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19.11.2025 à 14:43

« Comment enquêter sur les multinationales » : formation les 6 et 7 janvier 2026 à Paris

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L'Observatoire des multinationales propose une nouvelle session de formation sur deux jours à l'enquête sur les grandes entreprises, les 6 et 7 janvier 2026 à Paris.
Filiales, dirigeants, actionnaires, comptes, rapports annuels, social et environnement... Cette formation vise à donner un aperçu des sources d'informations disponibles pour enquêter sur les multinationales, leur structuration, leurs propriétaires et dirigeants, leurs implantations, leurs finances, leurs impacts écologiques, (…)

- Actualités
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L'Observatoire des multinationales propose une nouvelle session de formation sur deux jours à l'enquête sur les grandes entreprises, les 6 et 7 janvier 2026 à Paris.

Filiales, dirigeants, actionnaires, comptes, rapports annuels, social et environnement... Cette formation vise à donner un aperçu des sources d'informations disponibles pour enquêter sur les multinationales, leur structuration, leurs propriétaires et dirigeants, leurs implantations, leurs finances, leurs impacts écologiques, leurs pratiques sociales et leur lobbying.

Elle est conçue pour un public de journalistes et apprentis journalistes et de salariés et militants associatifs, et sera assurée par Olivier Petitjean et Olivier Blamangin.

Elle est proposée au tarif de 250€ pour deux jours, mais nous prenons en compte les situations personnelles. Une prise en charge au titre de la formation professionnelle est possible, merci de nous contacter.

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Programme prévisionnel

Première journée (10h-17h)

  • Qu'est-ce qu'une multinationale ?
  • Les sources
  • La structuration des multinationales : sociétés mères et filiales,
  • les actionnaires
  • les dirigeants
  • les financeurs
  • la chaîne de valeur : fournisseurs et clients

Deuxième journée (10h-17h)

  • Les informations financières : introduction aux comptes des entreprises
  • Les informations sociales et environnementales (et comment les exploiter)
  • Enquêter sur le lobbying (aperçu)

18.11.2025 à 10:15

« La France est un Socialistan » : sur YouTube, la sphère crypto française ouvre grand les portes à l'extrême droite

Nastasia Hadjadji
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Apologie des libertés et de la souveraineté individuelle, critique féroce de l'impôt, mais aussi masculinisme et darwinisme social : en ligne, une partie de la sphère crypto francophone recycle les discours de l'extrême droite et n'hésite pas à donner la parole à certains de ses porte-paroles le plus enragés. Enquête sur les canaux « alternatifs » pro-crypto qui ont fait de YouTube et des réseaux leur champ de bataille et contribuent à ouvrir un nouveau marché politique pour des idées (…)

- Extrême Tech / ,
Texte intégral (3450 mots)

Apologie des libertés et de la souveraineté individuelle, critique féroce de l'impôt, mais aussi masculinisme et darwinisme social : en ligne, une partie de la sphère crypto francophone recycle les discours de l'extrême droite et n'hésite pas à donner la parole à certains de ses porte-paroles le plus enragés. Enquête sur les canaux « alternatifs » pro-crypto qui ont fait de YouTube et des réseaux leur champ de bataille et contribuent à ouvrir un nouveau marché politique pour des idées libertariennes radicales.

« Nous accueillons des digital nomads, des réfugiés fiscaux, des amoureux de la liberté et de la souveraineté individuelle qui ont préféré les plages ensoleillées plutôt que les tranchées du Socialistan. » En ligne, sur YouTube, les plateformes de podcast et les réseaux sociaux, Le Bunker BTC, chaîne pro-crypto, déroule chaque semaine ses thématiques fétiches : expatriation, exil fiscal et Bitcoin.

Les deux hôtes de l'émission officient sous pseudonyme. « Gégé », podcasteur de 30 ans qui arbore fréquemment lors des émissions une casquette frappée de l'inscription « right-wing capitalist » (capitaliste de droite), officie aux côtés de « Science », 36 ans, consultant en marketing et ventes qui protège son anonymat derrière d'invariables lunettes de soleil. Tous deux sont français, et animent chaque semaine ce « talk show » basé sur des témoignages d'expatriés volontaires.

Devenir un « SDF capitaliste »

« La France est-elle devenue un pays du Tiers Monde ? », s'interroge ainsi depuis la Suisse, lors d'une émission, l'investisseur Sylvain Tiger, fondateur de la lettre économique « Les Incorruptibles ». Laurent Seiter, développeur informatique expatrié à Montréal explique de son côté comment « divorcer de l'État » grâce à Bitcoin. Louis Expatriation (un pseudonyme) vante quant à lui les mérites du Paraguay, un pays avec « 0% d'impôt » où la vie serait « paisible et libre ».

Les invités ont des profils variés et des positions sociales diverses, bien que la majorité soit des hommes. Tous déclinent la même trame narrative : la France serait un « Socialistan », un État hostile aux libertés individuelles et spoliateur en matière de fiscalité. « Il n'y a pas d'État qui ne soit pas parasitaire. (…) J'aime pas les taxes, j'aime pas qu'on m'emmerde », clame ainsi Laurent Seiter aka Viande Tiède, qui se présente comme sympathisant des idées anarcho-capitalistes et appelle les contribuables à entrer en « grève fiscale ». Pour échapper à ces tendances « totalitaires », les invités préconisent quasi-unanimement de multiplier les actes de sécession individuelle. Et avant tout de plier bagage et de s'expatrier loin de France.

J'aime pas les taxes, j'aime pas qu'on m'emmerde.

« La seule action politique conséquente c'est d'arrêter de filer du fric à l'État et se barrer », clame ainsi Laurent, expatrié nomade ayant posé ses valises à Hong Kong, puis en Russie. À la fois outil monétaire et véhicule idéologique, Bitcoin est présenté comme la solution pour mettre en oeuvre cette idéal de sécession. Celle qui rend possible de devenir un « SDF capitaliste en organisant sa propre insolvabilité », comme l'énonce « Gégé ». En clair, ne pas avoir de revenus traçables, comme avec un compte en banque, et donc susceptibles d'être soumis à la fiscalité, mais un patrimoine en cryptos, mobile et apatride.

Portes ouvertes à l'extrême droite

Comme souvent dans le cas des médias « alternatifs », la chaîne Le Bunker BTC est l'émanation d'une entreprise, ici, la bourse d'échange en crypto-actifs Bull Bitcoin, fondée au Canada par Francis Pouliot, un entrepreneur libertarien. Officiellement, il s'agit pour les hôtes de délivrer conseils et astuces pour « naviguer dans un monde étouffé par les taxes, la bureaucratie et les crises annoncées ». Mais au terme d'une année d'émissions hebdomadaires pilotées par « Gégé » et « Science », cette ligne éditoriale sécessionniste cohabite avec une autre orientation, nettement plus sombre, pour ne pas dire brune. Les personnalités invitées au « Bunker » ne sont en effet pas uniquement des amoureux des libertés individuelles. Certains sont aussi - et surtout - des figures de l'extrême droite française.

Les personnalités invitées au Bunker ne sont pas uniquement des amoureux des libertés individuelles. Certains sont aussi - et surtout - des figures de l'extrême droite française.

Le militant néonazi et figure du révisionnisme Vincent Reynouard est ainsi intervenu pour narrer les péripéties liées à sa « débancarisation » et raconter comment il a pu contourner les sanctions infligées par la justice en utilisant Bitcoin. Joël Gaborit aka Code Reinho, ancien militaire et influenceur pro-armes, auteur d'une vidéo dans laquelle il explique à l'influenceur zemmourien Papacito comment tirer sur un pantin à l'effigie de Jean-Luc Mélenchon, a lui aussi témoigné sur la chaîne pour délivrer ses conseils en matière de « défense de zone et de manipulation d'armes ».

Plus récemment, le militant survivaliste Piero Falotti aka Piero San Giorgio a pu y disserter sur les manières de « se blinder et préparer sa Base Autonome Durable (BAD) pour affronter l'effondrement économique et social ». Considéré comme un activiste du suprémacisme blanc en France, il a été lié par le passé à la figure de l'antisémitisme Alain Soral et au blogueur Daniel Conversano, fasciste revendiqué.

Sur la chaîne du « Bunker BTC », plutôt discrète puisqu'elle affiche un peu moins de 5000 abonnés au compteur sur YouTube et environ 10 000 sur X, les idéaux libertariens d'une sécession organisée voisinent donc avec la parole de tribuns identitaires, racistes et xénophobes, fanatiquement opposés à l'immigration.

Individu souverain

Bien qu'ils reconnaissent avoir « été biberonnés depuis qu'ils ont vingt ans par des soraliens », les deux hôtes du Bunker se défendent pourtant de toute forme d'affiliation avec l'extrême droite et leurs organisations politiques.

Nous considérons que le vote n'est qu'un sédatif émotionnel.

« Alain Soral est pour un État fort et plutôt critique envers le libéralisme économique, alors que je suis pour un État limité au régalien et favorable au libre-échange », avance « Gégé », au cours d'un échange par écrit. Et d'insister sur son insularisation revendiquée vis-à-vis des partis de l'extrême droite électorale : « On tacle régulièrement les droitards et les libéraux qui attendent l'avènement d'un homme providentiel, ou d'une femme providentielle comme Sarah Knafo. Pour ceux qui n'aiment pas leur vie en France, nous défendons l'idée qu'au lieu de se plaindre et d'attendre qu'on les sauve, ils peuvent reprendre le contrôle et s'expatrier. Nous n'avons d'affinité pour aucun parti politique. Nous considérons que le vote n'est qu'un sédatif émotionnel : il donne l'illusion d'agir tout en évitant de se remettre en question et de travailler sur soi. »

Pour lui, le dénominateur commun à toutes les personnalités invitées sur la chaîne serait l'idéal d'une liberté radicale, tel qu'on le retrouve dans la doctrine libertarienne de l' « individu souverain », du nom du pamphlet de William Rees-Mogg et James Dale Davidson publié aux États-Unis en 1997, et devenu l'un des livres de chevets des milliardaires techno-fascistes, dont Peter Thiel.

Pour « Gégé », s'il formait un manifeste politique, l'assemblage de témoignages rassemblé sur Le Bunker BTC devrait se lire comme un appel à exister en dehors des structures collectives (dont les partis politiques) plutôt qu'une invitation à glisser un bulletin Reconquête ! ou Rassemblement National dans l'urne. Et ce même si les jointures idéologiques avec une partie de l'extrême droite française semblent évidentes.

« Le programme du Rassemblement National est trop socialiste »

Cette défiance, voire cette hostilité vis-à-vis des affiliations aux cases traditionnelles de l'échiquier politique résonne aussi chez les hôtes de la chaîne HowToBitcoin, deux ingénieurs ayant exercé dans le conseil en France et en Suisse.

« Nous n'avons aucune aspirations politiques non plus, nous ne votons pas et pensons que le vote ne sert à rien. C'est pour cela que nous prônons avant tout la responsabilisation individuelle au détriment des solutions collectives dépendantes du politique », énoncent Victor Henrio et Alexandre Bensimon, les fondateurs de cette chaîne qui compte plus de 10 000 abonnés sur YouTube et fait la promotion active de l'adoption de Bitcoin auprès d'un public francophone. Dans une vidéo de « crossover » avec Le Bunker BTC, Alexandre Bensimon porte un t-shirt au message explicite : « Nique l'État. »

Malgré son agnosticisme politique revendiqué, la chaîne HowToBitcoin s'affichait en partenaire du Sommet des libertés, le grand raout des droites radicales et extrêmes.

Malgré cet agnosticisme politique revendiqué, la chaîne HowToBitcoin s'affichait pourtant en partenaire du Sommet des libertés, le grand raout des droites radicales et extrêmes qui s'est tenu en juin 2025 (lire notre article). Sur place, le stand de Victor Henrio et Alexandre Bensimon cohabitait avec celui de personnalités politiques en représentation, comme Éric Ciotti, transfuge de LR et figure du RN ou Sarah Knafo qui s'affiche en porte-étendard de la crypto en France.

Le duo insiste cependant : « Sarah Knafo s'est plusieurs fois positionnée comme favorable à Bitcoin, ce que nous saluons. Cependant, elle s'inscrit dans un système politique auquel nous ne croyons pas et nous n'attendons qu'un(e) politique améliore notre condition. » Emilien Boutang, figure française du secteur crypto et expatrié au Luxembourg, un invité régulier de leur chaîne, estime même que « le programme du Rassemblement National est trop socialiste ». Il préconise un choc économique austéritaire ainsi qu'une dérégulation maximum, en droite ligne avec la politique économique du président anarcho-capitaliste argentin Javier Milei.

« Je ne dis pas qu'on doit tuer les pauvres. »

Cet individualisme farouche, presque fanatique, se décline dans toutes les nuances de radicalité sur la chaîne HowToBitcoin qui s'adresse à un public jeune et masculin. « Je défends la liberté d'expression. Même si je ne suis pas d'accord, j'estime qu'en France on devrait pouvoir dire que les chambres à gaz n'ont pas existé », s'emporte ainsi Emilien Boutang dans une vidéo titrée « Peut-on encore tout dire en France ? ». Dans une autre vidéo, la rhétorique masculiniste d'une « population de cucks » (de l'anglais « cuckhold », cocu, un terme fréquemment utilisé par l'alt-right masculiniste pour discréditer les personnes faibles, en particulier les hommes, ndlr) aliénée volontaire d'un « esclavage fiscal » orchestré par l'État voisine avec des envolées confusionnistes sur la réalité du changement climatique.

j'estime qu'en France on devrait pouvoir dire que les chambres à gaz n'ont pas existé.

Plus frappant encore, certains propos font l'apologie de l'eugénisme, recyclant une pensée pseudo-évolutionniste, raciste et parfois complotiste. « Est-ce que t'es pro-vie humaine ou mieux vaut sacrifier des humains pour que Gaia s'en sorte ? », assène ainsi Victor Henrio. « Le socialisme inverse la sélection naturelle : il prend productif pour donner au non-productif. Il y a des gens, je dis pas qu'ils devraient mourir, mais ne devraient pas être aussi riches qu'ils le sont et ne devraient donc pas se reproduire », complète Alexandre Bensimon. Et de nuancer ce propos radical : « Mais je ne dis pas qu'on doit tuer les pauvres. »

La chaîne HowToBitcoin assume ce rôle de cheval de Troie pour ces idées eugénistes, racistes, climato-sceptiques, masculinistes. Son audience, comme celle de « Le Bunker BTC », peut sembler plutôt limitée, mais ces idées et les invités qui les portent circulent d'un canal à l'autre dans la sphère crypto, alimentant le confusionnisme. Elles se propagent à travers tout un écosystème de chaîne dédiées à l'éducation financière et la promotion des crypto-actifs. Comme la chaîne pro-crypto Grand Angle Bitcoin (115 000 abonnés sur YouTube) qui reçoit le financier d'extrême droite Charles Gave, mais aussi Pierre Noizat, le patron de la plateforme Paymium, proche de Reconquête ! (lire notre enquête). Ou encore la chaîne Café Viennois, de l'historien et idéologue du Bitcoin, Ulrich Fromy qui ne mâche pas ses mots pour évoquer l'euro qu'il qualifie de « scam ». Quant à la promotion de l'expatriation, elle se décline sur Sans Permission (249k abonnés), la chaîne d'un trio d' « entrepreneurs d' » — Oussama Ammar, Yomi Denzel et Antoine Blanco — des exilés ayant élu domicile à Dubaï d'où ils dénoncent l'« esclavage fiscal » propre, selon eux, à la France. On retrouve la même radicalité libertarienne sur la chaîne de l'Institut des libertés (411 000 abonnés), du financier d'extrême-droite Charles Gave et de sa fille Emmanuelle Gave, qui se sont récemment convertis à la cause des cryptos et comparent eux aussi le système français à un enfer collectiviste.

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Nouveau marché politique

À ce jour, ces chaînes pro-crypto qui offrent une tribune à des idées fascisantes n'ont pas la visibilité des cadors de l'influence d'extrême droite, comme les Papacito (qui totalisait jusqu'à 2 millions de vues sur ses vidéos YouTube avant la fermeture de sa chaîne en 2023), Le Raptor (quasi 700 000 abonnés sur YouTube), Valek (385 000 abonnés sur YouTube) ou encore Baptiste Marchais (230 000 abonnés sur YouTube). Elles ne sont pas adossées à une large base d'investisseurs privés, comme le titre Frontières d'Erik Tegner, ou à un puissant groupe de presse comme les médias de la sphère Bolloré. Mais, reprenant à leur compte une stratégie éprouvée de l'alt-right américaine, ces chaînes investissent les canaux « alternatifs » de l'influence en ligne. Ce faisant, elles contribuent à ouvrir un nouveau marché politique, auprès d'un public majoritairement composé de jeunes hommes, pour des idées radicales et libertariennes historiquement marginales en France.

Reprenant à leur compte une stratégie éprouvée de l'alt-right américaine, ces chaînes investissent les canaux « alternatifs » de l'influence en ligne.

Au sein de cet écosystème, ce n'est pas tant la solidité doctrinale qui compte, que la circulation d'un certain logiciel de pensée : la haine de l'État et de la redistribution, l'individualisme radical, la rhétorique anti-« woke » et le masculinisme. Le politiste Tristan Boursier confirme que l'extrême droite en ligne se nourrit d'idéologies composites, fragmentées nées d'hybridations entre plusieurs traditions politiques. Il observe toutefois une tendance qui se dessine, en particulier en Amérique du Nord où il travaille, marquée par une convergence idéologique nouvelle entre l'antiféminisme et le libertarianisme des crypto bros. « Historiquement, les masculinistes se considèrent comme le pendant des féministes. Ce courant valorise l'homme fort en tant qu'individu, jamais en tant que groupe, ce qui permet un point d'accroche avec le libertarianisme. » Un autre point d'accroche est la célébration de Bitcoin, opportunément présenté comme l'outil ultime pour atteindre la « liberté », concept-clé bien que flou, autant fétiche politique que passe-droit opportun pour justifier une rhétorique xénophobe quasi-complotiste.

« Parce qu'elle contient le mot de liberté, l'idéologie libertarienne semble indépendante de toute tradition politique, voire paraît émancipatrice. Mais ses affinités électives avec l'extrême-droite depuis un demi-siècle doivent de comprendre à la lumière du soleil californien : la haine libertarienne de l'Etat, c'est la haine de l'Égalité », écrit l'historienne Sylvie Laurent dans son essai La contre-révolution californienne (Seuil Libelle, 2025). Un « soleil californien » qui irradie jusqu'en Europe, où la sphère crypto française s'empare de ces idées radicales et reprend à son compte une partie du logiciel politique de l'extrême droite.

15.11.2025 à 00:30

Libertariens et plus si affinités ? Chez les patrons français de la crypto, la tentation de l'extrême droite

Nastasia Hadjadji
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Pierre Noizat est à la tête de Paymium, une bourse d'échange en crypto-actifs. Éric Larchevêque a confondé Ledger, fleuron français de la cryptographie. Le premier affiche sa proximité avec Reconquête ! quand le second appelle les entrepreneurs à s'expatrier. Deux piliers de la scène crypto française, deux nuances de radicalité libertarienne, l'une ouvertement alignée sur l'extrême droite et l'autre promettant une « alternative entrepreneuriale radicale ». Portrait en miroir.
Première (…)

- Extrême Tech /
Texte intégral (4548 mots)

Pierre Noizat est à la tête de Paymium, une bourse d'échange en crypto-actifs. Éric Larchevêque a confondé Ledger, fleuron français de la cryptographie. Le premier affiche sa proximité avec Reconquête ! quand le second appelle les entrepreneurs à s'expatrier. Deux piliers de la scène crypto française, deux nuances de radicalité libertarienne, l'une ouvertement alignée sur l'extrême droite et l'autre promettant une « alternative entrepreneuriale radicale ». Portrait en miroir.

Première partie : Le paléo-libertarien

Clameurs, applaudissements et surchauffe générale au Casino de Paris. En cette soirée du 24 juin 2025, le patron de la crypto Pierre Noizat vient de faire son entrée sur la scène du Sommet des Libertés, le grand rassemblement des droites « libérales » à tendance radicale et extrême (lire notre article).

Le patron de Paymium, l'un des premiers « exchanges » européens pour l'achat et la revente de crypto-actifs, s'exprime ce soir là devant une audience chauffée à blanc par les interventions successives de partisans des « libertés ». Sa prise de parole est précédée d'une vidéo de la plateforme de formation Plan B Network qui promet une initiation à l'investissement en cryptos, « technologies de liberté ». Sur scène, Pierre Noizat siège en majesté et déroule un discours calibré pour résonner avec un public où se mêlent entrepreneurs libertariens et dénonciateurs d'un prétendu « déclin français ». Défense du « pluralisme monétaire » et du droit à choisir sa propre monnaie, dénonciation d'un « endoctrinement monétaire » qui commencerait selon lui « dès l'école », condamnation du monopole de la Banque centrale européenne (BCE), descente en règle de la « planche à billets », une « drogue » responsable de multiples effets indésirables, dont un « étatisme » jugé nocif, surtout lorsqu'il sert à financer « le fameux modèle social »... Brandissant la menace d'une déliquescence avancée de nos économies, précipitée par le chaos monétaire dans lequel se trouverait la France, il avance une solution unique : Bitcoin.

Le contingent « crypto » est particulièrement bien représenté lors du Sommet des Libertés, qui entend poser un jalon pour une hypothétique « union des droites »

Dans la salle, les clameurs fusent. Il faut dire que le contingent « crypto » est particulièrement bien représenté lors de cette soirée qui entend poser un jalon pour une hypothétique « union des droites ». Plan B Network et le média How To Bitcoin figurent parmi les partenaires de l'événement. La maison d'édition Konsensus Network y tenait un stand, et de nombreux entrepreneurs du secteur s'affichent dans le public. C'est le cas de l'ingénieur Emilien Dutang, alias Dark Emi, une figure de la crypto francophone expatrié au Luxembourg, de le fondateur de l'école de formation aux technologies blockchain Alyra, ou encore le propriétaire de la boutique Bitcoin Bazar, une échoppe du 18e arrondissement de Paris qui vend, entre autres, des fausses grenades parées du logo Bitcoin. Tous sont venus applaudir Pierre Noizat ainsi que les figures de l'extrême droite politique et médiatique présentes ce soir là, de Jordan Bardella et Eric Ciotti à Sarah Knafo en passant par Louis de Raguenel et Charlotte d'Ornellas.

« Mexicanisation de la France »

Au Sommet des libertés. (c) Nestasia Hadjadji

Ingénieur bardé de diplômes (Polytechnique, Telecom Paris et université de Columbia), Pierre Noizat a d'abord fait carrière dans les infrastructures de télécommunication auprès de médias comme France Télévisions, RTL puis Canal+, avant de rejoindre le groupe Orange. En 2011, il lance la plateforme Paymium et devient l'un des pionniers du Bitcoin en France. Il se passionne pour cette « monnaie libre » et ses promesses, notamment celle d'incarner une alternative aux systèmes de paiement traditionnels. Il rédige plusieurs ouvrages sur le sujet, dont deux manuels pratiques pour comprendre et utiliser Bitcoin publiés en 2012 et 2015. En 2024, il publie L'énergie, face cachée de la monnaie, un essai dans lequel il s'alarme de la fragilité de l'euro. Pour lui, l'économie monétaire serait un système thermodynamique dont la survie dépend de sa capacité à rester à l'équilibre, un état que les politiques monétaires expansionnistes menées par la BCE menacent gravement, du fait de leur propension à alimenter la « planche à billets ».

Ces arguments sont repris et développés dans un entretien accordé à la chaîne Thinkerview le 27 mai 2025 et visionné plus de 154 000 fois. Aux côtés de Sébastien Gouspillou, spécialiste du « minage » de Bitcoin avec sa société Big Block, une activité qu'il déploie notamment dans plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, Pierre Noizat défend l'utilité de Bitcoin - un actif pourtant particulièrement vorace en électricité - pour mener la transition énergétique.

La sécurité est un thème que la patron de la crypto évoque fréquemment lors de ses prises de parole publiques.

Plus tard, la discussion glisse vers des considérations d'ordre sécuritaire, un thème que la patron de la crypto évoque fréquemment lors de ses prises de parole publiques. Après que sa fille a été victime d'une tentative d'enlèvement, en plein jour dans les rues du 11e arrondissement de Paris, il s'était déjà alarmé sur BFM d'une « mexicanisation de la France ». Sur Thinkerview, il dénonce une « mise en danger » collective qui serait le fait d'une politique de sécurité trop laxiste. Les deux interviewés prennent pour exemple Nayib Bukele, le président salvadorien pro-Bitcoin autoproclamé « dictateur le plus cool du monde » et architecte de la construction de « méga-prisons » décrites par la presse comme de véritables « enfers » carcéraux. Convaincus de la nécessité d'importer ces méthodes ultra-sécuritaires en France, ils se réjouissent des résultats obtenus par un président salvadorien qui met régulièrement en avant une baisse de la criminalité de « 90% » depuis 2015 au Salvador.

« Afuera ! »

Cette rhétorique l'a rapproché de Reconquête !, le parti d'Éric Zemmour et de Sarah Knafo. Pierre Noizat affiche sa proximité avec cette dernière, qui s'est positionnée en porte-voix politique de l'écosystème crypto français. En juin 2025, ils se sont chaleureusement salués à l'occasion de la conférence internationale annuelle dédiée à Bitcoin à Prague. On voit alors la politicienne d'extrême droite en discussion avec Michael Saylor, l'apôtre américain du Bitcoin, ainsi qu'avec Francis Pouliot, le fondateur de la bourse d'échange Bull Bitcoin et le président de son antenne française, Théo Mogenet. Au mois d'août 2025 encore, Pierre Noizat est intervenu lors des universités d'été de Reconquête !, à Orange. Son discours propose une synthèse entre souverainisme énergétique, ultra-libéralisme et rhétorique sécuritaire.

Lors des universités d'été de Reconquête !, à Orange, Pierre Noizat propose une synthèse entre souverainisme énergétique, ultra-libéralisme et rhétorique sécuritaire.

Le patron de Paymium est également proche du Parti mileiste français, une organisation informelle dont la doctrine se diffuse principalement grâce à un compte X comptant 46 500 abonnés, dont nombre de figures françaises de la crypto. « Afuera ! » (Tous dehors, ndlr) : Pierre Noizat n'hésite pas à faire sien le slogan « dégagiste » du président anarcho-capitaliste d'Argentine, Javier Milei. Sur une boucle Telegram dédiée à la campagne pour les législatives anticipées du candidat pro-Bitcoin Alexandre Stachtchenko [1] – qui a été le directeur de la stratégie de Paymium, pendant près de deux ans –, le patron ponctue les échanges de ce mot d'ordre vengeur. En ligne de mire ? L'État français et ses dépenses inconsidérées qu'il se verrait bien trancher à la tronçonneuse.

Le programme du Parti mileiste français prévoit 670 milliards d'euros d'économies budgétaires et 510 milliards d'euros de baisses d'impôts. Un véritable choc austéritaire qui se promet aussi de mettre les institutions judiciaires à l'os et de construire 100 000 places de prison supplémentaires, financées par une suppression massive des diverses prestations sociales et filets de sécurité de l'État providence. Pierre Noizat, qui n'hésite pas à comparer le système de retraite français à un « Ponzi de la répartition », ne peut qu'applaudir des deux mains.

Bouture idéologique

Reprenant les craintes néo-malthusiennes d'une partie de l'extrême droite, l'homme d'affaires s'inquiète également d'une « crise démographique », avec dans le viseur certains pays d'Afrique où la population serait, selon lui, contrainte de se reproduire afin de financer leur vieillesse, en l'absence d'un système de retraite institutionnel. Une « surnatalité » qui conduirait inévitablement à des dommages écologiques irréparables et trouverait son exutoire en France et en Europe. Le patron de la crypto regarde d'un bon oeil la proposition du Parti mileiste français de se prémunir d'un possible « Grand remplacement » en favorisant une « immigration choisie » [2].

Très influent dans l'écosystème crypto français en vertu de son statut de pionnier, Pierre Noizat – qui n'a pas souhaité répondre aux questions que nous lui avons adressées – illustre la politisation croissante de ce secteur à travers l'adoption et la diffusion de certains discours de l'extrême droite. En définitive, il incarne une version française de la rencontre entre l'ultralibéralisme à tendance libertarienne et le conservatisme identitaire, synthèse que les idéologues Lew Rockwell et Murray Rothbard (ce dernier adulé chez les bitcoiners pour ses positions sur la monnaie et le démantèlement de l'État social) qualifient de paléo-libertarianisme. Une bouture idéologique qui pourrait prendre racine en France dans le sillage d'entrepreneurs de la crypto et de la tech.

Deuxième partie : Le golden boy hayekien

« Ils ont leur petit livre rouge, nous avons le nôtre. » En ce 13 septembre 2025, Éric Larchevêque affiche une mine grave et déterminée. Sur son compte X suivi par environ 76 000 personnes, il vient de poster un portrait de lui tenant un exemplaire rouge sang de La route de la servitude, de Friedrich Hayek, un économiste ultralibéral convaincu que l'intervention de l'État ne peut mener qu'au totalitarisme. Le post est vu plus de 336 000 fois, « liké » 3000 fois et génère quantité de commentaires. Certains croient voir émerger le « Milei français », un « véritable représentant de la liberté en France », quand d'autres moquent cet « Elon Musk du pauvre ».

Avec ce geste symbolique, Éric Larchevêque entend tracer une ligne au sol, affirmer un clivage. Il y a « eux » — les gauchistes, les « socialistes » ou, pire, les communistes. Mais aussi tous les partis coupables, selon lui, de ne pas assez sanctifier les « libertés », au premier rang desquelles, la liberté d'entreprendre sans payer trop d'impôts. Et puis le « nous » — les dissidents, les partisans d'une liberté sans entrave et de l'ordre spontané des marchés. Ceux qui ont d'ores et déjà fait le choix d'avaler la « orange pill », cette « pilule » censée représenter Bitcoin.

Dans les semaines qui suivent, Éric Larchevêque écumera les plateaux télévisés et les pages des magazines pour dire tout le mal qu'il pense de la taxe Zucman, qui pourrait le conduire à reverser 7 millions d'euros par an à l'État français. En réponse aux questions que nous lui avons adressées, l'entrepreneur préfère pourtant jouer la distance avec le jeu politique et médiatique, depuis son domaine de Sologne : « Je vois une France fracturée, épuisée par la dette, l'immobilisme et la défiance. L'État s'occupe de tout, mais ne résout rien. » Alors, après une riche carrière comme entrepreneur, serait-il temps pour lui de changer de trajectoire et d'assumer ce rôle de leader d'opinion ?

Héritier, juré sur M6 et multi-entrepreneur

Éric Larchevêque est une figure bien connue du grand public. Il participe depuis ses débuts en 2020 à « Qui veut être mon associé ? », un programme de télé-réalité entrepreneuriale à succès diffusé par M6. Membre du jury de cette émission qui entend « mettre en relation des entrepreneurs et des investisseurs », l'homme d'affaires dispose d'une tribune de choix pour célébrer les « valeurs de l'entrepreneuriat » dont il serait l'incarnation. Son père et son grand-père géraient une usine de porcelaine à Vierzon, dont il a hérité une partie du patrimoine. Il devient dans les années 1990 l'un des pionniers du Web français avec sa société Montorgueil SAS, qu'il revend en 2007 contre 25 millions d'euros. Après ce premier coup d'éclat, il s'expatrie en Roumanie où il mène une carrière de joueur de poker professionnel, en parallèle d'activités dans l'immobilier. Il revient à Paris en 2011, année où il fonde Prixing, une société qu'il revend rapidement.

Juré de l'émission « Qui veut être mon associé ? »sur M6, Éric Larchevêque dispose d'une tribune de choix pour célébrer les « valeurs de l'entrepreneuriat » qu'il prétend incarner.

C'est à cette époque qu'Éric Larchevêque tombe dans la marmite Bitcoin. Il est à l'origine de la Maison du Bitcoin, l'un des premiers espaces de discussion autour de ces technologies, alors cantonnées dans des niches pour geeks. Cette structure évoluera pour devenir Coinhouse, une bourse d'échange et néo-banque crypto française qu'il a dirigée jusqu'en 2023. En parallèle, il co-fonde la « licorne » française Ledger qui fournit des portefeuilles physiques (gros comme une clé USB) pour stocker des crypto-actifs. Une entreprise qu'il quittera en 2019, millionnaire en actifs. En bon « story teller », Éric Larchevêque se plaît à raconter l'histoire mouvementée de ce départ, puis de son éloignement définitif d'un entreprise aujourd'hui valorisée entre 1,3 et 1,5 milliard de dollars. L'ancien joueur de poker se consacre aujourd'hui à ses activités de financier au capital d'une trentaine de startups.

En 2025, le patrimoine d'Éric Larchevêque est estimé à 370 millions d'euros, ce qui le place dans les 1% des Français les plus fortunés. L'homme d'affaires se défend pourtant comme un damné d'appartenir à la classe des « riches », revendiquant un revenu annuel de « zéro euro ». Une stratégie commune à nombre d'entrepreneurs qui profitent de ce que leur patrimoine en actions et en actifs divers, dont des crypto-actifs, leur permettent de contracter des prêts avantageux. L'absence de salaires les dispense de payer des impôts sur le revenu. Une stratégie de contournement abondamment documentée que l'on retrouve chez les principaux oligarques de la tech, comme Larry Ellison le patron d'Oracle ou encore Elon Musk. Éric Larchevêque le dit haut et fort : il possède « tous ses avoirs en bitcoins ».

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« Collectivisme français »

L'une de ses plus grandes fiertés reste toutefois son costume de bienfaiteur de Vierzon, la commune du département du Cher qui l'a vu grandir. Cette ville moyenne que d'aucuns se plaisent à caricaturer en épicentre de la diagonale du vide est devenu un véritable poumon économique régional depuis qu'Éric Larchevêque a choisi d'y implanter les sièges des entreprises qu'il a dirigées. Celui de Ledger, baptisé le « LedgerPlex », a ouvert ses portes en 2018, ALGOSUP, l'école d'ingénieur formant les entrepreneurs de demain a été créée en 2022, l'incubateur de startups, B3 Village by CA ouvert en 2023 et le NEST (Nouvel Espace des Sciences et Technologies) a été inauguré en 2024.

L'entrepreneur qui ne rate pas une occasion de pourfendre le « collectivisme » français a bien bénéficié de subsides publiques, notamment de Bpifrance.

Éric Larchevêque est lui même installé avec sa famille au coeur de la forêt de Sologne, à quelques kilomètres de Vierzon, dans un domaine qu'il a acheté en 2020. Tout en revendiquant son choix de vivre loin du tumulte parisien en renouant avec ses racines familiales, il ne fait pas mystère des autres raisons qui ont orienté son choix : « L'accès aux aides, comme à la BPI, sont beaucoup plus simples et faciles en région par rapport à Paris où c'est extrêmement encombré », reconnaît-il auprès du média Paris je te quitte.

De fait, l'entrepreneur qui ne rate pas une occasion de pourfendre la « bureaucratie » et le « collectivisme » français a bien bénéficié de subsides publiques, d'abord grâce à Bpifrance, la banque de l'État français dédiée à l'innovation, et ensuite grâce au soutien de la région Centre-Val de Loire, ainsi que de la Communauté de communes Vierzon-Sologne-Berry. D'une main, Éric Larchevêque en appelle aux deniers publics pour financer ses activités entrepreneuriales, de l'autre il se répand en tirades enfiévrées sur le caractère « punitif » et « confiscatoire » de la fiscalité de cet État français « obèse » qui ne sait pas gérer l'équilibre de ses finances.

« Quitter la France n'est pas une idéologie, c'est un réflexe de survie pour certains »

Dans les pas d'un Peter Thiel qui se passionne pour la pensée de René Girard et sa figure du « bouc émissaire », Éric Larchevêque s'émeut que les nouveaux boucs émissaires soient les entrepreneurs français. « Les forces vives, celles qui entreprennent, sont découragées par un système qui punit le succès au lieu de le célébrer », s'alarme-t-il en réponse à nos questions. À ces sacrifiés sur l'autel du collectivisme français, il prêche une solution radicale : l'expatriation. Un discours sécessionniste particulièrement en vogue chez une partie de l'élite patronale de la tech et de la crypto.

En apparence moins radical que Pierre Noizat et plus rétif aux affiliations partisanes, Éric Larchevêque sait se saisir des médias alternatifs, en particulier de chaînes YouTube, pour diffuser sa rhétorique.

Idéal-type d'un « libéral » en cours de glissement vers le libertarianisme le plus radical, le co-fondateur de Ledger défend d'ailleurs également le port d'armes. « Quiconque s'estimant en danger (peu importe le sujet ou le contexte) devrait avoir le droit de pouvoir porter sur soi une arme de défense légale et accessible comme un spray au poivre », a-t-il ainsi déclaré, après que son ancien associé David Balland et sa femme ont été victimes d'un enlèvement contre rançon en crypto-actifs au mois de janvier 2025.

En apparence moins radical que Pierre Noizat et beaucoup plus rétif aux affiliations partisanes, Éric Larchevêque sait se saisir des médias alternatifs, en particulier du réseau denses de chaînes YouTube dédiées à l'entrepreneuriat, pour diffuser sa rhétorique sécessionniste et radicalement individualiste. Son rond de serviette dans l'émission « Qui veut être mon associé ? » lui offre en parallèle une tribune de choix pour diffuser ces idées auprès d'un public plus large. Tout en affichant sa sympathie pour la pensée de Friedrich Hayek, en particulier ses positions concernant la suppression du monopole étatique sur la monnaie, le patron-bitcoiner refuse pourtant d'endosser explicitement l'étiquette libertarienne. « Je ne suis pas libertarien au sens doctrinal. Je suis un pragmatique attaché à la liberté. Quitter la France n'est pas une idéologie, c'est un réflexe de survie pour certains. Mon combat, c'est que ce ne soit plus une nécessité », se justifie-t-il auprès de l'Observatoire des multinationales.

Après ses années de « golden boy » de l'entrepreneuriat, Éric Larchevêque semble donc s'être choisi une nouvelle voie : guider les masses et les inciter à sortir de la « servitude », un bitcoin après l'autre. L'entrepreneur défenseur des « libertés » se prépare à dévoiler son nouveau grand projet, « une alternative entrepreneuriale radicale », sur scène à Paris, le 24 novembre prochain à l'occasion d'une « keynote immersive ». Bien qu'hostile au jeu politicien, Éric Larchevêque s'affirme plus que jamais comme une figure politique.


[1] Dans le cadre des élections partielles pour la deuxième circonscription de Paris qui se sont tenues les 21 et 28 septembre 2025. Alexandre Stachtchenko a obtenu 34 voix, soit 0,2% des votes exprimés.

[2] Voir ses retweets ici, ici ou .

14.11.2025 à 10:06

Le sens des priorités. La lettre du 14 novembre 2025

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Une diplomatie très économique et très peu climatique
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Une diplomatie très économique et très peu climatique

Une année comme une autre. Plus de 1600 lobbyistes représentant le secteur des énergies fossiles sont présents à la conférence climat de Belém au Brésil, la COP30, selon le décompte de la coalition « Kick Big Polluters Out ». C'est plus, en proportion, que lors des COP précédentes à Dubaï et à Bakou. Cette présence massive des industries les plus directement responsables des émissions mondiales de gaz à effet de serre ne présage rien de très bon pour cette nouvelle session de négociations internationales.

Le gouvernement français, qui s'affiche volontiers en champion du climat sur la scène internationale, a activement contribué à faire entrer les loups dans la bergerie. La délégation officielle de la France compte en effet 22 représentants du secteur des énergies fossiles (le plus haut total pour un pays européen), dont le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Comme à Dubaï en 2023.

Au-delà du symbole désastreux, c'est nouveau signe que pour la diplomatie tricolore les intérêts des champions français ont la priorité sur la sauvegarde du climat. Et que la signature de nouveaux contrats est au moins aussi importante que les éventuelles avancées diplomatiques. On le constate également en examinant les nombreux événements organisés par la France ou avec son soutien en amont ou pendant la conférence. La délégation officielle française intègre également des représentants d'EDF, Saint-Gobain, Ardian ou encore Vinci.

Lire notre enquête : TotalEnergies dans la délégation officielle à la COP30 : « business as usual » pour la diplomatie française

La présence de Patrick Pouyanné dans la délégation française à Belém est aussi une illustration de la relation de symbiose qui continue de prévaloir entre le groupe pétrogazier et la diplomatie française, malgré la fin des soutiens financiers directs.

Lire TotalEnergies et la diplomatie française : cinquante nuances de soutien

L'ombre d'une autre entreprise pétrolière, partenaire stratégique de TotalEnergies, plane aussi sur la COP30 : celle de Petrobras, le groupe national brésilien. Il a reçu quelques jours avant la COP l'autorisation de forer du pétrole offshore au large de l'embouchure de l'Amazone. L'argument du gouvernement Lula ? Les revenus des hydrocarbures serviront à « financer la transition énergétique ». Pour l'instant, cependant, ce n'est pas le cas.

Pire encore : après que TotalEnergies et BP aient dû renoncer à forer du pétrole au large de l'embouchure de l'Amazone il y a quelques années pour des raisons écologiques, la licence octroyée à Petrobras rouvre la porte aux majors pétrolières dans la région. En témoignent les enchères de juin dernier qui ont vu l'arrivée de ExxonMobil, Chevron ou CNPC dans la zone.

Lire COP30 : pourquoi le Brésil a autorisé des forages pétroliers au large de l'Amazonie

Qui veut la peau des renouvelables ?

En France non plus, le gouvernement ne brille pas par son courage et son ambition en matière de climat. Il est de plus en plus question d'un moratoire sur les énergies renouvelables, une vieille revendication du Rassemblement national désormais reprise par la droite anciennement républicaine et même par le centre. Une mesure encore impensable il y a quelques années.

Comment en est-on arrivé là ? « Aux États-Unis, en Australie, les fossiles sont derrière l'offensive anti-renouvelables, c'est facile », nous a-t-on dit. En France, la situation est un peu différente.

Anne-Sophie Simpere a mené l'enquête sur les lobbys anti-renouvelables et sur leurs liens avec l'extrême droite. Parmi les recettes de leur succès, l'influence historique de réseaux de grands bourgeois anti-éolien, le contexte de polarisation politique et médiatique, mais aussi l'influence d'intérêts fossiles et surtout nucléaires.

Les grands groupes comme TotalEnergies qui ont investi dans les renouvelables pour « diversifier » leur mix, par contre, ne se pressent pas au portillon pour les défendre.

Lire Énergies renouvelables : l'extrême droite est-elle en train de gagner ?

Merci patron (ou non)

Pendant les discussions parlementaires sur le budget 2026, la proposition de taxe Zucman sur la fiscalité des grandes fortunes a focalisé une grande partie des débats, avant d'être finalement rejetée.

Selon ses détracteurs, l'instauration de la taxe Zucman ferait fuir hors de France les milliardaires, qui continuent d'être présentés comme des piliers de l'emploi. Une crainte très peu fondée, comme le monde le nouvel article dans notre rubrique « Debunk » par Séverin Lahaye. En se basant sur l'exemple des groupes du CAC40 contrôlées par des grandes fortunes.

On y apprend entre autres que oui, sur le papier, l'effectif de ces groupes augmente souvent, mais plus au niveau mondial qu'en France et par rachat d'entreprises plus petites (souvent suivies de suppressions d'emplois) plutôt que par créations nettes.

Mais aussi que pour chaque euro dépensé pour créer un emploi en France, LVMH en dépense 239 en dividendes et rachats d'actions. Le ratio est moindre mais toujours important pour Hermès, L'Oréal, Dassault Systèmes etc.

À lire : Est-il vrai que les milliardaires créent de l'emploi ?

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En bref

Directive sur le devoir de vigilance : le coup de grâce. On le voyait venir, c'est arrivé. Ce jeudi 13 novembre, la droite conservatrice et les groupes d'extrême droite du Parlement européen ont uni leurs voix pour vider de sa substance la directive européenne sur le devoir de vigilance des multinationales (dite CS3D), adoptée il y a quelques mois seulement. La même alliance a considérablement réduit la portée de la directive sœur sur la transparence des entreprises en matière de durabilité (CSRD). Le tout sous les applaudissements de Donald Trump et des États-Unis, qui réclamaient la suppression de ces directives depuis plusieurs mois, ainsi que des multinationales américaines et européennes. Ces deux législations avaient été les premières ciblées dans le processus de dérégulation initié cette année par la Commission européenne au nom de la « compétitivité » du vieux continent. On relira sur ce sujet notre dossier Dérégulations « made in Europe » et notamment l'enquête de Barnabé Binctin : Au centre du jeu bruxellois, l'extrême droite sonne la charge contre l'écologie et le climat.

Les alliés français de Shein. La polémique a encore une fois enflé à propos de la marque chinoise de fast-fashion Shein à l'occasion de son implantation physique – présentée comme une première mondiale – au BHV. Une opération qui aurait été un succès public selon la comm' de Frédéric Merlin, le gestionnaire des lieux. Le média La Lettre a dressé à cette occasion la liste – très longue – des cabinets de lobbying et de communication français auquel le groupe chinois a fait appel pour défendre son image et ses intérêts à Paris et à Bruxelles. On y retrouve des grands noms de la place parisienne comme Havas, Publicis, Image 7 ou encore August Debouzy. Et au passage on y retrouve aussi une nouvelle justification de l'embauche de l'ex ministre Christophe Castaner par Shein, qui a beaucoup fait jaser et au sujet de laquelle l'Observatoire des multinationales et les Amis de la Terre ont adressé un signalement à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Ce n'était pas en fait pour conseiller le géant chinois sur sa RSE, ni pour l'aider dans ses relations avec la « société civile » et le tissu économique français, comme cela a été expliqué successivement par Shein : c'était en réalité pour convaincre les entreprises françaises de la logistique et du transport de défendre la marque chinoise en argumentant qu'elle crée de l'emploi en France. Ce qui relève bien du lobbying, malgré les dénis de Christophe Castaner. Relire notre enquête Pourquoi il faut faire la lumière sur le lobbying de Shein et le rôle de Christophe Castaner.

Lafarge et Daech : le procès s'ouvre (et se referme provisoirement). Le procès du cimentier Lafarge s'est ouvert le 4 novembre à Paris. Huit dirigeants du groupe et la société elle-même, en tant que personne morale, sont jugés pour financement du terrorisme dans le cadre d'un procès qui durera jusqu'à décembre. La procédure pour complicité de crime contre l'humanité, dans le cadre de laquelle la société est également mise en examen, sera jugée ultérieurement. Et une autre procédure pour mise en danger de la vie d'autrui, en l'occurrence les travailleurs syriens de Lafarge, reste en cours, malgré un arrêt négatif de la Cour de cassation. Les audiences ont été interrompues jusqu'au 18 novembre en raison d'un vice de procédure, les avocats de la défense ayant multiplié les objections et les recours avant même le début des débats.

Les greenwasheurs derrière le greenwashing. Nous avons parlé dans notre dernière lettre de la condamnation de TotalEnergies par un tribunal français pour pratique commerciale trompeuse, en lien avec un campagne de communication de 2021 où le groupe pétrogazier a communiqué abondamment, et abusivement selon les juges, sur sa stratégie climat et ses objectifs zéro carbone. Le média anglophone Desmog s'est intéressé aux agences de communication et de relations publiques qui ont travaillé pour TotalEnergies sur cette campagne. Un liste dans laquelle on retrouve encore une fois des filiales des deux géants français du secteur, Publicis et Havas, propriété du groupe Bolloré. À lire ici.

Formation ! L'Observatoire des multinationales propose une nouvelle session de formation sur deux jours à l'enquête sur les grandes entreprises, les 6 et 7 janvier 2026 à Paris. Celle-ci offre un aperçu des sources d'informations disponibles et des méthodes pour enquêter sur les multinationales, leur structuration, leurs propriétaires et dirigeants, leurs implantations, leurs finances, leurs impacts écologiques, leurs pratiques sociales et leur lobbying. Détails et inscriptions ici.

Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.

13.11.2025 à 13:56

TotalEnergies et la diplomatie française : cinquante nuances de soutien

Olivier Petitjean
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Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat inclura des représentants des énergies fossiles, dont le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Une illustration de la relation de symbiose qui continue de prévaloir entre le groupe pétrogazier et la diplomatie française, malgré la fin des soutiens financiers directs.
Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat de Belém, la COP30, (…)

- COP30 au Brésil : diplomatie climatique et intérêts économiques / , , , ,
Texte intégral (1940 mots)

Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat inclura des représentants des énergies fossiles, dont le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Une illustration de la relation de symbiose qui continue de prévaloir entre le groupe pétrogazier et la diplomatie française, malgré la fin des soutiens financiers directs.

Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat de Belém, la COP30, inclura des représentants de l'industrie des énergies fossiles, au premier rang desquels Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, et Jean-Pierre Clamadieu, le président du conseil d'administration d'Engie, avec d'autres cadres dirigeants des deux groupes. C'était déjà le cas il y a deux ans à Dubaï lors ce la COP28 [1].

Plusieurs organisations de la société civile dont l'Observatoire des multinationales avaient adressé il y a quelques jours, dans le cadre de la campagne Fossil Free Politics, une lettre ouverte à Emmanuel Macron et au gouvernement français demandant que la délégation officielle tricolore n'inclue pas à nouveaux de représentants du secteur des hydrocarbures. Cette lettre était restée sans réponse... jusqu'à ce que l'on découvre la liste des participants accrédités.

Hypocrisie, dissonance cognitive, signal désastreux... On ne sait comment qualifier cette présence de dirigeants de TotalEnergies et d'Engie (entreprise dont le cœur de métier reste le gaz), dans la délégation tricolore alors que la France se targue d'être parmi les pays en pointe sur le sujet de la sortie des énergies fossiles, par contraste avec des nations comme l'Arabie saoudite, la Russie et les États-Unis. TotalEnergies, en particulier, est l'une des principales majors pétrogazières mondiales, impliquée dans plusieurs nouveaux projets d'extraction qualifiés de « bombes climatiques » du fait de leurs impacts en termes de gaz à effet de serre. Le groupe a annoncé dans son dernier rapport sur l'énergie que le maintien du réchauffement des températures en deçà de 2°C était désormais hors de portée et qu'il continuerait plus que jamais à augmenter sa production de pétrole et de gaz pour répondre à la demande.

Collaboration profondément enracinée

Interrogé par Mediapart au au sujet de la présence de TotalEnergies dans la délégation française à la COP, le ministère de la Transition écologique a invoqué l'argument selon lequel « la présence et l'implication d'acteurs industriels, dont TotalEnergies, sont nécessaires pour faire progresser concrètement les engagements pris à l'échelle internationale ». Autrement dit : les géants des énergies fossiles sont certes le problème, mais ils donc sont aussi la solution. Un argumentaire contestable puisque cela permet aux « coupables » de façonner eux-mêmes la « solution » qui les arrange (par exemple : des aides publiques à la décarbonation, des solutions technologiques comme l'hydrogène ou la capture-séquestration du carbone, les marchés carbone). Une partie de la société civile, comme la campagne européenne Fossil Free Politics, plaide pour une exclusion totale des énergies fossiles des COP climat, à l'image de ce que l'Organisation mondiale de la santé a mis en place pour le tabac.

Cette justification suggère en outre que la collaboration entre l'État français et TotalEnergies est épisodique et superficielle, alors qu'en réalité elle est profondément enracinée et prend de multiples formes. La présence de Patrick Pouyanné à Belém n'est en quelque sorte que l'arbre qui cache la forêt.

Certes, la France a fini par franchir certains caps : la fin progressive de l'extraction de charbon, pétrole ou gaz sur le territoire français avec la loi Hulot de 2017, la fin des garanties export pour les projets d'hydrocarbures ailleurs dans le monde (dont avait largement bénéficié TotalEnergies avant cela) en 2022, l'adhésion à des initiatives public-privé telles que la Beyond Oil and Gas Alliance. Mais derrière ces engagements symboliques, les autorités françaises continuent, de fait, à travailler main dans la main avec des entreprises qui assument de poursuivre l'exploitation du gaz et du pétrole (et dans le cas d'Engie l'achat de gaz) encore durant des décennies.

La fin des soutiens financiers directs ne signifie pas la fin de cette collaboration, au contraire : elle sert au contraire à excuser la perpétuation de multiples formes de soutien non-financier, tout aussi importantes pour des multinationales qui font affaire avec d'autres gouvernements. L'invitation de représentants du secteur privé dans les conférences intergouvernementales n'en est qu'un exemple parmi d'autres. Il y a aussi évidemment le soutien diplomatique direct du plus haut niveau de l'Etat, qui n'est généralement nécessaire qu'en dernière instance, dans des situations complexes comme celles des projets du géants pétrogazier au Mozambique, en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou en Ouganda.

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Portes tournantes

Et surtout il y a le tout-venant, comme la participation de dirigeants de TotalEnergies ou Engie aux déplacements officiels du président de la République, la désignation de cadres du groupe comme « conseillers du commerce extérieur » ou la co-organisation de missions économiques entre TotalEnergies et les associations industrielles dont le groupe fair partie et des agences publiques comme BusinessFrance [2]. Une enquête de Mickaël Correia pour Mediapart a montré à quel point point le groupe pétrogazier était associé aux activités des ambassades françaises, particulièrement en Afrique.

Au fondement de cette collaboration, sous ses formes les plus anodines comme sous ses formes les plus controversées, il y a le phénomène des « portes tournantes », les allers-retours entre TotalEnergies et la diplomatie française, sur lequel l'Observatoire des multinationales avait été l'un des premiers à alerter il y a quelques années, à propos des projets pétrolier du groupe en Ouganda (lire notre enquête). Près de cinquante haut fonctionnaires ont été travaillé chez TotalEnergies ces dernières années, apportant leur expérience, leur carnet d'adresses et leur familiarité avec les institutions, ou en sont revenus. Une directrice de la diplomatie économique qui a travaillé pendant plus de sept ans pour TotalEnergies, un cadre du groupe qui a travaillé entre deux postes comme conseiller à Matignon, un ancien conseiller du ministre des Affaires étrangères devenu lobbyiste en chef... Autant d'exemples qui illustrent la porosité totale entre intérêts pétroliers et diplomatie française [3].

Toutes nos enquêtes sur ces questions :


[1] Ce n'était pas le cas en 2024 à Bakou, où la délégation française était de toute façon minimale en raison du froid diplomatique entre les deux pays. Le PDG du groupe pétrogazier avait été convié directement par la présidence azerbaïdjanaise.

[2] Voir à ce sujet le récent rapport du Réseau Action Climat France qui cite plusieurs exemples.

[3] Voir aussi ce récapitulatif du Monde.

12.11.2025 à 11:54

Énergies renouvelables : l'extrême droite est-elle en train de gagner ?

Anne-Sophie Simpere
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Impensable il y a quelques années, l'idée d'un moratoire sur les énergies renouvelables portée par les droites dures et quelques lobbys jusqu'ici marginaux semble faire son chemin jusqu'au plus haut de l'État. Activisme anti-éoliennes, chambre d'écho médiatique, défense du nucléaire, intérêts d'EDF et des énergies fossiles... Plusieurs facteurs concourent à expliquer cette « étrange défaite » qui, en plus d'être nuisible pour le climat, ne fait pas beaucoup de sens économiquement.
« Je (…)

- FAF40. Enquêtes sur l'extrême droite, les grandes fortunes et les milieux d'affaires / , , , , , ,
Texte intégral (4979 mots)

Impensable il y a quelques années, l'idée d'un moratoire sur les énergies renouvelables portée par les droites dures et quelques lobbys jusqu'ici marginaux semble faire son chemin jusqu'au plus haut de l'État. Activisme anti-éoliennes, chambre d'écho médiatique, défense du nucléaire, intérêts d'EDF et des énergies fossiles... Plusieurs facteurs concourent à expliquer cette « étrange défaite » qui, en plus d'être nuisible pour le climat, ne fait pas beaucoup de sens économiquement.

« Je suis contre les éoliennes, c'est immonde et ça ne marche pas », assenait Marine le Pen dès 2012. L'opposition du Front national, devenu Rassemblement national (RN) à l'éolien comme au solaire est loin d'être une nouveauté. Depuis des années, le parti réclame un moratoire sur ces deux types d'énergie, et en 2022, son « plan Marie Curie » table sur un mix essentiellement composé de nucléaire (70 à 80%), complété par un peu d'hydroélectricité et d'hydrogène.

Ce programme contraste avec les scénarios d'EDF ou RTE, qui n'imaginent pas de futur décarboné sans ces énergies renouvelables que l'extrême droite veut enterrer. Il contraste aussi avec le relatif consensus politique qui prévalait encore récemment sur le sujet, depuis le plan de développement des renouvelables de la présidence Sarkozy jusqu'à la loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables de 2023. Un consensus qui existe toujours dans la population : la dernière étude de l'institut de sondages Ifop sur le sujet montre que 84 % des Françaises et Français interrogés ont une image positive des énergies renouvelables, y compris le solaire (89%) et l'éolien (78%). Le chiffre grimpe à 94 % chez les riverains d'installations.

Depuis quelques mois, l'extrême droite gagne des points dans sa bataille énergétique à contre-courant contre les renouvelables.

Et pourtant, depuis quelques mois, l'extrême droite gagne des points dans cette bataille énergétique à contre-courant. En juin dernier, un amendement reprenant leur projet de moratoire sur tout nouveau projet éolien ou photovoltaïque est adopté par l'Assemblée nationale, avant d'être finalement rejeté lors du vote finale de la loi. Le mois suivant, trois cadres des Républicains – dont Bruno Retailleau – signent une tribune demandant l'arrêt de tout financement public aux renouvelables. À la rentrée, des rumeurs d'un moratoire sur l'éolien et le solaire dans un décret sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie font surface, finalement démenties, mais sans que le texte final ait encore été publié. Et les professionnels des énergies renouvelables craignent de nouvelles attaques à l'occasion des débats budgétaires. Une hausse de la fiscalité sur l'énergie photovoltaïque est déjà dans les tuyaux.

Alors que les effets de la crise climatique sont de plus en plus visibles, comment expliquer que le narratif de l'extrême droite sur les énergies renouvelables gagne autant de terrain ? L'activisme de réseaux historiques influents, la polarisation politique, la chambre d'écho médiatique, mais aussi les contraintes économiques qui pèsent sur EDF, y ont chacun leur part.

Des réseaux historiques influents

Depuis des années en France, des associations comme la la Fédération environnement durable (FED) ou Vent de colère sont mobilisés contre les éoliennes, fournissant par exemple aux opposants des kits clés en main pour monter des collectifs et contester les projets. L'ingénieur en physique et chimie Jean-Louis Butré, fondateur de la FED qu'il préside depuis 2007, est une figure historique de ce mouvement. Il a travaillé pour le Commissariat à l'énergie atomique, le groupe chimique Rhône Poulenc, et a été patron de Procatalyse, une filiale de l'Institut français du pétrole spécialisée dans les catalyseurs pour les raffineries et les usines pétrochimiques. En 2024 encore, il est signataire d'une déclaration adressée à l'ONU intitulée « Il n'y a pas d'urgence climatique ».

« Il a beaucoup fait jouer ses réseaux interpersonnels, ses cercles et lieux de sociabilité. Par exemple, Valéry Giscard d'Estaing a longtemps été son voisin et il a préfacé l'un de ses livres », raconte Stéphanie Dechezelles, chercheuse en sociologie, qui a étudié les mobilisations anti-éoliennes en France. Elle mentionne ainsi des groupes de réflexions comme le collectif « Énergie et Vérité » ou le Groupe indépendant de réflexion sur l'Énergie (GIRE), composés de chefs d'entreprise et hauts fonctionnaires. On peut aussi citer un personnage comme Denis de Kergorlay, issu d'une ancienne famille aristocratique, président du Cercle de l'Union interalliés, club social très sélectif, et auteur d'un livre anti-éoliennes avec son cousin. C'est au sein de ce club que sera lancée la campagne de financement participatif du documentaire « Éoliennes, du rêve aux réalités », pamphlet à charge contre ces énergies. Pas forcément actifs de manière continue, ces cercles sont surtout des réseaux personnels et professionnels où la grande bourgeoisie opposée aux renouvelables se rencontre.

Ce sont surtout des hommes, seniors, qui ont travaillé pour certains dans des entreprises du secteur de la pétrochimie, de la chimie ou des énergies fossiles, qui ont un niveau de revenu élevé.

L'opposition aux projets de parcs éoliens est très différente entre le niveau local et national, prévient Stéphanie Dechezelles : « Au niveau local, ce n'est pas un groupe homogène, il y a des gens de divers bords politiques. J'ai vu des classes populaires comme des classes moyennes, des personnes en zone rurales qui peuvent se sentir délaissés par l'État et n'ont pas envie de voir s'installer des infrastructures dont ils ne vont pas utiliser l'électricité car elle partira en ville ou pour des industries… » À l'échelle nationale, les profils qu'elle rencontre sont plus uniformes : « Ce sont surtout des hommes, seniors, qui ont travaillé pour certains dans des entreprises du secteur de la pétrochimie, de la chimie ou des énergies fossiles, qui ont un niveau de revenu élevé. »

Pour la chercheuse, leur combat est lié à la défense d'intérêts économiques, mais aussi des enjeux identitaires. « Ils peuvent avoir une certaine idée de l'identité française, catholique, traditionnelle, qu'ils ont chevillée au corps et dont ils s'estiment les héritiers. Il y a eu de très grosses mobilisations contre des projets éoliens visibles depuis le Mont Saint-Michel ou qui altéreraient la vue de la cathédrale de Chartres, par exemple. »

Sans compter les intérêts patrimoniaux : si beaucoup de ces opposants habitent en Île-de-France, loin des projets auxquels qu'ils contestent, ils sont souvent propriétaires de résidences secondaires qui pourraient être impactées. L'engagement de Fabien Bouglé, figure médiatique des anti-éoliens, est né en 2008, quand il s'est rendu compte qu'un parc risquait d'être construit à 800 mètres de sa maison de campagne dans l'Orne. Au-delà des effets sur le paysage, il a mis en cause les conflits d'intérêt de plusieurs maires de la région, propriétaires de terres mises à la location pour l'implantation des turbines.

Marqueur à droite

Ces mouvements qui existent depuis des années ont été récemment amplifiés par un effet de polarisation politique et de chambre d'écho médiatique. « La droite et l'extrême droite ont fait des attaques contre l'écologie un marqueur politique pour se démarquer de la gauche. Cela leur permet de dire qu'ils sont du côté des agriculteurs quand ils défendent les pesticides, ou des petits patrons quand ils s'en prennent aux régulations… et les éoliennes, c'est le truc le plus facile à attaquer, parce que face à l'argument du changement climatique, ils peuvent brandir le nucléaire », estime un lobbyiste du secteur des énergies renouvelables.

Issu des rangs de la Manif pour tous, Fabien Bouglé, conseiller municipal versaillais, écume les plateaux de Cnews à France Info pour porter la parole anti-renouvelables.

Le parcours de Fabien Bouglé confirme ce marquage politique. Juriste spécialisé en gestion de patrimoine, il est président fondateur de Saint Eloy Art Wealth Management, une société de conseil en gestion de patrimoine artistique, « service haut de gamme pour vos œuvres d'art ». Issu des rangs de la Manif pour tous, ce conseiller municipal versaillais divers droite se consacrait en 2016 à la lutte contre l'immigration. Aujourd'hui, il concentre son énergie sur son opposition aux éoliennes, pourtant absentes de sa commune. Il a produit trois ouvrages sur la question, et écume les plateaux de Cnews à France Info pour porter la parole anti-renouvelables, présenté comme expert en politique énergétique. Un domaine bien éloigné de sa formation en gestion de patrimoine, soulignent ses opposants, auxquels il rétorque (en réponse aux questions que nous lui avons adressées) que ses livres sur le sujet dont « des succès de librairie et régulièrement dans le top 100 des meilleurs ventes dans le thème énergie » et que, depuis 15 ans, aucun ministre responsable de la politique énergétique de la France n'a de formation d'ingénieur.

L'élu versaillais revendique de dialoguer avec l'ensemble du spectre politique en dehors d'EELV et LFI « ouvertement pro-éoliennes ». Ses contacts semblent surtout aller du centre-droit à l'extrême droite, avec une place prépondérante pour les Républicains : 42 participants sur 50 lors d'une conférence organisée en 2019 conjointement avec Contribuables associés, une association ayant des liens étroits avec les extrêmes droites (lire notre enquête). Favorable à ce qu'il appelle une « Union nationale énergétique », Fabien Bouglé échange aussi avec Marine le Pen et Eric Zemmour, qu'il aurait conseillé. Il est également intervenu à une conférence de Souveraine Tech, un site soutenu par le projet Périclès de Pierre-Édouard Stérin, et au très droitier Institut de formation politique d'Alexandre Pesey, inspiré par le réseau Atlas (lire notre enquête).

Radicalisation des discours

Figure médiatique plus récente de la lutte anti-renouvelables, l'écrivain Alexandre Jardin s'est mis à s'attaquer à l'éolien et au photovoltaïque après avoir mené une croisade contre les zones à faible émissions (ZFE) en revendiquant représenter les classes populaires ou, dans son langage, « les gueux », dont il semble pourtant très éloigné. Il était en revanche présent au « Sommet des libertés », rassemblement de la droite et de l'extrême droite organisé en juin dernier par les médias Bolloré, les réseaux de Pierre-Édouard Stérin et les think tanks issus de la galaxie Atlas (lire notre article).

Le problème, c'est qu'on a affaire à un flux constant d'informations saugrenues qu'il faut débunker.

Les discours radicaux d'un Fabien Bouglé ou d'un Alexandre Jardin trouvent porte grande ouverte dans les médias. Selon le dernier rapport de Quota Climat, les principaux narratifs de désinformation à la télévision et à la radio, sur le premier trimestre 2025, concernaient les énergies renouvelables, qu'il s'agisse de critiques sur leur coût, leur inutilité ou leurs risques environnementaux. Les médias privés représentent plus de 85 % des cas détectés par l'ONG, Sud Radio (propriété du milliardaire et patron de Fiducial Christian Latouche) et Cnews (propriété de Vincent Bolloré) en tête.

« Le problème, c'est qu'on a affaire à un flux constant d'informations saugrenues qu'il faut débunker, et ça prend du temps de le faire. Par exemple, quand ils nous sortent que les renouvelables vont coûter 300 milliards, on sait que le chiffre est fou, mais il faut comprendre où ils sont allés chercher un truc pareil pour pouvoir expliquer en quoi ça ne tient pas. À la fin, même Bayrou dit que c'est n'importe quoi, mais ils sont déjà passés à l'élément de langage suivant, en accusant les renouvelables d'être responsables du black out en Espagne », explique un lobbyiste du secteur des renouvelables. À ce jour, il n'y a pas de conclusions définitives sur les causes de ce black-out.

La presse écrite est également touchée. Début octobre, la société des journalistes (SDJ) du Figaro exprimait ses doutes sur la publication d'un article sur les impacts des « champs électromagnétiques » des éoliennes sur les élevages, appuyé par le diagnostic d'un géobiologue, discipline considérée comme une pseudoscience. La SDJ s'inquiétait plus largement des chiffres ou faits erronés sur les questions énergétiques publiés dans les pages « opinion » de leur média. Ces tribunes peuvent finir par être davantage mises en avant que le travail des journalistes, si elles génèrent plus de trafic via les réseaux sociaux.

Le nucléaire, particularité française

La France est loin d'être le seul pays où les énergies solaires ou éoliennes sont attaquées de façon aussi virulente. Aux États-Unis, Donald Trump clame qu'elles sont beaucoup trop chères, « moches », et que les éoliennes offshore tuent les baleines, une affirmation du lobby anti-éolien outre-atlantique sans aucune base scientifique. Le président américain a bloqué de nombreux projets et a gelé les financements publics pour ces énergies dans sa « One Big, Beautiful Bill » – soit exactement ce que demandent LR et le RN en France.

Aux États-Unis, en Australie, les fossiles sont derrière, c'est facile. En France, la situation est un peu différente.

Derrière ces décisions, il y a l'influence d'une multitude de think tanks et associations qui fournissent narratifs et argumentaires aux médias et aux décideurs politiques. « Aux États-Unis, en Australie, les fossiles sont derrière, c'est facile », commente Cédric Philibert, analyste dans le domaine de l'énergie et du climat et chercheur associé à l'Ifri. La fondation Shell USA a par exemple financé le Heartland Institute, un think tank climato-sceptique, ou la Heritage Foundation, qui a coordonné le « Project 2025 » dont l'un des objectifs principaux était de « libérer » l'exploitation du pétrole et du gaz (lire notre article).

En France, la situation est un peu différente. Des organisations liées au réseau Atlas (longtemps financé par les industriels du pétrole comme nous l'avons révélé), comme l'Ifrap, Contribuables associés, l'institut économique Molinari ou l'Iref alimentent les discours anti-éoliennes, principalement sur la base d'arguments économiques. Les profils de certains opposants historiques aux éoliennes montrent aussi une proximité avec l'industrie fossile ou pétrochimique, mais leur engagement reste principalement personnel.

De fait, cependant, une grande partie des opposants aux énergies renouvelables français semble avoir plutôt en tête la défense du nucléaire. C'est le cas d'organisations « historiques », comme la FED, ou de structures constituées plus récemment, comme l'association de défense du patrimoine nucléaire et du climat (PNC), fondée par Bernard Accoyer, ancien président LR de l'Assemblée nationale, en réaction à la fermeture de Fessenheim en 2020. Ou encore du Cérémé, qui propose un scénario énergétique basé à 80 % sur le nucléaire d'ici 2050, complété par de l'hydraulique et des énergies renouvelables thermiques (comme la géothermie ou le bois).

Pro-nucléaire et anti-éolien, une galaxie en pleine convergence

Le Cérémé a été créé par Xavier Moreno, polytechnicien et énarque, passé par Sanofi et Suez et fondateur de l'entreprise de capital investissement Astorg. Moreno est aussi président du Cercle Charles Gide, un cercle de protestants « engagées dans la vie économique, sociale ou culturelle » qui organise des dîners annuels où participent des ministres, voire le président de la République Emmanuel Macron pour l'édition 2021. Fortes de ces réseaux, ces associations pro-nucléaire et anti-éoliennes ne lésinent pas sur les actions de lobbying, avec un record de 300 000 à 400 000 euros de dépenses déclarées pour le Cérémé au cours de l'année 2020. Le think tank n'a pas répondu à nos questions sur son financement, mais sur son site, Xavier Moreno indique y consacrer une partie de sa fortune personnelle. Si leurs dépenses déclarées ont baissé depuis, ces associations restent très actives, à travers contributions écrites, campagnes publicitaires ou encore colloque au Sénat.

Les associations pro-nucléaire et anti-éoliennes ne lésinent pas sur les actions de lobbying, avec un record de 300 000 à 400 000 euros de dépenses déclarées pour le Cérémé au cours de l'année 2020.

Le RN s'appuie, quant à lui, sur le scénario proposé par Les Voix du nucléaire, une association créée en 2018 pour « contribuer à la reconnaissance de l'énergie nucléaire comme essentielle à la transition énergétique bas carbone ». Ce scénario mise principalement sur l'atome complété par de l'hydraulique, les renouvelables intermittentes (solaire et éolien) étant incluses à titre transitoire, avant de décroître à partir de 2050. Maxime Amblard, ingénieur en physique nucléaire élu député RN en juillet 2024, a par exemple défendu un amendement en juin dernier qui reprenait précisément les propositions des Voix du nucléaire sur le déploiement de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP).

Signe de la convergence de ces réseaux, le Cérémé a racheté l'été dernier le magazine Transitions & Energies avec Fabien Bouglé. Le titre appartenait à l'ancien propriétaire du journal d'extrême droite Minute. Fabien Bouglé nous a expliqué que cette acquisition a pour objectif d'accentuer leur influence et capacité d'information, et de corriger contre ce qu'il considère comme les « fake news » du lobby éolien. La Une du premier numéro publié après ce changement de direction affichait la couleur : « Éoliennes : la fin ? »

« Le moratoire [sur les énergies renouvelables] est un combat mené depuis des années en compagnie du Cérémé ou de la Fédération Environnement Durable. Nous disposons d'une agrégation des forces et d'une multiplication des rouages d'actions et d'influences », s'est félicité Fabien Bouglé en réponse à nos questions. L'activisme de ces différentes organisations et l'alignement avec des partis et médias de droite contribue certainement à faciliter la montée du narratif anti-renouvelables aujourd'hui. Mais pour que celui-ci commence à connaître une traduction politique concrète, un autre facteur est entré en jeu : la rentabilité d'EDF et le coût du nucléaire.

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L'équation financières intenable d'EDF

Il y a eu des périodes où la coexistence des éoliennes et panneaux solaires avec l'atome posait moins de problèmes. Ces dernières années, les renouvelables se sont révélées à la fois indispensables et lucratives. En 2022, alors que le début de la guerre en Ukraine mettait l'approvisionnement en gaz sous tension, la moitié des réacteurs français se retrouvaient à l'arrêt à cause d'un problème de corrosion sous contrainte. « Ils étaient bien contents d'avoir les renouvelables en 2022. Et puis ça a rapporté de l'argent, parce qu'avec la hausse des prix de l'énergie, les exploitants ont commencé à reverser un complément de rémunération à l'État », rappelle Cédric Philibert.

Mais cette période d'incertitude a aussi été accompagnée d'une injonction, suivie par la population, à consommer moins d'électricité. Résultat : au moment où les réacteurs ont redémarré, la consommation stagnait. « Avec la remise en route des réacteurs, on a un surplus d'électricité. On exporte ce qu'on peut mais c'est limité par l'interconnexion, le fait qu'il y a du soleil un peu partout au même moment en Europe, donc les besoins vont baisser au même moment. Donc quand on vend c'est pas toujours à bon prix. Il peut y avoir des heures à prix négatif », explique Cédric Philibert.

Dans les politiques publiques, on craint une volonté de freiner les énergies renouvelables, car ça touche à la rentabilité du nucléaire

Une note du Haut commissaire à l'énergie atomique du 10 juillet dernier alerte sur cette surproduction et sur les limites techniques du parc nucléaire pour s'adapter en modulant la production. Le coût des prix négatifs crée des tensions dans une période où la santé financière d'EDF inquiète. Selon un récent rapport de la Cour des Comptes, l'endettement de l'entreprise publique s'élevait à 54,3 milliards d'euros fin 2024. Et l'électricien va faire face à un mur d'investissement, à la fois pour prolonger la durée de vie des centrales existantes (90 milliards d'euros) et pour construire de nouveaux réacteurs (environ 75 milliards pour les six EPR2 annoncés en 2021).

Dans ce contexte, la concurrence avec les renouvelables et le risque de surproduction qu'elles engendrent peuvent être perçus comme une menace. « Dans les politiques publiques, on craint une volonté de freiner les énergies renouvelables, car ça touche à la rentabilité du nucléaire », explique Bastien Cuq, chargé de plaidoyer Énergie au Réseau action climat. Lors de son audition devant le Parlement en avril dernier, Bernard Fontana, qui venait tout juste d'être nommé PDG d'EDF, s'est contenté d'annoncer le respect les engagements pris en terme d'éolien offshore, annonçant son intention de prendre de son « temps personnel » pour développer « une compréhension plus fine » de ces énergies. Ce qui ressemblait fort à un coup de frein.

Un non-sens climatique mais aussi économique

« Pourtant, il y aurait un vrai besoin d'anticiper. Un parc éolien, ça met en moyenne sept ans à sortir de terre. Si on prévoit d'électrifier les transports dans les années à venir, il faut commencer à adapter la production maintenant, alerte Bastien Cuq. Il n'y a pas de scénario dans lequel on peut faire une transition énergétique sans éolien. Donc si on s'en passe, on va maintenir une place importante pour les énergies fossiles. »

Des grandes entreprises comme TotalEnergies ont pris une place importante dans le secteur du solaire et de l'éolien en France et au niveau mondial ces dernières années, mais leur modèle « multi-énergies » (mettant en avant un mix énergétique diversifié associant fossiles et renouvelables) ne les incite pas forcément à se mobiliser pour ces dernières. Tout dépend du poids relatif du solaire et de l'éolien dans leur portefeuille. Selon Greenpeace, en 2024, moins de 3 % de la production énergétique globale de TotalEnergies venait de ces énergies propres et 70 % de ses investissements allaient aux énergies fossiles. Le 29 septembre dernier, le groupe a même annoncé une baisse de ses investissements bas carbone dans le cadre d'un plan d'économies où les activités les plus rentables seraient privilégiées. La production de pétrole et de gaz devrait, elle, augmenter en moyenne de 3 % par an jusqu'en 2030. TotalEnergies a d'ailleurs annoncé qu'il quitterait le syndicat professionnel France Renouvelables pour, selon La Lettre, « rationaliser » ses dépenses de lobbying. Le média raconte que les dirigeants du groupe n'ont pas goûté, par exemple, une vidéo humoristique de France Renouvelables ciblant en cause les lobbyistes des énergies fossiles à l'occasion de la COP28...

Pour tuer les éoliennes, l'extrême droite semble prête à s'affranchir de la préférence nationale.

Pourtant, le coup de frein sur les renouvelables serait un problème non seulement pour le climat, mais aussi pour l'industrie européenne et sa compétitivité, que nos dirigeants politiques et économiques affirment pourtant avoir à cœur. « On a une filière européenne de l'éolien. Aux États-Unis, les projets que Trump a mis à l'arrêt, c'étaient des turbines européennes. En Europe, les éoliennes qu'on installe sont européennes, pas chinoises. On a des champions comme Siemens-Gamesa, Vestas, et Ørsted, et en France on a aussi des usines de composants, de pales et nacelles d'éoliennes. Trump va les mettre en difficulté en misant exclusivement sur les hydrocarbures : il faudrait les soutenir chez nous. Sinon on va laisser le marché aux entreprises chinoises », explique Bastien Cuq.

Un cadeau à des entreprises étrangères qui ne cadre pas non plus avec le nationalisme affiché de l'extrême droite. Il est vrai qu'au printemps dernier, le député RN Maxime Amblard se disait déjà prêt à faire appel aux États-Unis et à la Corée pour faire appliquer son programme nucléaire, si EDF n'avait pas la capacité de construire des réacteurs au rythme envisagé. Pour tuer les éoliennes, l'extrême droite semble prête à s'affranchir de la préférence nationale.

Contactés pour cette enquête, le Cérémé, EDF et Alexis Brezet (Le Figaro) n'ont pas répondu à nos questions.

Si vous souhaitez nous transmettre des informations, vous pouvez nous contacter à cette adresse : assimpere [at] multinationales.org.

12.11.2025 à 10:40

COP30 : diplomatie climatique et intérêts économiques

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Après une série de conférences climat organisées dans des États pétroliers comme Dubaï ou l'Azerbaïdjan, la COP 30 qui s'ouvre au Brésil bénéficie de l'image positive du gouvernement Lula, qui a fait de la protection de la forêt amazonienne une priorité.

- COP30 au Brésil : diplomatie climatique et intérêts économiques
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Après une série de conférences climat organisées dans des États pétroliers comme Dubaï ou l'Azerbaïdjan, la COP30 qui s'ouvre au Brésil bénéficie de l'image positive du gouvernement Lula, qui a fait de la protection de la forêt amazonienne une priorité. Mais l'annonce de forages pétroliers en Amazonie et la présence encore massive des multinationales, y compris du secteur des énergies fossiles, projettent une ombre négative sur l'événement, dans un contexte international déjà très défavorable.

12.11.2025 à 10:06

TotalEnergies dans la délégation officielle à la COP30 : « business as usual » pour la diplomatie française

Olivier Petitjean
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Le gouvernement français a accrédité Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, dans sa délégation officielle à la COP30, ainsi que d'autres dirigeants d'Engie, EDF ou encore Vinci. En contradiction totale avec son engagement affiché pour la fin des énergies polluantes. Un nouveau signe que les intérêts économiques des champions français ont la priorité sur la sauvegarde du climat.
« Make our Planet Great Again. » En 2017, après l'annonce du retrait des États-Unis de l'Accord de Paris par (…)

- COP30 au Brésil : diplomatie climatique et intérêts économiques / , , , , , , , , , , ,
Texte intégral (2552 mots)

Le gouvernement français a accrédité Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, dans sa délégation officielle à la COP30, ainsi que d'autres dirigeants d'Engie, EDF ou encore Vinci. En contradiction totale avec son engagement affiché pour la fin des énergies polluantes. Un nouveau signe que les intérêts économiques des champions français ont la priorité sur la sauvegarde du climat.

« Make our Planet Great Again. » En 2017, après l'annonce du retrait des États-Unis de l'Accord de Paris par Donald Trump lors de son premier passage à la Maison Blanche, Emmanuel Macron, fraîchement élu, s'était posé en champion du climat sur la scène mondiale.

Huit ans plus tard, Donald Trump et son administration ne se contentent plus de se retirer unilatéralement de l'Accord : ils cherchent désormais activement à saper le processus de négociations multilatérales et la science climatique. Quant au président français, son goût pour les grands discours et les coups de comm' ne se dément pas. De passage au Brésil pour le sommet des chefs d'État précédent la COP30 de Belém, il a fustigé les « prophètes de désordre » qui s'attaquent aux scientifiques et a appelé la communauté internationale à « tenir ses engagements climatiques ».

Des propos qui peinent à convaincre au regard des vents contraires au niveau international mais aussi du bilan d'Emmanuel Macron en matière d'écologie en France. Le président a annoncé à Belém le soutien sous condition de la France au « Tropical Forest Forever Facility » (TFFF), le mécanisme financier soutenu par le Brésil et la Banque mondiale et censé financer la lutte contre la déforestation des forêts primaires tropicales. Pourtant la déforestation se poursuit au Guyane française, alors qu'elle a marqué un net recul au Brésil cette année, faute de mécanismes de protection concrets. Emmanuel Macron a réitéré l'engagement de la France pour la sortie du charbon au niveau international, mais son gouvernement n'a toujours pas réussi à fermer les deux centrales électriques françaises qui fonctionnent avec cette source d'énergie. Il s'est vanté des nouveaux objectifs climatiques sur laquelle se sont entendus in extremis les États membres de l'Union européenne, alors que la France a poussé jusqu'à la dernière minute pour obtenir des assouplissements, notamment en matière de possibilité de recourir à des « crédits carbone » pour masquer en partie l'absence de progrès réels. Puis il est parti poursuivre son voyage d'affaires au Mexique.

Emmanuel Macron a aussi réaffirmé son soutien à l'objectif de sortie des énergies fossiles, indispensable pour réduire véritablement les émissions de gaz à effet de serre. Mais quelques jours plus tard, on apprenait que la délégation officielle de la France à la COP30 comptait dans ses rangs plusieurs dirigeants de grandes multinationales françaises, dont ceux de TotalEnergies, major du pétrole et du gaz. Au-delà du symbole, c'est un nouveau signe que les intérêts économiques des champions français continuent à avoir la priorité, pour la diplomatie française, sur la sauvegarde du climat.

Signer des contrats ou obtenir des avancées politiques concrètes ?

Depuis maintenant plus de dix ans, les conférences climat voient s'entremêler discours éloquents, négociations diplomatiques pointilleuses et événements promotionnels publics ou privés où les entreprises sont invitées à faire la promotion de leurs « solutions ». On y signe bien davantage de nouveaux contrats commerciaux que de nouveaux engagements diplomatiques concrets. Malgré l'absence hostile des États-Unis de Trump, la « COP de la mise en oeuvre » annoncée par le gouvernement brésilien semble bien partie pour se couler dans le même moule.

Parmi les événements organisés au Pavillon France de la COP30, plusieurs ont des visées commerciales à peine cachées.

L'action de la diplomatie française à Belém reflète cette dissonance. Côté pile, le gouvernement annonce son objectif de « renforcer le multilatéralisme » et « rehausser l'ambition climatique collective ». Côté face, ses représentants au Brésil et dans les agences chargées de la « diplomatie économique » s'activent depuis plusieurs mois pour faire la promotion des entreprises françaises. Le programme du « Pavillon France » à Belém en témoigne. Parmi de multiples événements valorisant l'expertise tricolore et la coopération scientifique ou culturelle entre France, Guyane française et Brésil, on en trouve plusieurs dont les visées commerciales sont à peine cachées.

Les champions nationaux Valeo, Vinci et Blablacar y invitent les délégués, par exemple, à une discussion sur la « mobilité verte » ce mercredi 12 novembre. Le géant français du sucre Tereos et la startup spécialisée dans le biochar Net Zero parleront le lendemain de « décarbonation des filières agricoles » avec l'agence de soutien à l'export Team France. Le vendredi, le Chambre de commerce France-Brésil, le Medef, et Entreprises pour l'environnement (le lobby du CAC40, président jusque récemment par Patrick Pouyanné de TotalEnergies qui est encore son vice-président) s'associeront à l'Ademe pour discuter de comment « intégrer climat, sobriété et biodiversité pour construire la résilience des chaînes de valeur et des territoires ». Quelques heures plus tard, Engie et Schneider Electric débattront de l'accélération de la transition énergétique. Le lendemain, ce sera le tour de la start-up Sweep (qui a accueilli en son sein l'ancien ministre Julien Denormandie), d'Alstom, d'EDF et encore de Schneider Electric.

Mise en scène

Sans trop de surprise, les associations écologistes ou de justice sociale ne seront pas invitées à s'exprimer lors de ces événements pour apporter une perspective différente, où l'action climatique ne se résumerait pas à la signature de nouveaux contrats et l'ouverture de nouveaux marchés avec la bénédiction des pouvoirs publics. Cette mise en scène savamment conçue positionner les multinationales tricolores en sauveurs intéressés du climat contribue aussi à occulter une autre réalité, celle de la responsabilité d'entreprises françaises – parfois les mêmes – dans la crise climatique et plus particulièrement dans la destruction de l'Amazonie. Cette responsabilité a parfois été directe, comme dans le cas des grands barrages hydroélectriques construits dans la région par Engie et EDF, dont l'Observatoire des multinationales a abondamment parlé dans le passé (lire notre enquête Grands barrages : les entreprises françaises à l'assaut de l'Amazonie), mais elle est surtout indirecte, à travers leurs financements (pour une banque comme BNP Paribas) ou leurs chaînes d'approvisionnement (pour les groupes de grande distribution), comme vient de le rappeler utilement un article de Mediapart.

Après son passage éclair à Belém, Emmanuel Macron a ouvert la porte à l'accord UE-Mercosur, provoquant la fureur du monde agricole français.

Les entreprises françaises seront aussi mises en valeur dans le cadre de l'AgriZone, un pavillon spécialement organisé par l'Embrapa, agence de recherche agricole du Brésil, l'équivalent de l'INRAE en France. Se présentant comme une « vitrine majeure des technologies, des sciences et de la coopération internationale axées sur l'agriculture durable et la lutte contre la faim dans un contexte de changement climatique », l'ensemble des événements est sponsorisé par des multinationales comme Bayer, le fabricant du Roundup, Nestlé ou encore Tereos (ainsi que la fondation Gates). Il sera beaucoup question de technologies et de mécanismes de marché, et très peu de remise en cause du modèle agro-industriel internationalisé qui lie indirectement beaucoup de groupes français à l'exploitation des ressources amazoniennes (terres, bois, matières premières agricoles, énergies, minerais). Des liens qui expliquent peut-être qu'après son passage éclair à Belém, Emmanuel Macron ait changé de ton sur le projet d'accord UE-Mercosur, ouvrant la porte à son adoption et provoquant la fureur du monde agricole français.

Le secteur des énergies fossiles en embuscade

Depuis quelques années, les ONG de la coalition « Kick Big Polluters Out » analysent la liste des participants accrédités aux conférences climat pour mettre en lumière la présence massive des représentants du secteur des énergies fossiles. L'année dernière en Azerbaïdjan, ils étaient 1773, 70 % de plus que le nombre combiné de représentants des dix pays les plus vulnérables au changement climatique. L'année d'avant à Dubaï, ils étaient 2456.

Petrobras, la puissante entreprise nationale du Brésil, projette une ombre significative sur la COP30

Les chiffres pour la COP de Belém ne sont pas encore connus, mais la présence de Petrobras, la puissante entreprise nationale du Brésil, projette déjà une ombre significative sur la conférence. Quelques jours à peine, son ouverture, elle a obtenu l'autorisation de lancer de nouveaux forages pétroliers au large de l'embouchure de l'Amazone, à quelques centaines de kilomètres des salles où se tient la conférence (lire COP30 : pourquoi le Brésil a autorisé des forages pétroliers au large de l'Amazonie).

Comme les éditions précédentes, la COP30 est sponsorisée par des grandes entreprises brésiliennes (ainsi que des constructeurs automobiles chinois et japonais). Ni Petrobras ni aucune représentante directe du secteur des énergies fossiles ne figure sur la liste, mais on y trouve, au premier rang, des grandes banques brésiliennes très impliquées dans le pétrole et le gaz, comme la banque publique BNDES ou Banco do Brasil.

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TotalEnergies omniprésente

En 2023 à Dubaï, la France avait emmené dans sa délégation officielle à la COP le patron de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Rien de tel en 2024 à Bakou, où la délégation française était de toute façon minimale en raison du froid diplomatique entre les deux pays. Le PDG du groupe pétrogazier avait été convié directement par la présidence azerbaïdjanaise. Plusieurs organisations de la société civile dont l'Observatoire des multinationales ont adressé il y a quelques jours, dans le cadre de la campagne Fossil Free Politics, une lettre ouverte à Emmanuel Macron et au gouvernement français demandant que la délégation officielle tricolore n'inclue pas à nouveaux de représentants du secteur des hydrocarbures.

Le groupe pétrogazier français était déjà totalement intégré aux initiatives de la diplomatie française autour de la COP.

Cette lettre était restée sans réponse... jusqu'à ce que l'on découvre la liste des participants. La délégation de la France inclut bien, comme à Dubaï, Patrick Pouyanné et d'autres cadres de TotalEnergies, ainsi que des dirigeants d'Engie, EDF ou encore Vinci. Tous sont accrédités au titre du « party overflow », c'est-à-dire qu'ils ont accès à tous les espaces de la conférence. Ils n'ont simplement pas le droit d'y parler au nom de la France (lire les explications de Mediapart).

Le groupe pétrogazier français était déjà totalement intégré aux initiatives de la diplomatie française autour de la COP. Sponsor de la saison culturelle France-Brésil, il était aussi présent au colloque économique franco-brésilien sur la transition énergétique organisé début novembre à Rio . Patrick Pouyanné était présent lors de la réunion avec les PDG français organisée à l'occasion de la visite de Lula à Paris en juin dernier. Partenaire stratégique de Petrobras associé à l'exploitation des immenses gisements offshore du « pre-sal », impliqué également dans le secteur des renouvelables depuis le rachat partiel de l'entreprise Casa dos Ventos, TotalEnergies est comme dans beaucoup d'autres pays un poids lourd des intérêts français au Brésil.

Reculs

En phase avec l'air du temps, les PDG des majors pétrolières et des multinationales occidentales en général seront plutôt discrets au Brésil cette année. Le patron d'ExxonMobil, qui a participé à des événements à São Paulo en amont de la COP, a accordé à cette occasion un entretien au Financial Times annonçant un ralentissement de ses investissements dans les énergies renouvelables. De son côté, TotalEnergies est devenu en pleine COP30 opérateur d'un nouveau champ pétrolier offshore au large de la Guyana, là encore non loin de Belém.

TotalEnergies a publié il y a quelques jours son nouveau rapport sur l'évolution du système énergétique mondial, annonçant que le maintien du réchauffement des températures en deçà de 2°C était désormais hors de portée et que la demande de pétrole continuerait à augmenter dans les années à venir. La faute à la « fracturation géopolitique » et à l'absence de « coordination internationale ». Une impuissance que le choix de laisser grande ouverte les portes des conférences climat aux lobbyistes des multinationales n'aura fait qu'aggraver.

8 / 10

 

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