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17.04.2024 à 10:04

La remise en cause du gouvernement suédois contre l'aide au développement est une attaque contre le syndicalisme et la démocratie

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[Ce texte est une tribune conjointe de la Confédération suédoise des syndicats (LO), la Confédération suédoise des employés professionnels (TCO) et la Confédération suédoise des associations professionnelles (SACO).]
Les droits syndicaux sont des droits démocratiques. Ce constat s'impose de plus en plus dans un monde où un nombre croissant de régimes limitent la liberté d'expression et le droit à la syndicalisation. Dans les pays où le pouvoir est entre les mains de dirigeants autoritaires, les syndicats (...)

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Texte intégral (995 mots)

[Ce texte est une tribune conjointe de la Confédération suédoise des syndicats (LO), la Confédération suédoise des employés professionnels (TCO) et la Confédération suédoise des associations professionnelles (SACO).]

Les droits syndicaux sont des droits démocratiques. Ce constat s'impose de plus en plus dans un monde où un nombre croissant de régimes limitent la liberté d'expression et le droit à la syndicalisation. Dans les pays où le pouvoir est entre les mains de dirigeants autoritaires, les syndicats sont souvent parmi les premiers à être interdits d'activité. Grâce à des accords de coopération conclus avec l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (connue sous l'acronyme SIDA pour Swedish International Development Authority), le mouvement syndical suédois, à l'instar d'autres secteurs de la société civile, a longtemps été un acteur important de l'aide suédoise au développement.

L'activité syndicale internationale est fondée sur notre mission syndicale principale et s'appuie sur les conventions des Nations unies et de l'Organisation internationale du travail relatives aux droits humains, syndicaux et démocratiques, que la Suède a également approuvées. La décision de la SIDA de mettre un terme à tous les accords avec la société civile suédoise, annoncée en mars, risque d'avoir des conséquences gravement négatives sur la capacité du secteur suédois de l'aide au développement à atteindre les objectifs du Programme à l'horizon 2030 pour le développement durable, à savoir la réduction de la pauvreté et le développement de la démocratie notamment.

En coopération avec des organisations locales, les syndicats et le reste de la société civile suédoise sont bien ancrés dans les sociétés où nous travaillons, ce qui est souvent une condition préalable à une aide au développement efficace. Par l'intermédiaire de l'organisation d'aide au développement Union to Union, le mouvement syndical suédois soutient, entre autres, 100 projets de développement syndical dans autant de pays.

Au travers de projets de développement, nous œuvrons collectivement pour des conditions d'emploi sûres, contre les menaces, la violence et le harcèlement, pour un espace démocratique élargi, pour le renforcement de l'égalité entre les hommes et les femmes et pour l'utilisation durable des ressources de la planète.

Dans un contexte de mondialisation, les activités des entreprises s'étendent au-delà des frontières et il faut donc que les activités syndicales fassent de même.

Par exemple, une première étape dans les activités syndicales soutenues par Union to Union pourrait consister à renforcer la possibilité pour les employés de se syndicaliser dans une usine et de commencer à négocier avec l'employeur pour obtenir de meilleurs salaires et des conditions de travail plus décentes. Cette étape n'est pas facile. Dans de nombreux pays, créer un syndicat peut signifier une menace pour la vie ou la santé.

SIDA, reconsidérez cette décision !

Il y a plus de 100 ans, la syndicalisation avait constitué le premier pas vers le modèle de marché du travail performant que nous connaissons aujourd'hui en Suède ; un modèle qui a contribué à réduire le nombre de jours de grève et donc à favoriser le développement économique des entreprises suédoises et de la Suède dans son ensemble.

Depuis quelque temps, la SIDA est chargée par le gouvernement d'étudier les changements à apporter à l'aide financière accordée aux organisations stratégiques partenaires. Le gouvernement souhaitait notamment que la SIDA prenne elle-même en charge la distribution de l'aide financière aux organisations locales dans les pays partenaires. Cela sonnerait pour ainsi dire le glas du rôle de la société civile suédoise dans l'aide suédoise au développement. En vertu de la mission qui lui a été confiée, la SIDA devait soumettre ses propositions au gouvernement pour le 8 avril au plus tard.

Or, la SIDA a choisi de mettre un terme à tous les accords conclus avec la société civile. Pour les personnes concernées, cela se traduira par des coupes sombres et l'arrêt complet des opérations dans différentes parties du monde.

Dans son programme de réforme de l'aide au développement, le gouvernement précise qu'il souhaite contribuer à une société civile forte et soutenir les organisations, les mouvements démocratiques, les acteurs et les réseaux qui défendent les droits humains et qui surveillent et protègent la démocratie et les principes de l'État de droit. La décision de la SIDA va dans la direction opposée.

Nous exhortons la SIDA à réviser sa décision hâtive et nous demandons au gouvernement de montrer rapidement qu'il s'engage à encourager l'agenda des réformes. Cela permettrait non seulement d'ancrer l'aide au développement dans les pays bénéficiaires, mais aussi d'en asseoir les fondements dans la société civile suédoise. Les activités syndicales mondiales créent la démocratie. Et le monde a besoin de plus de démocratie, pas moins.


Cet article a initialement été publié en suédois sur le site Web d'actualités Arbetet.

16.04.2024 à 14:25

Sénégal : les défis d'un souverainisme démocratique

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Texte intégral (995 mots)

15.04.2024 à 08:05

La terre dans la mémoire : 80 ans plus tard, l'Espagne recherche toujours ses disparus

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Trois personnes travaillent en silence au-dessus d'un trou dans le sol. Certaines d'entre elles travaillent penchées, d'autres s'agenouillent et l'une d'entre elles s'allonge pour mieux travailler. Devant elles, une nature morte composée d'ossements. Bras, humérus, bassin et autres côtes émergent des profondeurs du sol. Plusieurs crânes aussi. De l'extérieur, on en voit pas moins de cinq. En dessous, il y en aurait au moins cinq autres.
Nous sommes dans le ravin de Víznar, dans la province andalouse de (...)

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Texte intégral (3086 mots)

Trois personnes travaillent en silence au-dessus d'un trou dans le sol. Certaines d'entre elles travaillent penchées, d'autres s'agenouillent et l'une d'entre elles s'allonge pour mieux travailler. Devant elles, une nature morte composée d'ossements. Bras, humérus, bassin et autres côtes émergent des profondeurs du sol. Plusieurs crânes aussi. De l'extérieur, on en voit pas moins de cinq. En dessous, il y en aurait au moins cinq autres.

Nous sommes dans le ravin de Víznar, dans la province andalouse de Grenade, en Espagne. Entre septembre et novembre 1936, ce sont pas moins de 173 personnes qui ont été tuées ici et jetées dans des fosses communes, dans le contexte de la guerre civile espagnole (1936-1939). Auparavant, en juillet et août, juste après le coup d'État militaire qui a déclenché la guerre, il y avait eu d'autres victimes, dont le poète Federico García Lorca, dont on n'a toutefois conservé aucune trace.

Quoi qu'il en soit, l'équipe dirigée par Paco Carrión et composée d'archéologues, de géophysiciens, d'anthropologues, de médecins légistes et d'historiens a pour mission, depuis 2021, de retrouver le plus grand nombre possible de dépouilles. Pour l'instant, 16 fosses ont été localisées et 116 corps récupérés. Trente quatre étaient des femmes, les autres des hommes. Ils étaient tous du côté républicain, tous des civils, des gens ordinaires : des paysans, des ouvriers, des enseignants, des tisserandes, tous assassinés et enterrés en un lieu inconnu. C'est pour cette raison qu'ils utilisent des géoradars, des détecteurs de métaux, des tomographies électriques pour localiser les fosses, des technologies combinées à des techniques plus rudimentaires — un pinceau, un aspirateur — pour mettre les corps au jour. Un travail lent et minutieux.

« Entre le moment où nous commençons les travaux de fouille et celui où nous dégageons les corps, les exhumons, les documentons et les photographions, il peut s'écouler environ un mois ; environ trois semaines par fosse. Tout dépend du nombre d'individus. Dans celle-ci, par exemple, il y en a dix, mais le terrain nous indique qu'il pourrait y en avoir davantage en dessous », explique à Equal Times Félix Bizarro, l'un des archéologues.

Mais ce n'est que le début. Ensuite, il conviendra de dégager, tamiser et analyser non seulement les os, mais aussi les objets (boucles d'oreilles, bagues, boucles de ceintures) qui sont indispensables pour identifier, conjointement aux échantillons d'ADN, chaque corps, afin de lui redonner son nom. C'est la véritable finalité de tout le processus : les identifier et les remettre à leurs familles, qui attendent depuis plus de 80 ans. Ce retard est révélateur du dilemme auquel est confrontée l'Espagne quant à sa mémoire, si tenace à déterrer.

La recherche des disparus, soutenue par les Nations unies et assombrie par le débat politique et ses soubresauts, a tout juste réussi à exhumer totalement ou partiellement 800 fosses au cours des deux dernières décennies (sur un total avoisinant les 3.500 fosses). Un acquis fragile, fait d'avancées et de reculs continus, de périodes de soutien et de périodes d'abandon total. Aujourd'hui, dans des fosses comme celle de Víznar, les travaux se poursuivent, mais rien ne garantit qu'ils ne devront pas à nouveau faire marche arrière.

Les premières exhumations

Aucune certitude n'existe quant au nombre de victimes qu'a fait la guerre d'Espagne. Le chiffre qui sert habituellement de référence et qu'utilise par exemple l'hispaniste Paul Preston est de 150.000 victimes : environ 100.000 d'entre elles sont mortes aux mains des insurgés du général Francisco Franco et un peu moins de 50.000 des mains des républicains. Tous sont victimes, mais tous n'ont pas reçu le même traitement.

« Les premières politiques de remémoration n'ont été menées que pour les morts d'un seul camp. Pendant la dictature, l'ordre a été donné d'exhumer les fusillés et les disparus de la violence républicaine : quelque 33.000 d'entre eux ont été transférés vers le Valle de los Caídos [ “Vallée des personnes tombées au combat” ndt], érigé comme un gigantesque mémorial. Or, ces politiques n'ont jamais été appliquées à tous les Espagnols et l'exhumation des personnes fusillées par les troupes franquistes n'a jamais été autorisée », explique Matilde Eiroa San Francisco, docteure en histoire contemporaine de l'université Carlos III de Madrid.

En outre, la fin de la guerre n'a pas mis un terme à la violence. La répression menée par la dictature de Franco (1939-1975) a continué à alourdir la liste des disparus, dont le nombre exact n'est toujours pas connu à ce jour. Le seul document faisant état d'un chiffre est une ordonnance de 2008 du juge de l'Audience nationale de l'époque, Baltasar Garzón, qui, sur la base de témoignages de membres de la famille, évaluait à 114.266 personnes le nombre de disparus, mais ce chiffre n'est pas non plus définitif.

Le silence imposé par la dictature, mais aussi au cours des premières décennies de la démocratie, dans un souci de « réconciliation » nationale supposée, a empêché les familles de ces victimes de représailles de réclamer leurs dépouilles. Certaines les ont recherchées secrètement par leurs propres moyens. On sait qu'entre 1978 et 1979 (après la mort du dictateur), plusieurs enfants de disparus ont ouvert des fosses clandestinement, de leurs propres mains. Cependant, ce n'est qu'avec l'arrivée des petits-enfants que la parole a commencé à se libérer.

« La visibilité de la mémoire repose sur la mobilisation de la génération des petits-enfants », explique Mme Eiroa. « Cette rupture du silence a été historique. Les réseaux sociaux ont joué un rôle fondamental, ils les ont aidés à s'unir, à former une communauté ».

C'est en 2000, 60 ans après la fin de la guerre, qu'a eu lieu la première exhumation d'une tombe républicaine à l'aide de méthodes scientifiques. Treize hommes ont été retrouvés dans la municipalité de Priaranza del Bierzo (dans la province de León), dont le grand-père d'Emilio Silva. « Si nous, les familles et les petits-enfants, ne nous étions pas manifestés, tout cela serait resté dans le silence, comme cela avait été le cas après la mort de Franco. Nous, les petits-enfants, étions un accident, nous n'étions pas prévus sur la feuille de route », assure l'actuel président du principal collectif de défense de la mémoire en Espagne, l'Asociación para la Recuperación de la Memoria Histórica.

2007 : une loi incomplète

En 2009, Paco Carrión abandonnait l'étude des fossiles d'il y a quatre ou cinq mille ans pour se consacrer à la recherche des victimes de la guerre civile. Il fut l'un des premiers à le faire. « Je pense qu'il s'agissait là d'une dette en souffrance de notre pays », explique aujourd'hui cet archéologue et géophysicien de l'université de Grenade à Equal Times.

Au début, les choses n'ont pas été faciles, car ceux qui fouillaient dans le passé le plus récent n'étaient pas très bien vus, ils travaillaient seuls. Aujourd'hui cependant, M. Carrión dispose d'une équipe pluridisciplinaire de professionnels qui travaille à Víznar, mais aussi à Cordoue dans d'autres fosses distribuées entre deux cimetières.

M. Carrión a pu se consacrer à ces exhumations grâce à l'élan donné par la loi sur la mémoire historique de 2007, un engagement du gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero qui, pour la première fois, incluait la reconnaissance de toutes les victimes de la guerre et de la dictature et s'engageait à soutenir la recherche des disparus grâce à des aides financières. La loi a été critiquée par les milieux conservateurs, qui craignaient de « rouvrir les plaies », mais elle a aussi été remise en question par certains membres des familles et même par l'ONU, qui lui reprochait plutôt sa frilosité. Bien que l'État ait contribué au financement des recherches, il n'a à aucun moment endossé la « responsabilité » de celles-ci, les laissant entre les mains des familles.

Quelque temps plus tard, le rapporteur spécial de l'ONU Pablo de Greiff avait critiqué cette « privatisation des exhumations » en vertu de laquelle toutes les responsabilités et même le recrutement des archéologues étaient délégués aux victimes elles-mêmes.

Le droit à la vérité, à la justice et à la réparation prévu par l'ONU n'étant pas suffisamment protégé, lorsque Mariano Rajoy, du Parti populaire conservateur, est arrivé au pouvoir en 2011, sans abroger la loi, il l'avait privée de son budget. Plusieurs dizaines de projets ont été paralysés, les familles ont dû payer de leur poche des interventions qui leur revenaient de droit, seuls certains gouvernements régionaux ont maintenu leur aide, et même dans ces cas-là, elle était insuffisante pour payer les équipes. Pourtant signataire à la Convention internationale contre les disparitions forcées, l'Espagne tournait une fois de plus le dos à ses disparus.

Une nouvelle loi et une nouvelle menace

Dans le ravin de Víznar, le sol a étonnamment bien conservé les ossements. Cela facilite les choses, surtout pour les anthropologues légistes comme Laura Gutiérrez. Elle est chargée d'identifier le sexe et l'âge des victimes, dont la plupart ont entre 25 et 35 ans, les blessures aux alentours de la période de la mort et l'ampleur de la violence. « Presque toutes les victimes ont été exécutées au moyen d'un pistolet près du crâne ou au contact. En général, il y a plus d'une balle : deux, trois, quatre voire six balles, rien que dans le crâne », explique-t-elle. C'est aussi à cela que servent les exhumations : découvrir ce qui s'est passé.

Le projet dans le ravin, qui en est à sa quatrième phase, la dernière, est désormais financé par deux administrations (l'État et le gouvernement régional) et se déroule sous la protection de la nouvelle loi sur la mémoire démocratique, approuvée en 2022 pour remplacer l'ancienne loi et suite à l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement socialiste, celui de Pedro Sánchez. Le mandat de ce dernier avait commencé par une déclaration d'intention : l'exhumation de la tombe du dictateur Francisco Franco du Valle de los Caídos et son transfert vers une case privée. Cette déclaration a été suivie du rétablissement des aides aux exhumations et de la nouvelle loi.

La différence avec la loi précédente, explique la professeure Matilde Eiroa, « c'est qu'aujourd'hui l'État prend ses responsabilités, assume le budget, mais comprend aussi qu'il fait partie de ses responsabilités d'apporter une solution ». Cela signifie que la recherche devient publique, que les administrations (locales et régionales également) prennent l'initiative et que les fonds sont engagés tous les quatre ans dans le cadre d'un plan quadriennal. « Aujourd'hui, nous disposons de sommes importantes qui nous permettent de mettre en place une équipe de professionnels et de travailler pendant une période prolongée », explique Paco Carrión.

Au cours des deux premières années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, 4.500 corps ont été récupérés. Sur l'ensemble de la période 2000-2019, à peine 9.700 ont été exhumés. Le rythme s'accélère certes, mais il reste insuffisant pour certaines victimes. « Nous sommes assez critiques, car le modèle n'a pas changé avec la loi, il reste celui de subventionner la recherche des disparus », défend Emilio Silva. « Ce qu'il aurait fallu faire, c'est créer un bureau qui ne dépende pas de la couleur du gouvernement. Quand le gouvernement change, il n'y a pas de débat sur la question de savoir si les droits des victimes du terrorisme sont en danger, il devrait en être de même pour les victimes du franquisme ».

De cette manière, soutient-il, on éviterait la peur de l'avenir. Plus précisément, la peur des discours conservateurs de la droite et de l'extrême droite qui menacent d'abroger la loi. Certains d'entre eux se sont déjà concrétisés dans des régions comme la Cantabrie, gouvernée par la coalition Parti populaire et Vox (NDT Droite et extrême droite, respectivement).

Même si d'autres gouvernements conservateurs, comme celui du Parti populaire en Andalousie, maintiennent pour l'instant leur soutien à des projets comme celui de Víznar, il semble évident que les exhumations se trouvent dans une situation d'équilibre très précaire. « Naturellement, nous redoutons un retour en arrière », admet M. Carrión. « Nous devrions rester éloignés de la politique, ce que nous faisons est humanitaire ».

L'actuel rapporteur des Nations unies, Fabián Salvioli, partage son avis : « Il ne s'agit pas de questions qu'un État peut choisir. Il s'agit d'obligations légales qui découlent d'engagements internationaux », rapporte le quotidien El País.

Comment, dès lors, mettre fin à la polarisation politique autour de cette question ? Selon Emilio Silva, en construisant « une culture de la mémoire », ce qui ne peut se faire qu'en « créant une complicité avec toutes les forces politiques. Nous devons les inviter aux cérémonies de commémoration, leur ouvrir la porte. Tous doivent assister à une exhumation ».

« Enterre-le à côté de moi »

« La finalité d'une exhumation n'est pas seulement de récupérer les victimes au sens physique, de retrouver leurs corps ; il s'agit aussi de récupérer leurs vies, leurs biographies et de reconstituer qui elles étaient ». Ces mots sont ceux du sociologue Fran Carrión. Son travail dans les fosses de Víznar est presque aussi délicat que celui de creuser la terre. Il est le lien avec les membres de la famille. « Il s'agit d'un groupe très fortement négligé depuis des décennies. Cela fait des années qu'il supporte d'être ignoré, de ne pas voir ses souffrances reconnues. Le contact avec eux est émouvant ».

Par l'intermédiaire d'un groupe WhatsApp, il les informe quotidiennement de la progression de l'exhumation, répond à leurs interrogations et leur apporte tout le soutien possible. Ils sont plus d'une centaine, dont quelques enfants, mais surtout des petits-enfants et arrière-petits-enfants.

« Une guerre ne s'achève pas tant qu'il n'y a pas de paix dans les cœurs », déclare María. Âgée de 67 ans, elle est la petite-fille d'un disparu. Son grand-père Francisco est l'une des 173 personnes qui, selon les archives historiques, devraient se trouver dans le ravin. Paysan instruit, associé à des mouvements syndicaux, né à Fuentevaqueros comme Lorca, il a été tué un mois après ce dernier.

« Depuis mon plus jeune âge, je savais que mon grand-père avait été tué pendant la guerre, mais ma mère n'abordait pas le sujet, elle en a eu peur toute sa vie. Plus tard, j'ai appris qu'il était là », explique María. « Je pense souvent à lui, je ne l'ai pas rencontré, mais c'est comme s'il était en moi, il fait partie de moi parce que je porte une partie de son sang ».

María, comme quarante autres proches des victimes, a fourni des échantillons de son ADN afin qu'ils soient comparés aux ossements retrouvés et ainsi tenter de trouver une correspondance tant attendue. Les personnes identifiées seront rendues à leur famille, celles qui ne le sont pas seront enterrées dignement dans un mémorial. Malgré tout, les espoirs restent teintés de prudence. L'ADN ne permet d'identifier qu'un corps sur trois (dans le meilleur des cas), les chaînes génétiques s'altérant au fil des générations. Le temps qui passe est le pire ennemi de la mémoire. « Il suffit que l'on en trouve un pour que nous pleurions tous », assure Maria, « et pour que nous allions tous à cet enterrement parce que ce sera une de notre grand-père ».

Les résultats génétiques prendront encore du temps, ils exigeront un peu plus de patience, mais ce n'est rien comparé à ce qu'ils ont déjà attendu. « Au cimetière, une place est réservée à mon grand-père, à la droite de ma mère », explique María. « Avant sa mort, elle m'a dit : “si tu le trouves, enterre-le à côté de moi, même si ce n'est qu'un seul os.” Je fais cela pour tous les deux. Pour lui et pour elle ».

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