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Site d’analyse et d’opinion collectif, internationaliste, antifasciste, féministe et résolument contre l’antisémitisme et l’islamophobie.

Certain.e.s on défendu ici un prêcheur islamiste au nom de la « démocratie » (sic). Pour rappel, en France la Loi fondamentale protège (encore un peu) la liberté d'expression et garantit le droit de manifester, y compris en soutien à l'obscurantisme, qui est la négation même de ces droits fondamentaux. LP

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21.04.2023 à 07:51

L’oeil était dans la tombe…

Antonin Grégoire

Un aspect du scandale du Fonds Marianne, cette attribution d’argent public de façon non transparente à des associations controversées ou dissimulant des activités de propagande électorales, semble passer étrangement sous les radars. On a ainsi parlé un peu de l’association « Reconstruire le Commun » et des vidéos attaquant les candidats opposés à Macron ayant fait moins d’une dizaine de vues. Mais on n’a pas parlé des autres activités de cette organisation ayant eu nettement plus de succès. L’initiative « On Vous Voit » était pourtant présentée entre parenthèse comme associée à l’association “Reconstruire le Commun” pour la demande de subventions de 330 000 euros, (comme le confirme CheckNews dans ce lien payant). Il est d’ailleurs plus que probable que, si l’association « Reconstruire le Commun » était inconnue du grand public ou du cabinet de Marlène Schiappa, l’initiative « On Vous Voit », active depuis bien plus longtemps, était quant à elle bien plus connue des « laïcs » autoproclamés, des lieux de pouvoirs ainsi que des macronistes.   Notons bien qu’un « follow » ne vaut pas adhésion et que tous les comptes qui suivent « On Vous Voit » sur Twitter ne sont pas forcément en accord, en soutien ou impliqués avec toutes les activités de ce compte. Difficile en revanche, au regard de tels followers de prestige, de prétendre que personne ne les a vus. Si les vidéos de “Reconstruire le Commun” n’ont pas dépassé la dizaine de vues, l’activité de « On Vous Voit »…
Texte intégral (3972 mots)

Un aspect du scandale du Fonds Marianne, cette attribution d’argent public de façon non transparente à des associations controversées ou dissimulant des activités de propagande électorales, semble passer étrangement sous les radars.

On a ainsi parlé un peu de l’association « Reconstruire le Commun » et des vidéos attaquant les candidats opposés à Macron ayant fait moins d’une dizaine de vues. Mais on n’a pas parlé des autres activités de cette organisation ayant eu nettement plus de succès.

L’initiative « On Vous Voit » était pourtant présentée entre parenthèse comme associée à l’association “Reconstruire le Commun” pour la demande de subventions de 330 000 euros, (comme le confirme CheckNews dans ce lien payant).

Il est d’ailleurs plus que probable que, si l’association « Reconstruire le Commun » était inconnue du grand public ou du cabinet de Marlène Schiappa, l’initiative « On Vous Voit », active depuis bien plus longtemps, était quant à elle bien plus connue des « laïcs » autoproclamés, des lieux de pouvoirs ainsi que des macronistes.

 

Notons bien qu’un « follow » ne vaut pas adhésion et que tous les comptes qui suivent « On Vous Voit » sur Twitter ne sont pas forcément en accord, en soutien ou impliqués avec toutes les activités de ce compte. Difficile en revanche, au regard de tels followers de prestige, de prétendre que personne ne les a vus.

Si les vidéos de “Reconstruire le Commun” n’ont pas dépassé la dizaine de vues, l’activité de « On Vous Voit » a en revanche été vue, validée et retweetée par des comptes à plusieurs milliers, voir plusieurs dizaines de milliers de followers. Les deux fondateurs eux même, « 2emeDB73 » et « GastonCremieux » ont plus de 10 000 followers chacun.

On notera bien que ces deux comptes, fondateurs de « On Vous voit », ne sont pas réellement les comptes twitter de la 2eme division blindée ayant participé à la libération, ni du célèbre avocat et journaliste républicain juif du XIXeme siècle. Il s’agit de pseudonyme twitter d’individus qui se prennent pour la 2eme division blindée ayant participé à la libération et pour un célèbre avocat et journaliste républicain juif du XIXeme siècle.

Et l’initiative “On Vous Voit” n’a pas démérité dans ce qui était l’objet du fameux Fonds Marianne. Le compte On Vous Voit, ainsi que les deux principaux animateurs ont très consciencieusement publié sur les candidats de gauche à la présidentielle, aux législatives ou même aux municipales de 2020, en les associant aux « idéologies séparatistes », à « l’islamisme radical » ou à diverses choses que la République de Schiappa et Darmanin juge « antirépublicaines ».

Il était assez normal donc que « On vous voit » puisse bénéficier du fameux « fonds Marianne » dont les critères d’attribution sont assez troubles mais dont l’objet a toujours été parfaitement clair :

« – Riposter à la propagande séparatiste ainsi qu’aux discours complotistes en ligne, en particulier sur les réseaux sociaux ;
– Défendre les valeurs républicaines de liberté, de conscience et d’expression, d’égalité, entre tous les hommes et entre toutes les femmes, de fraternité et de laïcité qui sont le ciment de la concorde et de la cohésion nationales. »

C’est ce que “On Vous Voit” a fait, en accusant systématiquement les opposants politiques ou les candidats aux élections opposés à Macron et à son mouvement d’être des séparatistes complotistes portant atteinte aux valeurs républicaines.

Peser sur les campagnes électorales était même dès le départ l’objectif premier de « On Vous Voit », ainsi qu’en témoigne les anciennes captures de leur toute première plateforme « Observatoire des campagnes municipales éphémère et collaboratif » destiné à « mettre en lumière les petits et les grands arrangements électoraux »

Il est impossible de savoir exactement, en raison de l’opacité du fonds, comment les animateurs et « cofondateurs » de On Vous Voit et de Reconstruire le Commun se sont répartis les 330 000 euros promis au vainqueur. Mais si cela n’a pas été le cas, il serait normal que l’activité de On Vous Voit que nous allons vous montrer ait été rémunérée par ce fonds, tant par sa qualité que par l’assomption très directe de l’activisme politique contre les opposants de Macron.

Nous avons ainsi des tweets ciblant très directement les candidats NUPES par exemple et en pleine campagne électorale.

Contre Obono

contre Simonnet

Contre Azelma Sigaux

Et cette activité continue jusqu’aux récentes législatives partielle en Ariège

Cette campagne de “On Vous Voit” ne se limite pas à Twitter ou aux réseaux sociaux mais se décline aussi directement dans des journaux comme Atlantico publiant la liste des candidats NUPES “antirépublicains” de la “gauche immorale”, élaborée par GastonCremieux

L’activité électorale de “On Vous Voit” après le lancement du Fonds Marianne est totalement assumée et revendiquée avec fierté par le fondateur qui tweete clairement « On Vous Voit reprend du service pour les législatives 2022 ! »

 

Oui car comme on s’en doute, On Vous Voit a aussi été actif pendant la présidentielle contre le candidat de la gauche, Jean-Luc Mélenchon, dans ce tweet par exemple à 3500 retweets

Ou dans ce tweet associant le hashtag “#StopMelenchon” à tous les hashtag de débat électoral.

L’idée, on l’aura compris est de disqualifier les candidats en leur trouvant des liens avec « l’islamisme » et le « séparatisme » qui sont légalement répréhensibles par la loi séparatisme, comme ici avec un candidat EELV lors des élections départementales.

 

Le travail et les tweets de 2emeDB73 chargé de disqualifier la NUPES durant les élections législatives en les accusant de « complaisance avec l’islamisme », sont notamment utilisés par les comptes officiels de la majorité présidentielle

L’activisme électoral de On Vous Voit après le lancement du Fonds Marianne ne s’arrête pas là, puisqu’ils vont jusqu’à donner des conseils de vote, retweetés par des comptes macronistes à plus de 12 000 followers

 

“On Vous Voit” précise qu’ils avaient déjà fait ce même travail lors des précédentes élections municipales, avant les attributions du Fonds Marianne

La ministre Schiappa pourra ensuite reprendre les informations de « On Vous Voit » dans les médias et accuser ses opposants politiques de « complaisance avec l’islamisme ». “On Vous Voit” utilise ensuite cette parole officielle d’une ministre de la république ayant repris leurs éléments de langage comme une confirmation que la « complaisance avec l’islamisme » serait officiellement condamnable en France, et entacherait les partis de gauche qui en sont accusés d’une forme d’illégitimité électorale.

Ces petits jeux de miroirs, qui peuvent tout à fait n’être qu’une pure coincidence et convergence de vues, ont lieu en Mars 2021, au moment du lancement du Fonds Marianne dont 330 000 euros seront attribués à “Reconstruire le Commun (On Vous Voit)”

Cet activisme électoral va d’ailleurs très loin et ne se limite pas aux candidats mais revendique d’empêcher les musulmans ou ceux qui sont vus comme leurs alliés à tort ou à raison, d’accéder aux listes électorales jusqu’aux bureaux de vote en tant qu’assesseurs. Dans un long thread, 2emeDB73 rappelle que dans sa version de la laïcité, les femmes voilées n’ont pas vraiment le droit d’être assesseur.

 

Que l’on n’aille pas imaginer qu’ « On Vous Voit » n’ait jamais rien dit contre l’Extrême Droite ni même contre Macron. Une fois sur dix, On Vous Voit ou un des fondateurs ira faire un tweet contre Eric Zemmour en regrettant que les « laïcs » soient tentés par les sirènes racistes.
Cela correspond d’ailleurs aux axes de campagne de LREM qui n’a de cesse de répéter que les extrêmes se rejoignent, que la gauche est égale à l’extrême droite ou d’afficher “ni LFI, ni RN” sur twitter.

“On Vous Voit” a aussi bien sûr critiqué LREM… après que les candidats validés par eux comme « laïques » et « républicains » n’aient pas obtenu les investitures promises par les macronistes. Ne pas avoir obtenu d’investitures s’apparente évidemment pour On Vous Voit à un “calcul cynique” de Macron.

C’est donc sur la base de ces activités et pour les continuer que le Fonds Marianne d’un macronisme qui a massacré l’école, l’hôpital public et aujourd’hui veut massacrer les retraites, a accordé a «Reconstruire le Commun (On Vous Voit) » la modique somme de 330 000 euros.Ce n’est pas une somme si élevée que ça au regard du nombre de personnes et d’associations musulmanes qui ont été ciblées, persécutées, censurées , intimidées . Ce n’est pas tant que ça pour le nombre de personnes de gauche dénoncées en public pour leur combat réel ou supposé contre l’islamophobie.

La vérité, c’est que le Fonds Marianne n’avait pas d’autre objet que celui-là. Puisqu’il a été créé par le gouvernement au moment où celui-ci déclarait très clairement que la lutte contre l’islamophobie était en soi un signe de participation au “djihad d’atmosphère” , ce qui justifiait la répression. Et la stigmatisation.

Pour être entièrement transparent, « On Vous Voit » et ses fondateurs ont, à plusieurs reprises, dénoncé Lignes de Crêtes et ses activités comme pro-islamistes et séparatistes, et tenté de faire pression sur les pouvoirs publics ou les institutions pour nous censurer et nous faire taire. Nous considérons ces agissements comme tout à fait logiques, nous militons en effet pour une séparation d’avec la République telle que ces gens-là la conçoivent et la pratiquent. Les valeurs de la République doivent, avant toute autre chose « civilisationnelle », « nationale », ou pseudo “laïques”, être démocratiques, et aucun régime attentatoire à la liberté d’association ne saurait l’être.

La loi séparatisme fonde légalement le droit pour l’état d’attenter à la liberté d’association et nous considérons que de cette faille démocratique acceptée pour criminaliser et soumettre la commnauté musulmane découlent toutes celles qui ont suivies, des atteintes à la liberté de manifester, au contournement des institutions parlementaires pour imposer la réforme des retraites par la seule force du pouvoir exécutif, en passant par les menaces et anathèmes contre la LDH , association des défenseurs historiques du capitaine Dreyfus. Dans le cadre d’une telle « république », le financement par l’état d’associations ou de groupement de fait Twitter destinés à traquer les activités « séparatistes » ou « antirépublicaines » des opposants politiques nous apparait malheureusement comme complètement normal. La seule question que nous nous posons concernant l’argent public utilisé par le Fonds Marianne, est pratique. La sous-traitance et les partenariats public/privés ne sont-il pas une énième attaque contre le service public ? Si le travail avait été fait par des fonctionnaires de police, aurait-il couté aussi cher ? N’y-a-il pas doublon  entre les articles de Franc-Tireur et les notes blanches des renseignements généraux déjà largement diffusées dans le Figaro Vox, et donc gabegie de l’argent public   ?

Si toutefois certains trouvaient choquant que des auxiliaires de l’islamophobie d’état puissent être financés sur des fonds publics afin d’influer sur le processus électoral, nous les laissons libres d’utiliser les informations contenues dans cet article comme ils le souhaitent, les sources sont ouvertes.

30.03.2023 à 09:23

Ensemble contre les dissolutions et le séparatisme d’état

Lignes de Crêtes

Notre collectif était présent à la mobilisation immense et réussie contre les mégabassines à Sainte Soline. Pour économiser quelques marqueurs codants à la police, nous précisons que nous y étions dans son intégralité. Quel que soit l’endroit précis où nous avons manifesté nous voulions tous mettre un un coup d’arrêt à ce projet mortifère. Nous étions 30 000, unanimes et complices. Nous sommes solidaires du collectif Soulèvements de la Terre comme nous le serions de nous-même. Contre sa dissolution. Contre toutes les dissolutions. La radicalisation étatique était en effet très prévisible. Depuis deux ans, des acteurs et actrices de la communauté musulmane, des associations ou maisons d’éditions ont été dissoutes, des mosquées sont fermées, des écoles aussi, dans l’indifférence et le soupçon quasi-général. Nous avons manifesté contre l’expulsion d’Hassan Iquioussen, nous avons organisé des conférences publiques avec des activistes et intellectuels musulmans. A toutes ces occasions, nous avons pu voir agir la machine qui tente aujourd’hui d’écraser les activistes écologistes contre les Bassines. Diffamer, intimider, isoler, interdire, dissoudre toute une communauté. Dissoudre sans interruption. L’islamophobie n’est pas une diversion comme l’a longtemps dit une partie de la gauche, avant de se laisser en partie divertir par la propagande islamophobe et de se persuader que les musulmans réprimés aussi violemment ne pouvaient l’être sans motif. L’islamophobie est un système qui construit un état séparé dans la démocratie apparente. Un état qui refuse tout droit politique à une minorité précise. Un état, qui comme tous les états a vocation à s’étendre. L’islamophobie…
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Notre collectif était présent à la mobilisation immense et réussie contre les mégabassines à Sainte Soline. Pour économiser quelques marqueurs codants à la police, nous précisons que nous y étions dans son intégralité.

Quel que soit l’endroit précis où nous avons manifesté nous voulions tous mettre un un coup d’arrêt à ce projet mortifère. Nous étions 30 000, unanimes et complices.

Nous sommes solidaires du collectif Soulèvements de la Terre comme nous le serions de nous-même. Contre sa dissolution. Contre toutes les dissolutions.

La radicalisation étatique était en effet très prévisible.
Depuis deux ans, des acteurs et actrices de la communauté musulmane, des associations ou maisons d’éditions ont été dissoutes, des mosquées sont fermées, des écoles aussi, dans l’indifférence et le soupçon quasi-général. Nous avons manifesté contre l’expulsion d’Hassan Iquioussen, nous avons organisé des conférences publiques avec des activistes et intellectuels musulmans. A toutes ces occasions, nous avons pu voir agir la machine qui tente aujourd’hui d’écraser les activistes écologistes contre les Bassines.

Diffamer, intimider, isoler, interdire, dissoudre toute une communauté. Dissoudre sans interruption.

L’islamophobie n’est pas une diversion comme l’a longtemps dit une partie de la gauche, avant de se laisser en partie divertir par la propagande islamophobe et de se persuader que les musulmans réprimés aussi violemment ne pouvaient l’être sans motif.

L’islamophobie est un système qui construit un état séparé dans la démocratie apparente. Un état qui refuse tout droit politique à une minorité précise. Un état, qui comme tous les états a vocation à s’étendre. L’islamophobie n’est pas une exception, c’est juste le commencement de la règle qui, acceptée pour les uns, finit par s’appliquer à tous quand l’état ressent l’urgence de la Réaction.

La démocratie, en France ne s’est jamais construite en essentialisant la fameuse République comme son synonyme. Elle est avant tout utopie en actes, qui jamais n’exclut les uns ou les autres de ses principes, faute de les voir devenir des formules creuses et bruyantes.

Contre toutes les dissolutions, contre le séparatisme d’état, ensemble.

Paris, Hôtel de Ville 19h

27.03.2023 à 20:10

También la lluvia

Theodore Abitbol

C’est un film sur des manifestations pour l’eau, en Bolivie. Des manifestations parce que quelques raclures ont privatisé la récupération et la distribution de l’eau dans le pays. Des manifestations parce qu’ils veulent tout nous prendre, “même la pluie”. D’où le titre. C’est à ce genre de chose qu’on pensait tous dans la voiture en y allant, je crois. Privatiser l’eau, bordel, mais faut vraiment être un psychopathe. L’idée c’est de faire de gigantesque bassine en extérieur pour pouvoir plus facilement siphonner l’eau des nappes phréatiques – qui sont à des niveaux de sécheresse record chaque année, au cas où ça n’est pas évident. Tout ça pour la culture intensive du maïs, une plante très gourmande et pas adaptée à notre climat. Les “irriguants” sont souvent des agriculteurs endettés jusqu’à l’os au profit des géants de l’agro-industrie. Qui font des virés à cinquante dans les maisons des agriculteurs pas d’accord pour tout niquer et menacer leurs familles. Ils ont fait des listes. Donc on a pris le weekend pour y aller, comme quelques milliers de personne. L’année dernière ils ont réussi à en crever une, on va voir ce qu’on peut faire cette fois-ci. On partage le bluetooth entre de la techno berlinoise et de la pop des années 80, collectif transgénérationnel oblige. Je découvre Ottawan, qu’il faut avoir écouté pour y croire. “T’es in, t’es out, t’es Bath” ça ne veut strictement rien dire mais on chante quand même. Le covoitureur qu’on a pris avec nous se marre. Il…
Texte intégral (1729 mots)

C’est un film sur des manifestations pour l’eau, en Bolivie. Des manifestations parce que quelques raclures ont privatisé la récupération et la distribution de l’eau dans le pays. Des manifestations parce qu’ils veulent tout nous prendre, “même la pluie”. D’où le titre.

C’est à ce genre de chose qu’on pensait tous dans la voiture en y allant, je crois. Privatiser l’eau, bordel, mais faut vraiment être un psychopathe. L’idée c’est de faire de gigantesque bassine en extérieur pour pouvoir plus facilement siphonner l’eau des nappes phréatiques – qui sont à des niveaux de sécheresse record chaque année, au cas où ça n’est pas évident. Tout ça pour la culture intensive du maïs, une plante très gourmande et pas adaptée à notre climat. Les “irriguants” sont souvent des agriculteurs endettés jusqu’à l’os au profit des géants de l’agro-industrie. Qui font des virés à cinquante dans les maisons des agriculteurs pas d’accord pour tout niquer et menacer leurs familles. Ils ont fait des listes.

Donc on a pris le weekend pour y aller, comme quelques milliers de personne. L’année dernière ils ont réussi à en crever une, on va voir ce qu’on peut faire cette fois-ci. On partage le bluetooth entre de la techno berlinoise et de la pop des années 80, collectif transgénérationnel oblige. Je découvre Ottawan, qu’il faut avoir écouté pour y croire.
“T’es in, t’es out, t’es Bath” ça ne veut strictement rien dire mais on chante quand même. Le covoitureur qu’on a pris avec nous se marre. Il va aux bassines, lui aussi.

On arrive tard dans la nuit mais la famille qui nous héberge à laisser la porte d’entrée ouverte. On s’installe sans trop faire de bruit, encore tout excité par le café et les infos qu’on voit défiler sur nos téléphones. Le sommeil tarde à venir et on discute encore une bonne heure de la révolution et d’autres choses.

Le lendemain ça parle logistique, de si on rejoint le convoi ou pas, du matos à prendre, de que faire en cas de fouille, etc. On boit du café surtout, et on se fait des blagues. Sur la playlist, notamment. Quand on embarque, on a dans les sacs des sandwichs, quelques paires de lunettes de piscine et du liquide physiologique. On roule en chantonnant jusqu’à arriver au convoi, où l’on s’insère dans une longue file de voiture. On roule comme ça quelques minutes avant que tout ne s’arrête, probablement à cause d’un contrôle à l’avant.

On sort rapidement fumer une clope et se promèner entre les voitures, histoire de se faire une idée. Les gens se saluent, souriant. Devant et derrière nous, la queue s’étire. Des dizaines de véhicules. Des grappes de manifestants nous dépassent, décidés à avancer à pied, coupant à travers champ s’il le faut. Un groupe de meufs en salopette bleue et foulard rouge, team féministe. Un couple de vieux aux cheveux blancs, quelques mecs en noirs, des familles avec enfants. Des pancartes, des couronnes de fleurs et des masques de ski. On abandonne le véhicule pour se joindre au cortège qui se forme naturellement.

Bientôt il n’y a plus de voitures mais seulement un flot humain bigarré, où l’on retrouve des camarades de la CGT, de SUD, du NPA, de la LFI, de EELV ou de la confédération paysanne, avec leurs drapeaux jaunes que je ne connaissais pas. Ils sont nombreux d’ailleurs, d’un peu tous les âges. On papote avec l’un d’entre eux tout en portant des poutres qu’on nous a mises dans les mains – quand je demande à quoi elles serviront, ils réponds que c’est une surprise. Le chien d’un copain court tout autour et se jette dans le ruisseau au bord du chemin. Il a l’air ravi.

Avec les poutres on franchit des petits fossés où l’on collecte de la boue fraîche, presque rouge. Dans le ciel tournent des hélicoptères, dont le bruit lointains des rotors se noie parfois dans la rumeur de la foule. Au loins, des panaches de fumée noire et blanche. Et bientôt, le bruit des explosions. Les gens s’arrêtent un moment, puis haussent les épaules et repartent. De longues foulées qui s’enfoncent dans la terre, avec le poids qui passe d’une jambe à l’autre. Marrant de voir tous ces cheveux blancs qui convergent vers le point chaud de la manifestation, sur des kilomètres, peut-être une dizaine en tout. Au bout du champ, un promontoire sur lequel s’est agglutiné une petite foule. Une fois arrivé là on comprends que le spectacle vaut le détour.

Une masse mouvante a envahit la pleine au pied la bassine, sorte de fortin de terre de quelques de mètres de haut, et probablement de cent mètres de côté. Un immense trou serti de murailles, entouré de fourgons de police. De quelques blindés également, et d’un canon à eau. Tout autour, une foule de manifestants qui s’agitent dans un brouillard de lacrymogènes et d’éclats de grenades. Le bruit des explosions est maintenant constant, et des éclats rouges scintillent en continu en l’air – le moment précis où les grenades lacrymogènes se scindent en deux pour lâcher leurs palets. Ici et là, des détonations énormes projettent autour d’elle de la terre et des éclats d’acier. Des grenades GML2, les fameuses armes de guerre au sujet desquels le ministre mentira plus tard.

On dévale rapidement la pente avec un camarade, en se disant merde, c’est la guerre. Il y a une fanfare derrière nous, et derrière les chants on entends des cuivres qui entament une marche. On tente de rester à quelques pas l’un de l’autre pendant qu’autour de nous on entend crier

– MEDIC, POINTEZ !

Et tous les gens reprennent la phrase en pointant dans la direction du cri. Une gamine de vingt pige passe avec son mégaphone et explique qu’on va gentiment encercler la bassine, pour faire une pression optimale.

– MEDIC! MEDIC !

Ça gueule toujours, les tirs sont tellement nourris que le cortège recule un instant, laissant derrière lui une camionnette en flamme. Des gars avancent de nouveau, protégés derrière une banderole renforcée.

ON EST PLUS CHAUD
PLUS CHAUD
PLUS CHAUD QUE LES LACRYMO

Ça chante à nouveau et en même temps on croise un camarade en train de se faire évacuer, porté par quatre autres. Son visage dégouline de sang, ça lui coule sur la bouche et le menton. Une autre hurle en se tenant la jambe. On continue d’avancer jusqu’à ce que le vent tourne et que le brouillard nous enveloppe. Malgré le foulard, impossible de respirer ni de ne rien voir, on est totalement aveugle en quelques instants. On se tient par l’épaule pour se guider hors du nuage. Je crois avoir une hallucination en voyant débarquer une compagnie de BRAV-M en quad, avec leur inoubliable casque blanc, et les tireurs à l’arrière qui nous alignent en passant. Ça fait marrer les camarades autour, malgré la pression. Putain de cowboys.

Ils tentent de couper en deux la manifestation mais sont forcés de reculer sous un jet de pierre nourri. On en profite pour rejoindre le gros du cortège, qui se regroupe en une ligne qui embrasse la bassine. Au mégaphone on entends les instructions : c’est l’heure de la pause déjeuner, on reprend des forces et on ne se disperse pas. La manif’ n’est pas terminée.

En se dirigeant vers la butte d’où on était parti, on tombe sur une quarantaine de personnes avec le même k-way quetchua à cinq balles, côte à côte, masqués mais si beaux et si fiers qu’ils suscitent les applaudissement de la foule.

La journée continue comme ça, des heures, jusqu’à la destruction de la canalisation centrale de la bassine – les photos sont disponibles sur twitter.

La bataille n’occupe qu’un tiers de ce texte, et pourtant c’est elle seulement que l’on voit sur nos téléphones, le soir venu. Bataille des chiffres, dans laquelle le gouvernement ment évidemment sans honte aucune – on apprends que parmi les blessés des FdO, il y a surtout des “blessures sonores et respiratoire”. Les gars se sont fait mal aux oreilles et gazés eux-mêmes avec leur matériel de guerre.

On lit les descriptions du chaos et la critique de la violence politique, mais on ne parle pas de la sécheresse, venue tôt cette année (ce sera pire l’année prochaine, et nous le savons tous). On ne parle pas non plus de la loi séparatisme et de ces associations écologistes privés de subvention pour leur opposition aux bassines (entre autre choses), bien avant ce type d’action. On ne parle des paysans qui voient le sol mourir et commentent la qualité de la boue grasse qu’on essuie de nos chaussures, qui à nous citadins paraissait si riche.

Les flics ne défendaient pas qu’une bassine à Sainte-Soline, mais un modèle de société. Les membres du gouvernement le disent d’ailleurs à demi-mot : c’est leur pouvoir qui est en jeu, et tout monde qu’ils ont construits, eux et leurs prédécesseurs. Et évidemment, il y aura toujours des empêcheurs de tourner en rond au bord du précipice.

A peine rentré, on parlait déjà de la manif’ de demain. Parce qu’il y aura aussi toujours une manif’ demain.

#NoBassaran

08.03.2023 à 21:43

Deux jours dehors

Theodore Abitbol

Il s’est mis à pleuvoir assez tôt sur le cortège. Les promesses de beau temps et de lendemain qui chantent m’ont paru loin, loin derrière les nuages et le froid dans les chaussures. L’eau dans les pompes et les mains glacées, la buée hors la bouche, la voix à la sono qui déraille, la foule qui piétine… Embrouille da ns l’ordre des camions, militants absents, fatigués, on s’est demandé ce qu’il se passait. Quelques blagues sur Véran qui avait prédit une sécheresse, au lieu de quoi on se mangeait un déluge. Pas un 8 mars comme on l’attendait. Faut dire qu’après la journée d’hier, la moitié des militants de France devait être groggy. Des centaines de milliers de personne, des millions à travers le pays, tous ces gens avaient défilé un jour de grève. “Le 7 on bloque tout”, “on va les plier”, tout ça. La foule avait été joyeuse, sans fin, comme à chaque manif’ depuis le début du mouvement. Des slogans marrants, des cheveux gris, des lycéens, les syndicats, quelques totos, les lacrymo évidemment, les chants et les pompiers, la totale. Hier c’était l’histoire qu’on écrivait, mais aujourd’hui je me suis demandé. Paraît que l’intersyndicale n’a pas appelé à la manifestation et pourtant ici et là des pancartes et des mots d’ordre pour les retraites. La pluie fait couler l’encre des slogans et clapote sur les sonos, emmitouflées dans des sacs plastiques et du ruban adhésif. La pluie sur les voitures, sur la chaussée, la pluie dans les…
Texte intégral (685 mots)

Il s’est mis à pleuvoir assez tôt sur le cortège. Les promesses de beau temps et de lendemain qui chantent m’ont paru loin, loin derrière les nuages et le froid dans les chaussures. L’eau dans les pompes et les mains glacées, la buée hors la bouche, la voix à la sono qui déraille, la foule qui piétine… Embrouille da ns l’ordre des camions, militants absents, fatigués, on s’est demandé ce qu’il se passait. Quelques blagues sur Véran qui avait prédit une sécheresse, au lieu de quoi on se mangeait un déluge. Pas un 8 mars comme on l’attendait.

Faut dire qu’après la journée d’hier, la moitié des militants de France devait être groggy. Des centaines de milliers de personne, des millions à travers le pays, tous ces gens avaient défilé un jour de grève. “Le 7 on bloque tout”, “on va les plier”, tout ça. La foule avait été joyeuse, sans fin, comme à chaque manif’ depuis le début du mouvement. Des slogans marrants, des cheveux gris, des lycéens, les syndicats, quelques totos, les lacrymo évidemment, les chants et les pompiers, la totale. Hier c’était l’histoire qu’on écrivait, mais aujourd’hui je me suis demandé.

Paraît que l’intersyndicale n’a pas appelé à la manifestation et pourtant ici et là des pancartes et des mots d’ordre pour les retraites. La pluie fait couler l’encre des slogans et clapote sur les sonos, emmitouflées dans des sacs plastiques et du ruban adhésif. La pluie sur les voitures, sur la chaussée, la pluie dans les cheveux et sur les joues. Le stickers sur mon k-way commence à friper par endroit, les fibres du papier se disjoindre. Dans le camion les camarades se serrent pour éviter les cataractes, on a sorti des parapluies pour celles qui ont le micro et qui scandent sans fléchir. On roule au pas, la banderole progressant juste derrière. Les photos ont toutes la même lumières blanches et les visages mouvants parce qu’ils crient et chantent.

A un moment ça a été fini pour nous, le froid et la fatigue nous ont fait lâcher l’affaire à seulement quelques pas de la ligne d’arrivée. On a commencé à remballer le tout, roulant les drapeaux et remballant les câblages dans les cartons. Les chaussettes trempées mais au moins ça c’était fait, une journée de plus. Pas la meilleure, pas la pire, c’était déjà quelque chose. Que le mouvement social continue, porté à bout de bras sur chaque piquet de grève et à chaque kilomètre de manif’, même pas le goût de la défaite, peut-être un peu seulement de déception, à cause du temps sûrement. On marche vers le bar pour prendre un truc chaud ou mousseux, c’est selon.

Et puis on entend arriver un clappement. Un clappement qu’on reconnaît. Le clappement militant de quelques dizaines, de quelques centaines de mains peut-être, le clappement rythmés et joyeux des cortèges qui fonctionnent, le clappement déterminé, celui qui te fait mal au main à force mais que tu veux plus lâcher, le clappement accompagnant les chants et les choré’, le clappement qui te dit qu’en fait tout commence, le clap de début.

Une masse dansante derrière un camion, sono à fond les mains en l’air, qui avance et fait trembler le goudron, le poids du nombre serré, des poings levés, une phalange féministe avec bandana et salopette bleue, la grande classe d’un collectif qu’on voit de loin en loin et qui décidément déchire, et qu’on regarde passer avec le sourire.

– Ah bah merde en fait ils en avaient de l’ambiance, derrière !

On trinque à ça en claquant des dents, mais avec le feu un peu revenu.

15.02.2023 à 10:34

Pour la liberté, contre l’islamophobie: ensemble, c’est tout.

Lignes de Crêtes

Ce 17 février, Lignes de Crêtes organise un débat à propos des atteintes aux libertés associatives générées par la loi Séparatisme et son application. Notre collectif a la chance qu’Elias d’Imzalene , militant musulman et Julien Talpin sociologue et acteur de la vie associative aient bien voulu répondre à notre invitation à débattre. Depuis 24 heures et de manière excessivement convenue, la sphère islamophobe, ce conglomérat qui va de l’extrême-droite néo-nazie jusqu’à une partie de la gauche s’agite, insulte, diffame, menace. Ivre de sa toute-puissance numérique, elle ne comprend pas qu’on ose encore respirer et parler sans se préoccuper de ses hurlements imbéciles qu’elle appelle expression politique. Comment des musulmans et des non-musulmans osent-ils encore débattre ensemble, comment osons nous mener des initiatives communes ? Comment, alors que nous sommes censés avoir peur les uns des autres, nous haïr , rester séparés à tout jamais et devenir les petits soldats de la guerre civile fantasmée par des polémistes et bateleurs de la haine de salon Twitter. Comment osons-nous, alors que tout est fait pour que cela n’arrive pas, jusqu’à la terreur des attentats racistes, qui ne sont même plus appelés attentats depuis novembre 2019 et l’attaque contre la mosquée de Bayonne ? Parce que le mot « attentat » fait penser à « victimes » et que les musulmans ne sont pas censés être des victimes. De fait, c’est la seule clarification que nous tenons à faire vis à vis des islamophobes. Lignes de Crêtes ne soutient pas des «…
Texte intégral (648 mots)

Ce 17 février, Lignes de Crêtes organise un débat à propos des atteintes aux libertés associatives générées par la loi Séparatisme et son application.

Notre collectif a la chance qu’Elias d’Imzalene , militant musulman et Julien Talpin sociologue et acteur de la vie associative aient bien voulu répondre à notre invitation à débattre.

Depuis 24 heures et de manière excessivement convenue, la sphère islamophobe, ce conglomérat qui va de l’extrême-droite néo-nazie jusqu’à une partie de la gauche s’agite, insulte, diffame, menace. Ivre de sa toute-puissance numérique, elle ne comprend pas qu’on ose encore respirer et parler sans se préoccuper de ses hurlements imbéciles qu’elle appelle expression politique.

Comment des musulmans et des non-musulmans osent-ils encore débattre ensemble, comment osons nous mener des initiatives communes ? Comment, alors que nous sommes censés avoir peur les uns des autres, nous haïr , rester séparés à tout jamais et devenir les petits soldats de la guerre civile fantasmée par des polémistes et bateleurs de la haine de salon Twitter.

Comment osons-nous, alors que tout est fait pour que cela n’arrive pas, jusqu’à la terreur des attentats racistes, qui ne sont même plus appelés attentats depuis novembre 2019 et l’attaque contre la mosquée de Bayonne ? Parce que le mot « attentat » fait penser à « victimes » et que les musulmans ne sont pas censés être des victimes.

De fait, c’est la seule clarification que nous tenons à faire vis à vis des islamophobes. Lignes de Crêtes ne soutient pas des « victimes », et nous n’invitons ni ne publions des amis musulmans pour faire notre devoir de défenseurs des droits humains, ou d’antiracistes . Nous ne sommes pas des soutiens paternalistes, et des « idiots utiles de l’islamisme ».

Nous ne pouvons pas arrêter le torrent de boue déversé lâchement contre Elias d’Imzalene. Nous ne pouvons pas empêcher les menaces de mort permanentes qui le visent, lui et sa famille, à chaque fois qu’il s’exprime . Nous ne pouvons que l’assurer de notre solidarité et de notre dégoût devant ces méthodes de soudards déchaînés.

Mais nous tenons à dissiper toute ambiguité. Nous ne l’invitons pas pour faire respecter sa liberté d’expression, mais parce que c’est un acteur incontournable des luttes depuis des années,  un défenseur infatigable non seulement de sa communauté, mais aussi d’une société française différente où bêtement, tout le monde aurait sa place. Nous le savons mieux que personne, car son collectif, Perspectives Musulmanes nous a invités à sa tribune lors d’un rassemblement, nous,  dont, en apparence, les idées et les identités sont tellement éloignées des leurs.

Nous ne sommes pas des idiots utiles de l’islamisme, nous sommes, en toute conscience, des camarades des islamiens, comme ils disent. Et nous sommes fiers et heureux de pouvoir faire partager la rencontre et les luttes communes à d’autres.

Que le camp de la haine s’indigne avec une telle force des gens encore décidés à vivre ensemble dans ce pays, que la moindre initiative en ce sens déclenche leurs hurlements stupéfaits devant le refus de la Séparation ne peut que nous inciter à continuer.

Ce n’est pas que l’affaire des musulmans. Mais la nôtre aussi, qui ne pouvons pas certes pas accepter que notre liberté d’association soit conditionnée à un « Mais pas avec lui, eux, elles et puis ceux-là non plus… », qui à la finale ne nous laisse que la possibilité de nous associer aux islamophobes. Non merci.

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