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12.09.2023 à 18:48

Folashadé Soulé : “La Chine est un partenaire plus flexible, plus rapide pour l’Afrique, même si cela comporte également des risques”

observatoirenrs

Texte intégral (3475 mots)

Dans le cadre des 10 ans des Nouvelles Routes de la Soie, l’OFNRS mène divers entretiens avec des spécialistes. Aujourd’hui, nous parlons des relations Afrique-Chine.

Madame Folashadé Soulé, pouvez-vous vous présenter, notamment votre parcours personnel et académique ?

Je suis chercheuse en Relations Internationales à l’université d’Oxford au Royaume – Uni, plus précisément au Blavatnik School of Government où je travaille sur les questions liées à l’Afrique dans les relations internationales et plus précisément, les relations Afrique-Chine. Je préfère utiliser la dénomination des « relations Afrique-Chine » plutôt que l’inverse car la position que j’adopte étudie la manière dont les acteurs africains organisent leurs relations avec les acteurs chinois. Dans la littérature, le contraire ,c’est-à-dire les stratégies de la Chine en Afrique sont davantage étudiées. J’ai donc choisi ce focus de l’Afrique vers la Chine et comment les acteurs africains organisent cette relation. Plus précisément encore, je regarde comment les acteurs (à la fois au sens des gouvernements et des acteurs non étatiques) négocient ces partenariats avec la Chine que ce soit dans le domaine des infrastructures physiques (routes, ponts, bâtiments administratifs…) ou soit dans d’autres secteurs. Actuellement je dirige un projet de recherche sur les négociations dans le digital et les négociations dans le domaine des minéraux stratégiques où j’interroge les pratiques de négociation et comment les acteurs africains gèrent ces relations dans un contexte de rivalités géopolitiques.

On assiste depuis quelques années maintenant à un développement des relations économiques, politiques et diplomatiques entre les pays caractérisés comme des pays en développement : d’un point de vue de chercheur, quelle est la différence entre les dynamiques Sud-Sud et les dynamiques Nord-Sud ? Comment cela s’exprime pour le continent africain ? (dans un second temps comment cela s’explique pour le Bénin).

Les relations sud-sud ne sont pas récentes, elles ont commencé surtout dans les années 1950 avec un focus plus idéologique et sous forme de coopération technique, notamment des échanges entre pays africains. Progressivement cela s’est étoffé. Je vous renvoie à l’article que j’ai publié dans la revue Afrique Contemporaine et qui s’intéresse aux relations sud-sud et leurs évolutions historiques, ainsi que les contours de cette évolution[1]. La Chine y a joué un grand rôle car elle est devenue le partenaire commercial de bon nombre de pays africains.

C’est le premier partenaire bilatéral et financier externe en termes du financement des infrastructures. Je précise « externe » car les pays africains sont les premiers à financer les infrastructures sur leurs budgets nationaux.

Au fur et à mesure on voit que ces relations se sont étoffées notamment avec la Chine mais aussi avec l’Inde, le Brésil, la Turquie et dans des secteurs divers qui vont de l’économie à la culture ou encore l’éducation (un nombre important des bourses qui sont fournies aux étudiants africains viennent de différents pays du Sud.) On assiste à un changement de ces rapports qui sont densifiés et dans le même temps on assiste à une diminution relative des échanges économiques avec certains partenaires traditionnels sauf dans le domaine des investissements directs à l’étranger (IDE), où les partenaires classiques comme la France, Etats-Unis ou les Pays-Bas selon le rapport de la CNUCED reste les premiers investisseurs en Afrique.

Au Bénin, sous le Président Kérékou (1972-1991), l’acteur chinois était déjà un partenaire privilégié. C’était l’époque de la Guerre froide et donc de la proximité idéologique. Il y avait déjà plusieurs projets notamment dans le domaine du coton à Lokossa. Un autre projet emblématique est le stade de l’amitié dont le nom complet est en fait, Stade de l’Amitié entre les peuples béninois et chinois. La Chine entreprend beaucoup de projets qui se veulent proches du peuple. C’est donc idéologique et populaire : ce sont des projets qui doivent servir au peuple, afin qu’il se rappelle ce qui a été offert par le partenaire chinois.

Ces relations ont évolué sous le Président Soglo, et après la Conférence des Forces Vives de la Nation (1990). Nous sommes repartis vers une dynamique plus classique plus orientée vers les partenaires occidentaux dont le France et les Etats Unis. La Chine était présente mais pas autant que les autres partenaires. Il y a eu un vrai changement sous le président Yayi Boni qui était très impliqué dans les affaires étrangères. Il considérait réellement la Chine comme un modèle économique et de développement. C’est également lui qui a œuvré pour que la Chine entre au Conseil d’administration de la BOAD. L’idée était donc d’apprendre du « modèle chinois » et au niveau des infrastructures, la Chine a financé et exécuté plusieurs projets stratégiques routiers et administratifs.

Cela signifie également plus de bourses pour les étudiants béninois. Ce qui est intéressant c’est que ces étudiants à leur retour au Bénin, deviennent des relais entre la Chine et le Bénin, au niveau des rapports commerciaux mais également en tant qu’interprètes pour les entreprises chinoises comme Huawei qui s’implantent. De plus, le centre d’affaires chinois à Ganhi sert de vitrine aux produits chinois et permet notamment aux commerçants béninois de s’approvisionner en gros mais aussi d’avoir des interlocuteurs directs. C’est à ces différents niveaux qu’on remarque la présence chinoise au Bénin.

La Chine est également de plus en plus présente au niveau militaire. Non en termes de troupes au sol, mais en termes d’infrastructures militaires et d’équipements. En somme, la Chine est hyperactive : elle est présente à plusieurs niveaux avec une offre qui est plus intégrée et complète.

Dans ce sens, et à travers vos recherches, comment évaluez-vous et qualifieriez – vous l’état des relations sino-africaines notamment au cours des 10 dernières années ?

Il y a des changements à plusieurs niveaux. Je vais en développer deux essentiellement.

Premièrement, la Chine est un peu affectée par la diversification de l’offre depuis quelques années. C’est-à-dire que d’autres partenaires tels que la Turquie ou l’Inde deviennent maintenant des compétiteurs pour la Chine. Ces partenaires aussi cherchent des marchés pour leurs entreprises. Je pense notamment au Bénin et au Sénégal par exemple, avec les entreprises telles que Summa (entreprise de construction turque). La Chine se retrouve donc à devoir faire davantage de concessions sur certaines choses. Il faut noter qu’il y a de plus en plus de critiques de l’offre chinoise. Au départ, les critiques étaient plutôt dirigées vers la qualité de certains matériaux, les travailleurs chinois qui étaient souvent plus favorisés que les locaux et on retrouve également des critiques envers un certain non-respect des normes environnementales, de construction…Les contrats d’infrastructure chinois sont souvent des projets « clés en mains »,où tout est livré directement au bénéficiaire. Le problème qui se posait est que toutes les composantes étaient chinoises et de ce fait il y a eu des critiques de plus en plus fortes vis-à-vis de ce modèle. On voit désormais un changement dans le sens où aujourd’hui les acteurs africains négocient mieux ces contrats. Précisément, les évaluations sont désormais faites par des cabinets indépendants par exemple. Au Bénin, le projet d’asphaltage des routes a été négocié de sorte à ce que les Béninois aient accès au terrain afin de vérifier la qualité des travaux. Il y a donc une évolution qui s’accompagne de plus en plus de critiques et de diligence de la part des acteurs africains.

Deuxièmement, les opinions publiques évoluent. L’institut d’enquêtes Afrobarometer publie régulièrement des enquêtes d’opinions et on constate que l’influence de la Chine est toujours vue comme très positive. Mais le pourcentage décroît progressivement. Il y a des critiques notamment vis-à-vis de la question de la dette.

Quel est votre avis de chercheur sur l’acteur chinois et ses relations avec l’Afrique? Dans quelles mesures serait-il ou non, un acteur mieux adapté à l’Afrique ?

Je dirais que la Chine a su profiter d’un manque, voire d’un désintérêt des partenaires traditionnels dans un premier temps. C’est-à-dire que les pays africains ont un réel besoin de provision en infrastructures. Il s’agit d’une priorité pour bon nombre de gouvernements africains dans leurs plans de développement. Les pays occidentaux ont progressivement arrêté de financer ces projets. La plupart des projets d’envergure que la Chine met en œuvre sur le continent sont des projets qui avaient été proposés dans un premier temps à des partenaires occidentaux ou à des banques multilatérales mais qui n’ont pas été considérés. Pareil dans les critères du CAD (Comité d’Aide au Développement) de l’OCDE et dans leurs statistiques, les infrastructures ne sont pas considérées comme une aide au développement. On est donc dans quelque chose de plus fondamental et conceptuel. La question qui se pose est « est-ce que les infrastructures conduisent au développement économique et social » ? Pour la Chine c’est oui, mais pour les pays du Nord c’est plutôt la gouvernance, la santé, l’éducation, le respect des droits de l’homme etc… Donc, il y a deux visions différentes. Pour les pays africains, la Chine a comblé ce vide en apportant des financements. Cet engagement était en lien avec ses propres intérêts puisque les entreprises chinoises cherchaient également des débouchés à l’étranger. Il faut savoir qu’il y a eu une surproduction de certains matériaux en Chine (aluminium, cuivre…). Au niveau des relations Chine-Afrique dans le domaine des infrastructures, l’offre rencontra la demande.

La Chine est également considérée comme un partenaire plus flexible, plus rapide, même si cela comporte également des risques. Il reste que les gouvernements africains sont face à une course car, un gouvernement nouvellement élu à 5 ans pour délivrer des projets afin de pouvoir être réélu. D’un point de vue politique et électoral c’est très avantageux et stratégique pour le parti politique en place de choisir la Chine comme partenaire. À ce niveau, la Chine est mieux adaptée. Globalement, la Chine s’est montrée plus à l’écoute des priorités affichées par les différents pays. Si on regarde dans le détail, on peut trouver des critiques, mais les experts se rejoignent sur le fait que la Chine a joué un grand rôle dans la croissance et le développement d’un bon nombre de pays africains.

Il y a néanmoins des aléas. Notamment cela crée une autre forme de dépendance, et de risques. La Zambie par exemple à un taux élevé d’endettement envers la Chine et a fait défaut.

Comment les partenariats entre la Chine et l’Afrique pourraient-ils être améliorés pour mieux répondre aux besoins et aux priorités des partis concernés pour éviter un certain rapport de dépendance ?

Il n’y a pas vraiment de rapport de dépendance uniquement envers la Chine à proprement parler. On parlait tantôt de diversification de l’offre et donc les pays du Nord reviennent sur la scène africaine (cf les Etats-Unis et leur nouvelle politique Afrique, l’Allemagne, la France…). Là où les pays africains pourraient plutôt s’améliorer c’est en élaborant des meilleures stratégies. Par exemple, le Sénégal avait déjà une stratégie précise en termes d’infrastructures et c’est en fonction de cette stratégie et agenda qu’elle cherche des partenaires adaptés en termes de financement notamment. C’est une question de gestion des affaires publiques, comment s’organiser en interne et apprendre à mieux connaître ses partenaires.

Il faut le dire, les décideurs africains ont pour beaucoup été formés en France, en Europe et aux Etats Unis pour beaucoup. Ils sont également davantage habitués à gérer les partenariats et ) négocier avec des partenaires traditionnels. De ce fait, ils ont eu du mal à s’adapter aux pratiques de négociation avec l’acteur chinois qui négocie de manière différente avec la présence concertée de représentants de chefs d’entreprises nationales ou provinciales, des banques de développement comme la China Exim Bank, des représentants des missions économiques chinoises et de représentants diplomatiques dont souvent l’ambassadeur. On peut parler d’un capitalisme d’État dans le sens où à la table des négociations ces acteurs représentantes à la fois les intérêts économiques et l’Etat et arrivent à parler d’une seule voix. Les négociations sont également considérées comme étant plus agressives et l’utilisation du mandarin, que peu de négociateurs africains maîtrisent peut également créer un ensemble de mauvaises interprétations.

Je dis souvent qu’il faut capitaliser sur les étudiants et ceux qui sont passés par la Chine car ils connaissent la langue et la culture chinoise. Ce sont des éléments qui aident à mieux comprendre le partenaire. Il faut savoir également jouer sur la compétitivité de ces acteurs. Par exemple, l’Éthiopie a su mettre les différents acteurs en compétition dans le projet de privatisation de la licence télécom et ainsi faire augmenter l’offre des différents partenaires.

Vous avez présidé un atelier de travail Afrique-Chine avec le Collective for Renewal of Africa au cours duquel vous avez discuté de la meilleure façon d’améliorer les cadres de gouvernance dans les relations Afrique-Chine. Pourriez-vous nous en parler? Quelles conclusions ont été tirées?

Deux secteurs ont été principalement abordés : le digital et la sécurité. Ce qui est ressorti c’était la question de la stratégie notamment dans le domaine du digital. C’est-à- dire tout ce qui concerne la protection des données, des transferts de technologie et qui doit faire partie d’un cadre de gouvernance adapté entre les partenaires mais d’abord en interne. En effet, beaucoup de pays africains se sont engagés dans un processus de transformation digitale mais sans stratégie adéquate au-delà des grands principes. Il faut notamment dans un contexte de rivalités géopolitique, intégrer tous ces éléments dans les contrats afin que les différents acteurs s’alignent dessus. Sur la question sécuritaire l’une des conclusions était une meilleure intégration de la sécurité humaine dans les projets chinois afin de trouver des solutions et de prévenir les cas de maltraitance des ouvriers, ou d’accidents de travail qui doivent faire l’objet d’une attention particulière.

Comment l’agenceité (l’action, la capacité d’agir dans le sens de agency) de l’Afrique influence-t-elle sa capacité à négocier avec la Chine et à participer aux relations internationales notamment dans le cadre des BRI ?

Il y a plusieurs éléments qui peuvent entrer en compte mais il est nécessaire d’avoir une meilleure organisation. Ça parait simple mais très efficace – il faut davantage prendre le temps pendant les négociations et les rendre moins expéditives.

Un autre élément de cette agencéité, comme on l’a dit plus haut, c’est de jouer sur la compétitivité des acteurs pour valoriser l’offre. C’est la capacité de l’Afrique à jouer de ce rapport asymétrique pour faire valoir ses intérêts qui est importante ici.

En guise de conclusion , la question qui se pose c’est de savoir comment les partenariats Afrique-Chine peuvent-ils être améliorés non seulement pour répondre au besoin du continent mais aussi à ceux de la Chine.

L’Afrique pour la Chine représente une faible part de leur commerce extérieur. Mais elle est stratégique en termes de soutien politique. C’est surtout dans les organisations internationales qu’on constate une forte corrélation entre les votes des pays d’Afrique et ceux de la Chine. Politiquement le continent est important pour la Chine. Il faut être conscient de tous ces éléments lors des négociations avec la Chine car il y a toutes ces considérations politiques à prendre en compte pour obtenir une offre plus favorable aux pays africains.


Propos recueillis par Raïnath Sylla, Analyste stagiaire Afrique de l’Ouest

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10.09.2023 à 16:16

Les Émirats arabes unis imposent leur rang régional dans la BRI

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Le spécialiste des relations Chine-Golfe, Jonathan Fulton, identifie quatre périodes permettant de décrire l’évolution des

L’article Les Émirats arabes unis imposent leur rang régional dans la BRI est apparu en premier sur Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie.

Texte intégral (7613 mots)

Le spécialiste des relations Chine-Golfe, Jonathan Fulton, identifie quatre périodes permettant de décrire l’évolution des relations entre les Émirats arabes unis (EAU) et la République populaire de Chine (RPC)1.

La première est dite celle de l’indifférence (1949-1965) : les deux pays maintenaient des idéologies qui ne se rencontrent pas, de même qu’ils ne possédaient pas d’intérêt stratégique l’un envers l’autre.

La période suivante s’est traduite par l’hostilité (1966-1971) causée par la Révolution culturelle et la défiance que celle-ci a provoqué chez les dirigeants des États de la Péninsule arabique envers la Chine.

Le rapprochement diplomatique et stratégique entre les deux pays s’est effectué au cours d’une troisième période : celle de la transition (1971-1990). La Chine parvient à imposer une politique étrangère plus pragmatique. Après une tentative avortée de reconnaissance diplomatique lors de l’année de formation des Émirats arabes unis tel que nous les connaissons aujourd’hui, en 1971, les deux pays scelleront officiellement leurs relations en 1984.

Vint ensuite une période d’interdépendance (1990- 2012). Les échanges commerciaux progressent et s’intensifient et, en 2012, la visite aux Émirats arabes unis du Premier ministre Wen Jiabao marque l’occasion de porter la relation bilatérale au statut de partenariat stratégique (strategic partnership). Les Émirats arabes unis deviennent ainsi le premier État du Golfe à sceller un tel type d’accord avec l’Empire du Milieu.

Avant même le lancement de la BRI, les relations politiques et économiques étaient investies, de même que déjà certains autres domaines. Retour sur les composantes d’une relation bilatérale plurielle.

Coordonner les politiques conjointes : les grands actes de la relation diplomatique

Le Sultan Al Jaber, alors ministre d’État pour les Affaires étrangères, assiste à la première Conférence de la Ceinture et de la Route à Pékin et en revient convaincu que le projet de Xi Jinping constitue pour Abou Dhabi « un pont reliant notre futur commun »2.

Un an plus tard, en 2018, la relation sino-émirienne se teintent d’une nouvelle couleur après que la visite de Xi Jinping à Abou Dhabi permit une fois de plus d’élever la relation bilatérale, cette fois-ci au rang de partenariat stratégique global (comprehensive strategic partnership). Cette rencontre marquait également la première visite d’État d’un président chinois dans la région du Golfe depuis presque 30 ans. C’est donc en 2018 que la relation sino-émirienne a pris le cap plus assumé qui se dessine encore à l’heure actuelle. Un important nombre de domaines sont alors officiellement investis entre les deux pays.

Timbres produits à l’occasion de la visite de Xi Jinping à Abou Dhabi pour fêter les 34 ans des relations entre les Emirats arabes unies et la RPC

En avril 2019, Mohammed ben Rashid Al Maktoum retrouvait Xi Jinping à Pékin. La réunion s’est tenue en marge de la Deuxième Conférence de la Ceinture et de la Route pour la coopération internationale. Le Premier ministre affirmait alors que la collaboration avec la Chine servait la vision stratégique future des Émirats arabes unis et soutenait les objectifs des deux pays pour accélérer le développement.

Trois mois plus tard, c’était au tour de Mohammed ben Zayed d’être reçu à Pékin. Cette fois, les objectifs tirés des précédentes visites ont pu être affinés. Xi disait alors attendre le développement du projet du terminal 2 de conteneurs du port de Khalifa et la Zone de démonstration de coopération de capacités Chine-EAU. Le président chinois a exprimé son souhait de voir réaliser l’objectif de 200 milliards de dollars de commerce à double sens d’ici 2030. Aujourd’hui, certaines de ces initiatives ont bien avancé. Nous analysons dans cet article les tenants des différents projets de développement qui lient la Chine aux Émirats arabes unis.

Transport aérien et maritime : comment les Émirats arabes unis usent de leurs atouts pour se démarquer de leurs voisins

Les Émirats arabes unis comptent sur leurs installations aériennes et maritimes pour servir la BRI et se placer en acteur nécessaire à l’articulation du projet dans la région du Moyen-Orient.

L’aéroport international de Dubaï (DXB)

Si l’aéroport international de Dubaï est l’un des aéroports les plus achalandés au monde, celui d’Abou Dhabi et de Dubaï Al Maktoum (principalement utilisé pour les vols de fret vers Dubaï) tentent également d’asseoir leur importance. Le premier sert de base à Etihad Airways, la compagnie aérienne nationale des Émirats arabes unis qui, en 2022, est devenue la première compagnie internationale à exploiter des vols dans les trois destinations chinoises de Pékin, Shanghai et Guangzhou. Le second est accueilli au centre de Dubaï South, une ville tentaculaire de 145 kilomètres carrés, lancée en tant que projet gouvernemental en 2006. Dans le but de stimuler la durabilité ainsi que l’attraction de Dubaï, Dubaï South a signé, en juin 2023, un accord-cadre avec Beijing New Aerotrolis. La société chinoise est responsable de la construction de la zone économique de l’aéroport international de Pékin-Daxing, qui s’est d’ailleurs associé avec le Dubaï Multi Commodities Centre, la plus grande zone de libre-échange des Émirats arabes unis. L’accord entre Dubaï South et Beijing New Aerotrolis prévoierait le partage mutuel d’informations et de statistiques relatives aux zones aéroportuaires d’Al Maktoum et de Pékin-Daxing.

Siège de Dubaï South, situé aux abords de l’aéroport Al Maktoum

Au-delà des seuls Émirats arabes unis, c’est avec les États du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) que la Chine fait progresser ses liens grâce à l’introduction de nouvelles lignes aériennes directes et de l’augmentation du pouvoir d’achat des touristes chinois. Les pays du Golfe n’attirent ces dernières années qu’un pour cent des touristes chinois (hors période de pandémie), mais les tendances prévues sont positives. Le marché chinois est considéré comme vital pour le secteur mondial du tourisme et les Émirats arabes unis ont donc fort intérêt à investir sur leur attractivité à l’égard des Chinois.

Un autre fait important dans le secteur aérien fut l’accord de partenariat signé au cours du mois d’avril 2023 entre deux sociétés chinoise et émirienne pour établir une installation de fabrique et d’exploitation d’avions et de drones électriques durables pour le transport de passagers et de fret à Abou Dhabi. Il s’agirait de la première initiative du genre au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ce qui à terme pourrait renforcer la position d’Abou Dhabi en tant que première ville intelligente de la région. Le projet contribuerait à revitaliser les marchés et à faciliter la circulation des biens et des marchandises vers les points de vente, les ports et les aéroports, améliorant ainsi le commerce.

Même si les Émirats arabes unis relient le monde par voie aérienne, ils sont aussi présents le long de la route maritime (MSRI). Le pays importe, exporte et réexporte la majorité voire la quasi-totalité des marchandises par voie maritime.

Le port de Jebel Ali et la zone JAFZA

Le port de Jebel Ali à Dubaï est actuellement le 9e port à conteneurs le plus fréquenté au monde (par trafic de conteneurs). Il est de loin le port le plus achalandé de la région du Golfe et le troisième port international en dehors de la Chine.

DP World, compagnie florissante d’exploitation portuaire basée à Dubaï, participe non sans mal à l’attractivité des Émirats arabes unis pour la BRI. L’entreprise, qui gère le port Jebel Ali et sa zone franche JAFZA, a pris du poids dans le monde maritime et les investissements portuaires et stimule les ambitions de la BRI. Les investissements de DP World se font dans de nombreux ports en Chine (à Hong Kong, Qingdao, Shanghai, Shenzhen, Tianjin et Yantai). En mai 2023, DP World a signé des accords avec les ports chinois de Ningbo-Zhoushan et Zhejiang Seaport, pour coopérer sur les services de chaîne de l’industrie automobile et de la logistique. La signature s’inscrit dans le cadre du projet d’investissement de la Route Maritime de la Soie.

Vue aérienne du port de Jebel Ali, le plus grand port du Moyen-Orient

Le port de Khalifa et la zone KIZAD

Outre Jebel Ali, l’un des plus grands ports en eau profonde du monde est le port de Khalifa à Abou Dhabi. Bien que les six phases de construction prévues soient censées être terminées d’ici 2030, le port est dès aujourd’hui opérationnel. Le port de Khalifa est une partie de la plus grande zone industrielle de Khalifa Abu Dhabi (KIZAD), qui s’étend jusqu’à la mer sur une superficie de plus de 400 kilomètres carrés et dessert les émirats de Dubaï et d’Abou Dhabi. L’entreprise chinoise COSCO Shipping a conclu en 2016 un accord de 35 ans pour l’exploitation d’un terminal à conteneurs au port de Khalifa (le CSP Abu Dhabi Conteneur Terminal, le terminal à conteneurs semi-automatisé en eau profonde comprend la plus grande station de fret à conteneurs au Moyen-Orient, couvrant 275.000 mètres). Le terminal a été inauguré deux ans plus tard, faisant du port de Khalifa l’un des 36 hubs régionaux du réseau mondial de COSCO de soutien des échanges dans le cadre de la BRI.

La zone KIZAD et son port sont donc un important catalyseur de la relation Chine-EAU. L’infrastructure de circulation des marchandises dans les ports maritimes des Émirats arabes unis, ainsi que les zones franches industrielles et commerciales, constituent une base solide sur laquelle les Émirats arabes unis chercheront à élargir leur rôle dans le commerce international et à être un membre clé de la BRI.

« La Chine et les Émirats arabes unis entretiennent des liens solides et de longue date avec une variété de liens, y compris des liens économiques, culturels, commerciaux et d’investissement, ainsi qu’une vision commune d’un avenir stable et prospère pour nos peuples et le monde. » – Sheikh Hamed bin Zayed Al Nahyan, chef de la Cour du prince héritier d’Abu Dhabi.

Vue aérienne du port de Khalifa, situé dans la zone industrielle KIZAD, à environ 90 km de la ville d’Abou Dhabi

En tant que troisième plus grand centre de réexportation au monde après Singapour et Hong Kong, Dubaï, avec la zone franche de Jebel Ali (JAFZA), la plus grande zone franche du monde, et le port de Jebel Ali pour la réexportation, fait transiter environ 60 % du commerce transfrontalier de la Chine3. En dehors de échanges liés au secteur de l’énergie, la Chine est le premier partenaire commercial des Émirats arabes unis.

Les Émirats arabes unis, terre d’accueil des investissements et du commerce chinois ? Les récentes initiatives du gouvernement

En lien avec les objectifs du partenariat stratégique global entre la RPC et les Émirats, l’accent est mis sur la levée des obstacles au libre-échange, à l’investissement et à la coopération industrielle. Ceci facilite dans le même temps l’intégration de Vision 2030 des Émirats arabes unis dans le cadre de la BRI. Les points qui rythment déjà et rythmeront encore la coopération sino-émirienne en matière de commerce et d’investissement concernaient ainsi l’élargissement des zones de libre-échange, l’amélioration des structures commerciales, mais également la facilitation des investissements émiriens en Chine et chinois aux Émirats arabes unis.

Des engagements d’amélioration des possibilités d’investissements conjoints au sein de différents secteurs économiques ont été pris le sous-secrétaire du Ministère de l’Économie émirien, Abdullah Ahmad Al Saleh, et le représentant adjoint au Commerce international pour la République populaire de Chine, Zhang Xiangchen, en marge du Forum économique Chine-EAU. Les Émirats arabes unis se prévalent déjà d’une politique assouplie visant l’amélioration de la compétitivité en termes d’investissement. En ce sens, la Loi sur les sociétés commerciales a été portée à modification, permettant la propriété étrangère à hauteur de 100% des parts. Le gouvernement espérait ainsi offrir des incitatifs pour soutenir sa croissance en encourageant les investissements du secteur privé.

Le sous-secrétaire du Ministère de l’Économie émirien et le représentant adjoint au Commerce international pour la RPC en entretien à Dubaï

À la suite de cet échange, les relations industrielles sino-émirienness se sont accélérées durant le mois d’avril 2023. À l’occasion de la Journée d’affaires de la Chine, le Dubaï Multi Commodities Center a reçu plus de deux cent entrepreneurs chinois auxquels a été présenté un nouvel écosystème économique favorisant l’implantation des investissements chinois aux Émirats arabes unis. Les initiatives prises en ce sens comprennent entre autres le lancement du site Web du DMCC en mandarin et l’ouverture d’un bureau de représentation à Shenzhen, inauguré pour amener le DMCC à la porte des entreprises chinoises.

L’importance de la relation entre les Émirats arabes unis et la Chine a été renforcée par la création du Fonds d’investissement conjoint, un fonds de co-investissement stratégique de 10 milliards de dollars, lancé en décembre 2015 pour se concentrer sur des investissements commerciaux diversifiés dans divers secteurs de croissance. Ce fonds est administré et géré par le fonds d’État d’Abou Dhabi, Mubadala, et une filiale de la China Development Bank. L’objectif de l’initiative est de créer un fonds équilibré qui intègre des investissements commerciaux diversifiés et couvre un éventail de secteurs en croissance.

Les deux pays approfondissent leurs relations en matière de services financiers en permettant à leurs succursales bancaires respectives d’aider la promotion des investissements par le renforcement de la collaboration entre la Bourse de Shanghai (SSE) et les centres financiers internationaux aux Émirats arabes unis. Le Belt and Road Exchange, établi à Abou Dhabi en 2018, par exemple, a été conçu pour devenir une plateforme internationale de levée de capitaux, aidant les entreprises chinoises, les sociétés étrangères et les organisations internationales à financer leurs investissements. Afin d’améliorer les partenariats d’Abou Dhabi avec le gouvernement chinois, l’Abu Dhabi Global Market (ADGM) a poursuivi l’accord en construisant son premier bureau de représentation à Pékin.

Plus encore, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII), dont le siège est à Pékin, a signé un accord qui fait progresser son plan d’établir son premier bureau à l’étranger à Abou Dhabi. Ce bureau opérationnel servirait à soutenir le financement de projets dits capables de parvenir à une croissance économique durable. Les Émirats arabes unis sont devenus membres fondateurs et permanents de la BAII en 2015. Le capital de la banque se compose de 100 milliards de dollars et la contribution des Émirats arabes unis s’élève à environ 1,185 milliard de dollars.

Le 20 avril 2023, les Émirats arabes unis signaient un accord avec la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures pour devenir l’hôte du premier bureau étranger de la Banque

Des entreprises chinoises ambitieuses dans le domaine agricole

Les investissements chinois dans l’agriculture aux Émirats arabes unis ont connu une croissance significative ces dernières années. Les Émirats arabes unis importent la majeure partie de leurs produits alimentaires en raison de leurs conditions climatiques arides et de la rareté des terres agricoles. La Chine, en tant que l’un des plus grands producteurs et exportateurs agricoles au monde, a identifié les Émirats arabes unis comme un marché potentiel pour ses investissements dans le secteur agricole.

Cultures sous serres, développées par la CAIDC

Les Émirats arabes unis ont créé des zones franches agricoles, notamment dans l’émirat de Dubaï, pour attirer les investissements étrangers dans l’agriculture. Ces zones offrent des infrastructures modernes, des terres agricoles et des incitations fiscales aux entreprises étrangères qui souhaitent développer des activités agricoles. Plusieurs entreprises chinoises ont établi des partenariats ou investi dans ces zones franches pour cultiver des produits agricoles tels que les légumes, les fruits et les fleurs. C’est le cas de Tianjin TEDA Investment Holding Co ou de la China-Arab Investment and Development Corporation (CAIDC) ou encore plus curieux…la China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) plus habituée à investir dans la construction d’infrastructures mais qui s’est lancée dans a construction de serres et d’infrastructures pour la culture de légumes.

Dans la gamme des produits laitiers, de plus en plus appréciés par la population émiratie, on retrouve les grands groupes chinois tels que Yili Group et Wahaha Group.

Une immigration chinoise prospère

Au-delà des opportunités économiques offertes par les Émirats arabes unis, des initiatives en matière de culture et d’éducation ont été prises pour attirer l’immigration chinoise. Le 1er septembre 2020, la Chinese School Dubaï a ouvert ses portes et a accueilli 200 enfants d’origine chinoise, leur permettant de suivre les mêmes enseignements que ceux donnés en Chine. L’ouverture de cet établissement est marquante puisqu’elle représente la première subvention du gouvernement chinois destinée à la création d’une école chinoise hors de Chine, proposant un programme identique à celui enseigné en Chine.

Cérémonie d’inauguration de la Chinese School Dubaï

Les Émirats arabes unis entendent également accroître leur attractivité auprès des étudiants et des jeunes professionnels chinois, en faisant de Dubaï une destination privilégiée. Plusieurs accords ont été conclus dans ce sens, comprenant la reconnaissance mutuelle des diplômes, la facilitation d’obtention des visas ou encore la promotion des échanges universitaires. Par exemple, l’Université de Zayed à Dubaï a une collaboration avec l’Université de Tsinghua en Chine.

En 2018, à la suite de la visite de Xi à Abou Dhabi, un contrat audiovisuel avait été scellé entre les deux États. Celui-ci incluait la diffusion par des chaînes de télévision émiriennes de séries et films chinois doublés en arabe. L’accord témoigne de l’accroissement des liens commerciaux. Les Émirats arabes unis y voient ainsi d’asseoir la portée de la relation commerciale qu’ils entretiennent avec la Chine, quand Pékin exerce de ce fait une influence culturelle plus étendue.

Quid des liens énergétiques

En possédant 8,9% des réserves pétrolières mondiales en 2021, les Émirats se placent au 5ème rang des pays détenant des réserves de pétrole4. Le partenariat énergétique entre les Émirats arabes unis et la Chine, n’est néanmoins pas aussi étendu que les partenariats que Pékin entretient avec le Qatar et l’Arabie Saoudite. Abou Dhabi est tout de même devenus un partenaire de confiance de la sécurité énergétique chinoise après des accords historiques en 2017 et 2018.

En mars 2023, la Chine concluait son premier accord d’achat de gaz naturel liquéfié (GNL) via l’utilisation du yuan comme monnaie d’échange. L’accord concerne près de 65 000 tonnes de GNL émirati et transcrit la mise en œuvre des efforts de la part de la Chine pour pousser les pays du Golfe à l’utilisation du yuan. L’Arabie Saoudite avait quelques semaines plus tôt donné son feu vert pour l’apparition de ce type dans les achats d’énergie que l’a liait à Pékin. Le directeur de la China National Offshore Oil Corporation, à l’initiative de cette opération, soulignait la capacité de ce type de manœuvre à promouvoir un écosystème diversifié pour le commerce de l’énergie.

Le secteur des énergies vertes tente lui aussi d’être investi. Fin mai 2023 les deux pays ont annoncé leur intention de développer conjointement une usine d’hydrogène vert de 20 mégawatts aux Émirats arabes unis. L’initiative rencontrerait ainsi les intentions du calendrier émirien fixant un objectif national de carboneutralité pour 2050. Deux ans plus tôt, les EAU inauguraient le premier site de production d’hydrogène vert alimenté par l’énergie solaire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Les Émirats arabes unis, au cœur de la rivalité sino-américaine ?

Tout comme du côté de l’Arabie Saoudite, on observe aux Émirats arabes unis l’installation d’une forme de défiance face à l’attitude des États-Unis au Moyen-Orient. Abou Dhabi a jugé sévèrement l’administration Obama en 2011 lors de l’abandon de leur allié égyptien au profit des Frères Musulmans, puis entre 2013 et 2015 lors de l’accord iranien qui fragilisa l’équilibre régional.

Au milieu de l’été 2020, le rapport annuel du département de la Défense américain sur la Chine avait déjà surpris : il mentionnait pour la première fois publiquement les Émirats arabes unis comme possible pays candidat à une implantation navale chinoise5. Les rumeurs sur la possible installation d’une base de la marine chinoise à Abou Dhabi circulent abondamment depuis la visite de Xi en 2018 et inquiètent de plus en plus les officiers américains qui y voient un risque majeur de compromission de leurs actions dans la zone.

Les dernières révélations concernant cette affaire ont été découvertes et publiées par le Washington Post6. Selon le journal, des constructions ont été observées dans le port Khalifa en décembre 2022. Les services de renseignement américains pensent que l’activité récente détectée sur le site est le résultat du renforcement des liens entre les Émirats arabes unis et la Chine et qu’elle s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par Pékin pour construire un réseau militaire mondial avec différentes bases à l’étranger. Le port de Khalifa représente en effet pour les Émirats arabes unis un espace offrant l’occasion de diversifier ses partenaires et de freiner sa dépendance à l’énergie.

Depuis 2002, la base aérienne d’Al Dhafra accueille la 380e escadre de l’armée de l’air américaine. Compte tenu de la proximité géographique, les autorités américaines ont ainsi été claires sur le fait qu’elles ne permettront pas à une base chinoise de devenir opérationnelle aux Émirats arabes unis.

Sur le plan des technologies militaires, il est à noter que les Émirats arabes unis possèdent des drones chinois Wing Loong I depuis 2016 et ont commencé à recevoir ses achats de l’aile améliorée et plus meurtrière Wing Loong II au début de 2018. Les appareils destinés à la surveillance et à la reconnaissance peuvent transporter des missiles et des bombes à guidage laser pour faire exploser des cibles terrestres ou aériennes. La Chine est un fournisseur important de drones militaires pour les pays du Moyen-Orient, en particulier ceux qui sont interdits de les importer des États-Unis. Abou Dhabi a également, début 2023, officialisé une commande de 12 jets d’entraînement L-15 chinois.

Drone chinois Wing Loong II

Ces transferts semblent moins concurrencer les ventes effectuées par les Américains dans ce domaine qu’ils ne reflètent l’entrée progressive des industriels chinois sur le marché émirien de la défense. Tout ceci intervient néanmoins alors que l’achat d’avions de chasse et de drônes F-35 par Abou Dhabi aux États-Unis a été suspendu en raison des initiatives en provenance de Washington de limitation des ventes de technologies chinoises, y compris de la 5G apportée par Huawei, dans les États arabes.


La participation des Émirats arabes unis à la BRI s’étend probablement au-delà du soutien de l’infrastructure physique pour le commerce. Des domaines comme ceux de la technologie, de la culture, du tourisme, du spatial ou encore de l’intelligence artificielle sont récemment de plus en plus exploités à l’intérieur de la coopération bilatérale. Les Émirats arabes unis sont devenus le premier États du Golfe a conclure un accord de coopération spatiale avec la Chine lors de l’accueil du véhicule émirien Rashid 2 à bord de la mission chinoise Chang’e-7 qui doit se rendre sur la Lune en 2026.

La relation que la Chine a instaurée avec Abou Dhabi s’est développée à l’image des différents liens qu’elle a tissé avec l’ensemble des pays du Golfe. Pour autant, il est à souligner la capacité dont les Émirats arabes unis ont fait preuve sur la scène diplomatique pour imposer leur importance aux côtés d’acteurs de taille tels que l’Arabie Saoudite et l’Iran. C’est d’ailleurs ce que prouve sa récente admission, aux côtés de ces deux puissances régionales, au sein de la communauté très sélective des BRICS. Si la Chine avait appuyé l’initiative d’une telle expansion, d’autres comme le Brésil et l’Inde se trouvaient plus sceptiques. Reste alors à Abou Dhabi de faire la preuve de son influence mondiale.

Les Émirats arabes unis sont bien placés pour diriger les pays de la BRI dans le Golfe et consolider leur position en tant que plaque tournante commerciale de la région. La Chine était déjà le deuxième partenaire économique des Émirats arabes unis avant de rejoindre la BRI. Les Émirats arabes unis ont les ports de mer, les aéroports et les zones franches les plus établies et diversifiées de la région en raison des investissements importants dans cette infrastructure. Tout cela est étayé par une solide structure juridique et réglementaire qui tend à permettre légalement l’ouverture aux investissements extra-territoriaux.


Par Alicia Tintelin, Cheffe du Pôle Proche-Orient à l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie (OFNRS)


1 Jonathan Fulton, « China-EAU Relations in the Belt and Road Era », Journal of Arabian Studies. 2019.

2 Sultan Al Jaber, « “Belt and Road” is a Bridge to Our Common Future », The National. 2017.

 3 Jonathan Fulton, China’s Relations with the Gulf Monarchies, New York: Routledge. 2019.

4 Organization of the Petroleum Exporting Countries, OPEC share of world Crude Oil Reserves. 2021.

5 « Military and Security Developments Involving the People’s Republic of China », Département de la Défense des États-Unis. 2020.

6 John Hudson, Ellen Nakashima et Liz Sly, “Buildup resumed at suspected Chinese military site in UAE, leak says”, Washington Post. 2023.

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23.07.2023 à 10:53

La Chine et la Thaïlande, du fond des âges jusqu’aux routes de la soie

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Cet article est une introduction historique des relations diplomatiques entre la Chine et la Thaïlande,

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Cet article est une introduction historique des relations diplomatiques entre la Chine et la Thaïlande, permettant de mieux comprendre le temps long qui mène à l’intégration aux nouvelles routes de la soie. Celle-ci sera traitée dans dans un dossier sur les relations bilatérales et des interviews avec des chercheurs, publiés à la rentrée de septembre 2023.

Lors de la visite du Premier ministre chinois, Zhu Rongji, en Thaïlande en mai 2001, ce dernier a déclaré qu’il s’agissait d’une « visite familiale à un parent »[1], démontrant que l’amitié sino-thaïlandaise est « comme une amitié entre frères »[2]. Les relations traditionnelles entre la Chine et la Thaïlande remontent au XIIIe siècle, quand le royaume de Sukhothai a noué des relations tributaires avec la dynastie mongole des Yuan avant d’être suspendu en 1882 lorsque la Thaïlande a renoncé à ses obligations envers l’empereur chinois. Après la fondation de la République populaire de Chine (RPC) en 1949, les Thaïlandais sont convaincus que la principale menace pour la sécurité est le communisme international monolithique exercé par la RPC qui sert de modèle aux communistes vietnamiens, ennemi historique de la Thaïlande[3].

Les deux voisins ont toutefois tenté d’entamer un dialogue par l’intermédiaire de deux missions secrètes envoyées par le Premier ministre Phibun Songkhram[4] (1897-1964) en décembre 1955 en Chine. Lors de ces rencontres, les Chinois assurent aux Thaïlandais qu’ils ne recherchent que des relations pacifiques et coopératives et Zhou Enlai[5] (1898-1976) est allé jusqu’à suggérer la signature d’un traité de non-agression entre les deux Etats[6]. Bien que cela ne se soit pas produit, la Chine fait des efforts pour attirer la Thaïlande dans la « zone de paix » et accepte d’acheter, au courant de l’année 1956, pour 20 millions de dollars, du tabac thaïlandais en guise de geste d’amitié[7].

Néanmoins, les relations sino-thaïlandaises atteignent leur point le plus bas en 1960 lorsque la Chine a apporté un soutien moral et matériel à la politique de guérilla du Parti communiste thaïlandais (CPT) contre le gouvernement de Bangkok. Face à cet engagement, la Thaïlande renforce sa coopération avec les Américains ; en plus de l’accord Rusk-Thanat[8] en 1962 ainsi que le lancement de la radio Voice of the People of Thailand[9] depuis le sud de la Chine, la Thaïlande envoie des troupes dans le sud du Vietnam dans le cadre du programme « many flags » du président Lyndon Baines Johnson[10] (1908-1973) en septembre 1967, consistant à soutenir l’effort de guerre américain par des pays tiers. À son tour, la Chine considère la Thaïlande comme un élément de la politique d’endiguement des Etats-Unis et la menace de devenir « un second Vietnam » si elle ne met pas fin à son engagement avec les Américains[11].

Plus tard, en septembre 1972, la Chine invite la Thaïlande à envoyer une équipe de ping-pong aux championnats de l’Union asiatique de tennis de table se déroulant à Pékin. Conscients du rôle de la « diplomatie du ping-pong » dans l’ouverture des relations entre les États-Unis et la Chine, les Thaïlandais nomment Prasit Kanchanawat (1915-1999), membre du Conseil national exécutif contrôlé par les militaires et chargé des affaires économiques, à la tête de la délégation[12].

Prasit Kanchanawat rencontre Zhou Enlai

Dans le cadre de cet événement, Prasit s’est vu expliquer que la Chine souhaite par dessus tout des relations pacifiques avec la Thaïlande. La Chine incite également à des échanges commerciaux et culturels sans pour autant intervenir dans les affaires intérieures de la Thaïlande, notamment en ce qui concerne le soutien chinois à l’insurrection du CPT. Dans l’objectif de lancer les relations commerciales, la proclamation révolutionnaire n° 53, interdisant le commerce avec la Chine depuis 1959, a été modifiée pour permettre le commerce par l’intermédiaire d’un organisme gouvernemental[13]. De plus, les manifestations organisées par les étudiants en octobre 1973 conduisent à la chute du gouvernement militaire et par conséquent, au retour d’un régime civil bien plus ouvert à l’égard des relations avec la Chine. Le gouvernement chinois manifeste aussi son désir d’entretenir des relations amicales avec la Thaïlande en proposant de lui vendre 50 000 tonnes de gazole à des « prix d’amitié » durant la crise pétrolière de 1973[14].

Ce processus de normalisation sino-thaïlandais a continué à se développer en 1974 et en 1975 avec l’accession de Kukrit Pramoj[15] (1911-1995) au poste de Premier ministre en Thaïlande. Après une série de visite en mai et juin 1975, Kukrit s’est rendu à Pékin pour signer le communiqué conjoint avec Zhou Enlai établissant les relations diplomatiques. Cette décision de la Thaïlande de normaliser ses relations avec la Chine s’explique notamment par la violence accrue des forces vietnamiennes qui, dès le 25 décembre 1978 s’attaque au Cambodge et chasse le régime Khmer rouge de Pol Pot de Phom Penh. Plus précisément, le Vietnam est déterminé à renverser ce gouvernement politique qui exprime obstinément son indépendance au Cambodge[16]. La Thaïlande, en tant « qu’Etat de première ligne »[17] confronté à une menace militaire émanant des voisins vietnamiens et cambodgiens, accepte sans hésitation la promesse d’assistance chinoise en cas d’agression extérieure.

Kukrit Pramoj rencontre Mao Zedong

En ce sens, la Chine exprime son opposition à la domination vietnamienne dans tout l’Indochine par une action militaire menée en février 1979 ; les Khmers rouges et les autres forces de résistance anti-Phnom Penh, soutenus par la Chine, ont utilisé la frontière thaïlandaise comme un sanctuaire actif et une source de réapprovisionnement en matériel[18].

Dans l’initiative de renouer ses liens avec la Thaïlande, la Chine réduit son soutien aux efforts insurrectionnels du Parti communiste thaïlandais dont les activités ont atteint un sommet en 1977-1978 avant de s’effondrer suite à l’invasion vietnamienne du Cambodge. Au lieu de cela, la Chine cherche à collaborer avec la Thaïlande pour créer un front nationaliste unifié contre la menace vietnamienne en entretenant des relations constructives d’État à État avec son voisin. Si le Premier ministre Zhao Ziyang[19] (1919-2005) a annoncé ouvertement, lors de sa visite à Bangkok en février 1981, le changement de soutien de la Chine aux activités insurrectionnelles des communistes thaïlandais, elle maintient la possibilité de rétablir son soutien dans le cas où la Thaïlande irait à l’encontre des intérêts du peuple chinois[20].

Comme le déclare le ministre des affaires étrangères Qian Qichen[21](1928-2017) en 1994, ces « relations amicales de bon voisinage et la coopération mutuellement bénéfique »[22] entre les deux pays se poursuivent, mais elles reposent plus largement sur des intérêts économiques et politiques partagés. Les échanges entre la Chine et la Thaïlande sont passés d’un peu moins de 1,4 milliard de dollars américains en 1990 à près de 8,5 milliards de dollars américains en 2002 et à 17,3 milliards de dollars américains en 2004[23]. Cela s’explique par la mise en œuvre d’un accord bilatéral de libre-échange (ALE) dans le domaine des fruits et légumes le 1er octobre 2003, auquel s’étend l’ALE bilatéral au poisson et aux produits laitiers en 2004 ainsi qu’aux industriels en 2005. D’autres indicateurs peuvent souligner cette relation amicale ; la RPC a contribué à hauteur d’un milliard de dollars au renflouement international de la Thaïlande après le début de la crise financière en 1997, démontrant un geste généreux, symbole de l’amitié étroite de la Chine avec les Thaïlandais. En signe de gratitude, la Thaïlande fait également un don de 10 000 dollars à la Chine en 1998, lorsque la RPC est à son tour dévastée par les pires inondations qu’elle ait connues depuis 50 ans[24].

Visite de Jiang Zemin en Thaïlande, alors Président de la République de 1993 à 2003

Au cours des années 1990 et au début des années 2000, la force de l’amitié sino-thaïlandaise a été démontrée par la fréquence des visites officielles de haut niveau. Les membres de la famille royale thaïlandaise ont effectué plus de 15 visites en Chine au cours de cette période, avec en point d’orgue la visite de la reine Sirikit[25] en octobre 2000. La signature du Plan d’action, le 5 février 1999, est plus significatifs encore. L’objectif de ce document étant d’établir une feuille de route pour la coopération politique, économique, culturelle, sociale, sécuritaire et diplomatique entre les deux pays, avant d’ouvrir la voie à des accords similaires avec tous les membres de l’ASEAN. Afin d’atténuer les inquiétudes face à l’essor chinois – qui a atteint son paroxysme au milieu des années 1995, à la suite de l’occupation par la Chine du récif Mischief et de la crise de Taïwan en 1995-1996 –, la RPC souhaite avoir un ami proche en Asie du Sud-est pour servir de pont avec le reste de la région[26]. Ainsi, le Plan d’action signé en 1999 permet à la Chine de promouvoir des liens économiques plus étroits avec l’ASEAN par le biais du succès dans les relations économiques avec la Thaïlande, ce qui permet d’anticiper le terrain à un ALE Chine-ASEAN.

Les grandes étapes des relations diplomatiques entre la Chine et le Thaïlande, avant les années 2000

De son côté, la Thaïlande tire profit de son amitié avec la Chine montante sur le plan politique, économique et sécuritaire. À de nombreuses reprises au cours des années 1990, la Thaïlande fait pression à la Chine pour accroître ses investissements afin d’aider les secteurs en difficulté de l’économie thaïlandaise. La Thaïlande cherche aussi à s’assurer de l’influence chinoise auprès d’autres pays du tiers-monde dans le but de faire élire Supachai Panitchpakdi[27] au poste de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce en 1999, alors même que la RPC n’était pas encore membre de cette institution[28]. L’influence chinoise se traduit aussi auprès de la Birmanie où les Thaïlandais consultent assidûment la Chine pour obtenir son soutien à la « feuille de route » proposée pour résoudre la crise en Birmanie en 2003, suite à la détention par le régime de la dirigeante de l’opposition Aung San Suu Kyi[29]. Bien que la Birmanie choisisse sa propre « feuille de route » plutôt que celle proposée par la Thaïlande, les Thaïlandais persistent dans leurs efforts pour amener les Chinois à jouer un rôle clé en les consultant sur les événements en Birmanie.

Depuis 2012, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de la Thaïlande. La position carrefour de la Thaïlande entre les routes Nord/Sud (Yunnan vers la péninsule malaise et Singapour), les routes Est/Ouest (Guangxi vers le Myanmar) et dans la région du Grand Mékong, apparaît comme le corridor de communication essentiel pour une infrastructure intercontinentale de transport connectant l’Asie à l’Europe[31].


Par Nutnaree Panich, analyste stagiaire Asie du Sud-Est à l’OFNRS

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11.07.2023 à 22:50

L’Angola, fidèle parmi les fidèles pour la Chine dans le cadre de la BRI

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A l’occasion des 10 ans des Nouvelles Routes de la Soie en 2023, l’OFNRS publie

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Texte intégral (5239 mots)

A l’occasion des 10 ans des Nouvelles Routes de la Soie en 2023, l’OFNRS publie des dossiers sur les relations bilatérales avec les pays membres de l’initiative. Aujourd’hui, place à l’Angola, fidèle parmi les fidèles pour la Chine.

Le 12 janvier 2023, le président de l’Angola, João Lourenço a rencontré Qin Gang, le ministre chinois des Affaires étrangères en visite à Luanda pour célébrer les 40 ans des relations diplomatiques sino-angolaises. En effet, le 12 janvier 1983 à Paris, M. Luis José de Almeida, ancien ambassadeur angolais en France et le chargé d’affaires chinois M. Wang Jin ont signé un communiqué1, afin d’officialiser leurs relations diplomatiques. Toutefois, il faut attendre le début des années deux mille pour apercevoir une évolution dans les relations bilatérales sino-angolaises.

En Juillet 2001 à Lusaka en Zambie, durant le Sommet du Forum sur la Coopération sino-africaine, le président Xi Jinping a indiqué que la Chine était disposée à travailler avec l’Angola pour renforcer le multilatéralisme et encourager l’équité sur la scène internationale. Le président Lourenço a salué l’importance des aboutissements du Forum, et a ajouté qu’il “espère que la coopération bilatérale pourra être une représentation des relations entre la Chine et l’Afrique.” Au cours du XXe siècle, les relations entre les deux Etats ont été affectées par la longue guerre civile en Angola. Ainsi, la collaboration entre les deux États débute réellement le 2 mars 2004. Lorsque le ministre chinois du Commerce et le ministre angolais des Finances signent un accord pour que la banque chinoise Eximbank accorde au gouvernement angolais un prêt de 2 milliards de dollars 2.

La genèse des relations sino-angolaises

“La journée d’aujourd’hui marque le 30e anniversaire de l’établissement des relations entre les deux partis, le Parti communiste chinois (PCC) et le (MPLA)”, déclare le Président chinois Xi Jinping à son homologue angolais João Lourenço. Les 8 et 10 octobre 2018, les dirigeants se sont entretenus à Beijing en Chine, après le Sommet du Forum sur la Coopération sino-africaine. Lors de cette rencontre historique pour les deux partis politiques, Xi Jinping a félicité le président angolais João Lourenço, actuel leader du mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). En effet, les deux Etats “entretiennent des relations de longue date et ont forgé une amitié profonde pendant la lutte armée pour l’indépendance de l’Angola.” affirme Tete António, le ministre angolais des Affaires étrangères.

Durant la guerre d’indépendance angolaise (1961-1975), la Chine fut l’un des premiers soutiens financiers du (MPLA) proche de l’URSS au cours des années 19603. Les relations bilatérales sino-angolaises se sont tissées au sein d’une guerre par procuration à travers le territoire angolais non-indépendant. Durant cette période conflictuelle l’Angola est devenue un terrain de bataille entre le bloc communiste et le bloc capitaliste des États-Unis et de leurs alliés. Le mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) créé par Agostinho Neto est soutenu par l’URSS, Cuba et la Chine. Contrairement, à l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) de Jonas Savimbi qui a bénéficié de l’appui des États-Unis.

Au cours du conflit, la Chine a accordé son soutien à l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA)4 ainsi que le Front national de libération de l’Angola (FNLA).5 Ces choix ont été stratégiques, car selon Mao Zedong, ancien président de la République populaire de Chine (1949-1976), il faut “armer les autres avec des armes chinoises” afin de “devenir l’arsenal de la révolution mondiale”6. Mao Zedong avait déclaré que “la Chine ne doit pas se contenter d’être le centre de la révolution mondiale, nous devons en devenir aussi le centre militairement et technologiquement”.7

La consolidation des relations bilatérales entre la Chine et l’Angola post-guerre civile

En 27 ans, le conflit angolais a fait près d’un million de morts, et détruit la majeure partie des infrastructures. À partir de 2002, en Angola les préoccupations sécuritaires et militaires ont perdu en importance et les relations se sont concentrées dans le domaine économique8. L’Angola cherche à construire “des infrastructures dans un contexte post conflit et préélectoral9 avec l’aide de la Chine. Ainsi, en 2004, le gouvernement angolais a signé un accord d’un prêt de deux milliards de dollars avec la Chine pour reconstruire les principales infrastructures.

Les prêts permettent à la Chine d’obtenir un paiement en pétrole et en gaz naturel angolais. En effet, en octobre 2004, la Chine a obtenu en échange d’aides financières le droit d’acquérir une participation de 50 % dans le gisement, du bloc 18 10 situé dans l’océan Atlantique.Ainsi, à partir de 2005, la Chine est le deuxième consommateur mondial de pétrole avec plus “de 6 millions de barils/jour, derrière les Etats-Unis (20 millions de barils/jour)11.

L’accroissement de la consommation de pétrole pousse la Chine à multiplier les offensives diplomatiques et économiques sur le terrain pétrolier face aux autres pays consommateurs12. En Angola, les compagnies pétrolières États-uniennes sont présentes sur le territoire depuis plus de deux décennies.13 Ainsi, la Chine est en compétition avec plusieurs Etats qui se disputent également les ressources pétrolières.14

Le 26 février 2005, lors d’une visite officielle, l’ancien vice-Premier ministre Zeng Peiyan a conclu plusieurs contrats avec la société Sonangol15 qui est la principale entreprise nationale de pétrole de l’Angola. Ainsi, la Chine est parvenue a octroyé l’exploitation du bloc 3/80 situé au nord du pays à la hauteur de la ville de Soyo à Sinopec au détriment de Total qui s’est vu retirer sa licence d’exploitation.16

La dépendance économique de l’Angola à la Chine

La répartition inégale des gains de production de pétrole entraîne des mouvements de revendication. L’enclave Cabinda, située en Afrique centrale face au Golfe de Guinée fournit 60 % de la production pétrolière angolaise17. Cette partie rattachée à l’Angola depuis 1956, partage des frontières avec la République du Congo ainsi que la République démocratique du Congo. À partir des années 1950 et 1960, les compagnies États-Uniennes comme Gulf Oil découvrent des gisements pétroliers dans la zone. Cette découverte a attiré l’attention de plusieurs compagnies pétrolières étrangères.

Les Etats d’Afrique subsaharienne du Golfe de Guinée, comme l’Angola, concentrent leur économie sur l‘exportation du pétrole. Depuis, plus de deux décennies des licences d’explorations et d’exploitations de pétrole angolais, ont été octroyées aux grandes compagnies pétrolières comme Total, Chevron ou SinoPec. Cependant, le gouvernement angolais est confronté à des difficultés financières ainsi, l’Etat angolais a décidé d’assouplir “les législations et les régimes fiscaux applicables aux compagnies pétrolières étrangères”18.

L’enclave de Cabinda est située entre la République du Congo et la RDC

L’enjeu central des conflits au sein de Cabinda est le pétrole, car le taux de chômage atteint 88% et les seules infrastructures qui existent datent de la colonisation19. Les habitants de l’enclave ne peuvent pas répondre à leurs besoins primaires. Les Cabindais vivent dans des conditions déplorables et une grande partie de l’enclave est privée d’électricité, d’eau courante et d’assainissement20. Ainsi, les groupes indépendantistes cabindais souhaitent que l’enclave obtienne son indépendance afin de mieux bénéficier des ressources naturelles. En particulier, le Front de libération de l’État du Cabinda (FLEC), créé en 1963 revendiquant l’indépendance de Cabinda pour améliorer les conditions de vie des 730 000 habitants de l’enclave.

La diversification de l’économie angolaise et les investissements chinois : prêts bancaires chinois (2004-2015)

Le président chinois Xi Jinping déclare, après le Sommet du Forum sur la Coopération sino-africaine de 2018 que la Chine souhaite “soutenir l’Angola dans la diversification de son économie”.21 Au cours des deux dernières décennies, la Chine est passée devant le Brésil et le Portugal pour devenir le premier partenaire commercial de l’Angola. En août 2015, Luanda et Pékin avaient conclu un accord monétaire. Cet accord permet de faciliter les échanges commerciaux entre les deux pays afin qu’ils règlent des transactions dans leurs propres devises sans passer par le dollar américain.

La Chine a un rôle indispensable dans le développement économique et social de l’Angola. Les prêts ont permis de financer plusieurs projets d’infrastructure notamment des centrales électriques, des raffineries pétrolières, des routes, des ponts, des hôpitaux et des logements. Selon, Joao Salvador dos santos Neto, ambassadeur angolais en Chine, les relations entre les deux pays se développent au sein des secteurs les plus stratégiques de chaque pays.

De plus, au cours des dix dernières années, les entreprises chinoises de divers secteurs, se sont massivement implantées au sein de l’Etat angolais. Le ministre angolais de l’Industrie et du Commerce, Victor Fernandes, a souligné lors du Forum de coopération économique et commerciale entre la Chine et les pays de langue portugaise (CPLP) de 2022, que l’Angola dépend fortement du soutien chinois dans les domaines les plus variés, en particulier dans le secteur de l’industrie et du commerce.

Les entreprises chinoises dans le secteur de l’énergie angolais

L’Angola a intégré l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) en 2007, et est devenu le principal fournisseur africain de pétrole de la Chine. En 2017, la Chine importait 61,6% de la production totale de pétrole de l’Angola22. L’exploitation de blocs pétroliers angolais s’effectue grâce aux grandes compagnies pétrolières chinoises telles que China Sonangol23 ainsi, que l’entreprise “China Petroleum and Chemical Corporation (Sinopec)”24.

Les ressources naturelles répertoriées sur le territoire angolais

Le gouvernement chinois mandate une société de construction chinoise qui en général reçoit des fonds de soutien de la part de la China Exim, pour des travaux de construction en Angola.25 En échange des infrastructures, le gouvernement angolais cède le droit d’exploiter des gisements sur son sol ou l’octroi de licences d’exploitation.26 Le 6 juin 2023, le président de la compagnie pétrolière nationale angolaise (Sonangol), Gaspar Martins, a signé à Pékin, en Chine, un protocole d’accord avec la China National Chemical Engineering (CNCEC). Cet accord signé en présence du ministre des ressources minérales, du pétrole et du gaz, Diamantino Azevedo, permettra à la CNCEC de construire la raffinerie de Lobito d’ici 2026.27

Les centrales électriques angolaises

Les projets énergétiques chinois en Angola se concentrent sur les barrages, afin de développer les réseaux électriques. Le projet de la centrale hydroélectrique de Caculo-Cabaca situé sur le fleuve Kwanza en Angola, est construit dans le cadre de l’initiative des nouvelles Routes de la Soie. Cette centrale sera la plus grande centrale hydroélectrique du pays et la troisième en Afrique. Elle permettra de réduire les pénuries d’électricité en Angola et particulièrement dans la province du Kwanza Norte.

L’ancien Ministre des Finances angolais, Archer Mangueira, a signé le 29 novembre 2016 un accord de financement avec la Banque Industrielle et Commerciale de Chine (ICCB) d’une valeur de 4,5 Mds USD pour la construction du barrage hydroélectrique de Caculo Cabaça.28 Selon le gouvernement angolais, la centrale hydroélectrique de Caculo Cabaça commencera à produire de l’électricité à partir de 2026.

En 2017, environ 71,3% de la production d’électricité angolaise provient des centrales hydroélectriques, situées autour des rivières Kwanza, Catumbela et Cunene.29 De plus, depuis deux décennies les entreprises chinoises situées en Angola ont permis de développer plusieurs centrales hydroélectriques, telles que “Capanda ou Matala”30.

Le projet d’une centrale à Cycle combiné au gaz naturel à Soyo, est “financé à 85% par la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC). En effet, ce projet a été mis en place suite à la signature du contrat datant du 5 décembre 2016”31 par le ministère de l’Énergie et de l’Eau angolaise et par la China Machinery Engineering Corporation (CMEC). La centrale va permettre d’alimenter en énergie la capitale de Luanda , grâce à la construction d’une ligne électrique sur une distance de plus de 400 kilomètres avec 1 500 pylônes.32

Les IDE chinois dans le secteur de télécommunications angolais

Le 11 janvier 2023, un accord a été signé par le ministre angolais des Finances, Vera Daves, et l’ambassadeur de Chine en Angola Gong Tao. Afin d’accélérer le développement du secteur numérique angolais, notamment celui de la télécommunication qui est l’un des principaux plans d’action du gouvernement d’Angola.

La Chine accorde un prêt de 249 millions $ à l’Angola pour la construction d’un câble optique terrestre de 2 000 km. En effet, Alé Fernandes, le secrétaire d’Etat angolais de la télécommunications et aux technologies de l’information, déclare “la mise en œuvre d’environ 2 000 kilomètres de fibres optiques terrestres qui permettra d’atteindre des zones non encore desservies par les services de télécommunications.” De plus, une ligne sous-marine pourra relier l’enclave de Cabinda pour renforcer la communication au sein du territoire entier.

Les infrastructures angolaises à l’heure chinoise

Dans le cadre du projet des nouvelles routes de la soie, la Chine investit dans des projets d’infrastructures pour moderniser et construire des voies ferroviaires en Angola. L’influence de la Chine en Angola est visible sur les rails du système ferroviaire.33 Entre “2008 et 2011, on recense 479 km de chemins de fer construits en Angola par les Chinois34. Le président angolais João Lourenço a déclaré que les investissements de la Chine dans des projets liés aux infrastructures routières et ferroviaires sont les bienvenus.

La Chine participe au programme visant à reconstruire entièrement les trois principales lignes de chemin de fer de l’Angola. De plus, les équipements pour rénover et construire les chemins ferrés sont fournis et financés par l’Exim bank de Chine35. La Chine a en partie construit divers chemins de fer stratégique reliant les principales villes côtières à l’intérieur du pays : les chemins de fer de Benguela, de Luanda et Caminho de ferro de Moçâmedes.

Les trois principales lignes de chemin de fer de l’Angola

En 2006, la Chine a accordé à l’Angola un prêt sans intérêts de 500 millions de dollars pour la reconstruction du chemin de fer de Benguela, une ligne de 1344 km reliant la ville portuaire angolaise Lobito à Luau36. Le deuxième plus long chemin de fer construit par une société chinoise en Afrique avait pour objectif de relier l’intérieur du continent africain à la côte Est bordé par l’océan Indien. Afin d’acheminer les matières premières ou d’autres biens angolais exportés en Chine.

Le 30 juillet 2019, le train touristique international “Pride of Africa” est arrivé en Tanzanie à Dar es-Salam, en provenance de Benguela situé en Angola. En effet, les chemins de fer Angola-Zambie, puis Zambie- Tanzanie37 sont reliés pour réaliser le projet des nouvelles routes de la soie.

Entre 2013 et 2017, les entreprises chinoises telles que China Road and Bridge Corporation (CRBC), ont amélioré le réseau routier angolais. Principalement, pour renforcer les liaisons entre les dix-huit capitales provinciales et les municipalités angolaises. L’amélioration des routes permet de transporter dans de meilleures conditions les marchandises qui doivent être exportées vers la Chine.

Mis à part les chemins de fer et les routes angolaises, la Chine investit également dans la construction de ports maritimes. Le plus grand port d’Angola est basé à Luanda, cependant les exportations par bateaux vers la Chine sont ralenties à cause de l’afflux des entreprises dans le port de la capitale. Les contraintes logistiques sont répandues à travers d’autres ports. En effet, la capacité du port actuel de Cabinda est insuffisante pour répondre aux besoins de l’enclave, une partie du trafic transite donc via le port de Pointe Noire en République du Congo.38

Ainsi, en 2014, le gouvernement de José Eduardo dos Santos a pris la décision de construire un nouveau port à Caio, proche de l’enclave de Cabinda. La construction a été confiée à China Road and Bridge Corporation et le port sera opérationnel d’ici décembre 2024.

Le secteur agricole angolais

En Angola les provinces de Huíla, Huambo, Malanje situé au centre du territoire sont fertiles grâce aux précipitations abondantes. Cependant, le secteur agricole est très peu développé car on estime que 10% seulement des terres arables du pays sont cultivés. Le 11 juillet 2018, l’ambassadeur d’Angola et le ministère de l’Agriculture de l’Angola ont organisé la conférence de coopération et d’échange sur le développement agricole entre la Chine et l’Angola. Durant la rencontre Marcos Alexandre Nhunga, ministre de l’Agriculture de l’Angola à déclaré que “15, 20, 30 mille hectares de terres sont réservées à des entreprises chinoises”39 pour des futurs projets.

Les entreprises chinoises sont encouragées à investir et à s’allier à des entreprises locales angolaises. Principalement pour les “cultures basiques destinées aux besoins de la population angolaise : soja, manioc et coton40. En effet, la production agricole angolaise sert avant tout aux besoins nationaux41. Toutefois, si l’Angola développe suffisamment son secteur agricole pour son territoire, le reste de la production pourra être exporté vers la Chine42.

La Chine investit dans le secteur agricole de l’Angola pour une question de sécurité alimentaire. Le Forum de Coopération Chine Afrique (le FOCAC) a élaboré un plan de Coopération dans la Modernisation de l’Agriculture avec un intérêt particulier pour l’Angola43. La Chine a le projet d’importer en grande quantité une production céréalière agricole à travers divers États comme l’Angola. Ces investissements permettront d’assurer à la Chine des “sources fiables d’importations à moindre coût en produits alimentaires et autres produits agricoles pour ses besoins nationaux, et résoudre ainsi le problème de la sécurité alimentaire du pays.44

Coopération dans l’industrie minière

La Chine investit depuis deux décennies dans le secteur minier de diamants angolais. En 2008, l’extraction de diamant constitue pour l’État angolais la deuxième source de recettes d’exportation.45 En effet, l’Angola dispose d’importantes réserves de diamants, de minerai de fer, d’or et de cuivre. En 2015, le ministre angolais de la géologie et des mines, Francisco Queiroz, rencontre son homologue chinois Jiang Daming pour discuter du renforcement de la coopération entre les deux pays dans le domaine de la géologie et des mines46.

Par la suite, en 2016, le site du forum de Macau fait état d’un accord de coopération entre les deux pays pour l’identification de projets communs en géologie et recherche géologique. Les relations forgées au fil des années entre les deux Etats ont permis d’établir le « modèle angolais » qui est un contrat miniers contre infrastructures et coentreprises47.

Malgré, le nombre d’accords, certains projets n’ont pas bénéfiques pour l’économie angolaise. La ville fantôme de Kilamba, créée en 2012 est située au cœur de l’Angola, mais sur les 2 800 appartements disponibles dans les 750 bâtiments de huit étages, seuls 220 ont été vendus48. Les accords de construction d’infrastructures contre un accès prioritaire, à la Chine aux ressources angolaises, ont accentué la dépendance économique de l’Angola.

Toutefois, les relations bilatérales entre la Chine et l’Angola se développent et les investissements de la Chine se multiplient au fil des années. João Salvador do Santos Neto, ambassadeur d’Angola en Chine, déclare que dans le futur l’Angola et la Chine doivent continuer à renforcer la coopération politique et la coopération macro-économique.

La République démocratique du Congo (RDC), l’Angola et la Zambie ont signé, dans la ville angolaise de Lobito, un accord visant à faciliter le transport de leurs minerais vers des marchés extérieurs, selon un communiqué publié par la présidence congolaise.

Les trois pays voisins ont ainsi concédé l’exploitation de ce corridor frontalier au consortium Lobito Atlantic Railway, lauréat de l’appel d’offres international. Ce dernier est formé par les sociétés Trafigura (de la Suisse), Vecturis (de la Belgique) et Mota-Engil (du Portugal), preuve s’il en est que la Chine n’impose pas ses entreprises sur des projets et secteurs qu’elle a grandement contribué à développer.


Par Clara Malonga, Analyste Stagiaire Afrique

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25.06.2023 à 12:55

La Palestine et la Chine scellent leur partenariat stratégique

aliciatintelin

Le 14 juin 2023, Xi Jinping recevait le président palestinien Mahmoud Abbas dans le Grand

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Texte intégral (1552 mots)

Le 14 juin 2023, Xi Jinping recevait le président palestinien Mahmoud Abbas dans le Grand Hall du Peuple à Pékin. À l’issue de leur entretien, Xi Jinping et Mahmoud Abbas ont signé conjointement la couverture du premier jour commémorant le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la Palestine.

Les deux parties ont ensuite publié la Déclaration conjointe entre la République populaire de Chine et l’État de Palestine sur l’établissement d’un partenariat stratégique.

Selon les deux dirigeants, ce partenariat marque la volonté de continuer à soutenir les questions relatives à leurs préoccupations mutuelles, ainsi qu’à approfondir la coopération pour la BRI et à accélérer les négociations en vue d’un accord de libre-échange Chine-Palestine.

Il n’est pas nouveau que la Chine et la Palestine entretiennent un certain nombre de relations, même si celles-ci sont très en-deçà de celles que mènent Pékin avec le reste des Etats de la région, et notamment d’Israël. La Chine a été l’un des premiers pays à reconnaître l’Organisation de libération de la Palestine et l’État de Palestine, et soutient l’obtention pour la Palestine du plein statut de membre à l’Organisation des Nations Unies.

Les deux hommes d’Etats s’étaient rencontrés en 2017, lors de la signature de documents de coopération bilatérale. Au mois de décembre de cette même année, la Chine avait réussi à réunir des délégations d’Israel et de Palestine, sans réel succès.

Plus récemment, Xi et Abbas s’étaient retrouvés en Arabie Saoudite à l’occasion du Sommet sino-arabe tenu en décembre 2022.

Xi Jinping et Mahmoud Abbas en juillet 2017 à Pékin

En lien avec la « proposition en quatre points » de la Chine pour parvenir à une paix entre Israël et la Palestine, présentée en 2021 par l’ancien Ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, le président Xi Jinping a cette fois tenu à énoncer à nouveau trois recommandations :

  1. La création d’un État palestinien indépendant, jouissant d’une pleine souveraineté sur la base des frontières de 1967 et ayant Jérusalem-Est pour capitale.
  2. Les besoins économiques et les moyens de subsistance du peuple palestinien doivent être assurés, et la communauté internationale devrait accroître l’aide au développement et l’aide humanitaire à la Palestine.
  3. Le respect de la direction des pourparlers de paix et du statu quo qui s’est développé historiquement sur les lieux saints de Jérusalem ; l’organisation d’une conférence de paix internationale d’envergure ; la création des conditions nécessaires à la reprise des pourparlers de paix et déployer des efforts concrets pour aider la Palestine et Israël à parvenir à une coexistence pacifique.

Si, depuis les années 1990, la Chine affiche de bonnes relations tant avec Israël que la Palestine, sa transformation économique a bousculé son positionnement au sein des affaires internationales. Au Moyen-Orient, l’accent mis sur les questions économiques a réduit l’attention portée aux considérations politiques. Cela s’est traduit par une considérable augmentation des échanges commerciaux avec Israël. Le rôle de Pékin dans la réconciliation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran a donc été d’autant plus inattendue. La présence politique de la Chine au Moyen-Orient se renforce, bien qu’elle n’ait pour l’instant rien démontré dans le cas d’Israël et de la Palestine.


Par Alicia Tintelin, Cheffe du Pôle Proche-Orient à l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie (OFNRS)

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20.06.2023 à 11:00

La régulation environnementale du fret maritime

observatoirenrs

En 2022, à l’occasion de la COP27, se tenant à Charm El-Cheikh, en Egypte, plusieurs

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Texte intégral (7845 mots)

En 2022, à l’occasion de la COP27, se tenant à Charm El-Cheikh, en Egypte, plusieurs pays, notamment la Norvège, ont demandé à l’Organisation maritime internationale d’être davantage ambitieuse en termes de régulation environnementale, en rappelant que « si le transport maritime était un pays, il se classerait parmi les 10 plus grands émetteurs mondiaux » de CO2.

Actuellement, le transport maritime est le mode de transport le plus efficace pour faire transiter des marchandises longues distances. Il est utilisé pour près de 90% des flux de marchandises en volume du commerce international. Entre 1990 et 2020, les échanges maritimes ont été multipliés par quatre, et la capacité des plus gros porte-conteneurs a été multiplié par cinq.

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Source: l’Elephant, numéro 22, avril 2018

La République populaire de Chine a entamé dès 1978 une politique d’ouverture en matière commerciale, et a désormais une activité maritime à l’évolution spectaculaire. En 2012, l’ensemble des ports chinois a vu transiter 10,8 Milliards de tonnes de marchandises, soit le quadruple par rapport à 2002. Cela représente 2,5 fois le trafic de l’ensemble du continent européen, Russie et Turquie incluses. Avec l’annonce du projet des nouvelles routes de la soie maritime en 2013 par le Président chinois Xi Jinping, la dimension maritime du commerce en provenance de Chine est renforcée, ce projet incluant 68 pays dans le monde et déployant à terme six corridors, allant jusqu’à certaines parties de l’Europe et de l’Afrique de l’Est. L’ensemble de ces éléments témoignent de la puissance industrielle et commerciale de la Chine.

Cependant, le transport maritime est à l’origine de nombreuses formes de pollutions ayant un impact considérable sur l’environnement marin et l’homme, qui nécessitent d’être pris en compte par les Etats et les organisations internationales: déversement d’hydrocarbures, pollution plastique, pollution atmosphérique, pollution du littoral…D’après le rapport du GIEC de 2022, le transport maritime émet entre 600 et 1100 millions de tonnes de CO2 par an, et le programme des Nations unies pour l’environnement a rappelé la même année que si le secteur du transport maritime veut respecter ses engagements en matière environnementale, il faudrait changer l’ensemble de ses pratiques, notamment l’énergie utilisée pour faire avancer les navires.

La diversité des formes de pollution, affectant, tantôt, les mers territoriales ou les ports, tantôt la haute mer et sa diversité biologique et marine, ont donné naissance à une réglementation à géométrie variable. Cette dernière peut être établie de manière locale et unilatérale, pour préserver les espaces relevant de la souveraineté des Etats. Mais elle peut également faire l’objet de conventions internationales pour organiser l’ensemble de l’activité traversant la haute mer, qui est régie par le principe de liberté de navigation.

Cependant, à propos du transport maritime, la mise en place d’une réglementation est limitée par l’importance prise par le commerce international. La régulation du transport maritime, organisée au sein de l’OMI, reste souple, témoignant de la difficulté d’adopter un compromis en faveur de l’environnement, dans un monde où le droit international et sa communauté sont en perpétuelle concurrence avec la souveraineté des Etats et l’activité économique.

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Aujourd’hui, du fait d’une interdépendance croissante dans les domaines politiques, économiques, écologiques et bien d’autres, les Etats sont contraints de coopérer. Toutefois, les facteurs poussant à cette solidarité entre les Etats se heurtent à une persistance du phénomène souverain, même si le droit international est construit par les Etats agissant collectivement, du fait d’un système de valeurs communes et des nombreuses interdépendances. Le droit devient dès lors un enjeu de politique internationale, le premier étant l’instrument de réalisation du second.

Mais l’ordre juridique international connaît une constante expansion, tant de son champ d’application, que de la complexification des techniques de sa mise en oeuvre, posant un problème pour le maintien de son unité. Cela se traduit par la multiplication des organismes internationaux ou régionaux, mais aussi l’émergence de nouvelles branches du droit international au sein de la communauté, qui affectent de plus en plus les souverainetés des Etats. Les défis contemporains que posent le droit international de l’environnement en sont un exemple. En effet, le droit international de l’environnement et des espaces demeure imparfaitement appliqué en raison des contraintes de droit et de fait qu’il fait peser sur l’exercice des compétences de chaque Etat souverain.

Les règles relatives aux espaces maritimes et leur utilisation sont constituées de sources variées, coutumières ou conventionnelles, dont la principale est la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), conclue à Montego Bay le 10 décembre 1982, après neuf années de négociations.

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Pour rappel, le droit international maritime est né avec les 14 points du Président Wilson, prononcé devant le congrès américain en 1918 : « une absolue liberté de navigation sur les mers, en dehors des eaux territoriales en temps de paix, aussi bien qu’en temps de guerre, sauf si les mers doivent être partie ou totalement fermées afin de permettre l’application d’alliances internationales ». La Convention des Nations unies sur le droit de la mer est entrée en vigueur le 16 novembre 1994, après la ratification ou l’adhésion de 60 Etats. En 2023, 157 Etats ont signé la convention. Les non-signataires sont quelques Etats d’Amérique latine enclavés, les Etats-Unis, Israël et la Turquie.

L’application de ce texte est renforcée avec la création du TIDM, ayant une compétence à la fois contentieuse et consultative, et composée de 21 juges, élus pour 9 ans. Le texte prévoit notamment, la création des ZEE et ses droits d’exploitation (article 60)[1], la liberté en haute mer (article 87). La convention fait de la haute mer un patrimoine commun de l’humanité et créé l’autorité internationale des fonds marins.

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer est le cadre général de l’utilisation des espaces maritimes. Son caractère est quasi-universel, conduisant certains à la nommer « la Constitution pour les océans » (Tommy T.B Koh, président de la 3e conférence des Nations unies sur le droit de la mer). La CNUDM privilégie une approche globale pour régir les enjeux des espaces maritimes. Par exemple, son préambule met en évidence que « les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble », ce qui nécessite de définir « un ordre juridique pour les mers et les océans qui facilite les communications internationales et favorise les utilisations pacifiques des mers et des océans, l’utilisation équitable et efficace de leurs ressources, la conservation de leurs ressources biologique et l’étude, la protection et la préservation du milieu marin ».

Bien que la convention ne constitue pas un traité environnemental, c’est la première fois que des règles à ce sujet sont applicables aux espaces maritimes, dans la partie XII consacrée à la protection et la préservation du milieu marin.

Les dispositions générales sont conçues essentiellement pour préciser les droits et obligations des Etats et sont sujettes à interprétations, notamment à l’occasion d’un règlement pacifique des différends. Cela permet d’interpréter les dispositions de la CNUDM au sujet de la protection de l’environnement marin mais aussi à interpréter les dispositions générales du droit international de la mer, qui ne sont pas, en premier ressort, destinée à répondre aux enjeux environnementaux. Le rôle du TIDM, du juge international mais aussi des organisations multilatérales et des Etats est alors d’adapter le droit et d’interpréter les règles énoncées dans la convention dans une logique de bonne gouvernance des espaces maritimes.

Néanmoins, la CNUDM est l’aboutissement d’une longue négociation, basée sur des compromis, entre des intérêts divergents. C’est toute la complexité du droit international public. La recherche d’un équilibre entre les intérêts de la communauté et la souveraineté des Etats implique, à côté de la prise en compte des intérêts environnementaux, les préoccupations économiques, politiques ou sociales. Cet équilibrisme entre des intérêts parfois contradictoires apparaît comme un frein à la prise en compte de certains enjeux environnementaux. Trouver des intérêts communs aux parties devient complexe, tant l’établissement d’un ordre juridique pour les mers et océans apparaît compromis. L’interprétation juridictionnelle est limitée, par des contraintes d’ordre matériel et d’un point de vue fonctionnel: en effet, il est difficile pour un juge international d’avoir une interprétation dépassant le cadre général du texte et d’imposer aux Etats des exigences environnementales, quand bien même ces dernières pourraient contribuer à l’évolution du droit de la mer et de l’environnement marin. Ce dernier n’a pas le pouvoir ni la légitimité de transformer le texte conventionnel, adopté par les Etats, et d’aller au delà de leur souveraineté. Les lacunes en matière environnementale existant dans le droit international de la mer ne peuvent être comblées que par les Etats et leur bonne volonté.

Ainsi, la problématique de la protection de la haute mer reste entière. Cet espace privilégié du commerce maritime international échappe au contrôle des Etats côtier du fait de l’affirmation de la liberté en haute-mer, ce qui met en lumière les difficultés rencontrées pour élaborer une réglementation internationale efficace du transport maritime et l’appliquer, en dépit des règles adoptées au sein de l’OMI. Ces dernières sont insuffisamment respectées, la primauté étant accordée au commerce international. L’une des questions centrales pour l’avenir de la protection de l’environnement est l’harmonisation des rapports entre régulation environnementale et organisation du commerce international. Par exemple, bien que la déclaration de Doha de l’OMC (2001) ait réaffirmé l’engagement de ses Etats membres en faveur du développement durable, les négociations restent bloquées et l’OMC s’en tient à la primauté du commerce sur l’environnement.

L’ensemble de ces mécanismes et de ces contraintes fragilisent l’efficacité du droit international de l’environnement, malgré sa nécessité.

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Néanmoins, considérer que la concurrence entre les intérêts de la communauté internationale et ceux des Etats revendiquant leur souveraineté soit un frein inéluctable est réducteur. Les formes de pollution issues du transport maritime, aussi variées qu’elles soient, ont fait l’objet d’un intérêt croissant, tant au sein des Nations unies qu’à l’Organisation maritime internationale.

La pollution émise par les navires est de plus en plus préoccupante, du fait de l’augmentation du nombre de tonnes de marchandises transportées par voie maritime, s’élevant à 9Md de tonnes en 2017, et 48200 navires commerciaux, dont près de 40% sont des pétroliers.

Ainsi la pollution émise est variée, et deux types peuvent être définis: tout d’abord, la pollution affectant la faune et la flore marine, et d’autre part, les pollutions affectant les hommes.

La déversement d’hydrocarbure dans les espaces maritimes provenant de la cargaison d’un navire ou de son réservoir de carburants a des conséquences durables et particulièrement destructrices sur l’environnement marin. En effet, cette pollution peut provoquer l’asphyxie de l’écosystème marin, perturber le développement des espèces, contaminer les produits de la pêche et dégrader les paysages.

Un second type de pollution est tiré du déversement des déchets des navires, notamment les eaux usées, ou les eaux de cales, qui contiennent des substances polluantes qui s’accumulent dans l’environnement sans pouvoir s’éliminer.

Les navires sont aussi à l’origine d’une pollution plastique importante, certains scientifiques préviennent par exemple que d’ici 2050 la quantité des matières plastiques dans les océans sera supérieure à celle des poissons. Les navires peut aussi rejeter des déchets toxiques ou des ordures, mais aussi des eaux de ballast.

La pollution affecte enfin les littoraux, par une nuisance visuelle et une pollution de l’environnement aux impacts multiples.

Afin de prévenir et réduire cette pollution, plusieurs organe, existent et adoptent des réglementations: il s’agit d’une part de l’ONU, avec l’adoption de la CNUDM, et de l’OMI, en mesure de mettre en place des réglementations et conventions plus ciblées sur le transport maritime.

L’ONU, à travers l’adoption de la CNUDM, a défini la pollution du milieu marin, cette dernière étant l’introduction directe ou indirecte par l’homme de substances ou d’énergie dans le milieu marin. Cette dernière détaille ainsi le régime juridique applicable à l’établissement de normes, qui visent à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin à l’égard de navires étrangers et de navires immatriculés par l’Etat côtier ou battant son pavillon. Ces règles s’ajoutent aux normes internationales et des lois et règlements peuvent être adoptés par l’Etat côtier à l’égard de sa mer territoriale ou de sa ZEE. Image

Par ailleurs, l’OMI, une institution spécialisée de l’ONU, est spécialisée sur les questions relatives à la navigation. Elle a été créée en 1948, et organise la collaboration entre les Etats membres dans le domaine de la réglementation maritime, adopte des normes de sécurité et a pour but de prévenir les pollutions du milieu marin par les navires. A l’origine, l’OMI avait pour mission de garantir la sécurité maritime, mais a rapidement assumé la responsabilité des questions de pollution et a adopté des mesures visant à la prévenir, la maîtriser et atténuer les effets des dommages susceptibles d’être provoqué par les activités maritimes. A ce jour, l’OMI est composée de 174 membres et a adopté 21 instruments conventionnels liés à l’environnement.

L’OMI est à l’origine d’un certain nombre de conventions, dès 1972, notamment la Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets, entrée en vigueur en 1975 et la convention MARPOL, pour la prévention de la pollution par les navires, entrée en vigueur en 1983.

La convention de Londres et son protocole de 1996, sur la prévention de la pollution résultant de l’immersion des déchets, permet mettre en place un régime restrictif et de favoriser une gestion rationnelle des déchets pour éviter que la mer ne serve de décharge.

La convention MARPOL est la convention phare en matière de protection contre les pollutions provenant des navires, et est composée de six annexes traitant chacune un type particulier de pollution (hydrocarbures, produits chimiques en vrac, matières dangereuses en colis, pollutions par les eaux usées, pollution par les ordures, pollution de l’atmosphère).

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Source: Ocean Science, Modelling of discharges from Baltic Sea shipping, 2021

Enfin l’OMI a adopté une réglementation en 2001 imposant une réduction des émissions d’oxyde de soufre à 0,5%, les rejets de soufre ayant des conséquences sur les émissions de CO2 et sur la santé humaine.

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L’adoption de ces conventions, en apparence, est une avancée considérable pour rendre le transport maritime plus propre et respectueux de l’environnement, une contribution nécessaire mais en réalité, difficile à contrôler. Les conférences de parties, sont l’occasion pour les Etats ou la société civile de s’emparer des problématiques environnementales, mais dont les protocoles ou mesures adoptées ont un rôle essentiellement symbolique ou général. Mais elles ont récemment mis en lumière le manque d’implication du secteur du transport maritime dans la réduction des émissions de CO2, nécessaire pour amoindrir l’impact du changement climatique. Un rapport de l’OCDE datant de 2018 a montré qu’il était possible de décarboner le secteur dès 2035, mais cet objectif s’oppose à la résistance de nombreux Etats, comme le Brésil, l’Arabie saoudite, l’Inde, l’Argentine, le Japon et le Panama, s’opposant à l’encadrement des émissions en raison du préjudice causé sur le commerce, même si en 2017, lors du One Planet Summit, les Etats parties ont préconisé la compatibilité du secteur maritime avec les accords de Paris.

Enfin, en Novembre 2022, à l’occasion de la COP27 à Charm El-Cheikh, les Etats-Unis et la Norvège ont demandé à l’OMI de revoir son objectif de réduction des émissions de CO2 et de viser le zéro carbone, plutôt que la diminution de moitié des émissions d’ici à 2050. En effet, en 2022 la flotte mondiale compte plus de 100 000 navires, dont la moitié sont des navires marchands: les porte-conteneurs, pétroliers, chimiquiers et gaziers sont, d’après le rapport annuel du PNUE, responsable des trois-quart des émissions liées au transport maritime international. Ces derniers utilisent un des carburants les plus sales au monde, un résidu visqueux du pétrole qui émet des émissions de gaze à effet de serre à base de CO2, méthane et protoxyde d’azote. La COP27 a mis en évidence que les solutions techniques pour décarboner le transport maritime n’ont pas émergé et que si le secteur n’entame pas de changements, les émissions pourraient s’élever à 17% (contre 3% des émissions de GES actuellement) d’ici 2050.

Par ailleurs, des possibilités d’approfondissement de ces dispositions générales sont possibles, à l’initiative d’organisations régionales ou de la part des Etats au sein de leur mer territoriale ou zone économique exclusive. Cela se justifie par la particularité de certaines aires géographiques, comme la Méditerranée, qui concentre 25% du volume mondial de transport maritime et 30% du trafic mondial pétrolier, en faisant une des voies les plus fréquentées au monde.

Un exemple significatif est la convention de Barcelone relative à la lutte contre la pollution de la mer par des hydrocarbures et autres substances dangereuses (1976) renommée en 1995 « convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée »[2]. Cette convention constitue une avancée et un exemple d’approfondissement important de la coopération pour limiter la pollution. Mais ce cadre juridique multilatéral est sans égal. Il fait partie du programme des mers régionales du PNUE et constitue une expérience pilote mettant en coopération les Etats riverains, une institution internationale – le PNUE – et une institution régionale – l’Union européenne. L’expérience régionale permet de mettre en oeuvre une coopération stricte pour prévenir les accidents de pollution, dans le cas de la Convention de Barcelone, à l’aide d’un centre opérationnel de contrôle des opérations maritimes, le REMPEC, à Malte. Le centre assure la coordination entre les Etats riverains pour maximiser les efforts de lutte. Ainsi, la convention a mis en place différents protocoles englobant l’ensemble des formes de pollution dans le cadre du transport de marchandises : les opérations d’immersion par les navires (Dumping Protocol), la pollution par les hydrocarbures (Emergency Protocol), la pollution d’origine tellurique (Land-Based Sources Protocol).

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Exemples de programmes pour agir sur la régulation et les risques liés au fret maritime – westmed-initiative.ec.europa.eu, 2020

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Toutefois, la mise en oeuvre d’une réglementation pour réduire la pollution provoquée par le transport maritime se heurte à plusieurs limites, dont certaines induites par le droit international. Mettre en place une régulation environnementale pérenne dans un espace internationalisé nécessite un engagement de la part de l’ensemble de la communauté internationale. Mais face aux divergences entre les Etats, notamment les Etats en développement ou dépendant du commerce international, soucieux de préserver les enjeux économiques, mettre en oeuvre la transition verte pour le transport maritime est loin d’être une tâche aisée. Ainsi, l’ONU, à travers la CNUDM, ne donne qu’une définition générale de la pollution, démontrant de la complexité à trouver un consensus. De la même manière, les règles élaborées par l’OMI, à l’image de la l’annexe VI de la Convention MARPOL qui prévoit la limitation à 0,5% de la teneur en soufre dans le carburant utilisé, est perçue comme étant insuffisante. A l’échelle internationale, les instruments de protection ne sont pas suffisamment contraignants et approfondis afin de laisser une marge de manoeuvre aux Etats dépendant des carburants les plus polluants et du transport maritime.

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De plus, l’approfondissement à l’échelle régionale ou unilatérale, comme cela a été produit au sujet de la mer Méditerranée, peut rendre les règles en matière de contrôle de la pollution plus difficile à établir. Par exemple, dans le cadre de la Convention de Barcelone précédemment citée. Par exemple, en 2019, la France a proposé la mise en oeuvre d’une zone de contrôle des émissions atmosphériques (zone ECA), rendue possible par la Convention MARPOL, en Mer Méditerranée. En 2021, lors de la 22e réunion des parties contractantes à la convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, les Etats parties se sont accordés pour la création d’une zone SECA, permettant un contrôle similaire à la zone proposée par la France. Ce type de zone permet de mettre en place l’obligation pour les navires entrant en Méditerranée d’utiliser un combustible dont la teneur en soufre ne dépasse pas les 0,1% en masse, un fuel 5 fois moins polluant que la norme internationale hors zones SECA. Cette dernière a été approuvée en juin 2022, à l’occasion du 78e comité de protection du milieu marin de l’OMI, et entrera en vigueur juridiquement en 2024. Néanmoins, du fait de la nécessité de se coordonner avec l’ensemble des Etats riverains de la Méditerranée, les objectifs présentés par la France ont été revus à la baisse pour des raisons économiques, le fuel peu lourd en soufre coûtant plus cher que le fuel classique. En outre, les différents canaux par lesquels doit passer la réglementation pour entrer en vigueur sont lents, puisqu’après avoir été négociée et validée par les parties contractantes à la convention régionale, elle doit être soumise au comité de la protection du milieu marin de l’OMI, qui statue sur l’entrée en vigueur. Ce cheminement complexe peut retarder la mise en place de la régulation environnementale du transport maritime.

Enfin, les problématiques liées au caractère international des espaces maritimes démontrent qu’il est difficile de développer une régulation environnementale du transport maritime dans les zones se situant en dehors de celles sous souveraineté de l’Etat côtier. La réglementation va également dépendre de l’immatriculation du navire: en haute mer, un navire transportant des marchandises sous un pavillon de complaisance, c’est-à-dire un Etat à la réglementation plus souple, ne sera pas inquiété par ses activités, quand bien même ces dernières seraient à l’origine d’une forte pollution affectant durablement le milieu marin.

L’ensemble de ces difficultés fait dire aux ONG de défense de l’environnement, comme l’ONG Bruxelloise Transport et Environnement, que l’OMI est inefficace pour décarbonater le transport maritime. Assurément, cette dernière a tenté de faire pression sur l’UE, les USA et la Chine pour contraindre le secteur du transport maritime à diminuer ses émissions, à l’occasion de la COP27 à Charm el-Cheïkh. L’ONG met en avant le fait que la « nécessité d’un consensus au niveau mondial ne nous a mené nulle part », et enjoint ces grandes puissances à réglementer ce secteur de manière unilatérale. En effet, 84% de la flotte mondiale transite dans leurs ports, et même si à eux trois ils représentent moins de 40% des émissions du transport maritime, ils disposent de la puissance nécessaire pour mettre en place des mesures telles que le marché du carbone, la taxe sur la pollution et les objectifs d’efficacité énergétique des carburants zéro-émission.

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La Chine est une puissance maritime de grande ampleur. Son économie est dépendante du transport maritime et sa place grandissante dans ce secteur va de pair avec son ouverture sur le monde, débutée en 1978. Depuis les années 1980, la Chine est passée de la 10e à la 2e place au sein de l’économie mondiale. La Chine adhère à l’OMC en 2001, et prend depuis une place éminente dans le commerce maritime. Ainsi, le bilan portuaire chinois affirme qu’en 2012, l’ensemble des ports chinois a vu transiter 10,8 Milliards de tonnes de marchandises, deux fois plus qu’en 2005 et quatre fois plus par rapport à 2002. Cela représente 2,5 fois le trafic de l’ensemble du continent européen. L’armateur COSCO Shiping est le quatrième transporteur mondial, derrière MSC (Suisse), Maersk (Danemark) et CMA-CGM (France).

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De plus, son statut de puissance dans le domaine maritime s’illustre au travers des nouvelles routes de la soie, un gigantesque projet d’équipements en infrastructures, concernant 67% de la population mondiale, permettant à l’économie chinoise de monter en gamme. Ces éléments sont des illustrations de la puissance de la Chine et de sa capacité à influencer l’économie et la communauté internationales.

Toutefois, plus de trente ans de développement économique porté par l’industrialisation lourde ont engendré un niveau de pollution qui représente aujourd’hui un frein à la croissance, même si la Chine, premier pollueur au monde, est aussi le premier investisseur dans les énergies renouvelables. Pour accentuer ses investissements en énergies renouvelables et remplir les conditions énoncées dans l’accord de Paris, signé en 2015, le plan quinquennal de 2016-2020 porte les dépenses de recherche à 2,5% du PIB et ambitionne de réduire de 18% les émissions de CO2 du pays. Par ailleurs, la Chine a démarré la modification structurelle de son économie pour se tourner vers un modèle de développement équilibré, respectant des engagements environnementaux. Le pays a des capacités d’investissement importantes, qu’il mène à bien à travers l’initiative des nouvelles routes de la soie. Le plan quinquennal de 2021-2025 place le projet au centre des préoccupations, pour faire du développement durable un objectif partagé et mené à bien dans les accords bilatéraux parallèle aux nouvelles routes de la soie, sous forme d’avantages mutuels.

Avant toute chose, réduire la consommation de carburant lourd sans investir massivement dans les énergies renouvelables et ralentir le commerce international semble difficile à évaluer. Les réglementations adoptées par l’OMI, à l’image du celle sur les émissions d’oxyde de soufre, impactent les plus petits armateurs, sans inquiéter les leaders mondiaux à l’image de COSCO. L’industrie du conteneurs sera touché avec des coûts supplémentaires d’environ 10 milliards de dollars et la pression sur les flux pourrait pousser certaines entreprises à quitter le marché.

Afin de mieux cibler ce que les Etats ou entreprises doivent respectivement tenir dans le cadre de la régulation environnementale du transport maritime, il faudrait élaborer une évaluation environnementale du projet. Cela permettrait de s’assurer que les engagements environnementaux pris lors de la COP21 et la réglementation adoptée par l’OMI sur le taux de soufre dans le carburant, soient respectés. Par exemple, l’engagement dans la transition énergétique des armateurs chinois, notamment COSCO, doit pouvoir être accompagné et contrôlé.

A ce titre, une étude produite par le PNUD a montré que la question de l’harmonisation des normes environnementales de financement et d’investissement est un sujet de préoccupation pour la Chine, et des lignes directrices pour promouvoir les routes de la soie « vertes » avaient été publiées en 2017. La BRI International Green Development Coalition, lancée en 2019, avait pour objectif d’orienter les financements vers des investissements verts et en 2023, Ding Xiangming, vice-président du port de Shanghai, à l’issue d’un colloque avec les politiques et entrepreneurs français et chinois, avait déclaré que la Chine était sensible au programme de développement des ports verts: « nous voulons travailler sur le GNL pour réduire notre bilan carbone ».

La Chine intègre de plus en plus les normes écologiques dans sa vision du commerce international comme dans sa politique étrangère, mais les initiatives en faveur d’une réduction de la pollution due au transport maritime ne sont pas assez importantes. La cause est double : le manque d’investissement à l’échelle internationale est flagrant et la préoccupation principale reste la préservation des intérêts économiques, la mondialisation ayant placé la communauté internationale dans une situation de dépendance inégalée vis-à-vis des activités maritimes. Ainsi, les partenariats naissants s’établissent en faveur des énergies renouvelables, comme l’éolien ou les panneaux solaires, le développement de villes durables ou des transports routiers et ferroviaires plus durables, le transport maritime étant relégué en seconde zone.

La question reste désormais de savoir de quelle manière le modèle des nouvelles routes de la soie peut-il intégrer des prérogatives en faveur de la régulation environnementale du transport maritime et si les nouvelles routes de la soie « verte » sont à la hauteur des enjeux qu’impliquent la dé-carbonation du transport maritime.


Par Margaux Dick-Simon, Analyste secteur maritime à l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie

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19.06.2023 à 09:00

Malaisie et Chine, quelle place pour les relations socio-culturelles ?

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Bien que les Nouvelles Routes de la Soie soient avant tout un projet visant le

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Bien que les Nouvelles Routes de la Soie soient avant tout un projet visant le développement des infrastructures de communication et que le commerce en est la clé de voûte, le projet revêt également des ambitions de partage culturel. Les Nouvelles Routes de la Soie tentent de raviver « la paix et la coopération, l’ouverture et l’inclusion, l’apprentissage mutuel et le bénéfice mutuel » entre les peuples. Les échanges culturels ou universitaires, le tourisme ou les sciences et technologies sont autant d’échanges prenant part à l’établissement de liens entre les populations concernées par les Nouvelles Routes de la Soie. Il est donc intéressant de s’attarder sur la dimension socio-culturelle de ces relations bilatérales afin d’identifier les composantes pouvant prendre part à ce projet des Nouvelle Routes de la Soie. Ainsi, dans le cadre de la relation sino-malaisienne, il est possible d’identifier plusieurs éléments participant à cette logique. Nous verrons ainsi la place qu’occupe l’Islam dans les relations Malaisie-Chine, la place du tourisme en Malaisie, puis le domaine universitaire. Enfin il paraît important d’analyser la place de la communauté chinoise en Malaisie et son rôle dans les relations économiques.

La place de l’islam

Au premier abord, la question de l’Islam peut paraître hors sujet du point de vue des relations bilatérales entre les deux pays. La question religieuse est très étroitement liée aux questions ethniques en Malaisie. Malgré leurs différences ethnolinguistiques, les Malais ethniques sont exclusivement de confession musulmane, cela instaure donc une différence notable avec les Malaisiens d’autres ethnies. Il s’agit du ciment pour l’unité de tout un groupe, l’Islam a des effets importants sur le domaine législatif, culturel ou institutionnel de la Malaisie (1). La Malaisie se montre aussi proche du concept de Oumma (idée d’une communauté musulmane peu importe la nationalité ou l’appartenance ethnique d’un individu) (2). De ce fait, face à l’importante place de l’Islam dans le monde politique malaisien, les relations avec la Chine communiste peuvent paraître à première vue difficiles. Mais les sujets religieux ne constituent pas un frein à la relation entre les deux pays, bien au contraire. La religion est même devenue une source pour de nouvelles opportunités économiques bilatérales.

Il ne faut d’autant pas oublier la place que l’Islam a occupée au sein des routes de la soie historiques, ces dernières s’inscrivant aussi dans une logique d’échanges religieux et culturels. L’Islam s’est répandu dans l’Empire du Milieu le long de la route de la soie, devenant un lien important entre la Chine et les pays islamiques. L’Islam a donc profondément influencé les relations politiques, économiques, culturelles et internationales le long des routes de la soie (3). Au XXIe, la place de l’Islam ne peut donc pas être négligée dans la mise en œuvre des Nouvelles Routes de la Soie. La Malaisie étant un pays où l’Islam occupe une place de premier plan, il est donc intéressant d’analyser la place de la religion dans les relations bilatérales. Il ne faut également pas oublier que l’Asie du Sud-Est est la deuxième région du monde en termes de nombre de musulman, et ce après l’Asie du Sud. Ainsi, d’un point de vue géopolitique, à l’instar de l’Asie du Sud ou Centrale, l’Asie du Sud-Est est l’un des principaux canaux de communication de la Chine vers l’ouest et vers le sud. La compréhension et le respect de l’Islam par la Chine sont donc nécessaires dans ces relations diplomatiques afin de garantir la réussite des Nouvelles Routes de la Soie.

Femmes musulmanes malaisiennes se rassemblant avant de rompre leur jeûne pendant le mois sacré islamique du Ramadan sur la place Merdeka à Kuala Lumpur le 4 juin 2017 (Photo by Mohd Rasfan/AFP)

Dans un premier temps, cette coopération religieuse se manifeste sous la forme d’une sous-traitance des problématiques liées à l’Islam en Chine (4). C’est en fait dans les années 2000, sous l’impulsion de la communauté sino-malaisienne de confession musulmane (il existe en effet des Chinois malaisiens de confession musulmane. Ils représentent 1% de la population de Malaisie, soit 42 000 personnes (5) à 3% selon certaines organisations comme l’Associations des sino-malaisiens musulmans), que la Malaisie va utiliser son statut d’État musulman dans ses relations avec la Chine. Ainsi, ce sont une trentaine d’imams chinois qui ont été formés de 2004 à 2006 en Malaisie à la suite d’un accord entre deux pays (6). Cette coopération concerne cependant les musulmans chinois de l’ethnie Hui (population Han de confession musulmane) car le PCC refuse toute coopération concernant les populations musulmanes turcophones de l’ouest de la Chine notamment les Ouïghours.

La religion laisse également place à des opportunités économiques à savoir celles de l’industrie halal. La Malaisie met ainsi en avant son savoir-faire dans le domaine de l’alimentation halal afin d’accroître les débouchés notamment en Chine. Avec environ 30 millions de musulmans en Chine (7), le marché chinois est plus important que celui de la Malaisie elle-même. Dans le douzième plan pour la planification économique de la Malaisie, présenté en 2021, l’une des stratégies clés pour stimuler la croissance malaisienne est le renforcement de la compétitivité de l’industrie halal. La Chine semble en être un des moteurs privilégiés (8).

Le secteur de l’alimentation est la principale composante de l’industrie halal malaisienne (avec des revenus d’affaires dans le secteur estimés à 31 milliards de dollars en 2021, ils devraient atteindre 47,6 milliards de dollars d’ici 2025 selon la Banque Mondiale) (9). À tel point que cela en devient un enjeu politique. En effet, en juillet 2014, Najib Razak a entamé une visite officielle pour célébrer les 40 ans des relations Malaisie-Chine. Lors de cette visite, il s’est rendu à la grande mosquée de Xi’an (10). Vieille de plus de 1200 ans, elle est le symbole de l’Islam chinois. Après l’annonce de dons pour participer à l’entretien et la rénovation de cet édifice, le Premier ministre malaisien a également annoncé la mise en place d’un consulat dans la ville de Xi’an. Les intérêts économiques apparaissent alors. Avec ses 12 millions de musulmans, la province du Shaanxi et sa capitale Xia’an représentent un potentiel économique important (11). Le Premier ministre Najib a également inauguré le Malaysia-Xi’an Halal Food Festival organisé par le ministère de l’Agriculture malaisien, preuve une fois de plus de la place de l’industrie halal (12).

Malaysia international Halal showcase: photo de leur site officiel

Autre exemple de cette coopération au sujet de l’alimentaire halal ; le Multinational E-commerce Import & Export Trade Conference, ayant pris place en août 2014. Il s’agit d’un événement visant à favoriser les échanges entre la zone franche malaisienne de Port Klang et les sociétés halal de la province du Ningxia en Chine (région à dominante Hui). Avec le potentiel du marché halal en Chine, nombreux sont ceux convaincus que le port de Klang pourrait être une plateforme privilégiée pour l’industrie halal (le port Klang est le plus grand centre logistique en Malaisie, et le 12ème port dans le monde en 2018 en termes de volume, notamment du fait de sa place stratégique face au détroit de Malacca et sa proximité avec Kuala Lumpur) (13). Avec l’établissement de la China-Malaysia Halal E-commercial Center et de l’International Halal Certificate Service Center à Ningxia, le pari est de faire de l’industrie halal le ciment de la coopération entre Port Klang et Ningxia pour devenir un exemple du commerce sino-malaisien (14).

Le tourisme chinois en Malaisie

Les relations socio-culturelles se traduisent également par des mouvements de population à l’image du tourisme. Le tourisme, au même titre que les liens cultuels et religieux, est un des vecteurs alimentant le rapprochement entre la Malaisie et la Chine s’inscrivant ainsi dans la vision culturelle des Nouvelles Routes de la Soie.

L’Asie du Sud-Est est la région du monde avec la plus forte croissance touristique, cela participe à la création d’un environnement de plus en plus compétitif entre les États cherchant à tirer profit des multiples retombées (15). Ce dynamisme s’explique par une hausse ininterrompue du nombre de touristes chinois du fait de l’élévation de la classe moyenne chinoise, et ce jusqu’au moment de la crise sanitaire. Avec 26 millions de touristes en Malaisie avant l’instauration des restrictions de voyage, les touristes chinois étaient au nombre de 2,9 millions en 2018 et 3,1 millions en 2019 (16). Il s’agit ainsi du troisième contingent de touristes en termes de nombre d’entrées dans le pays. La Malaisie est d’ailleurs la deuxième destination pour les Chinois en Asie du Sud-Est après la Thaïlande (17).

Partenariat avec le géant chinois de l’Internet dans le cadre de l’initiative Malaysia Smart Tourism 4.0

Ces résultats font suite aux mesures de soutien au secteur touristique dans le but de favoriser l’entrée de touristes chinois. Depuis 2015, des campagnes de commutation visant la promotion de la culture malaisienne ou encore l’amélioration et la construction d’infrastructures ont été mises en œuvre dans ce sens (18). Le gouvernement cherche en effet à favoriser le tourisme du fait de son potentiel de croissance pour l’industrie locale. Le tourisme aurait rapporté 19,83 milliards de dollars sur l’année 2019 (19). Les touristes chinois en Malaisie ont ainsi dépassé en nombre les touristes thaïlandais. Cependant, ces derniers restent moins nombreux que les Singapouriens et Indonésiens qui demeurent respectivement premier et deuxième en termes de nombre d’entrées en Malaisie (20), combinés ils représentent 50% du tourisme dans le pays.

Durement touchée par la crise sanitaire, l’Asie du Sud-Est a vu cette activité dynamique fortement perturbée et la Malaisie n’en fait pas exception. Cela fait maintenant un an que la Malaisie a réouvert ses frontières aux personnes vaccinées. Mais il est probable que les tendances d’avant crises s’accélèrent. Le e-tourisme pourrait alors prendre une place beaucoup plus importante et les contrôles plus stricts à l’entrée du pays se poursuivront (21).

La coopération universitaire

La mobilité étudiante et la coopération entre les universités chinoises et malaisiennes participent également à l’articulation des liens entre les deux pays. Dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie de l’Éducation, le cas de la Malaisie s’avère intéressant à analyser.

C’est d’ailleurs depuis les années 2000 que la Malaisie promeut son image de pays islamisé ouvert à la modernité et au capitalisme dans le but d’attirer des étudiants issus du monde musulman (22). Les relations avec la Chine à ce sujet remontent quant à elle à 1997, date à laquelle sont signés des accords bilatéraux afin de garantir la mobilité étudiante entre les deux pays. Cela fait suite à une mobilité plus aisée due à la fin de la Guerre Froide. Couplé à de nouveaux accords en 2010, l’attrait pour la Malaisie, et l’Asie du Sud-Est en général, est pour les Chinois de plus en plus fort.

Selon le ministère de l’éducation chinois, pas moins de 703 500 étudiants chinois ont effectué leurs études à l’étranger en 2019. Les pays anglo-saxons (en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie) restent les plus plébiscités mais une augmentation est observable dans les pays d’Asie du Sud-Est (23). Avec des estimations prévoyant 1,9 million de chinois étudiants à l’étranger en 2050 (24), cette tendance se poursuivra en particulier si le contexte international venait à influencer le choix de destination des étudiants. Singapour, la Thaïlande ou encore la Malaisie ont ainsi émergé comme les destinations favorites pour les Chinois désireux de pousser leur choix hors de l’Amérique du Nord. Pour beaucoup la proximité géographique et les frais de scolarité sont des facteurs déterminants dans ce choix. Ainsi dans le cadre de la Malaisie, 19 202 étudiants chinois ont postulé dans les universités du pays en 2021 (25).

En plus de la mise en place de canaux d’échanges universitaires, il est possible de constater la présence de campus chinois dans le pays. Le projet le plus emblématique est celui de l’implantation de l’université de Xiamen dans le district de Sepang au sud de Kuala Lumpur. L’université de Xiamen a été fondée par le philanthrope Tan Kah Kee en 1921. Le Dr Lim Boon Keng, médecin malaisien, a été le premier président de cette université pendant 16 ans. C’est durant cette période que l’université de Xiamen a attiré des centaines d’étudiants de Malaisie et d’Asie du Sud-Est. C’est en octobre 2013 qu’un accord d’implantation en Malaisie a été signé par Xi Jinping. Inauguré en 2015 par le Premier ministre Li Keqiang, ce dernier a salué « la profondeur des échanges entre la Chine et la Malaisie, mais aussi de l’ouverture du gouvernement malaisien et de son peuple ». Le projet de 290 millions de dollars a été financé par des prêts chinois (26). En février 2020, l’université accueillait 4 000 étudiants (27).

Cette présence croissante des universités chinoises à l’étranger se mesure ainsi dans le cadre de Malaisie. Les relations sino-malaisiennes touchent au domaine universitaire ce qui s’inscrit dans la vision des Nouvelles Routes de la Soie de l’éducation, bénéficiant de surcroît des investissements liés à ce projet. La stratégie de la Chine étant de renforcer les échanges d’étudiants et de professeurs avec les pays prenant part aux Nouvelles Routes de la Soie, l’implantation d’établissements d’enseignement à l’étranger l’est également (28).

Le rôle de la communauté sino-malaise

Pour bon nombre d’observateurs des questions économiques chinoises, un lien direct existe entre la Chine et les Chinois d’outre-mer (29). Cette grande communauté est présente à 80% en Asie du Sud-Est ce qui interroge sur son rôle dans le développement économique de cette région et de sa place dans les relations bilatérales. Il s’agit de la notion de l’ethnic business qui s’est développée face aux importantes dynamiques économiques des pays d’Asie du Sud-Est (30). Il est donc intéressant de s’attarder sur le rôle de cette communauté chinoise en Malaisie. Abritant la troisième plus importante population chinoise au monde hors de Chine (après Taïwan et la Thaïlande), soit 6,9 millions de Chinois (environ 21% de la population malaisienne), un rôle notable des sino-malaisiens peut être constaté en Malaisie même s’il est à nuancer.

Il faut d’emblée noter que les Chinois de Malaisie ne sont plus des « Chinois de Chine » depuis plusieurs décennies déjà. En 1957, 75% d’entre eux étaient nés en Malaisie (31). Aujourd’hui, la plupart des Sino-malaisiens sont la troisième, voire quatrième, génération d’immigrés et bon nombre d’entre eux se considèrent comme Malaisien et ne s’identifient plus à la Chine. Une grande partie ne parle plus les dialectes pratiqués par leur ancêtre ou ne connaît plus la ville d’origine de leurs aïeux (pourtant importante dans la culture chinoise car il s’agit du lieu où se font traditionnellement enterrer les Chinois) (32). Pour beaucoup donc, le lien avec la Chine n’existe plus. Le pays de leurs ancêtres apparaît plutôt comme une source d’opportunités pour les affaires (33). En effet, les Chinois de Malaisie ont été un moteur économique important en Malaisie, et en Asie du Sud-Est en général, pour la construction de ces États nouvellement indépendants (34). C’est à partir des années 1980 que la Chine a commencé à tirer parti de la réussite économique des communautés chinoises d’Asie du Sud-Est afin de favoriser les investissements en provenance de Chine. Il est également intéressant de noter que des organisations favorisent le développement des relations économiques comme la chambre de commerce et de l’industrie des Chinois de Malaisie (ACCCIM) ou le Conseil d’affaires Malaisie-Chine (MCBC) (35), et que certains entrepreneurs influents ont mis en place un lobbying dans le but de favoriser les mesures d’élargissement des relations sino-malaisiennes.

Les Chinois du sous-groupe Hakka, sont souvent reconnus pour avoir créé des boutiques de médecine traditionnelle chinoise en Malaisie

Mais, la situation économique de la communauté chinoise est loin d’être homogène et leur réussite économique dépend aussi des liens entre les entrepreneurs et le gouvernement (36). De plus, même si les conflits inter-ethniques ont été moins présents en Malaisie que dans le reste de l’Asie du Sud-Est et que le pays est souvent cité comme un exemple d’accommodement ethnique, il ne faut pas oublier les émeutes raciales du 13 mai 1969 et la Nouvelle Politique économique de 1971. L’objectif était alors de réduire l’importance économique des Chinois de Malaisie (37). De plus, les minorités chinoises d’Asie du Sud-Est n’ont pas le monopole de l’investissement en Chine au même titre que la Chine n’a pas l’exclusivité de leurs intérêts. D’ailleurs, à partir des années 1990, au fur et à mesure des investissements chinois en Malaisie, cette communauté perd progressivement de son attractivité (38). La communauté chinoise de Malaisie est loin d’être une caisse de résonance des intérêts chinois dans le pays et leurs relations avec la Chine demeurent avant tout économiques. Ces relations économiques ne sont donc pas facilitées du simple fait de la présence d’une communauté chinoise en Malaisie car les liens culturels et historiques demeurent faibles (39). La notion d’ethnic business évoquée plus haut n’est donc pas à exagérer. Les Chinois de Malaisie ne sont pas un levier pour la Chine, il s’agit d’un avantage pour les relations bilatérales mais en aucun cas d’un relais pour les objectifs de Pékin.

L’opinion public

Il existe en Malaisie un large consensus politique et populaire quant au caractère bénéfique des relations avec la Chine. Mais cette quasi-unanimité est à nuancer en particulier après 2014, date à laquelle émergent des tensions liées aux à la mer de Chine Méridionale (40). Malgré la position conciliante de la Malaisie sur cette question, les incursions récurrentes de la marine et des garde-côtes chinois au sein de la ZEE (zone économique exclusive) malaisienne, ont entraîné des réactions de la part de la Malaisie qui se sont traduites dans l’opinion publique.

Du point de vue de la communauté sino-malaisienne, cette dernière se réjouit des bonnes relations entre la Chine et la Malaisie, en particulier de l’importance que prend la Chine vis-à-vis de la Malaisie. Ils n’ont bien sûr aucun intérêt à ce que la Malaisie devienne une province chinoise car la Chine n’est pas leur pays, mais ils savent qu’en cas de tensions communautaires avec les musulmans, le gouvernement malaisien sera dissuadé de prendre des mesures anti-chinoises car cela attiserait les tensions avec Pékin qui dispose de moyens de pression importants (41). Cette question de la communauté chinoise s’avère épineuse dans l’opinion publique malaise. Cette dernière a par exemple mal perçu l’intervention de l’ambassadeur chinois en septembre 2015 à la suite d’une grande manifestation de la fierté malaise. L’ambassadeur avait affirmé que Pékin ne tolérait aucune « discrimination raciale » et démonstration violente envers la communauté chinoise (42), une déclaration allant à l’encontre des Malais musulmans.

Concernant les projets des Nouvelles Routes de la Soie, les perceptions et expériences des Malaisiens s’avèrent plus nuancées. Bon nombre d’entre eux jugent positif l’impact des investissements chinois dans le pays, notamment lorsque cela se traduit par la création d’emplois et la stimulation de l’économie locale. Ce sentiment s’est renforcé avec la crise sanitaire du fait du besoin de plus en plus important de création d’emplois. Cependant, il est important de noter que les critiques portent sur un manque d’engagement ou de consultation des populations locales qui entrent également en conflit avec les ouvriers chinois présents dans le pays, en particulier sur des questions culturelles et linguistiques (43). Pour des questions plus complexes comme les droits fonciers, la transparence, la communication ou encore les questions linguistiques et culturelles, les avis sont plus partagés et dépendent ainsi de chaque projet chinois en développement en Malaisie.

Le matériel roulant CRRC a fourni une employabilité locale aux communautés locales de Perak

Ainsi, cette situation de l’opinion publique résume bien la place des acteurs socio-culturels dans les relations sino-malaisiennes. En analysant les différentes facettes de la société malaisienne, il est possible de constater la place que chaque acteur occupe dans cette relation. Dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie ces derniers s’avèrent importants afin de garantir la réussite et la pérennité des investissements chinois en Malaisie. La place complexe de la communauté chinoise ou encore le rôle de l’Islam sont autant de facteurs divers et complexes prenant part dans ces relations. Le tourisme et le développement de partenariats universitaires participent aussi à cette dynamique de partage de cultures entre les peuples que veut faire revivre les Nouvelles Routes de la Soie et la Malaisie en est un élément de premier plan.


Par Théo Banse, Analyste stagiaire Asie du Sud-Est à l’OBservatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie


Références

(1) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p.86.

(2) Farish Noor, Islam et politique en Malaisie : une trajectoire singulière, Critique internationale 2001/4 (n°13), pages 103 à 118

(3) Li, Fuquan. « The Role of Islam in the Development of the ‘Belt and Road’ Initiative ». Asian Journal of Middle Eastern and Islamic Studies, vol. 12, no 1, janvier 2018, p. 35‑45. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1080/25765949.2018.1439617.

(4) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p.91.

(5) Department of Statistics, M. (2011). Population distribution and basic demographic characterisitcs 2010. Kuala Lumpur

(6) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p.91.

(7) Selon le World Factbook, la proportion de musulmans en chine est de 1.8%, selon le Pew research center il y aurait 28 million de musulmans en chine en 2020

(8) –

(9) « Islamic Finance and the Development of Malaysia’s Halal Economy ». World Bank, https://www.worldbank.org/en/country/malaysia/publication/islamic-finance-and-the-development-of-malaysia-s-halal-economy

(10) « Najib Hails Meaningful and Successful China Visit ». The Star, ERROL OH et THO XIN YI https://www.thestar.com.my/news/nation/2014/06/02/najib-hails-meaningful-and-successful-china-visit-klbeijing-ties-will-be-even-closer-in-years-to-co

(11) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p.110.

(12) « Najib Hails Meaningful and Successful China Visit ». The Star, ERROL OH et THO XIN YI https://www.thestar.com.my/news/nation/2014/06/02/najib-hails-meaningful-and-successful-china-visit-klbeijing-ties-will-be-even-closer-in-years-to-co

(13) Andy Home (13 July 2020). “Column: London Metal Exchange shines a (little) light on shadow stocks”. Reuters.

(14) « China, Malaysia Promote Chinese Halal Industry Globally ». The Halal Times, 5 août 2014, https://www.halaltimes.com/china-malaysia-promote-chinese-halal-industry-globally/ publié sur news.xinhuanet.com

(15) Cabasset, Christine, et al. « Le tourisme sud-est asiatique à l’épreuve du Covid-19 ». L’Asie du Sud-Est 2022 : bilan, enjeux et perspectives, édité par Jérôme Samuel, Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2022, p. 59‑82. OpenEdition Books, http://books.openedition.org/irasec/4647

(16) Arrivals by Country | Tourism Malaysia. https://mytourismdata.tourism.gov.my/?page_id=232#!range=year&from=2018&to=2022&type=55876201563fe,558762c48155c&destination=34MY&origin=32CN,32JP,33IN,34BN,34ID,34PH,34SG,34TH,42UK,51AU

(17) Organisation mondiale du tourisme, 2019, Faits saillants du tourisme, Madrid, OMT

(18) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p.117.

(19) Organisation mondiale du tourisme, 2019, faits saillants du tourisme, madrid, OMT

(20) Arrivals by Country | Tourism Malaysia.

(https://mytourismdata.tourism.gov.my/?page_id=232#!range=year&from=2018&to=2022&type=55876201563fe,558762c48155c&destination=34MY&origin=32CN,32JP,33IN,34BN,34ID,34PH,34SG,34TH,42UK,51AU)

(21) Cabasset, Christine, et al. « Le tourisme sud-est asiatique à l’épreuve du Covid-19 ». L’Asie du Sud-Est 2022 : bilan, enjeux et perspectives, édité par Jérôme Samuel, Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2022, p. 59‑82. OpenEdition Books, http://books.openedition.org/irasec/4647

(22) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p.105

(23) Source selon une enquête de Zhilian Zhaopin et Times, Global. Job opportunities on the rise in China in 2021, after economy gains tract: Report – Global Times. https://www.globaltimes.cn/page/202103/1219073.shtml

(24) Chinese Students Study Abroad Statistics And Trends in 2023, Gitnux, https://blog.gitnux.com/chinese-students-study-abroad-statistics/

(25) « Here’s Why Chinese Parents Are Getting Their Kids Enrolled in Southeast Asian Schools ». WION, https://www.wionews.com/east-asia/heres-why-chinese-parents-are-getting-their-kids-enrolled-in-southeast-asian-schools-523566

(26) Hong Kong University of Science and Technology. The Belt and Road Initiative in ASEAN – Malaysia | Reports | Publications | HKUST Institute for Emerging Market Studies | Reports | Publications | HKUST Institute for Emerging Market Studies. https://iems.ust.hk/publications/reports/uob-bri-overview

(27) Idem

(28) Ong, Yu Sing. One Belt, One Road: Enhancing Malaysian Students’ Mobility. août 2016. DOI.org (Datacite), https://doi.org/10.5281/ZENODO.60078

(29)Freedman, Amy L. Political Participation and Ethnic Minorities: Chinese Overseas in Malaysia, Indonesia, and the United States. Routledge, 2000. page 50

(30) LAFAYE de MICHEAUX Elsa, 2014, « Chine-Malaisie (vue de Malaisie), menace ou relation consensuelle inscrite dans la continuité ? », rubrique Opinions-débats, La Revue de la régulation, n °15, printemps, http://regulation.revues.org

(31) HIRSCHMAN, 1972, Ethnic Stratification in West Malaysia, PhD Thesis, University Wisconsin page 48 à 49

(32) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p80

(33) Ibid

(34) Freedman, Amy L. Political Participation and Ethnic Minorities: Chinese Overseas in Malaysia, Indonesia, and the United States. Routledge, 2000. page 50

(35) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p83

(36) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p82

(37) Freedman, Amy L. Political Participation and Ethnic Minorities: Chinese Overseas in Malaysia, Indonesia, and the United States. Routledge, 2000. page 50

(38) WANG Gungwu, 1997, « Southeast Asian Chinese and the development of China », in Leo Suryadinata (dir.), Southeast Asian Chinese and China. The Politico-economic dimension, Singapour, Times Academic Press, page 27 à 28

(39) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p83

(40) Ibid

(41) Dirigeant associatif sino-malaisien, avril 2014 issue de Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018

(42) Delfolie, David, et Fau. Malaisie – Chine: une ” précieuse ” relation. Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 2018. p.80

(43) Social impact and community perception of belt and road initiative projects in Malaysia by merdeka center for opinion research

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16.06.2023 à 22:46

“Pékin enverra des ingénieurs, pas des armes, dans la Corne de l’Afrique”

observatoirenrs

L’envoyé spécial de la Chine pour la Corne de l’Afrique, Xue Bing, a effectué une

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Texte intégral (1910 mots)

L’envoyé spécial de la Chine pour la Corne de l’Afrique, Xue Bing, a effectué une tournée dans quatre pays de la région afin de présenter la proposition alternative de son pays pour mettre fin aux conflits incessants. Le diplomate affirme toutefois que la Chine ne fera pas concurrence aux puissances occidentales pour armer les combattants dans la région. Au contraire, elle a l’intention d’envoyer des ingénieurs et des scientifiques pour aider à résoudre les problèmes de pauvreté et d’infrastructure qui, selon lui, pourraient cimenter la paix à long terme.

Pourquoi la Chine se concentre-t-elle désormais davantage sur la Corne de l’Afrique ?

La Corne de l’Afrique est un groupe de huit pays, qui sont tous de véritables amis de la Chine. Nous avons des partenaires très stratégiques avec lesquels nous entretenons des échanges à long terme – politiques, économiques, culturels, entre les peuples – et depuis longtemps, la Chine a fait beaucoup pour améliorer le développement et le niveau de vie des populations et a déployé beaucoup d’efforts pour améliorer ces relations. D’autre part, cette région présente également de nombreux problèmes qui provoquent de nombreux conflits, qu’il s’agisse de problèmes de frontières, de conflits ethniques ou de conflits religieux. Nous pensons que ces problèmes doivent être résolus, sinon il ne peut y avoir de développement approprié. C’est pourquoi la Chine a mis en avant les perspectives de paix et de développement. La paix et la sécurité sont des conditions préalables au développement, tandis que le développement est une base pour la paix et la sécurité.

La Chine veut jouer un rôle dans ce domaine pour promouvoir la sécurité, le développement et la gouvernance dans cette région. Je suis venu ici pour demander l’avis des dirigeants régionaux sur la proposition de paix de la Chine, et je profiterai également de ce voyage pour encourager les pays de la région à organiser la première conférence de paix au cours du premier trimestre de cette année.

Outre votre visite, quelles seront vos responsabilités dans ce nouveau rôle ?

Outre la tâche de cette visite, je maintiendrai une communication étroite avec les pays de la région, y compris leurs représentants à Pékin. En fait, j’ai déjà rencontré les chefs de mission à Pékin. Avant de venir ici, j’ai visité l’Érythrée, l’Éthiopie et la Somalie, et d’après ce que je vois, la réponse initiale à la proposition chinoise est très positive.

Comment la Chine compte-t-elle utiliser son expérience chez elle pour apporter une paix et une sécurité durables dans la Corne ?

Au cours des quelque 70 années qui se sont écoulées depuis sa fondation, sous la forte direction du Parti communiste, la République populaire de Chine a connu une longue période de développement. Nous avons accompli deux miracles : le premier est le développement de l’économie, qui nous a permis de devenir la deuxième plus grande économie du monde il y a plus de dix ans, et nous avons maintenu cet élan. Le deuxième miracle est la stabilité sociale à long terme.

Les pays de la Corne de l’Afrique étant de véritables amis de la Chine, nous sommes parfois très tristes de voir que les conflits font toujours rage et causent beaucoup de misère. Nous voulons partager notre approche chinoise et contribuer à la paix et à la sécurité régionales en utilisant la sagesse chinoise. C’est pourquoi nous avons présenté cette proposition, dont l’essence est de se débarrasser de l’intervention extérieure. Nous respectons et soutenons les pays de la région pour qu’ils règlent leurs différends de manière indépendante. Il s’agit d’une proposition chinoise, mais les pays de la région joueront un rôle de premier plan et seront les principaux acteurs.

Comment les perspectives sur la paix et le développement abordent-elles spécifiquement la paix et la sécurité à long terme dans la corne de l’Afrique ?

Cette proposition comporte trois aspects. Le premier est le pilier de la sécurité, qui vise à promouvoir les contacts régionaux pour surmonter les défis de la paix et de la sécurité. En mettant cela en œuvre, nous avons proposé d’organiser la première conférence de paix régionale où les gens peuvent se réunir et discuter des problèmes. Nous voulons fournir cette plateforme pour que tout le monde se réunisse pour régler ses différends sans intervention extérieure et pour régler ses différends par des négociations pacifiques.

Le deuxième aspect est le développement. Pour améliorer la vie des gens, il y a beaucoup de projets soutenus par les Chinois dans cette région. Les plus importants, par exemple, sont les deux lignes ferroviaires : Nairobi à Mombasa, et Addis-Abeba à Djibouti-ville. L’autre domaine de développement concerne les deux côtes – celle de la mer Rouge et celle de l’Afrique de l’Est. Nous voulons aider nos amis ici à construire un parc industriel, dans le cadre de l’initiative la Ceinture et la Route, afin d’assurer la prospérité à long terme de cette région.

Le troisième domaine est la gouvernance. Une bonne gouvernance fournira un meilleur environnement pour le développement. La Chine a connu un développement continu à long terme et nous voulons partager notre expérience. La méthode chinoise est très différente de celle des pays occidentaux. Parfois, les pays occidentaux se considèrent comme des seigneurs et veulent faire la loi et prêcher leur style. La Chine souhaite également partager son expérience, mais nous n’imposons pas nos vues aux pays de la région. Nous encourageons les pays régionaux à développer une voie adaptée à leurs conditions nationales.

On dit que vous ne faites que contrer l’Occident dans la région, quelle est votre opinion ?

Les médias occidentaux ont tendance à considérer la question de la Corne de l’Afrique sous l’angle de la géopolitique, comme une compétition entre deux puissances. La Chine ne fait jamais cela. Par le passé, vous avez pu voir ce que nous avons fait ici. La Chine envoie des ingénieurs et des étudiants. Nous n’envoyons pas d’armes. Nous n’imposons pas nos vues aux autres au nom de la démocratie ou des droits de l’homme. Notre véritable objectif est de parvenir à un développement et à une prospérité communs. Nous voulons que nos amis ici présents bénéficient du même niveau de vie, de la même vie heureuse. Cela n’a rien à voir avec la géopolitique ou la concurrence avec les grandes puissances.

Alors, quel type de bonne gouvernance encourageriez-vous la Corne à suivre ?

Chaque pays a ses propres conditions nationales. En Chine, la direction du parti communiste est primordiale. Lors de la sixième session plénière du congrès du parti qui vient de s’achever, la plus grande réussite a été la création de deux postes. La première est l’établissement du président Xi Jinping comme noyau du parti et comme noyau du Comité central du parti. Le second est l’établissement de la Pensée Xi Jinping sur le développement social avec des caractéristiques chinoises comme ligne directrice de tout le pays sur la voie du développement.

Ces deux établissements sont importants pour la Chine afin d’assurer une bonne gouvernance pour l’ensemble du parti et un développement aux caractéristiques socialistes. Ce type de développement convient mieux à la Chine et nous pensons que c’est une bonne gouvernance et nous voulons la partager avec nos amis ici. C’est à nos amis de voir quel système est bon et quels systèmes, occidentaux ou chinois, vous pourriez apprendre. Nous n’imposons rien.

Les conflits dans la région ont également aggravé la situation humanitaire. Comment la Chine intervient-elle dans les solutions à court terme ?

La Chine soutient les pays de la région pour lutter contre la famine et résoudre la crise humanitaire. Au cours de mon voyage, la Chine a fourni une aide alimentaire d’urgence à quatre pays – l’Érythrée, Djibouti, l’Éthiopie et la Somalie. Cela représente environ 40 millions de RMB (6,29 millions de $). Nous soutenons également toujours le Kenya dans sa lutte contre la faim et la Covid-19.

Quelles sont vos priorités dans la Corne et avez-vous des échéanciers pour elles ?

Pour en revenir aux perspectives, l’un des aspects est le développement. Les deux lignes de chemin de fer pourraient être prolongées ou fusionnées et pourraient être intégrées dans une extension de l’initiative la Ceinture et la Route. Nous devons bien sûr poursuivre les discussions avec les pays de la région afin d’élaborer un plan approprié pour ces deux lignes et ces deux côtes.


En partenariat de publication avec The East African, journal hebdomadaire créé en 1994, propriété du Nation Media Group, consacré à l’Afrique de l’Est

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16.06.2023 à 21:41

Le Portugal profite t-il vraiment des nouvelles routes de la soie ?

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En décembre 2018, à la suite de la visite du Président Xi Jinping au Portugal

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Texte intégral (3340 mots)

En décembre 2018, à la suite de la visite du Président Xi Jinping au Portugal et de la signature d’un Memorandum of Understanding avec la Chine, le Portugal a officiellement rejoint le projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie.

Marcelo Rebelo de Sousa et XiJinping en 2018, marquant l’entrée du Portugal dans les nouvelles routes de la soie

Néanmoins, les relations sino-portugaise s’inscrivent dans le temps long et ne sont pas le fruit de ce récent accord. Sans mentionner le début de leurs relations dès le 16e siècle, entre l’Empire Ming et le Portugal, les relations diplomatiques contemporaines entre la Chine et le Portugal se développe dès 1979.

Si en 2005, a été établi entre la Chine et le Portugal un partenariat stratégique global dans l’objectif d’intensifier les contacts bilatéraux, c’est à partir des années 2010 que la présence chinoise au Portugal enregistre une croissance importante. En effet, les conséquences de la crise de 2008-2009, la volonté du Portugal de surmonter les mesures d’austérité qui lui sont associés, ont créé une fenêtre d’opportunité favorable à la Chine pour investir dans le pays. Ainsi, une série d’investissements majeurs se sont vu être concrétisés. Pour n’en citer qu’un, en 2011, l’entreprise publique chinoise China Three Gorges Corporation a acquis 21.35 % du capital de Energia De Portugal, fournisseur portugais d’electricité pour un total de 2.7 milliards d’euros.

En 2015, les élections ont vu l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement socialiste dirigé par le Premier ministre Antonio Costa. Décidé à revenir sur les mesures d’austérité imposées au Portugal depuis la crise et à entamer un nouveau cycle de croissance économique, le nouveau gouvernement entend attirer les capitaux étrangers afin de stimuler la croissance économique. Cette politique a conduit à approfondir les liens avec la Chine.

Exportations du Portugal vers la Chine – Rejoint la BRI en 2018

La même année, dans le cadre de l’initiative des Nouvelle Routes de la Soie, le Portugal est l’un des 57 membres fondateurs de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII). Les investissements chinois au Portugal ont aussi pu être facilités par la mise en place par Lisbonne en 2018 d’un Golden Visa, aussi connu sous le nom de Visa investisseur. Ce programme offrait aux citoyens de pays non-membre de l’UE un permis de séjour au Portugal sous plusieurs conditions. D’abord, il s’agissait pour cette personne d’investir soit dans une entreprise, ou dans l’immobilier sur le territoire portugais un minimum de 500 000 euros. À cela s’ajoutait l’obligation de passer au moins 7 jours par an dans le pays. Après six ans, l’investisseur pouvait demander la nationalité portugaise et ainsi obtenir un passeport de l’UE. Cette mesure visait alors un petit nombre de personnes, notamment les ressortissants chinois riches qui souhaitaient émigrer eu Europe. Néanmois, depuis mars 2023, ce programme est annulé.

Aussi, la Chine reconnaît l’importance du Portugal au-delà de la péninsule ibérique de par l’ampleur du marché lusophone dans le monde. Il convient aussi de souligner la connexion entre Pékin et Lisbonne par Macao, ancienne colonie portugaise rendue à la Chine en 1999. Aujourd’hui, et ce depuis 2003, a Macao se tient le Forum de Macao. Il s’agit d’un mécanisme de coopération commercial et économique entre la Chine et huit pays dont l’une des langues officielles est le Portugais. Parmi ces pays, est présent évidemment le Portugal, mais aussi le Brésil, l’Angola ou encore le Mozambique. Ce forum aspire à promouvoir le rôle de Macao comme interface connectant la Chine au marché lusophone.

Du point de vue des investissements directs chinois vers le Portugal, selon les statistiques de l’OCDE sur les investissements direct à l’étranger (IDE), chaque année depuis 2013, les flux entrants dépassent les flux sortants. En d’autres termes, le stock d’investissement chinois au Portugal n’a cessé d’augmenter si l’on se réfère aux chiffres de l’OCDE.

Evolution des investissements chinois (IDE) au Portugal

Vis à vis du commerce entre la Chine et le Portugal, la Chine est un partenaire plus important pour le Portugal que le Portugal ne l’est pour la Chine. Toutefois, selon les chiffres de la Banque Mondiale, le commerce entre les deux pays poursuit une croissance positive depuis 2008 comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Evolution des exportations entre les deux pays

Ainsi, les investissements chinois au Portugal ainsi que l’import-export entre les deux pays n’ont pas connu une augmentation significative suite à l’adhésion du Portugal au sein des Nouvelles Routes de la Soie mais sont le fruit d’ intérêts parallèles entre les deux pays depuis les années 2010. En mai 2019, un article des Échos rapporte les propos du Premier ministre portugais Antonio Costa qui souligne que “lorsque le plan de sauvetage de la troïka a obligé le Portugal à privatiser une série d’entreprises, ceux qui sont venus investir n’étaient pas des entreprises européennes mais des entreprises chinoises (…) Elles sont venues en respectant les règles du marché”.

Néanmoins, avec cette adhésion, le Portugal renouvelle ses ambitions et affirme sa volonté de se transformer en porte d’accès des Nouvelle Route de la Soie sur la façade atlantique de l’Europe. Le Port de Sines pourrait ici jouer un rôle clé dans la stratégie portugaise.

Situé à environ 150 kilomètres au sud de Lisbonne, le Port de Sines est un port important de la cote ouest du Portugal. Grâce à sa position stratégique sur l’océan Atlantique et à sa connectivité aux réseaux routiers et ferroviaires majeurs portugais, et donc au marché européen, le port de Sines assure la liaison entre le Portugal et les marchés mondiaux. Celui-ci pourrait à l’avenir assurer un rôle d’interface entre la Chine et le marché commun européen dans le cadre de l’initiative chinoise. En rejoignant les Nouvelles routes de la Soie en 2018, le gouvernement portugais a signalé sa volonté de développer ce port et d’approfondir sa connexion avec l’Asie, mais aussi avec l’Afrique et l’Amerique du Sud.

Port de Sines

En 2019, un appel d’offres est lancé pour investir dans un nouveau terminal au sein du port de Sines. L’appel d’offres lancé pour une construction prévu en 2024, d’un deuxième terminal à conteneurs nommé Vasco da Gama couvrant une superficie de 46 hectares et ayant une capacité de traitement de 3,5 millions de conteneurs serait créé avec un investissement privé de 642 millions d’euros.

Le gouvernement portugais avait alors appelé les entreprises chinoises à répondre à cet appel d’offre. Néanmoins, Lisbonne réfute toutes les affirmations de dépendance aux investissements chinois. Ainsi, alors que les entreprises chinoises Cosco et Shanghai International Port Group avaient exprimé leur potentiel intérêt à investir dans la construction de ce nouveau terminal, le gouvernement portugais avait alors encouragé les entreprises européennes et américaines à répondre à l’appel d’offre afin d’émuler la concurrence et d’obtenir la meilleure offre possible pour les intérêts du Portugal.

L’appel d’offres lancé en octobre 2019, avait vu sa date limite initiale être dans un premier temps repoussée de juin 2020 à avril 2021.

L’intérêt porté par ces entreprises chinoises pour le projet a attisé les craintes de Washington. À ce sujet, les propos de l’ambassadeur américain au Portugal, George Glass, initialement relayé par l’Expresso, hebdomadaire portugais en ensuite rapporté par BFM en septembre 2020 sont sans équivoques. Celui-ci appelle Lisbonne à “faire un choix” et rappelle l’importance du Port de Sines pour les intérêts des Etats-Unis. “J’espère vraiment que Sines n’ira pas aux Chinois” disait-it alors.

En mars 2021, un mois avant la clôture de l’appel d’offres, le média américain Voice of America expliquait alors qu’à moins que les États-Unis n’agissent rapidement, la Chine étendra bientôt son contrôle sur un port maritime clé du Portugal alors que Sines assure 30 % des importations de gaz naturel liquéfié américain vers l’UE.

Néanmoins, le mercredi 7 avril 2021, alors que la décision concernant l’appel d’offres aurait dû être rendue, les autorités portugaises ont annoncé son report, indiquant qu’aucune proposition n’avait abouti, évoquant la pandémie de COVID-19 comme principale cause. Lisbonne avait alors déclaré sa volonté de réviser l’appel d’offres pour le rendre plus attrayant, prévoyant de le relancer lorsque les conditions de marché seraient plus favorables. Plus récemment, alors que la Chine abandonne sa “stratégie zéro covid” et que l’OMS vient de déclarer que la Covid-19 n’était plus une urgence mondiale, le 13 avril dernier, l’ambassadeur de la Chine au Portugal, Zhao Bentang, accompagné de son conseiller au commerce ont visité la municipalité de Sines et se sont entretenus avec son Maire. L’ambassadeur avait alors souligné l’intérêt pour la Chine d’approfondir ses relations avec le Portugal considérant le potentiel de Sines en ce qui concerne évidemment son port mais aussi les projets dans sa zone industrielle.

Du 7 au 10 mai, le Vice-Président chinois, Han Zeng a visité Lisbonne et a rencontré le Premier ministre portugais Antonio Costa et le Président du Portugal Marcelo Rebelo. Par l’agence de presse chinoise Xinhua, on apprend que le Vice-Président chinois lors de cette visite a réaffirmé que le Portugal offrait pour la Chine une remarquable opportunité pour les entreprises chinoises d’accéder au marché européen et a salué l’amitié entre les deux pays. De son côté, le Premier Ministre portugais a posté sur son compte twitter suite à cette rencontre que l’inclusion du Portugal dans la première tournée à l’étranger du vice-président Han est un signe de l’importance de l’amitié entre le Portugal et la Chine.

Le récent ralentissement dans les relations entre Pékin et Lisbonne, ainsi que le projet d’investissement dans le terminal Vasco de Gama depuis en suspens, pourrait potentiellement être relancé par cette visite et par des conditions internationales plus favorables. Néanmoins, la situation politique au Portugal semble fragile alors que début mai, les partis d’opposition portugais ont demandé au président d’utiliser son pouvoir de dissoudre le parlement à la suite d’un scandale grandissant autour de la compagnie aérienne publique TAP.

Alors que le ministre des infrastructures Joao Galamba, qui supervisait la compagnie aérienne, avait présenté sa démission à la demande du président, le premier ministre Antonio Costa a décidé de le maintenir à son poste, ignorant ainsi le souhait du président Marcelo Rebelo de Sousa de le voir partir. Si les relations entre le Premier Ministre et le President du Portugal ne sont pas au beau fixe, il n’est pas garanti que le président prendra la décision de dissoudre le gouvernement et de provoquer des élections anticipées

Toujours est-il que cette situation intérieure n’envoie pas un signal de stabilité aux potentiels investisseurs. Si la Chine et les entreprises chinoises sont décidées à investir au Portugal et notamment dans des infrastructures stratégiques clés telles que le port de Sines, elles devront manœuvrer entre les intérêts américain, européen, et la situation domestique du Portugal.


Par Théo LETSIS, Analyste au Pôle Europe de l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie

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14.06.2023 à 09:53

10ème Conférence commerciale sino-arabe : quoi retenir ?

aliciatintelin

La 10e édition de la Conférence commerciale sino-arabe, placée sous les auspices du prince héritier

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Texte intégral (2379 mots)

La 10e édition de la Conférence commerciale sino-arabe, placée sous les auspices du prince héritier Mohammed ben Salman et intitulée “Coopération pour la prospérité”, s’est tenue en Riyad les 11 et 12 juin derniers. Plus d’une vingtaine d’Etats étaient présents, avec notamment au menu des discussions portant sur l’investissement et le financement dans le cadre de la BRI, les énergies et le tourisme. L’événement était organisé par le Ministère saoudien de l’Investissement.

La signature de 30 accords d’investissement, d’une valeur de 10 milliards de dollars, ont été conclus au cours de la première journée. Les domaines couverts par ces accords sont larges et touchent notamment la technologie, les énergies renouvelables, l’agriculture, l’immobilier, les minéraux, les chaînes d’approvisionnement, le tourisme et les soins de santé.

  • Un accord de 5,6 milliards de dollars entre le ministère de l’investissement d’Arabie Saoudite et Human Horizons, un développeur chinois de technologies de conduite autonome et fabricant de voitures électriques sous la marque HiPhi, pour établir une coentreprise pour la recherche automobile, le développement, la fabrication et la vente.
  • Un accord de 266 millions de dollars entre par l’Arabie saoudite et le développeur hongkongais Android Hibobi Technology pour développer le tourisme.
  • Un accord de 250 millions de dollars entre la compagnie de chemin de fer saoudienne SABATCO et le fabricant de matériel roulant d’État chinois CRRC pour la fabrication de wagons et de roues en Arabie Saoudite.
  • Un accord de 150 millions de dollars entre le ministère de l’investissement de l’Arabie Saoudite et le fabricant industriel chinois Sunda pour la fabrication de soude caustique, chlore et dérivés, paraffine chlorée, chlorure de calcium, chlorure de polyvinyle, et les produits de conversion connexes au en Arabie Saoudite.
  • Un accord de 533 millions de dollars entre AMR ALuwlaa Company et la société hongkongaise Zhonghuan International pour la construction d’une usine pour réduire le minerai de fer et fabriquer des boulettes de fer dans les usines de fusion en Arabie saoudite.
  • Un accord de 400 millions de dollars entre la société d’énergie saoudienne Aramco, le Fonds d’investissement public, et le fabricant d’acier chinois Baosteel pour la création d’une société par actions de fabrication de plaques d’acier pour les industries maritimes en Arabie Saoudite.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan al-Saud et le vice-président de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CPPCC), Hu Chunhua, le 11 juin 2023 (Photo/Fayez Nureldine)

Le secteur du tourisme et la connectivité aérienne ont été particulièrement stratégiques pour l’Arabie Saoudite durant cet événement. Les touristes chinois comptent pour une part importante du marché de ce secteur et l’Arabie Saoudite doit parvenir s’il elle veut mener à bien les ambitions de la Vision 2030 et de la Stratégie nationale du tourisme.

En 2022, le Forum de l’aviation du futur étaient tenu au Centre international de conférences King Abdulaziz à Riyad

Au cours d’un panel abordant les investissements et financements consacrés à la BRI, le vice-président de la Chambre du Qatar a tenu a souligner l’augmentation notable de 45% du volume des échanges commerciaux avec la Chine entre 2021 et 2022. On note une tendance similaire pour l’ensemble des pays arabes chez qui les échanges avec la Chine ont croît de 31% durant la même période.

La Chine et le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) tentent de finaliser un accord de libre-échange, en pourparlers depuis 2004. L’accord est actuellement en discussion dans le but de rejoindre l’ambition des pays du CCG et notamment des fortes économies de la région telle que l’Arabie Saoudite : celle d’investir des secteurs économiques autres que ceux de l’énergie. Le ministre saoudien des investissements alertait à ce propos durant Conférence commerciale sino-arabe, les potentiels candidats à des accords de libre-échange avec le CCG sur le besoin de protéger ces industries émergentes.

Les officiels saoudiens ont souhaité “rassurer” la communauté internationale sur les ambitions du pays à faire affaire avec la Chine en pointant l’évidence que posait le fait de collaborer avec un tel partenaire, étant donné la place que Pékin prend désormais et continuera à prendre dans les temps à venir. Le Royaume serait donc ouvert à la collaboration avec la Chine au même titre qu’il le sera avec l’ensemble des pays. L’Arabie Saoudite veut se faire une place aux côtés de la seconde économie mondiale, en devenant la “porte d’entrée” du monde arabe pour la Chine.

La prochaine édition de la Conférence commerciale sino-arabe devrait se tenir en Chine durant l’année 2025.


Par Alicia Tintelin, Cheffe du Pôle Proche-Orient à l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie (OFNRS)

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