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03.07.2025 à 12:49

« Pognon de dingue » : le nécessaire débat sur les aides publiques aux entreprises aura-t-il enfin lieu ?

Pauline Gensel
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Comment des entreprises qui touchent des aides publiques peuvent-elles continuer à supprimer des emplois tout en augmentant leurs dividendes ? Une commission d'enquête sénatoriale s'est chargée de répondre à cette question.

- Aides publiques aux entreprises : l'indispensable débat / , , ,
Texte intégral (3422 mots)

Comment des entreprises qui touchent des aides publiques peuvent-elles continuer à supprimer des emplois tout en augmentant leurs dividendes ? Une trentaine de grands patrons ont été auditionnés dans le cadre d'une commission d'enquête sénatoriale chargée de répondre à cette question. L'occasion de passer au crible le « pognon de dingue » consacré au secteur privé alors même que la France s'enfonce dans la crise budgétaire.

Selon les calculs de l'IRES dans son rapport « Un capitalisme sous perfusion », publié en 2022, le montant des aides aux entreprises a plus que triplé entre 1999 et 2019, passant de 50 à 157 milliards d'euros, soit 30% des dépenses du projet de loi de finances 2021 – trois fois plus que le budget de l'Éducation nationale. S'y sont ajoutés les dispositifs d'urgence liées à la crise Covid, estimées par Bruno Le Maire à 240 milliards d'euros en août 2021, auxquels se sont plus ou moins additionnés le plan de relance (100 milliards d'euros) ou encore le plan France 2030 (34 milliards).

Il est un autre chiffre qui a augmenté au même rythme, sinon plus rapidement encore : les dividendes versés par les grands groupes à leurs actionnaires. Après avoir augmenté de 265% entre 2000 et 2019 pour atteindre 49,2 milliards d'euros, ils ont battu des records historiques ces dernières années, jusqu'à culminer à 74 milliards d'euros au titre de l'année 2023, à quoi s'ajoutent plus de 20 milliards d'euros en rachats d'actions.

En 2024, 564 plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été validés et/ou homologués, soit 41% de plus qu'en 2023.

En face, les effectifs des grandes entreprises en France fondent comme neige au soleil. Ils ont diminué de 12% pour les sociétés du CAC 40 entre 2000 et 2019. Et la situation ne va pas en s'améliorant. Michelin, Auchan, Valeo, Vencorex, Exxon… En 2024, 564 plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été validés et/ou homologués d'après les statistiques de la Dares, soit 41% de plus qu'en 2023. Près de 56 000 emplois directs sont concernés. De quoi pousser le Premier ministre Michel Barnier, en novembre dernier, à s'interroger sur « ce qu'on a fait, dans ces groupes, de l'argent public qui leur a été donné ».

C'est tout l'objet de la commission d'enquête mise en place au début de l'année par le Sénat que de comprendre comment on a pu en arriver là [1] : comment sont utilisées les aides publiques aux entreprises, si elles répondent à des objectifs précis (économique, social, environnemental), si elles sont efficaces, si elles sont suffisamment suivies, contrôlées et évaluées. Les sénateurs s'interrogent aussi sur d'éventuelles conditions ou contreparties qui pourraient être exigées par la puissance publique, notamment en termes d'emploi et de niveau de dividendes.

Lire aussi Allô Bercy

Constats partagés et différences de fond

Les auditions qui se sont étirées sur trois mois ont permis aux sénateurs d'entendre des experts, des hauts fonctionnaires, des responsables publics et des patrons de grandes entreprises [2]. Elles ont aussi permis de confirmer que certains constats étaient très largement partagés : le trop grand nombre d'aides publiques et leur complexité, les carences de l'évaluation, les difficultés à établir un chiffrage fiable et consensuel du coût des différentes aides pour les finances publiques.

Les discours convenus du patronat ont parfois été battus en brèche y compris par certains représentants du monde économique.

Interpellés sur le montant faramineux des soutiens publics aux entreprises en France, les patrons tout comme les hauts fonctionnaires de Bercy ont brandi les antiennes habituelles sur le coût élevé du travail en France, le poids comparativement élevé de la fiscalité et des régulations, et le besoin de défendre les entreprises tricolores face à la compétition internationale féroce. Mais ces discours convenus ont parfois été battus en brèche y compris par certains représentants du monde économique.

Les patrons auditionnés par les sénateurs ont accepté de donner des chiffres - certes très partiels – sur les aides publiques que reçoivent leur groupe (à l'exception de Google France) et ont entrouvert la porte à une plus grande transparence sur ce point. Beaucoup d'entre eux se sont même déclarés en accord avec le principe d'introduire certaines formes de conditionalités aux aides publiques, voire de les rembourser dans certains cas. Ils ont cependant été unanimes dans leur opposition à toute mesure qui entraverait leur liberté de supprimer des emplois s'ils le jugent nécessaires, ainsi qu'à toute disposition qui établirait un lien entre aides publiques reçues et dividendes versés aux actionnaires.

Sur tous ces points, lire Transparence, conditions, compétitivité, dividendes... Que retenir de la commission d'enquête sur les aides aux entreprises ?

« Je referais exactement la même chose » : les macronistes fiers de leur bilan

Ce n'est pas la première fois que ces débats ont lieu. Tout au long de l'année 2020, syndicats de salariés et élus de l'opposition ont demandé des contreparties contraignantes en matière d'emploi et d'écologie en échange des aides d'urgence et des 10 milliards de baisse d'impôts de production prévus dans le plan de relance. Sans succès, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire s'opposant à ce que des conditions strictes soient imposées aux entreprises.

Au printemps 2021, la Convention citoyenne pour le climat a à nouveau proposé de conditionner les aides (hors celles destinées aux TPE et PME) « à un engagement solide sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Comme la plupart de leurs demandes, cette proposition n'a pas été retenue.

La même année, un rapport parlementaire sur les aides publiques aux entreprises, porté par Stéphane Viry (LR à l'époque, LIOT aujourd'hui), pointait l'insuffisance des conditionalités et appelait à « un objectif politique et un ciblage clairement définis, une réelle traçabilité des aides publiques, des indicateurs de suivi consolidés et partagés, des mécanismes d'accompagnement et de contrôle (voire de sanction) ». Il proposait de créer un Office parlementaire commun d'évaluation des aides publiques nationales aux entreprises. Là encore, rien n'a été fait.

Les mesures de soutien au secteur privé se sont multipliées durant les deux derniers quinquennats, suivant le dogme de la politique de l'offre défendu par Emmanuel Macron.

Au contraire, les mesures de soutien au secteur privé se sont multipliées durant les deux derniers quinquennats, suivant le dogme de la politique de l'offre défendu par Emmanuel Macron. Son ministre Bruno Le Maire a d'ailleurs fièrement déroulé, lors de son audition par les sénateurs, la liste de mesures de soutien aux entreprises qu'il a portées : réduction de l'impôt sur les sociétés de 33,3 à 25%, mise en place de la « flat tax » à 30%, baisse des impôts de production, suppression progressive de la contribution sur la valeur ajoutée (aujourd'hui reportée), plan de décarbonation pour les secteurs les plus polluants, création d'un crédit d'impôt pour l'industrie verte. En contrepartie, il a expliqué avoir « réduit les aides aux chambres de commerce et d'industrie », « transformé les CICE en allègements de charges pérennes » - pour un coût identique pour les finances publiques comme l'indiquait le Conseil d'analyse économique dans une note de 2019 - et « encadré le CIR » en supprimant le doublement de la prime pour les jeunes doctorants et en excluant les dépenses non directement liées à la R&D. « Si c'était à refaire, je referais exactement la même chose », a-t-il déclaré, concernant les aides Covid.

Bruno Le Maire a même invité les sénateurs à aller encore plus loin, en allégeant encore « le poids des prélèvements et des impôts » sur les entreprises et en augmentant le soutien à l'investissement dans la décarbonation, dans l'industrie et dans la recherche, dans un contexte de « mondialisation cannibale » : « Je ne vous propose pas d'être des cannibales parmi les cannibales, je propose juste de ne pas nous laisser dévorer tout cru en prenant un certain nombre de mesures en matière de soutien aux entreprises et d'aides aux entreprises. »

Alors que le gouvernement cherche 40 milliards d'économie budgétaire pour 2026 – après avoir rogné dans les finances des collectivités territoriales (2,2 milliards d'euros), dans les aides en faveur de la transition écologique (21 milliards) ou encore dans le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur (1 milliard) en 2025 –, la proposition interroge. D'autant que le bilan de la politique de l'offre en matière d'emploi, de réindustrialisation ou de partage des richesses – les auditions de la commission l'ont abondamment rappelé – n'apparaît pas aujourd'hui comme une réussite spectaculaire.

Réduire les aides publiques aux grandes entreprises pourrait au contraire être une hypothèse mise sur la table. François Bayrou l'a dit lui-même dans un entretien au JDD le 3 avril : il demandera « des efforts à tout le monde ».

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Quelles propositions ?

Au-delà de l'urgence de boucler le budget 2026, les travaux de la commission d'enquête sénatoriale seront-ils l'occasion de remettre un peu d'ordre dans le maquis des aides aux entreprises ? Beaucoup de préconisations ont été mises sur la table durant les auditions, que l'on pourrait retrouver dans le rapport final des sénateurs : donner une définition de ce que l'on entend par « aides publiques », mieux contrôler, mieux évaluer…

Du côté des dirigeants d'entreprises, on a surtout mis l'accent sur la simplification, qui pourrait passer par un guichet unique chargé de distribuer les aides. « Il faut simplifier et rendre plus lisible l'accès aux aides, a suggéré Stéphane Hayot, directeur général du groupe Bernard Hayot. Il n'existe pas de base de données unique et complète permettant de recenser de manière exhaustive l'ensemble des dispositifs disponibles pour un territoire donné. »

Un constat que partage auprès de l'Observatoire une sénatrice membre de la commission : « Nous avons l'art de la complexité des dossiers et des délais extrêmement longs. Les grands groupes ont du personnel chargé de monter ces dossiers, mais beaucoup de TPE, de PME et d'ETI ne peuvent pas se le permettre. Si nous voulons que nos aides soient efficaces, il faut aussi qu'elles soient accessibles et que les mécanismes soient simples, ce qui permettra aussi à l'administration de mieux contrôler. »

Les aides pourraient être limitées aux entreprises qui respectent la loi, en terme d'embauche de travailleurs handicapés ou d'égalité femmes-hommes par exemple, à celles qui s'inscrivent dans une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Concernant les conditions qui pourraient être mises à l'obtention d'une aide publique, en revanche, aucun consensus ne semble se dégager. Pour Laurent Cordonnier, économiste qui a contribué au rapport « Un capitalisme sous perfusion », les critères de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises sont des indicateurs simples qui pourraient être suivis. « L'avantage d'un tel système, où l'État verserait des aides en indiquant l'objectif d'amélioration attendu s'agissant d'un critère RSE précis - ces indicateurs sont parfaitement mesurables et contrôlables, puisqu'ils sont déjà utilisés par les entreprises -, serait de montrer que l'argent public a été utilisé à bon escient. »

Pour d'autres, les aides pourraient être limitées aux entreprises qui respectent la loi, en terme d'embauche de travailleurs handicapés ou d'égalité femmes-hommes par exemple, à celles qui s'inscrivent dans une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou encore à celles qui paient leurs impôts en France et n'ont pas recours à des dispositifs d'optimisation, voire de fraude fiscale.

Concernant les dividendes, le sénateur centriste Daniel Fargeot a été jusqu'à suggérer de déduire les aides publiques versées aux entreprises de leurs résultats distribuables. Le président de la commission, Olivier Rietmann, a déjà indiqué qu'il ne souscrivait pas à cette proposition. Pas plus que les grands patrons et le ministre de l'Économie Éric Lombard, totalement d'accord pour séparer la question des aides et celle des versements aux actionnaires : « Il faut distinguer la rentabilité courante d'une entreprise et le rôle des aides publiques, qui peuvent l'augmenter ou pas. Il revient aux dirigeants de l'entreprise, avec les actionnaires, de décider ce qu'ils font du résultat après impôt qui est dégagé. »

L'idée a aussi été avancée de créer une commission nationale des aides publiques, rattachée au Parlement, qui pourrait être chargée d'évaluer l'efficience des mécanismes de soutien aux entreprises. Elle pourrait réaliser des études d'impact avant qu'un dispositif ne soit mis en place et supprimer des dispositifs qui n'ont aujourd'hui aucun effet, comme les exonérations de cotisations sociales sur les salaires dépassant 1,6 fois le Smic - ce qui pourrait permettre de récupérer 20 milliards d'euros sur les 75 milliards d'exonérations annuelles, selon les estimations de Laurent Cordonnier.

Une question de volonté politique

En 2000, l'Assemblée nationale avait validé la création d'une commission nationale et de vingt-deux commissions régionales chargées de contrôler l'utilisation des aides publiques aux entreprises.

Une telle instance a déjà existé. En 2000, l'Assemblée nationale avait adopté la proposition de loi du député communiste Robert Hue instaurant la création d'une commission nationale et de vingt-deux commissions régionales chargées de contrôler l'utilisation des aides publiques aux entreprises. Cette initiative faisait suite à l'annonce simultanée par Michelin d'une progression de 17% de son résultat net et de la suppression de 7500 emplois en Europe, alors que le groupe avait perçu, en 15 ans, 10 milliards de francs d'aides publiques à l'emploi. Composée de parlementaires, de représentants de l'État, de délégués syndicaux et patronaux, d'associations de chômeurs et de personnalités issues de la Cour des comptes et de la Banque de France, la commission était chargée d'évaluer l'impact économique et social des dispositifs de soutien aux entreprises et pouvait exiger de suspendre, supprimer ou exiger le remboursement des aides si le bénéficiaire ne respectait pas ses engagements. Elle n'a jamais été convoquée par le gouvernement de l'époque et a été supprimée deux ans plus tard. « On a considéré qu'elle risquait d'être trop interventionniste, a pointé Anémone Cartier-Bresson, auteur du livre Droit des aides publiques aux entreprises (2020). Le contexte a peut-être changé depuis… »

Le sujet semble en tout cas remis sur le devant de la scène. À l'Assemblée nationale, une commission d'enquête parallèle, à l'initiative du député Génération.s Benjamin Lucas, se penche aussi sur la question des aides publiques aux entreprises face à la multiplication des plans de licenciements. « Si l'on arrive à des consensus sur certains points, comme le plafonnement et le conditionnement des aides publiques ou le remboursement en cas de mauvais usage, ce serait une belle avancée, imagine Benjamin Lucas. Et nous pourrions arriver à la rentrée parlementaire en septembre avec une proposition de loi d'urgence face aux licenciements, portée collectivement. »

Le député écologiste Nicolas Bonnet a quant à lui déposé une proposition de loi visant à instituer une transparence des aides publiques aux entreprises de plus de 10 000 euros, afin de connaître précisément les sommes distribuées et de les rendre accessibles à tous. L'idée ? Que chaque organisme d'État, lorsqu'il verse une aide, la renseigne directement en ligne, afin que les montants soient agrégées sur une seule et même plateforme. En tant qu'ancien ingénieur en informatique, il estime qu'il n'y aurait aucun frein technique à un tel dispositif. « Cela permettrait d'avoir un suivi des grandes masses versées année après année, de pouvoir ensuite faire du reporting, de voir si on a maintenu artificiellement en vie une entreprise, de constater les domaines qui ont été plus aidés et s'ils en avaient besoin ou non, pour pouvoir peut-être redistribuer différemment, sur des activités où la France a perdu sa souveraineté par exemple. »

Reste bien sûr à voir si ces rapports et propositions de loi seront suivis d'effets et s'ils ne serviront pas, comme l'indiquait l'économiste (et compagnon de route de l'Observatoire des multinationales) Maxime Combes durant son audition, « à caler une armoire au fin fond des bureaux du Sénat ». Au vu de la situation budgétaire, ce serait une opportunité gâchée.


[1] Portée par le sénateur communiste Fabien Gay et présidée par le républicain Olivier Rietmann, la commission d'enquête sur les aides publiques aux grandes entreprises a démarré ses travaux début février. Elle se concentre sur les grandes entreprises, définies comme celles employant plus de 1000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net mondial d'au moins 450 millions d'euros, tout en évoquant aussi le sujet des sous-traitants, TPE et PME. 32 patrons d'entreprises ont été auditionnés, dont 19 à la tête de groupes cotés au CAC40. Elle doit rendre son rapport le 8 juillet.

[2] Maxime Combes et Olivier Petitjean de l'Observatoire des multinationales ont également été auditionnés par la commission.

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