergence outre-Atlantique d'un nouveau « techno-fascisme ». Celui-ci est d'abord un courant d'idées, alliant vision du monde ultra-réactionnaire et mysticisme technologique, qui contamine le débat politique aux États-Unis et ailleurs. Mais c'est aussi une nouvelle pratique du pouvoir, incarnée par exemple par le département DOGE ou par la firme technologique Palantir (fondée par Peter Thiel) et son rôle éminent dans la politique de chasse aux migrants. À lire : Olivier Tesquet : « Avec le Doge ou Palantir, on a des exemples très concrets d'une nouvelle architecture du pouvoir, un pouvoir techno-fasciste ».
De son côté, Maya Kandel, auteure d'Une première histoire du trumpisme, interroge avec nous les contours de la « coalition hétéroclite » qui a amené Donald Trump pour une deuxième fois à la Maison Blanche. Celle-ci regroupe des organisations ultraconservatrices autrefois marginales, des populistes de droite, des piliers historiques du parti républicain comme la Heritage Foundation, convertie au trumpisme par Kevin Roberts, ou encore des « Tech Bros ». Cette alliance montre des signes de fissures – notamment entre les tendances chrétiennes et nationalistes et les acteurs de la tech – mais dépasse déjà, selon l'historienne, la seule figure de Donald Trump et est appelée à lui survivre. À lire : « La coalition derrière Trump est une véritable contre-élite, aux intérêts parfois divergents ».
Enfin, pour clore provisoirement le premier volet de notre série « Extrême Tech », consacré au financiers de l'industrie numérique comme Peter Thiel ou Marc Andreessen aux États-Unis (ici et là) et Pierre-Édouard Stérin et quelques autres en France, nous nous sommes posés directement la question : qui sont ces « venture capitalists » et autres « business angels » ? Et y a-t-il des raisons particulières qui font qu'ils s'engagent si résolument aux côtés de l'extrême droite ? La réponse est oui.
Le CAC40 bat des records. Cela tranche avec la déprime ambiante sur l'état de l'économie française et avec les difficultés du gouvernement à boucler son budget. Le CAC40 a atteint un nouveau sommet historique le 21 octobre. L'explication ? Les résultats moins mauvais qu'attendus de certains groupes, et certains signes suggérant que la crise que traverse LVMH – l'un des poids lourds de l'indice – est moins profonde que prévu. C'est surtout une énième illustration de la déconnexion entre l'économie réelle et la bourse, et une manifestation parmi d'autres de l'extrême volatilité des marchés financiers ces jours-ci, avec la hausse continue du cours de l'or et la formation d'une véritable bulle autour de l'IA. La semaine dernière, une brusque montée du cours de LVMH avait fait monter la fortune de Bernard Arnault de 16 milliards d'euros en une seule journée.
BNP Paribas rattrapé par ses affaires avec la dictature soudanaise. Un jury populaire de New York a jugé BNP Paribas complice d'exactions commises par le régime soudanais d'Omar al-Bachir dans les années 1990 et 2000 dans le cadre du conflit au Darfour. Il a condamné la banque française à verser plusieurs millions d'euros à trois plaignants. La décision a fait chuter BNP Paribas en bourse, une « class action » regroupant plusieurs milliers de personnes étant encore en cours dans le même dossier, qui pourrait se traduire par des milliards d'euros supplémentaires de dommages et intérêts. La banque a annoncé son intention de faire appel, contestant le lien entre les prestations financières fournies par sa filiale à Genève et les crimes commis par l'armée soudanaise et les milices à sa solde. En 2014, elle avait plaidé coupable et accepté une amende record de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé les sanctions américaines en traitant avec des entités du Soudan, d'Iran et de Cuba. Une partie de cette somme devait être versée aux victimes, mais ne l'a finalement pas été, sur décision du Congrès. Cette reconnaissance de culpabilité a été utilisée ensuite par les cabinets d'avocats qui accompagnent les plaignants, qui toucheront une part des sommes versées par la banque. Ceci dit, la filiale suisse de BNP Paribas a bien été l'une des principales banques occidentales à faire affaire avec le régime d'Omar al-Bachir durant cette période.
Dépendance. Lundi 20 octobre, une panne mondiale a conduit à l'interruption pendant plusieurs heures des services d'AWS, la très lucrative filiale d'Amazon dédiée au cloud, qui pèse à elle seule un tiers du marché mondial. De nombreux sites et applications ont cessé de fonctionner, comme Snapchat, Airbnb, Signal, Canva, Zoom ou Slack, de même que les services en ligne de nombreuses entreprises. Après la panne de Crowdstrike qui avait paralysé les services de Microsoft et par suite de dizaines d'aéroports, d'hôpitaux et d'entreprises en juillet 2024, la panne remet en lumière les risques de la dépendance envers des géants comme Amazon, Google ou Microsoft (ces deux dernières entreprises contrôlant un autre tiers du marché mondial du cloud). En pratique, cependant, les alternatives peinent à émerger. Le cours de l'action d'Amazon a continué de monter à la bourse de New York.
Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.