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21.11.2024 à 18:53

Mers et océans : quel rôle pour l’Union européenne ?

Arthur Olivier

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En 2019, le GIEC publiait un rapport spécial sur “l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique”. Fonte des glaciers, acidification des océans, risques pesant sur les populations côtières… Les scientifiques du groupe d’experts internationaux alertaient sur les périls qui menacent les eaux du monde et listaient les enjeux des prochaines décennies. Les […]

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Texte intégral (3761 mots)
L'économie liée aux océans employait directement 4,5 millions de personnes dans l'UE en 2018, dont des pêcheurs
L’économie liée aux océans employait directement 4,5 millions de personnes dans l’UE en 2018, dont des pêcheurs - Crédits : Nuture / iStock

En 2019, le GIEC publiait un rapport spécial sur “l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique”. Fonte des glaciers, acidification des océans, risques pesant sur les populations côtières… Les scientifiques du groupe d’experts internationaux alertaient sur les périls qui menacent les eaux du monde et listaient les enjeux des prochaines décennies.

Les mers et océans ne sont pas seulement des réservoirs de biodiversité ou des alliés dans la lutte contre le changement climatique. Les fonds marins abritent de nombreuses infrastructures d’origine humaine, comme les câbles électriques ou de télécommunications, ainsi que des ressources minières, énergétiques et même pharmaceutiques.

Les océans représentent des espaces convoités par les Etats, qui veulent asseoir leur souveraineté sur des points de passage stratégiques pour le commerce international ou pour exploiter des richesses encore largement à découvrir. Car comme le résume la Fondation de la mer, “le fonds de l’océan est moins connu que la surface de la Lune”.

Biodiversité marine, pêche, transport maritime, sûreté… Retour sur les grands enjeux et les politiques de l’Union européenne autour des mers et océans.

Préserver la biodiversité maritime et la santé des eaux

Parmi ces sujets clés, la préservation de la biodiversité marine fait l’objet d’une attention particulière. Dans sa stratégie en la matière, la Commission européenne s’est fixé l’objectif de protéger 30 % des plus de 11 millions de km2 de mers de l’UE en 2030. Un but qu’elle compte atteindre en partie avec l’extension des zones Natura 2000, des sites naturels et semi-naturels qui se distinguent par leur biodiversité exceptionnelle.

Pour concrétiser ces ambitions, l’Union européenne s’est dotée en 2024 d’une législation visant à restaurer les écosystèmes dégradés (surnommée “loi européenne sur la restauration de la nature”). Afin de “ramener la nature dans toute l’Europe” et de rétablir les écosystèmes ravagés par l’activité humaine, le règlement comporte des objectifs de restauration contraignants pour des habitats spécifiques qui abritent de nombreuses espèces. Ces mesures devraient couvrir au moins 20 % des zones terrestres et maritimes de l’UE en “mauvais état” d’ici à 2030 puis jusqu’à 90 % des écosystèmes nécessitant une restauration à l’horizon 2050.

Au niveau mondial, l’Union européenne est signataire d’un traité de protection de la haute mer. Signé par 105 Etats depuis le mois de septembre 2023, dont les pays de l’UE, les Etats-Unis et la Chine, il doit permettre d’établir des zones marines protégées à grande échelle en haute mer. Ces zones situées hors des espaces maritimes contrôlés par les Etats comprennent en effet de riches puits de carbone, permettant de recapturer le CO2 dégagé dans l’atmosphère, ainsi que des réservoirs biologiques majeurs, qui font l’objet de nombreuses convoitises.

Si ce traité sur “la biodiversité par-delà les juridictions nationales” (BBNJ pour “Biodiversity beyond national juridiction”) a été négocié depuis près de 20 ans aux Nations unies, il doit encore être ratifié pour entrer en vigueur. Organisée à Nice en juin 2025, la Conférence des Nations unies pour les océans a vocation à poursuivre la dynamique engagée avec l’adoption du cadre international pour la biodiversité en décembre 2022, puis l’accord sur ce traité de protection de la haute mer.

Toujours en matière de gouvernance internationale, la Commission a indiqué en juin 2022 que l’exploitation minière en eaux profondes devrait être interdite jusqu’à ce que les connaissances scientifiques sur ses conséquences soient plus poussées. Elle souhaite attendre que les techniques d’extraction n’aient pas d’effets néfastes et que l’environnement marin soit efficacement protégé. De son côté, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) se consacre actuellement à élaborer un code environnemental visant à autoriser ou non l’exploitation minière des océans, par exemple riche en cobalt.

Lutter contre le plastique

La lutte contre les déchets plastiques est également un enjeu majeur pour la santé des espaces maritimes. Selon les pires scénarios rapportés par les Nations unies, entre 19 et 23 millions de tonnes de plastique sont relâchés dans les écosystèmes aquatiques chaque année. Un chiffre qui pourrait dépasser les 50 millions en 2030. Dans ce contexte, un premier accord mondial a été conclu en mars 2022 : il engage les négociations vers un traité international contraignant relatif aux déchets marins et à la pollution plastique. En novembre de la même année, l’Union européenne a adhéré à une coalition mondiale pour “un texte ambitieux” qui inclurait des instruments juridiques contraignants. L’accord pourrait être finalisé en Corée du Sud en décembre 2024, pour une adoption en 2025.

En outre, l’Union européenne s’est dotée en 2021 d’une directive sur les plastiques à usage unique. Un texte qui s’attaque aux produits en plastique destinés à être jetés peu de temps après leur utilisation, et qui interdit de mettre sur le marché tous les couverts (assiettes, fourchettes, couteaux…), les pailles, les cotons-tiges, les bâtonnets pour mélanger les boissons, les tiges des ballons de baudruche ainsi que certains récipients en plastique.

La Commission européenne a aussi proposé des mesures visant à limiter les microplastiques dans les produits et à réduire leur rejet dans l’environnement. En septembre 2023, après validation par les eurodéputés et les Etats membres, l’exécutif européen a adopté l’interdiction des microparticules de plastique pour les terrains de sport synthétiques, certains produits cosmétiques, les détergents et des pesticides.

L’initiative Clean Oceans a été lancée en octobre 2018 par la Banque européenne d’investissement, en collaboration avec l’Agence française pour le développement et son homologue allemande, la KfW.

Dotée d’un budget de 4 milliards d’euros d’ici 2025, elle finance des projets de réduction des déchets plastiques. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a rejoint cette initiative en 2020. Début 2023, 2,6 milliards d’euros avaient été investis dans 60 projets partout dans le monde.

La question de la pêche

Dans le cadre de sa politique commune de la pêche, la conservation des ressources biologiques de la mer est une compétence exclusive de l’Union européenne. Chaque année, le Conseil de l’Union européenne fixe ainsi les quantités maximales de pêche pour chaque espèce et zone géographique (totaux admissibles de capture, ou TAC), qui sont ensuite réparties entre les Etats membres (quotas). L’UE signe également des accords avec des pays tiers.

Septième pêcheur mondial et premier importateur des produits des mers et océans, l’Union européenne a une influence particulière sur le secteur halieutique. La Cour des comptes européenne avait d’ailleurs alerté en 2022 sur ces importations, estimant que les Etats membres de l’UE devaient “frapper plus fort” contre la pêche illégale issue des pays tiers. D’un côté, les auditeurs estimaient que le système de certification des captures de poissons mis en place en 2008 avait permis d’améliorer la traçabilité et de renforcer les contrôles à l’importation. Mais malgré un système complet, “le fait que les Etats membres n’appliquent pas tous les mêmes contrôles et sanctions en compromet l’efficacité”, concluent-ils.

Plusieurs pays, dont la France, poussent également pour que l’accord du Cap soit définitivement ratifié. Adopté sous l’égide de l’Organisation maritime internationale en 2012, ce traité international définit des normes pour la sécurité des navires des marins pêcheurs. Dans les faits, plusieurs pays manquaient à l’appel pour que celui-ci puisse entrer en vigueur. En février 2022 à Brest, six Etats s’étaient engagés à le ratifier, ouvrant la porte à une application de l’accord, alors même qu’il doit concrétiser les promesses d’une convention signée en 1977.

En février 2023, la Commission européenne a proposé un paquet de textes pour “verdir” le secteur de la pêche. Il préconise d’étendre les aires marines protégées et d’y interdire le chalutage, une pratique ravageuse pour la biodiversité des fonds océaniques, d’ici à 2030.

Le paquet comprend quatre éléments: une communication sur la transition énergétique, un plan d’action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins, une communication sur l’avenir de la politique commune de la pêche et un rapport sur l’organisation commune des marchés dans le secteur.

Décarboner le transport maritime

L’Union européenne entend diminuer l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre qui nuisent aux océans. La circulation entre les ports européens représente par exemple environ 4 % des émissions de CO2 de l’UE.

En mars 2023, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont trouvé un accord pour réduire l’empreinte carbone des navires, en promouvant l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime (“FuelEU Maritime”). L’enjeu est colossal : selon la Commission européenne, ces énergies devront représenter 86 % des carburants dans le transport maritime international pour que le continent atteigne la neutralité climatique en 2050. Aujourd’hui, la presque totalité des combustibles du secteur sont d’origine fossile. L’UE entend ainsi accélérer l’électrification des navires et encourager les grands ports à poser des bornes de recharge à quai.

En parallèle, l’Union européenne a décidé d’intégrer le transport maritime au système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre de l’UE. Ce “marché du carbone” oblige les entreprises à acheter des “droits à polluer” pour les inciter à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Son élargissement au transport maritime, d’ici à 2027, devrait permettre de réduire l’écart de coûts entre les investissements dans les énergies bas carbone, plus onéreuses, et l’utilisation de combustibles fossiles.

Au sud de l’Europe, une zone de réduction des émissions polluantes des navires a été créée sur l’ensemble de la Méditerranée (zone SECA).

Validée par les Etats membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) en juin 2022, elle impose aux navires d’utiliser des carburants cinq fois moins polluants que la norme internationale concernant l’oxyde de soufre. Cette nouvelle zone de contrôle doit être effective en 2025.

Poursuivre la recherche

Afin de mieux connaître les liens entre les mers, le changement climatique et les activités humaines, l’Union européenne développe aussi un “jumeau numérique” de l’océan mondial. Ce “double”, qui doit reconstituer virtuellement l’espace maritime et ses évolutions à partir de données scientifiques, permettra notamment de modéliser différents scénarios sur le changement climatique. Un prototype a été présenté en juin 2024.

Plus largement, l’UE insiste sur le rôle de la recherche pour répondre aux enjeux liés aux océans. La Commission a initié la mission “Restaurer notre océan et notre milieu aquatique d’ici à 2030”, pour soutenir les projets qui concrétisent les objectifs du Pacte vert européen. Celle-ci mobilise les financements du programme de recherche scientifique Horizon Europe.

Garantir la sûreté maritime

Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, l’UE doit apprendre à parler le langage du pouvoir, également en mer”. Début mars 2023, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, présentait un nouveau plan d’action pour protéger les mers et océans contre les nouvelles menaces.

L’enjeu est de taille. Comme le résume l’exécutif européen, “plus de 80 % du commerce mondial est effectué par voie maritime et environ deux tiers du pétrole et du gaz dans le monde sont soit extraits en mer, soit transportés par voie maritime”. L’UE comptait par exemple organiser un exercice naval annuel et poursuivre le développement des opérations de garde-côtes dans les bassins maritimes européens.

L’UE mène par ailleurs déjà des missions militaires. Au large des côtes somaliennes, l’opération “Atalanta” lutte contre la piraterie depuis 2008. Et la mission “Irini” a été lancée en 2020, avec pour objectif affiché de faire respecter l’embargo sur les armes imposé à la Libye.

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21.11.2024 à 17:11

Biodiversité : que fait l’Union européenne ?

Rédaction Toute l'Europe

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L’Europe continue de perdre sa biodiversité. Sur le Vieux Continent comme ailleurs, de nombreux écosystèmes sont menacés par l’agriculture intensive, l’étalement urbain, la pollution et des espèces envahissantes. Les émissions sans précédent de gaz à effet de serre dans le monde provoquent aussi le réchauffement du climat, et par là même une diminution de la […]

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Texte intégral (4325 mots)
Illustration de la biodiversité en Europe
Selon l’Agence européenne de l’environnement, les habitats pour les pollinisateurs ont tendance à être moins bien conservés que les autres en Europe - Crédits : Ntrirata / SlavkoSereda / Volha Halkouskaya (iStock) et Xavier Lejeune (Commission européenne)

L’Europe continue de perdre sa biodiversité. Sur le Vieux Continent comme ailleurs, de nombreux écosystèmes sont menacés par l’agriculture intensive, l’étalement urbain, la pollution et des espèces envahissantes. Les émissions sans précédent de gaz à effet de serre dans le monde provoquent aussi le réchauffement du climat, et par là même une diminution de la biodiversité, par exemple à cause des sécheresses et d’un déficit de pluies.

L’état de la biodiversité dans le monde et en Europe

Selon le dernier rapport publié par le WWF mi-octobre, les populations des animaux sauvages ont décliné de 73 % en moyenne entre 1970 et 2020. L’association suit depuis 1998 l’indice planète vivante (IPV) qui mesure l’abondance de 35 000 populations de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens dans le monde.

Et c’est sans compter la plupart des espèces pollinisatrices, parmi lesquelles on trouve les abeilles, bourdons ou papillons. En Europe, 9 % des espèces d’abeilles et de papillons sont menacés. Et ce alors que “la production, le rendement et la qualité de trois quarts des principales sortes de culture vivrières mondiales […] bénéficient de la pollinisation animale”, estimait en 2016 un rapport de l’IPBES, un consortium international de chercheurs.

Ce même groupe a publié en mai 2019 un autre rapport, qui étaye une nouvelle fois le déclin de la biodiversité. En se fondant sur environ 15 000 références scientifiques, il en présente des “preuves accablantes” et un “panorama inquiétant”, selon les termes de Robert Watson, président de l’IPBES. Environ 1 million d’espèces sont menacées d’extinction dans les prochaines décennies - y compris en Europe - “provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier”, indique le document.

Cet effondrement de la biodiversité est notamment lié à une restriction des zones dans lesquelles vivent ces espèces du fait de la dégradation des terres (75 % de la surface terrestre ont été sévèrement affectés par les activités humaines et plus de 85 % des zones humides ont disparu), de la déforestation ou de l’expansion urbaine.

L’intensification de l’agriculture et de la pêche a aussi pesé sur la qualité des habitats et le fonctionnement des écosystèmes. Plus de 80 % des habitats européens sont aujourd’hui dans un mauvais état de conservation. Enfin, les espèces exotiques envahissantes peuvent provoquer un déclin des espèces indigènes. Importée des Etats-Unis, l’écrevisse de Louisiane a par exemple colonisé une large partie du sud-ouest de la France, menaçant ses cousines déjà installées en Europe.

La stratégie de l’Union européenne en matière de biodiversité à l’horizon 2030

L’Union européenne dispose d’une politique en matière de biodiversité. Régulièrement renouvelée, sa dernière version de 2020 a porté un objectif ambitieux à horizon 2030 : protéger 30 % de la superficie marine et terrestre de l’UE. Elle est intégrée au Pacte vert, chantier prioritaire du premier mandat de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen (2019-2024).

Cette stratégie repose sur un premier pilier : la protection des milieux naturels. D’ici à 2030, 30 % des terres et des mers européennes devront en bénéficier, en accordant une attention particulière aux forêts. L’UE s’appuie ici sur son réseau Natura 2000 (voir plus bas).

Le deuxième pilier consiste à restaurer la biodiversité. Il s’agit de privilégier l’agriculture biologique et la biodiversité dans les paysages agricoles, d’enrayer le déclin des pollinisateurs, de rétablir le courant libre sur 25 000 kilomètres de cours d’eau, de planter 3 milliards d’arbres ou encore de réduire l’usage des pesticides et leur degré de nocivité. Entré en vigueur en août dernier, un règlement sur la restauration de la nature a inscrit différents objectifs dans le marbre de la législation européenne. Adopté par les Vingt-Sept en juin, le texte impose aux Etats de rétablir au moins 20 % des écosystèmes dégradés d’ici à 2030, en vue d’une restauration de 90 % de ces habitats en 2050. Avec cette “loi européenne sur la restauration de la nature”, les Etats devront établir des plans nationaux en la matière d’ici mi-2026.

Adopté mi-2023, un règlement doit par ailleurs interdire la commercialisation et l’exportation depuis l’UE de produits issus de la déforestation. Cette loi devait commencer à s’appliquer fin 2024 pour les plus grosses entreprises mais l’Union européenne pourrait la reporter d’un an.

La stratégie de la Commission européenne évalue aussi des besoins de financements. D’ici à 2030, elle estime ainsi que 20 milliards d’euros doivent être consacrés chaque année à la protection de la biodiversité dans l’Union européenne (financements européens, nationaux et privés confondus).

En outre, l’exécutif européen entend faire de l’UE un leader en matière de protection de la biodiversité sur la scène internationale. En matière d’action extérieure, l’UE s’est engagée à intégrer le respect de la biodiversité dans “tous ses engagements bilatéraux ou multilatéraux”.

En décembre 2022, les Nations unies ont adopté un cadre mondial en la matière à l’occasion de la conférence sur la biodiversité (COP15). L’accord, auquel participent l’UE et ses Etats membres, prévoit la protection de 30 % des terres et de 30 % des mers de la planète à échéance 2030. Selon un rapport d’étape de l’IUCN et des Nations unies publié fin octobre 2024, “la superficie des zones protégées et conservées doit presque doubler sur terre et plus que tripler dans les océans” pour atteindre cet objectif.

Les législations encadrant la biodiversité et le réseau Natura 2000

La directive “concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages”, adoptée en 1992 et plus connue sous le nom de directive “Habitats”, instaure des mesures afin de préserver certaines espèces listées, telles que les interdictions de leur commerce, de leur cueillette, de leur capture ou encore de la détérioration de leur environnement (articles 12 et 13).

La directive “concernant la conservation des oiseaux sauvages” - surnommée la directive “Oiseaux” - adoptée en 1979 et révisée en 2009, a pour objet “la protection, la gestion et la régulation” des “espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des Etats membres”. De même que la directive “Habitats”, elle interdit la vente ou la détention d’un certain nombre d’espèces.

Les deux textes sont les principaux instruments législatifs mis en place pour assurer la conservation et l’utilisation durable de la nature dans l’UE. Ces directives encadrent par ailleurs le réseau Natura 2000, créé en 1992. Il s’agit d’un réseau européen qui répertorie des zones de l’UE contenant une faune et une flore dotées d’une grande valeur patrimoniale. Les sites répertoriés sont soumis à des règles précises afin de permettre la conservation d’espèces et d’habitats particulièrement menacés.

Sur un site Natura 2000, les projets d’infrastructures et d’activités humaines sont soumis à une évaluation afin de déterminer s’ils peuvent avoir un impact significatif sur les habitats ou les espèces végétales et animales. Si c’est le cas, ils ne sont pas autorisés.

En 2022, le réseau Natura 2000 regroupait 18,5 % de la surface terrestre du territoire de l’UE et 8,9 % de sa surface marine. Il concernait 231 types d’habitats naturels et 617 espèces d’oiseaux. En France métropolitaine, le réseau Natura 2000 couvre plus de 7,1 millions d’hectares, soit 13 % du territoire terrestre hexagonal. Le territoire français estampillé Natura 2000 est composé de 43 % de forêts, de 29 % de prairies et de landes et de 20 % de zones agricoles.

Les hauts plateaux du Vercors bénéficient par exemple du statut de Zone de protection spéciale (ZPS) défini par Natura 2000. Cette ZPS permet de protéger les landes, pelouses, forêts et habitats rocheux caractéristiques de ces lieux. Le site est géré par des acteurs de terrain, c’est-à-dire les collectivités territoriales, les associations locales, les habitants, les usagers et les entreprises. Le réseau Natura 2000 concerne également 34 % de la surface marine de France métropolitaine. L’estuaire de la Gironde et les pertuis charentais constituent, par exemple, des espaces “Natura 2000”.

Les directives “Oiseaux” et “Habitats” prévoient que les Etats membres rassemblent un certain nombre de données répertoriées par l’Agence européenne de l’environnement concernant la faune et la flore sur leur territoire, de telle sorte qu’une évaluation à l’échelle de l’UE soit rendue possible. Le prochain rapport de la Commission à ce sujet est prévu en 2026.

L’échelle de mesure, définie dans la directive “Habitats”, est la suivante : favorable (l’espèce ou l’habitat est prospère), insuffisante (il est nécessaire de modifier la gestion de l’habitat ou de l’espèce qui risque d’être menacée) ou médiocre (le type d’habitat ou d’espèce court un grave danger d’extinction).

L’Union européenne s’est par ailleurs dotée en 2014 d’un règlement sur la prévention et la gestion des espèces exotiques envahissantes. Il interdit de mettre sur le marché, de conserver, de transporter ou encore de libérer dans l’environnement des spécimens constituant une menace pour la biodiversité. La liste est souvent mise à jour. Elle concerne par exemple l’ailante, un arbre originaire de Chine, ou encore le tamia de Sibérie, un écureuil lui-aussi venu d’Asie.

En parallèle, la directive-cadre sur l’eau encadre son usage, protège les rivières, fleuves et lacs. Elle est destinée à lutter contre la pollution, favoriser la soutenabilité des réserves, mais aussi empêcher la marchandisation de l’eau. Elle découpe le territoire de l’Union en “districts hydrographiques” pour lesquels sont établis des plans de gestion.

Enfin, la directive-cadre stratégie pour le milieu marin s’attache à préserver les écosystèmes marins selon 11 critères précis. Elle constitue donc le pilier environnemental de la politique maritime européenne. Dans ce cadre, la France a par exemple défini des plans d’action pour le milieu marin dans ses quatre régions concernées : le Golfe de Gascogne, la Méditerranée occidentale, la Manche-mer du Nord et les mers celtiques.

Les financements européens en matière de biodiversité

La politique européenne en matière de biodiversité est notamment financée via le programme LIFE et par les fonds structurels européens. Le programme LIFE est passé de 3,5 milliards d’euros pour 2014-2020 à 5,4 milliards entre 2021 et 2027. Il constitue le principal cadre de financement de l’UE pour les politiques liées à l’environnement et au changement climatique. La Commission européenne publie annuellement des appels à projet et subventionne par exemple la préservation des sites et des espèces naturelles.

En 2022, le projet Loire en Forez a par exemple reçu 3,7 millions d’euros du programme Life. Coordonné par le département de la Loire, il vise à restaurer la dynamique naturelle du fleuve sur un tronçon de 30 km en réintroduisant des sédiments, en recréant des habitats ouverts et en restaurant des forêts.

Quel bilan de l’action européenne pour la biodiversité ?

L’année 2020 a été une période charnière pour la politique européenne en matière de biodiversité. Elle marque en effet la transition entre la stratégie 2011-2020 et les nouveaux objectifs annoncés pour 2030. La stratégie 2011-2020 visait :

  • avant 2020 : à “enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques dans l’UE, assurer leur rétablissement dans la mesure du possible et renforcer la contribution de l’UE à la prévention de la perte de biodiversité” ;
  • d’ici 2050 : à protéger, évaluer et rétablir “pour leur valeur intrinsèque” la biodiversité de l’UE et les services écosystémiques qui en découlent.

A l’heure du bilan, le constat est rude : les objectifs sont loin d’être atteints. La Commission européenne l’a elle-même constaté dans son rapport sur l’état de la nature 2020. S’agissant de l’objectif global, à savoir l’enrayement de la perte de la biodiversité, aucun progrès n’avait été constaté. L’état de conservation de 81 % des habitats était alors considéré comme “insuffisant” ou “médiocre”. A l’exception des habitats rocheux, tous les autres accusaient une dégradation de leur état.

S’agissant des espèces “d’intérêt communautaire” couvertes par la directive “Habitats”, 63 % d’entre elles étaient dans un état de conservation jugé “insuffisant” à “médiocre”.

En conclusion, la Commission dresse un bilan négatif de l’évolution de la biodiversité en Europe, malgré quelques satisfactions notables : “des progrès limités ont été accomplis par rapport au niveau de référence de 2010 dans la réalisation des objectifs à l’horizon 2020, sauf dans le cas des espèces autres que les oiseaux, où l’objectif a presque été atteint. La dégradation continue de certains habitats et de certaines espèces l’emporte sur les améliorations”.

S’agissant du réseau Natura 2000, dont dépend étroitement la conservation des habitats et des espèces, la Commission déplorait également que “le potentiel du réseau n’ait pas encore été pleinement réalisé”.

En 2020, le Comité économique et social européen (CESE) enjoignait l’Union européenne à “accroître sensiblement les efforts visant à restaurer les habitats et à lutter contre le déclin des espèces, dû principalement à une mise en œuvre défaillante du cadre juridique et au financement insuffisant des mesures nécessaires.”

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21.11.2024 à 15:36

Infographies : les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne

Arthur Olivier

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Selon des projections de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), l’Union européenne a émis environ 3 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES, en équivalent CO2) en 2023. Les 27 Etats membres ont ainsi réduit de 37 % leurs émissions nettes de GES par rapport à 1990. De 1990 à 2020, l’UE avait réduit de […]

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Texte intégral (2372 mots)

Selon des projections de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), l’Union européenne a émis environ 3 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES, en équivalent CO2) en 2023. Les 27 Etats membres ont ainsi réduit de 37 % leurs émissions nettes de GES par rapport à 1990.

De 1990 à 2020, l’UE avait réduit de 32 % ses émissions de GES, bien au-delà de son objectif de -20 %. Si la baisse observée jusqu’en 2019 était principalement stimulée par des mesures politiques (remplacement du charbon par des sources d’énergie renouvelables ou amélioration de l’efficacité énergétique par exemple), celle de 2020, bien plus importante (-10 % par rapport à 2019), est due en grande partie à la pandémie de Covid-19. Les émissions de GES avaient ensuite connu un rebond de 6 % en 2021 par rapport à 2020, compte tenu de la reprise économique favorisée par la levée des restrictions sanitaires.

En revanche, l’AEE anticipe un retard de l’UE pour 2030 : au rythme actuel, la réduction des émissions atteindrait 43 % à cette date par rapport à celles de 1990. Un chiffre bien en-deçà de l’objectif contraignant de 55 % fixé par l’Union européenne. L’agence précise toutefois que ces estimations sont réalisées avec les mesures politiques déjà appliquées, et ne prennent donc pas en compte les futurs instruments.

L’Union européenne vise également la “neutralité carbone” à l’horizon 2050 : les Vingt-Sept doivent ainsi réduire suffisamment leurs émissions pour qu’elles puissent être absorbées par les puits de carbone (océans, forêts et puits “technologiques”). Les “émissions nettes” prennent en compte la capture du carbone dans ces puits.

Equivalent CO2 ?

Le CO2 reste, de loin, le gaz contribuant le plus aux émissions de gaz à effet de serre. Il représente par exemple 73 % des émissions en France en 2023, contre 17 % pour le méthane.

Au dioxyde de carbone (CO2) s’ajoutent le protoxyde d’azote (N2O), le méthane (CH4) et quatre gaz fluorés. C’est cet ensemble d’émissions que l’on nomme “gaz à effet de serre” (GES). Ceux-ci sont convertis en “équivalent CO2” (CO2e ou CO2eq) pour pouvoir les comparer et mesurer leur impact sur le réchauffement climatique.

Les émissions par Etat membre

Parmi les Vingt-Sept, les contributions sont sans surprise liées au poids économique du pays. Les quatre principaux émetteurs sont l’Allemagne (692 Mt), la France (386 Mt), l’Italie (374 Mt) et la Pologne (364 Mt). L’Espagne arrive en cinquième position avec 285 MtCO2e.

Loin derrière, les Pays-Bas sont responsables de 151 millions de tonnes d’émissions de GES en 2023, soit deux fois plus que l’Autriche (73 Mt). Enfin, les Etats membres qui émettent le moins de gaz à effet de serre sont Chypre (10 Mt), le Luxembourg (8 Mt) et Malte (2 Mt).

Chaque année, les pays industrialisés signataires du protocole de Kyoto (1992) doivent soumettre un inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) auprès de l’ONU, dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Au niveau européen, tous les Etats membres doivent présenter à la Commission européenne leurs projections d’émissions de GES pour les années suivantes, avec des objectifs chiffrés de diminution.

Dans le cadre de l’accord de Paris de 2015, chaque pays est également tenu d’établir, tous les cinq ans, des contributions déterminées au niveau national (CDN) : celles-ci détaillent les efforts de chacun pour réduire ses émissions nationales et s’adapter aux effets du changement climatique. Mais lors de la COP26 de Glasgow, en novembre 2021, ces engagements ont été jugés insuffisants pour atteindre l’objectif d’un réchauffement de la planète limité à 1,5 °C.

Les émissions nationales rapportées à la population

Le classement des plus gros émetteurs européens est totalement différent lorsque l’on rapporte les émissions carbone à la population de chaque Etat membre.

Ainsi le Luxembourg, pays peu émetteur en valeur absolue, est de loin le plus gros émetteur par habitant. En 2021, un citoyen du Grand-Duché émet en moyenne 12,5 tonnes de GES. C’est près du double de la moyenne des Vingt-Sept (7,3 t/hab).

Suivant la même logique, si l’Estonie compte parmi les plus faibles contributeurs en masse annuelle (14 Mt), le pays est le troisième émetteur de l’Union européenne lorsque le chiffre est rapporté à sa population, avec 11,1 tonnes équivalent CO2 par habitant. Le ratio de Chypre (8,4 t/hab) dépasse celui de l’Allemagne (8,3 t/hab).

A l’inverse, l’Italie et la France sont sous la moyenne des émissions par habitant de l’Union européenne alors qu’elles participent largement aux émissions européennes de gaz à effet de serre en masse totale. Avec 6,4 tonnes par habitant en 2023, l’Italie devance la France (5,8 t/hab).

Les approches comparant les émissions totales ou par habitant sur le territoire ont leurs limites. Contrairement à elles, l’empreinte carbone prend en compte toute la consommation des ménages, même les produits importés.

Ainsi en 2022, là où la France émettait 5,8 tonnes de gaz à effet de serre par habitant dans les chiffres utilisés ici (émissions sur le territoire), un Français avait en moyenne une empreinte carbone de 9,2 tonnes équivalent CO2 (hors gaz fluorés, INSEE).

Les émissions par secteur d’activités

Quelles sont les activités les plus émettrices dans l’Union européenne ? Selon Eurostat, trois quarts des émissions de gaz à effet de serre sont dus à la combustion de carburants.

Celle-ci entre en compte dans la production d’électricité, de chaleur et d’autres combustibles dérivés (24,9 %), le transport de marchandises et de personnes (26,2 %), l’électricité et la chaleur utilisées par les ménages, les commerces et les institutions (13,8 %) ou encore par les entreprises pour produire des biens ou construire des bâtiments et des infrastructures (11,3 %). L’agriculture, la pêche et l’exploitation forestière représentent 10,5 % des émissions en 2022, les procédés industriels 8,4 % (fabrication de minéraux comme le ciment, de produits chimiques et de métaux) et la gestion des déchets 3,1 %.

En France, les transports sont le premier secteur consommateur d’énergie avec 43,4 millions de tonnes d’équivalent pétrole, soit un tiers du total national en 2023 selon l’INSEE. Ils représentent environ 30 % des émissions françaises.

Au sein de l’Union européenne, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué dans tous les secteurs sauf un : celui des transports, qui accuse une hausse 19 % entre 1990 et 2023.

La diminution des émissions provenant de l’industrie est liée aux efforts de ces acteurs mais également à une “pollution exportée”, conséquence de délocalisations et d’un recours plus important aux importations depuis d’autres continents. La pollution engendrée par les Etats membres hors du territoire européen n’est donc pas prise en compte dans ce bilan carbone de l’industrie européenne.

Cela explique en partie que le calcul de l’empreinte carbone, qui intègre la consommation des foyers et donc l’impact environnemental de la consommation de biens importés, donne un chiffre supérieur à celui constaté en prenant uniquement en compte les émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national. Les ménages, dont la consommation finale d’énergie a augmenté, ont toutefois réduit leurs émissions de GES (hors transport) en raison d’un recours bien plus important aux énergies renouvelables et d’une baisse de l’utilisation des combustibles fossiles, selon Eurostat.

Tous les secteurs n’émettent pas les mêmes GES. Ainsi, les exploitations agricoles sont plutôt la cause d’émissions de méthane (CH4), là où les transports émettent essentiellement du dioxyde de carbone (CO2).

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